Centrale nucléaire de Taishan

La centrale nucléaire de Taishan (chinois simplifié : 台山核电站 ; pinyin : Táishān Hédiànzhàn) est une centrale nucléaire chinoise située dans le district de Taishan (canton de Chixi 赤 溪镇), sur la côte de la mer de Chine méridionale, à 50 km au sud de la ville de Taicheng, à 120 km au sud-ouest de Hong Kong et à 150 km au sud de Canton, dans le Guangdong, la province la plus peuplée de la République populaire de Chine.

Projet

Le contrat de construction de deux réacteurs nucléaires de type EPR (abrégé CEPR, qui signifie Chinese Evolutionary Power Reactor en Chine[1]) a été signé entre CGNPC et Areva en [2]. Ce projet est dirigé par Taishan Nuclear Power Joint Venture Company Limited (TNPJVC), une coentreprise qui est détenue à 51 % par China General Nuclear Power Corporation (CGNPC), 19% par Guangdong YUDEAN Group Co., Ltd. (YUDEAN) et à 30 % par Électricité de France (EDF)[3]. Le coût global du projet est d'environ 8 milliards d'euros.

Six unités de production de type CPR1000 devaient initialement être construites sur le site de Taishan. À la suite de la signature du contrat EPR avec Areva, elles ont été délocalisées sur le site de Yangjiang[4].

Les 2 premiers EPR mis en service en 2018 et 2019, constituent la phase 1 du projet Taishan dont le site est prévu pour accueillir au total 6 unités de production dont 2 autres REP[5],[6].

La CGNPC a conclu un contrat avec Areva pour produire le combustible nucléaire de ces réacteurs en Chine. La Chine s'engage donc à acheter 35 % de la production d'Uramin[7].

Caractéristique des réacteurs

Nom du réacteur Capacité [MW] Début constr. 1re réaction en chaîne ou « divergence » Raccord. au réseau Mise en service comm.
Thermique (MWth) Brute (MWe) Nette (MWe)
Taishan-1[8] 4590 1750 1660
Taishan-2[8] 4590 1750 1660

Chantier

Le creusement des fondations a démarré fin . Les deux réacteurs EPR, d'une puissance de 1 660 MWe net chacun, sont en construction respectivement depuis et . La construction de chaque réacteur était prévue pour durer 52 mois[9] (environ 4,5 ans), soit un délai nettement plus rapide et moins coûteux que les deux EPR en construction en Finlande à Olkiluoto et en France à Flamanville.

L'exploitation commerciale initialement annoncée pour 2013[10] était prévue en 2016[11], avec une construction terminée pour fin 2015[12]. Mais à la suite de malfaçons détectées en sur l'acier de la cuve des réacteurs EPR, forgé par Areva, le ministère chinois de l’Environnement a déclaré qu’il attendrait que tous les doutes soient levés sur la sûreté avant de charger les réacteurs EPR en combustible[13].

En , après 88 mois de construction, CGNPC a annoncé un report de la mise en route au second semestre 2017 pour le premier réacteur et au premier semestre 2018 pour le second réacteur[14].

En , la qualité de l'acier des couvercles et fonds de cuve de l'EPR de Taishan fait l'objet des mêmes interrogations que pour le réacteur de Flamanville (concentrations de carbone anormales) car elles ont aussi été forgées à l'usine Areva du Creusot[15]. En , le chantier connaît un nouvel incident de fabrication détecté sur la soudure d’un élément de soutien non porteur du dégazeur du circuit secondaire[16].

En , Emmanuel Macron et Xi Jinping inaugurent une plaque commémorative pour marquer la finalisation du projet[17].

En , la centrale nucléaire de Taishan reçoit du ministère chinois de l'Écologie et de l'Environnement l’autorisation de chargement du combustible[18].

Mise en service

Le , Taishan 1 est le premier réacteur EPR au monde à diverger[19], puis le à 17h59 (heure locale), il est le premier à être couplé au réseau et donc à produire de l'électricité[20],[18]. EDF et CGN annoncent le sa mise en service commercial[21].

Le deuxième réacteur de la centrale de Taishan diverge pour la première fois le [22]. Sa mise en service commercial est déclarée le [23].

La puissance de ces réacteurs (1 750 MW chacun) leur permettra de fournir au réseau électrique chinois jusqu'à 24 TWh d'électricité par an, soit l'équivalent de la consommation annuelle de 5 millions de Chinois. Taishan-1 a produit 12 TWh en 2019, ce qui en fait le réacteur nucléaire le plus productif au monde[24].

Coût et comparaison avec Flamanville

Le rapport de Jean-Martin Folz sur le chantier de Flamanville étudie aussi le déroulement du chantier des deux EPR de Taishan en Chine : ces réacteurs ont été construits en 110 et 113 mois, soit un dépassement de 5 ans du délai initialement annoncé, pour un coût d’environ 95 milliards de RMB (12,2 milliards d'euros), soit 60% de plus que le budget prévu, mais moitié moins cher (par réacteur) que le coût de l'EPR de Flamanville ; ces chantiers démarrés quatre ans après celui d'Olkiluoto et deux ans après celui de Flamanville ont bénéficié du retour d'expérience de ces deux têtes de série ; « la construction simultanée de deux tranches sur le même site a été un véritable atout » et surtout « la construction de centrales nucléaires se poursuit régulièrement en Chine depuis une vingtaine d’années, si bien que le réservoir de compétences disponibles, et en particulier de soudeurs qualifiés, a non seulement été maintenu au fil des années, mais il a été en réalité continûment développé »[25].

Environnement

Selon l'étude d'impact d'Areva, « les travaux touchant la mer pourraient affecter la réserve protégée des dauphins blancs, et des mesures de réduction sont en cours d’étude », mais « les effluents n’auraient pas d’impact remarquable sur les organismes de l’océan dans la mer environnante »[26].

La production de ces deux premiers réacteurs EPR va éviter, chaque année, la libération de 21 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère[27],[28].

Sécurité / sûreté

Le site se trouve au bord de la mer de Chine sur un terrain sujet aux secousses sismiques auxquelles le réacteur EPR est conçu pour résister[29],[30]. Le super typhon Mangkhut a frappé la centrale en septembre 2018 sans dégâts signalés[31],[32].

En 2014, Stéphane Pailler, directeur des relations internationales à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (France) indique qu'il « n’est pas toujours facile de savoir ce qui se passe sur le site de Taishan »[33]. Selon Philippe Jamet, commissaire de l’Autorité de Sûreté Nucléaire : « nous sommes très désireux de collaborer avec l’autorité de sûreté chinoise, qui ne répond pour l’instant ni à nos attentes ni à nos espoirs, une des raisons expliquant la difficulté de nos relations étant que l’autorité chinoise manque de moyens et qu’elle ne sait plus où donner de la tête. Nous ferons néanmoins tout notre possible pour bénéficier du retour d’expérience des Chinois. EDF, de son côté, affirme avoir de meilleures relations avec les constructeurs chinois. »[34]. Ces constats ont été notamment repris par l’agence américaine Bloomberg[35]. Le Président du think tank hongkongais Professional Commons Albert Lai affirme que « Le fonctionnement de l'autorité de sûreté nucléaire chinoise est une totale boîte noire. »[36].

En 2019, le président de l’ASN française précise néanmoins que le niveau d’exigence retenu et atteint pour les centrales de Taishan et d’Olkiluoto est comparable à celui de l’EPR de Flamanville 3[37].

Incident de juin-juillet 2021

Le 14 Juin 2021, selon CNN, une note de Framatome adressée au Département de l'Énergie des États-Unis pour une demande d’assistance technique, fait part d'une fuite qui pourrait mettre en danger la population locale[38]. Les gaines en zircaloy de plusieurs crayons de combustible du réacteur nº1 sont fuitardes et laissent s'échapper dans le circuit primaire du réacteur, des gaz rares dont du krypton et du xénon radioactifs[39].

Selon la directrice générale adjointe de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), « D'après les informations communiquées par EDF, nous ne sommes pas dans une situation accidentelle : les gaz radioactifs identifiés dans l'eau du circuit primaire restent confinés dans ce circuit ou sont extraits et stockés dans des réservoirs prévus à cet effet. Ce seul phénomène ne peut pas conduire à des rejets dans l'environnement ». Elle ajoute que « la détection de gaz rares radioactifs dans le circuit primaire d'un réacteur nucléaire est un événement assez rare mais qui peut survenir. On a déjà eu de tels événements dans nos centrales françaises »[40],[41].

EDF a demandé la tenue d'un conseil d'administration extraordinaire de la coentreprise TNPJVC pour prendre connaissance de tous les faits sur le terrain afin de pouvoir prendre les bonnes décisions[42].

Le 16 juin, un communiqué commun du ministère chinois de l'Environnement et de l'Autorité de sûreté du nucléaire reconnait la hausse de la radioactivité à l'intérieur du réacteur numéro 1, mais dément la présence d'une « fuite » radioactive et le relèvement du plafond de radiations autorisées à proximité de la centrale. Il précise qu'« environ cinq barres de combustibles sont endommagées », sur un total de 60 000 présentes dans le réacteur, soit moins de 0,01 % du total, alors qu'en Chine, la limite réglementaire est fixée à 0,25 %. Selon les autorités chinoises, l'augmentation de la radioactivité dans la centrale se situe « dans la fourchette réglementaire »[43].

La radioactivité relâchée par les crayons fuitards a fait monter la radioactivité à plus de 300 GBq/t d’eau dans le circuit primaire du réacteur nº1 de Taishan. En France dans les années 1970, la valeur de 500 GBq/t pouvait être atteinte mais depuis, la conception des crayons combustibles a été améliorée, et depuis 2009, les réacteurs français sont arrêtés dès que le seuil de 150 GBq/t est atteint[44],[41],[45]. En Chine, ce seuil est de 324 GBq/t[46].

Le 22 juillet 2021, EDF publie un communiqué mettant en garde son partenaire chinois TNPJVC qui exploite la centrale : « Au regard des analyses effectuées, les procédures d'EDF en matière d'exploitation du parc nucléaire français conduiraient EDF, en France, à mettre le réacteur à l'arrêt »[47].

Fin juillet, « après une discussion substantielle entre le personnel technique chinois et français », l’exploitant chinois TNPJVC (70% CGN, 30% EDF), décide de mettre le réacteur à l’arrêt pour identifier et remplacer les éléments combustibles défectueux[48]. Cette décision est essentielle pour EDF qui est le fournisseur du combustible via sa filiale Framatome[49].

Références

  1. (en) « Taishan Nuclear Power Joint Venture Co. - Profile », sur web.archive.org, (consulté le )
  2. « Chine : AREVA et CGNPC signent le plus grand contrat de l’histoire nucléaire civile et s’engagent sur le long terme. AREVA et CNNC renforcent leurs liens. », sur www.sa.areva.com, (consulté le )
  3. « Nucléaire: le premier réacteur EPR au monde a démarré en Chine », sur Le Point, (consulté le )
  4. (en) World nuclear association, « Nuclear Power in China », sur web.archive.org, (consulté le )
  5. « La Chine met en service le premier réacteur EPR au monde », sur Les Echos, (consulté le )
  6. (en) « Taishan nuclear power plant to be one of world's largest - People's Daily Online », sur en.people.cn, (consulté le )
  7. (en) « Nuclear Power in China », sur web.archive.org, (consulté le )
  8. « Framatome - Grands projets - Taishan 1 et 2 », sur www.framatome.com (consulté le )
  9. « En Chine, le chantier de l'EPR avance plus vite que ceux de Flamanville et d'Olkiluoto », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  10. (en-GB) « Finland's Olkiluoto 3 nuclear plant delayed again » La centrale nucléaire finlandaise d'Olkiluoto 3 à nouveau retardée »], BBC News, (lire en ligne, consulté le )
  11. (en) World nuclear association, « Nuclear Power in China » L'énergie nucléaire en Chine »], sur world-nuclear.org, (consulté le )
  12. « EDF-Un des deux EPR de Taishan (Chine) achevé d'ici fin 2015 », sur Investir, (consulté le ) : « Ce sera "en principe à la fin de cette année" pour Taishan 1 et "trois-quatre mois plus tard" pour Taishan 2, a déclaré Hervé Machenaud, directeur de la branche Asie-Pacifique d'EDF, à l'occasion de la visite à Pékin du Premier ministre français Manuel Valls. »
  13. Pauline Chateau, « L'EPR est-il condamné après les nouveaux déboires de Flamanville? », sur lexpress.fr, L'Express, (consulté le ).
  14. (en) « China delays nuclear reactor start again », Mail Online, (lire en ligne, consulté le )
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  16. Par G. Z. Le 13 décembre 2017 à 08h41, « Nucléaire : un équipement « défectueux » sur l’EPR chinois », sur leparisien.fr, (consulté le )
  17. « Xi et Macron célèbrent des progrès conjoints », sur french.china.org.cn, (consulté le )
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  27. « Le premier EPR fonctionnel au monde se trouve à... », sur Batiactu, (consulté le )
  28. « L'exploitation du deuxième EPR de la centrale chinoise de Taishan va débuter », L'Usine nouvelle, (lire en ligne)
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  40. Sharon Wajsbrot, « Nucléaire : « L'EPR de Taishan n'est pas dans une situation accidentelle » », sur Les Echos, (consulté le )
  41. Autorité de Sûreté Nucléaire, « Comportement du combustible dans les réacteurs à eau sous pression », sur www.asn.fr, (consulté le )
  42. Jean-Michel Bezat et Perrine Mouterde, « EDF relativise l’incident survenu à la centrale nucléaire de Taishan en Chine », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  43. Sharon Wajsbrot, « La Chine admet un incident mineur dans la centrale nucléaire de Taishan », sur Les Echos, (consulté le )
  44. Juliette Raynal, « Fuite dans l'EPR chinois : quand Pompili calme les antinucléaires », sur La Tribune, (consulté le )
  45. Erwan Benezet, « Après les fuites radioactives d’un réacteur EPR en Chine, EDF se veut rassurant », sur http://leparisien.fr, (consulté le )
  46. Sûreté nucléaire : EDF tire la sonnette d’alarme sur le réacteur EPR chinois de Taïshan, leparisien, 22 juillet 2021
  47. Pour EDF, un arrêt du réacteur EPR de Taishan s'impose, Les Echos, 22 juillet 2021.
  48. EDF : un réacteur de la centrale nucléaire EPR de Taishan en Chine mis à l’arrêt, capital, 30 juillet 2021
  49. Nucléaire : l'opérateur chinois CGN se résout à arrêter l'EPR de Taishan, Les Échos, 30 juillet 2021.

Voir aussi

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