Caroline Chisholm

Caroline Chisholm (30 mai 1808–25 mars 1877)[1] fut une femme progressiste appartenant au mouvement humaniste de la Grande-Bretagne au XIXe siècle. Elle est surtout connue pour son action envers les immigrés en Australie et, à ce titre, fait partie du calendrier des saints reconnus par l'Église d'Angleterre. L'Église catholique s'intéresse elle aussi à son cas et des pourparlers sont en cours pour qu'elle l'admette dans la communauté de ses propres saints[2].

Pour les articles homonymes, voir Chisholm.
Caroline Chisholm
Caroline Chisholm
Nom de naissance Caroline Elizabeth Jones
Naissance
Wootton, Northamptonshire
Décès
Highgate
Nationalité britannique
Activité principale
Descendants

Biographie

Caroline Chisholm est née à Wootton, près de Northampton, Angleterre, fille de Caroline et William Jones, couple de fermiers prospères. Benjamine d'une nombreuse fratrie, elle fut élevée par une gouvernante férue de français et de mathématiques, et baigna dès son plus jeune âge dans la tradition de la philanthropie[3]. Elle accepta d'épouser à vingt-deux ans le capitaine Archibald Chisholm de la East India Company , mais à la condition qu'elle pût poursuivre ses activités caritatives[4]. Il avait treize ans de plus qu'elle et pratiquait la religion catholique, ce qui a pu inciter son épouse à se convertir peu après son mariage[5]. Quoi qu'il en soit, Il est certain que Caroline Chisholm puisa dans la religion une bonne partie de sa force pour poursuivre son action, que, d'ailleurs, elle dédia à l'Église, dès son arrivée en Australie, devant l'autel de la cathédrale St. Mary de Sydney[3].

Madras (Inde)

En 1832, Archibald Chisholm fut nommé à Madras où Caroline le rejoignit un an plus tard et y fonda la Female School of Industry for the Daughters of European Soldiers ("École des sciences domestiques pour les épouses de militaires européens »)[6]. Elle s'était en effet rendu compte que les épouses et les filles des militaires britanniques vivaient dans une telle misère qu'elles étaient parfois poussées au crime et à la prostitution, ce qui l'incita à faire appel au gouverneur de la province pour obtenir l'aide nécessaire à la fondation de son institution[7]. Dans cet établissement leur fut alors prodigué l'enseignement de la lecture, de l'écriture, du calcul et de la religion, ainsi que l'art de tenir une maison, la cuisine, le ménage et aussi les soins à prodiguer aux jeunes enfants[6]. Au départ de la famille Chisholm, l'école fut reprise par les autorités et devint une institution d'État[5].

Sydney (Nouvelle Galles du Sud)

Les Chisholm se décidèrent à partir pour l'Australie où ils arrivèrent sur l'île d'Émeraude (Emerald Isle) de Sydney en 1838 ; ils s'installèrent à Windsor où Caroline resta avec ses trois fils lorsque son mari fut rappelé au service actif en 1840[5]. Bien que la Nouvelle Galles du Sud connût alors une dépression, la main d'œuvre rurale se faisait rare et les autorités ne prévoyaient rien pour disperser sur les lieux déficitaires la masse des émigrés agglutinés dans Sydney et rongés par le chômage. Caroline Chisholm se porta volontaire pour venir en aide aux passagers de tous les bateaux arrivant d'Europe et devint vite une figure familière des docks de la ville[5], réussissant tant bien que mal à caser des jeunes filles qu'elle accueillait souvent chez elle[4]. En juillet 1841, elle prit contact avec le gouverneur, Sir George Gipps (1791-1847), et son épouse, Lady Gipps[8], puis avec les propriétaires du Sydney Herald, l'un des journaux les plus populaires, pour leur proposer le projet d'une résidence pour femmes immigrées. Les milieux catholiques essayèrent bien de la décourager, mais elle réussit à convaincre le gouverneur de sa bonne volonté désintéressée, si bien qu'on lui alloua de vieilles casernes pour immigrants où elle put installer son refuge, dont les seuls revenus dépendaient des autorités publiques. Bientôt, l'institution accueillait jusqu'à quatre-vingt-seize femmes tout en faisant office de « pôle emploi » gratuit, le seul de toute la région[4].

En effet, le souci de Caroline Chisholm était désormais de répartir les chômeurs vers les zones rurales où ils pouvaient trouver du travail. Des centaines de circulaires portant l'aval de Gipps furent envoyées à tous les responsables locaux et, durant l'année 1842, partout on voyait Caroline sur son cheval blanc, Captain[3]. Bientôt des maisons d'accueil et des agences pour l'emploi furent établies dans une douzaine de centres ruraux, et le refuge de Sydney fut fermé en raison du succès de la ventilation des immigrés[4], environ 14 000, dans les campagnes[9]. Lors de la tenue d'une commission composée de fermiers désabusés, elle proposa un plan pour l'installation des familles sur des terres jouissant d'un bail à long terme ; son optimisme quant à la future prospérité de ces déshérités suscita l'opposition des propriétaires, mais sans se décourager, c'est avec ses propres fonds qu'elle s'occupa ainsi de vingt-trois familles à Shellharbour sur des terres données par Robert Towns. Lors d'une seconde tenue de la commission en 1844, elle présenta les résultats de son expérience, mais son plan fut à nouveau rejeté[3].

Le capitaine Chisholm prit sa retraite de l'armée en 1845 et rejoint l'Australie pour travailler avec son épouse. Sans la moindre reconnaissance officielle, les Chilsholm sillonnèrent la Nouvelle Galles du Sud et recueillirent plus de six-cents témoignages d'immigrés sur leur vie en Australie, ce qui constitua une sorte de bréviaire pour les candidats anglais à l'émigration dans ce pays. À ce stade de son activité, Mrs Chisholm ne s'occupait plus des cas particuliers, mais militait pour de substantielles réformes et pour promouvoir ses propres idées sur la colonisation. En 1846, elle et son mari quittèrent l'Australie à bord du SS Dublin pour retourner en Angleterre ; elle laissait derrière elle une véritable légende[3].

Militantisme en Angleterre

Désormais, le but de Caroline Chisholm était de promouvoir l'immigration en Australie et d'obtenir la modification des lois régissant le départ des familles. Avant leur retour, les Chisholm avaient rassemblés quelque six-cents témoignages en Nouvelle Galles du Sud, dont Caroline publia certains pour donner du poids à ses arguments. Elle fut conviée à s'exprimer devant deux commissions à la Chambre des lords et, surtout grâce au soutien du comte Grey, à l'intention duquel elle avait publié une lettre ouverte intitulée Emigration and Transportation Relatively Considered, et de James Stephen, elle persuada les parlementaires de permettre aux familles d'anciens déportés de pouvoir les rejoindre gratuitement ; c'est ainsi que de nombreuses femmes furent embarquées sur le SS Asia and Waverley et environ soixante-quinze enfants sur le SS Sir Edward Parry. En revanche, elle ne réussit que difficilement, par l'obtention de réformes ponctuelles, à faire évoluer les règles en vigueur pour l'émigration des familles[3].

En 1849, grâce à l'aide de riches Londoniens, en particulier de Wyndham Harding F.R.S.(1817-1855)[10],[11], Caroline Chisholm fonda la Family Colonization Loan Society Association de prêts pour les familles de colons »), destinée à faire des prêts aux émigrants pour la traversée vers l'Australie où des agents chargés de leur procurer du travail et d'encaisser les remboursements. L'Association fut même capable d'armer ses propres bateaux pour le transports des colons. La découverte des mines d'or australiennes ayant donné à l'immigration un véritable renouveau, en 1854, l'association transporta plus de trois mille passagers. Finalement, les efforts de Caroline Chisholm portèrent leurs fruits, puisque le Parlement vota en 1852 une loi réformant les conditions de voyages des migrants[4].

Le capitaine Archibald Chisholm regagna l'Australie en mars 1851 pour exercer bénévolement les fonctions d' « agent colonial »[4] ; restée seule en Angleterre, Caroline y fit de nombreuses tournées, qu'elle poursuivit en France, en Allemagne et en Italie où elle rencontra le pape Pie IX[4]. Après deux années de lutte militante, au cours desquelles sa demeure devint un véritable centre d'information pour les candidats à l'émigration avec une moyenne de cent quarante lettres par jour, Caroline Chisholm, loin d'être rebutée par les lenteurs et la tiédeur des réactions officielles, prit la décision d'agir seule, connaissant parfois des échecs, mais aussi de nombreuses réussites. Si certains de ses plans alarmèrent les squatters australiens, c'est-à-dire les bénéficiaires de terrains appartenant à la couronne pour la pâture des troupeaux, elle réussit à former une commission rassemblant les plus riches marchands de la capitale, et son association, avec Lord Ashley comme président de la maison-mère à Londres, s'étendit en province avec de nombreuses succursales, tandis que ses agents locaux s'établissaient à Adélaïde, Melbourne et Sydney[3].

Mrs Chisholm était désormais l'une des femmes les plus célèbres d'Angleterre et son portrait, peint par Angelo Collen Hayter, fut exposé à la Royal Academy en 1852 ; elle reçut même l'hommage de nombreux poèmes, articles ou dessins gentiment humoristiques. Charles Dickens lui-même, bien que l'ayant brocardée sous les traits de Mrs Jellyby dans La Maison d'Âpre-Vent, lui donna un sérieux coup de pouce en publiant plusieurs articles de 1851 à 1852 vantant les mérites de ses bonnes œuvres dans Household Words[N 1].

Le retour en Australie

Armes de la ville de Victoria.

En 1854, Caroline Chisholm s'embarqua sur le Ballarat et son départ fut non seulement commenté dans la presse, mais donna lieu à une souscription qui rapporta 900 £ à son association. Elle arriva à Port Phillip en juillet, et lors d'un rassemblement de bienvenue, honneur fut rendu à son mari qui, tout seul, avait mis ses plans en œuvre en Australie. Le Conseil législatif de Victoria lui vota 5 000 £ de crédits et 2 500 £ supplémentaires furent reçus à tire privé. C'est uniquement parce que la famille Chisholm était au bout de ses ressources et désirait ouvrir un entrepôt que Caroline accepta ces fonds, mais non sans une certaine réticence[3].

En octobre 1854, Caroline Chisholm se rendit sur les terrains aurifères de Victoria et, lors d'une réunion tenue à Melbourne en novembre, elle proposa la construction d'une chaîne d'abris tout au long des chemins menant aux mines. Avec l'aide parcimonieuse de fonds publics, dix abris furent érigés avant la fin de 1855. De plus, elle continua à militer pour le déblocage des terres. En 1857, cependant, atteinte par une maladie rénale, elle dut se replier sur Kyneton où son mari Archibald, qui avait été promu commandant au titre de la réserve, devint magistrat tandis que les deux fils furent chargés de gérer l'entrepôt[4]. Caroline dut ensuite se faire soigner à Sydney où elle donna plusieurs conférences sur le sujet des terres de 1859 à 1861. Ses difficultés financières, cependant, l'obligèrent à ouvrir une école de filles à Newton en juillet 1862, établissement qui déménagea ensuite à Tempe[4].

Caroline Chisholm n'aspira jamais à la réussite financière et sociale, et cette indifférence lui valut sans doute la relative obscurité où elle se trouva reléguée pendant ses dernières années en Australie. Cependant, bien que presque oubliée des nouvelles générations, elle eut la joie de voir plusieurs de ses projets visionnaires enfin réalisés[4].

Le retour définitif en Angleterre et la mort

En juin 1866, les Chisholm reprirent le chemin de l'Angleterre où, avec pour toutes ressources une pension de 100 £, ils s'installèrent d'abord à Liverpool, puis dans un misérable logis à Highgate, quartier de Londres du borough de Camden, situé au nord-est d'Hampstead. Mrs Chisholm décéda en août 1877 et son mari la suivit en août de la même année ; tous les deux sont inhumés dans la même tombe au cimetière de Northampton ; la pierre tombale porte l'inscription : « L'amie des émigrants »[4].

Commémoration

Le centre ville et le lac Tuggeranong.

Beaucoup d'établissements scolaires portent, en Angleterre comme en Australie, le nom de Caroline Chisholm[12],[13],[14],[15],[16],[17] ,[18],[19].

À Tuggeranong (ACT), le Département fédéral aux services à la personne (Federal Government Department of Human Services) a pour quartier général un bâtiment connu comme le « CCC », le « Centre Caroline Chisholm ».

Caroline Chisholm a également figuré sur plusieurs timbres et billets de banque australiens[20],[21].

Annexes

Bibliographie

  • (en) E. Mackenzie, The Emigrants' Guide to Australia, Londres, 1853.
  • (en) M. L. Kiddle, Caroline Chisholm, Melbourne, 1957.
  • (en) Judith Iltis, Australian Dictionary of Biography, vol. 1, MUP, , « Caroline Chisholm ».
  • (en) Mary Hoban, Fifty One Pieces Of Wedding Cake. A Biography Of Caroline Chisholm, Lowden, Kilmore Victoria, 1973, 197 p.
  • (en) M. Lake, A. McGrath, et al., "Creating a Nation", Viking, Ringwood, 1994.
  • (en) Susanna De Vries, Strength of spirit: pioneering women of achievement from First Fleet to Federation, Millennium Books, 1995, (ISBN 0-7022-1346-2).
  • (en) Joanna Bogle, Caroline Chisholm, The Emigrants' Friend, Leominster, Herefordshire, Gracewing Fowler Wright Books, 1997, 157 p., (ISBN 0-8524-4205-X).

Notes

  1. On ne sait pas avec exactitude pourquoi Dickens avait pris Caroline Chisholm comme modèle de sa Mrs Jellyby, rien, dans la critique, ne laissant à penser que les neuf petits Chisholm aient été négligés ; à Angela Burdett-Coutts, pourtant, il avait écrit en 1850 qu'il était hanté par le souvenir de sa visite chez elle, et que s'il admirait le travail de la philanthrope, il trouvait que ses enfants étaient mal soignés et que « leur visage sales restent pour moi de permanents compagnons ».

Références

  1. Iltis 1966
  2. « The Age: Chisholm's supporters push for sainthood » (consulté le ).
  3. « Caroline Chisholm » (consulté le ).
  4. Judith Iltis, Chisholm, Caroline (1808–1877), Australian Dictionary of Biography, Volume 1, Melbourne University Press, 1966, p. 221–223.
  5. « Dictionary of Australian Biography :Caroline Chisholm » (consulté le ).
  6. « BBC – Northamptonshire – A Sense Of Place – Northhamptonshire People: Caroline Chisholm » (consulté le ).
  7. « Caroline Chisholm » (consulté le ).
  8. « Sir George Gipps » (consulté le ).
  9. Female Immigration, Considered in a Brief Account of the Sydney Immigrants' Home, Sydney, 1842.
  10. Institute of Civil Engineers, « Minutes of the Proceedings », Volume 15, 1856, p. 97–100.
  11. Caroline Chisolm, Memoirs of Mrs. Caroline Chisolm, 2e éd., Londres, Millington and Co., 1852, p. 139,]
  12. Chisholm Catholic College. Chisholm.wa.edu.au. Consulté le 12 décembre 2013.
  13. Caroline Chisholm College. Carolinechisholm.nsw.edu.au. Consulté le 12 décembre 2013 .
  14. Caroline Chisholm School. Ccs.northants.sch.uk. Consulté le 12 décembre 2013 .
  15. Chisholm College – La Trobe University. Latrobe.edu.au. Consulté le 12 décembre 2013 .
  16. Chisholm Institute of TAFE. Chisholm.vic.edu.au.Consulté le 12 décembre 2013 .
  17. Caroline Chisholm Education Foundation. Carolinechisholm.org.au (2011-08-03). Consulté le 12 décembre 2013 .
  18. Place name search. actpla.act.gov.au
  19. 2007 Election:Profile of the Electoral division of Chisholm. Aec.gov.au (2010-10-07). Consulté le 12 décembre 2013 .
  20. Australian Stamp Bulletin No 277, octobre–décembre 2004, p. 21. Consulté le=12 décembre 2013.
  21. Museum of Australian Currency Notes: Australia's First Decimal Currency Notes. Rba.gov.au (14 février 1966).Consulté le=12 décembre 2013.

Liens externes

Autre source

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