Carnation (art)

La carnation désigne, en peinture la couleur des parties du corps représentées nues, y compris ombres et reflets. « Chair » est synonyme dans ce contexte[1]. L'origine du mot est probablement italienne : carnagione, provenant lui-même de carne qui signifie viande, chair. Utilisé d'abord en peinture pour désigner la représentation de la peau humaine, le mot est passé dans la langue littéraire et aussi dans le domaine héraldique des blasons[2].

Pour les articles homonymes, voir Carnation.

Le mot incarnat, qui à l'origine désignait la couleur chair, a pris en français le sens d'un rouge orangé beaucoup plus vif[3].

Art Byzantin

Roublev, Trinité (1410)

Dans l'art byzantin les corps des ascètes diminués par l'ascèse et même celui du Christ perdent l'aspect naturaliste qui existait dans l'art hellénistique. Ils peuvent alors être représentés nus sans choquer. Mais pour les icônes, les parties les plus importantes sont le visage et les mains. Le visage donne à l'icône son sens théologique. Quand ces icônes sont recouverts d'un oklad ce sont même les seules parties visibles. La couleur de base de la carnation est différentes selon les époques et les écoles. Elle peut être d'un ton marron, proche du vert olive ou aller vers des tons plus chauds, foncés ou clairs comme dans le cas des icônes de Roublev[4].

Peinture européenne classique

Pierre Paul Rubens, Borée enlevant Orithye.

Dans l'art européen, on utilise indifféremment « carnation[5] » et « couleur chair »[6]. Une variété du marbre de Campan est ainsi « couleur de chair[7] ».

Le rendu de la carnation est, dans la peinture européenne depuis la Renaissance, un critère d'appréciation des peintres. La couleur chair est, sauf précision contraire, « un blanc rosé tirant faiblement sur l'orangé[8] ». Le rendu des carnations est le critère principal pour juger des qualités de coloriste d'un artiste[9]. Ainsi dit-on à propos de Rubens « Les carnations de ce Peintre célèbre sont reconnaissables par les tons brillants et les passages fins qu'il y mêle ; mais les carnations de Van Dyck, non moins recommandables, ont plus de vérité[10] ». Rubens peint les sujets masculins d'un brun clair, et les sujets féminins plutôt roses[11]. Très sensible au teint de peau, le critique de l'époque classique traite de farinés les teints trop blancs et qui manquent de nuances[12]. Les chairs ne sont pas d'une couleur uniforme. Elles comportent des passages de tons[13]. Jusqu'au XXe siècle, les amateurs commentent les nuances de la couleur de la chair dans les ombres et les reflets, opposant ces subtilités aux couleurs vives des décors et à la vulgarité des chromos[14].

Cette sensibilité constitue à l'occasion un problème pour la conservation des tableaux, quand l'artiste a obtenu ses couleurs chair en employant des pigments, notamment rouges, insuffisamment stables.

Si, en effet, dès la fin du XVIIe siècle, un traité de peinture donne un procédé pour faire les carnations[15], le choix des pigments et le rendu final, plus rose, plus pâle ou plus orangé, varient d'un siècle, d'un lieu, et probablement d'un atelier à l'autre.

Annexes

Bibliographie

  • Jules Adeline, Lexique des termes d'art, , nouvelle éd. (1re éd. 1884) (lire en ligne), p. 73 « Carnation »
  • Anne Souriau (dir.), Vocabulaire d'esthétique : par Étienne Souriau (1892-1979), Paris, 3, coll. « Quadrige », (1re éd. 1990), 1493 p. (ISBN 978-2-13-057369-2), p. 360 « Chair »

Articles connexes

Références

  1. André Béguin, Dictionnaire technique de la peinture, , p. 146
  2. Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey (collectif), Dictionnaire Le Robert 1998 (ISBN 2 85036 532 7) p. 632
  3. Souriau 2010.
  4. Eglan Sendler, "L'icône image de l'invisible" édition Desclée de Boruwer, 1981 , (ISBN 2 220 02370 2) p. 200 et p. 62
  5. « Terme de peintre » selon Pierre Richelet, Dictionnaire françois, contenant généralement tous les mots tant vieux que nouveaux et plusieurs remarques sur la langue françoise, Amsterdam, J. Elzevir, (lire en ligne), p. 157.
  6. André Félibien, Des principes de l'architecture, de la sculpture, de la peinture et des autres arts qui en dépendent : avec un dictionnaire des termes propres à chacun de ces arts, Paris, 2, (lire en ligne), p. 519.
  7. Félibien 1690, p. 60.
  8. Souriau 2010.
  9. « le mot de Coloris ayant plus de rapport aux carnations qu'à toute autre chose » selon Thomas Corneille, Le Dictionnaire des arts et des sciences de M. D. C. de l'Académie françoise, t. 1, (lire en ligne), p. 245 « Coloris » reprenant Charles-Alphonse Du Fresnoy (trad. Roger de Piles), L'art de peinture, Paris, (lire en ligne), p. 322.
  10. Claude-Henri Watelet, Beaux-arts, t. 1, Panckoucke, coll. « Encyclopédie méthodique », (lire en ligne), p. 97
  11. Béguin 1990, p. 150.
  12. Watelet 1791, p. 287.
  13. Watelet 1791, p. 600-601.
  14. Alfred Binet, « Le mystère de la peinture », L'année psychologique, (lire en ligne).
  15. Bernard Dupuy Du Grez, Traité sur la peinture pour en apprendre la téorie et se perfectionner dans la pratique, Toulouse, (lire en ligne), p. 270.
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