Carl Watson

Carl Watson, né en 1952 dans l’Indiana, est un écrivain et un poète américain. Il vit à New York où il enseigne la littérature, et dans les Catskills.

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Biographie

Les débuts

Carl Watson a grandi[1]dans une banlieue de Chicago, près du lac Michigan, dans le nord-ouest de l’Indiana. Après son cursus scolaire, à la fin des années 60, il va passer une dizaine d’années à sillonner, souvent en auto-stop[réf. nécessaire], les États-Unis. Il réside tour à tour à Portland en Oregon, à New York et à La Nouvelle-Orléans. Il travaille au gré des circonstances dans une aciérie, comme cueilleur de pommes ou marchand de fleurs. Cette instabilité se retrouvera plus tard dans son œuvre, non pas en termes de mode de vie, mais comme principe de dérèglement. Une instabilité qu’il oppose à l’ordonnancement du monde, producteur d’organisation sociale et de raison. Le sang sur la plaine est un piège[2], nouvelle dans laquelle un personnage s’ouvre les veines, zébrure droite et rectiligne que l’auteur associe à une division de territoire ou à un graphique de détérioration progressive, est exemplaire de cette récurrence qui hante l’œuvre de cet écrivain.

Carl Watson part pour l’Europe, séjourne notamment à Paris, poursuit en direction de l’Inde puis de la Thaïlande. Mais plus que ces pérégrinations, ce sont davantage le climat d’errance et l’état d’abandon des personnages de ses livres qui lui vaudront le qualificatif d’”écrivain vagabond”[3]. Le sous-titre en français du premier chapitre de son roman Hôtel des actes irrévocables peut résumer[Selon qui ?] la perception qu’a l’auteur de ces longues traversées à travers l’Amérique : “ Rouler c’est vivre, rouler c’est mourir, s’aveugler c’est pourrir. ”

Premières années d’écriture, le cadastre du malheur

De retour à Chicago en 1976, il s’y installe et commence à écrire ses premières nouvelles, ainsi que des poésies ; un premier recueil de poèmes, Anarcadium Pan[4], paraît en 1985 aux États-Unis. “On faisait si bien les dingues à l’époque, qu’on ne se rendait même pas compte qu’on était mort.” Ainsi décrit-il cette période. Il ne s’agit pas de mort au sens clinique, mais de mort sociale, d’une vie dénuée de sens moral et des valeurs qui président à la société américaine. “Carl Watson se balade en ville (…), dépeint des appartements exigus, des bars où personne ne retire son manteau, des hommes qui boivent les yeux dans le vague, des perdants pas magnifiques du tout. Sous sa plume, la poésie du bitume fonctionne pourtant à plein régime ”, écrit Alexandre Fillon[5] de Livres Hebdo. L’alcool, la drogue, le sexe, souvent en son expression la plus fruste, balisent[Quoi ?] ses récits, les toxiques provoquant dans la tête des personnages des digressions fuyantes. Ainsi dans sa nouvelle L’avenir est une maladie[2] : “… ses pensées pâteuses filant cette trame cauchemardesque vers l’inévitable fosse au terme d’une sinistre équation : Confort + Envie = Mort Imminente.”

Oscillant entre fiction, témoignage et essai critique sur la société américaine, comme autant de changements de focale, ses textes – telle La chambre d’Harry[6], qui sera publiée en 1995 – “ pousse(nt) loin le quadrillage de la démence citadine ” dit Jean-Marc Parisis[7], décrivant un Uptown – un quartier de Chicago – à la façon d’“une cour des Miracles, avec sa populace, ses hôtels-cages, ses immeubles corridors : le cadastre du malheur." Carl Watson produit effectivement une littérature du maillage où la ville, faite de lignes perpétuelles, phagocyte ses personnages en même temps qu’elle les délivre de tout repère – le titre de l’une de ses nouvelles, Le damier des dindons[2], est à cet égard évocateur.

Durant ces années à Chicago, Carl Watson gagne sa vie en rédigeant des annonces publicitaires pour une agence, travaille comme correcteur, parfois comme professeur d’anglais ou ambulancier[1]. En 1988, il part s’installer à New York, dans le Lower East Side, où il vit depuis. À son arrivée, il gagne sa vie en faisant la cuisine dans le restaurant à la clientèle de bourgeois-bohèmes de Brooklyn, The right bank (La rive droite), tout en écrivant des articles dans le Village Voice, puis au New York Press et au Williamsburg Observer – des chroniques culturelles, d’art contemporain notamment.

Une compassion paradoxale

En 1990, son recueil de textes mêlant fictions et essais, Bricolage ex-machina, est publié par une petite maison d’éditions new-yorkaise. Mais c’est en France, en 1995, que sera éditée sa première nouvelle, La chambre d’Harry, en édition bilingue. En 1997, les éditions Gallimard publient son roman Hôtel des actes irrévocables (celui-ci ne sera publié aux États-Unis qu’en 2007). “ L'écriture de Watson trouble notre point de vue. Sa vision tire lentement les larmes à mesure que le lecteur progresse dans le roman. Sensations, illuminations, flashes reviennent au travers de canevas différents, jusqu'à ce que nous nous puissions reconstituer les fragments d'une réalité différente, une autre Amérique à laquelle nous ne sommes pas habitués… ”, écrit à son propos Patrick Amine dans Art Press[8].

Le décor de Hôtel des actes irrévocables est encore le milieu interlope du Uptown Chicago. “ Deux petits voleurs, Jack et Vince – dostoïevskiens dans leur philosophie criminelle, pour qui le vol est l’acte suprême de l'homme – prennent pour victime leur ennemi juré et leur double : Madame Malconfort, une grand-mère satanique, qui peint sur des détritus avec du sang pollué. Carl Watson est un véritable visionnaire et un artiste de lettres, qui se trouve également être un pur plaisir à lire ”, écrit Robert Siegle[9], auteur de Suburban Ambush. Carl Watson manie effectivement avec un brio la thématique de la jouissance du crime et de la rédemption inaccessible. On retrouve dans la tragique obsession de ses personnages, cette part maléfique du tourmenté Raskolnikov, mais aussi cette tension de l’esprit déformé par divers toxiques présente chez d’autres auteurs américains tels que Williams Burroughs, Hubert Selby Jr ou Brion Gysin. “ La littérature a rarement résumé la terreur d'être de façon aussi éclatante ”, dit de lui Thierry Marignac, l’un de ses traducteurs.

Des critiques comme Jean-Marc Parisis voient une filiation avec d’autres prédécesseurs : “ Welcome dans la grande littérature américaine, du côté de Selby pour l'impossible rédemption, de Bukowski pour l'extraction d'or au puits de la misère. ” Pour autant, si l’on retrouve semblables gémonies dans le “ bas-ventre de New York ” d’un Selby ou dans “ la folie ordinaire ” d’un Bukowski, le style de Watson reste d’une pureté classique, d’une densité d’essayiste, “ abondant de péchés, surabondant de grâces ”, précise Parisis à propos du recueil Sous l’empire des oiseaux. Ces “ perdants paranoïaques et clochards cabochards, Watson les traite avec une compassion paradoxale. Son humour capte les sautes d'humeur d'un destin farceur et inscrit Sous l'emprise des oiseaux dans la tradition du meilleur grotesque américain, où la cruauté n'est que l'envers d'une douloureuse tendresse ”, est-il écrit dans Les Inrockuptibles[10].

Sans doute peut-on voir dans la démarche artistique de Carl Watson des rapprochements avec l’univers de bizarrerie et de folie sous-jacente d’un David Lynch. L'une de ses nouvelles, dans laquelle le narrateur harcelé par le télémarketing glisse peu à peu dans une angoisse paranoïaque, jusqu’à ne plus vouloir décrocher son téléphone, ne manque ainsi ni d’ironie ni de climat d’oppression. “ Son art ne se résume pas à ferrailler dans l’ombre avec la grâce, un duel sans fin dans le demi-jour des bouges. Carl Watson sait aussi rompre avec élégance. L’ironie n’est pas absente de ses divagations, et une note sarcastique rythme les envolées ”, renchérit Thierry Marignac.

En France, Hôtel des actes irrévocables sera suivi d’autres traductions, dans l'édition, la presse et des revues littéraires, entre autres À contre-courant rêvent les noyés, ou Sous l’empire des oiseaux, tous publiés aux éditions Vagabonde. Parallèlement à ce travail d’écriture plusieurs fois récompensé, Carl Watson poursuit ses recherches sur les écrits de Henry Darger, artiste d’art brut renommé, enseigne la littérature et donne des conférences dans des universités américaines.

Bibliographie française

  • À contre-courant rêvent les noyés, Vagabonde 2020. (ISBN 978-2-919067-32-9)
  • Hank stone et le cœur de craie, Vagabonde 2015. (ISBN 978-2-919067-20-6)
  • Une vie psychosomatique, Vagabonde 2010. (ISBN 978-2-919067-01-5)
  • Sous l'empire des oiseaux, Vagabonde 2007. (ISBN 9-782951-906334)
  • Hôtel des actes irrévocables, éditions Gallimard, 1997. (ISBN 9-782070-744602)
  • La chambre d'Harry, éditions bilingue, éditions DTV, 1995.

Bibliographie anglophone

  • The Hotel of Irrevocable Acts, a novel, Autonomedia, NYC, Sept 2007.
  • Belle Catastrophe, essays/excerpts, Colophon Press, NYC, 1997.
  • Beneath the Empire of the Birds, short stories. Apathy Press, Baltimore, MD, 1997.
  • Bricolage ex Machina, essays, Lost Modern Press, Brooklyn, NY 1990.
  • Anarcadium Pan, poems, Erie Street Press, Oak Park IL, 1985.

Anthologies

  • Henry Darger, (essay), Prestel Press, NYC, 2009.
  • The Worst Book I Ever Read, (1 short story), Autonomendia, Unbearables Press, NYC, 2009.
  • Up is up, but so is Down: an anthology of Downtown New York Literature, Brandon Stosuy, ed., NYC, NYU Press, 2006.
  • Les Hommes en cage, essay, La Nouvelle Revue française, Paris France, avril, 2006, N0. 577.
  • Paranoian General, Purple, Paris 2003.
  • Captured: A History of Lower East Side, Film and Video History, NYC, FEVA, 2003.
  • Gorodorong (1 story) Andrei Lebedev Pub., Moscow, Paris, 2003.
  • Queen Mary 2 & Saint-Nazaire, (1 story), MEET, St. Nazaire, France, 2003.
  • L'Ange des éoliennes, revue Les Épisodes, n°11, juillet 2001.
  • The Self-Help Anthology, (1 essay), Autonomedia, Brooklyn, New York, 2001.
  • Thus Spake the Corpse, (1 poem) Black Sparrow Press, décembre, 2000.
  • The Reading Room II, (1 essay) Great Marsh Press, New York, October, 2000.
  • The Reading Room I, (3 chapters) Great Marsh Press, New York, Feb., 2000.
  • Fortunes des regards, (1 Story) Ricard Gallery Press, Paris, France, Fév, 2000.
  • The Outlaw Bible of American Poetry, (1 poem) Thunder’s Mouth Press, 1999.
  • Crimes of the Beats, (1 essay), Autonomedia, April, 1998.
  • Ritual Sex, (2 stories), Rhinoceros Press, Richard Kasek Publications, July 1996.
  • The Unbearables, (1 story), Autonomedia, Brooklyn NY, 1995.

Récompenses

  • The Mellon Dissertation Year Fellowship from the Center for the Humanties NYC, Fall, 2007.
  • Maison des Ecrivains Etrangers et Traducteurs (MEET) Residency, St. Nazaire, France, 2003.
  • The Jerome Lowell DeJur Award in Fiction (for 12 Dreams of Maria Callas), 2002.
  • The Ross Alexander Memorial Award in Drama, 2001.
  • The Meyer Cohen Graduate Essay Award in Literature, 2001.
  • New York Times Fellowship for Graduate Study in the MA Program at City College, 2000.
  • The Ross Alexander Memorial Award in Drama, 1999.

Notes et références

  1. Ces éléments biographiques, ainsi qu'un C.V. complet, sont lisibles sur le site de l'auteur, cf lien texte ci-dessous.
  2. Recueil Sous l'empire des oiseaux, éditions vagabonde, 2007.
  3. Texte de présentation sur la quatrième de couverture de Hôtel des Actes Irrévocables, Gallimard, 1997. Voir aussi les revues de presse française et américaine le concernant dans les liens externes ci-dessous.
  4. Bibliographie sur le site de l'auteur, cf lien texte ci-dessous.
  5. Livres hebdo, 12 janvier 2007.
  6. La chambre d’Harry, une de ses improvisations les plus achevées, a pour thème la recherche en solo du lieu magique de la fiction, dans l’horreur quotidienne des grandes concentrations urbaines, au cœur du “ fantastique social ”. La présence physique marquée de la ville est un trait caractéristique de cet écrivain qui a longtemps résidé à Chicago, une ville qui compte certaines des plus remarquables réalisations architecturales des États-Unis. www.spdbooks.org
  7. Critique de Jean-Marc Parisis, Le Figaro magazine, 15 oct 2007.
  8. Art Press, 2008, voir les revues de presse française et américaine concernant l'auteur dans les liens externes ci-dessous.
  9. www.spdbooks.org/
  10. Mais si aucun enfant de Don Quichotte n'a la moindre chance de sauver pareil ramassis de perdants paranoïaques et de clochards cabochards, Watson les traite avec une compassion paradoxale. Son humour capte les sautes d'humeur d'un destin farceur et inscrit Sous l'emprise des oiseaux dans la tradition du meilleur grotesque américain, où la cruauté n'est que l'envers d'une douloureuse tendresse. Les Inrockuptibles, 06 Fevrier 2007.

Liens externes


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