Bousbir

Bousbir (بوسبير) est une enceinte fortifiée de la ville marocaine de Casablanca, construite pour accueillir le quartier réservé de la ville.

Entrée du Bousbir.

Origine

Quand le Maroc devient un protectorat français par le traité de Fès en 1912, les autorités françaises sont préoccupées par la propagation des infections sexuellement transmissibles, en particulier la syphilis, parmi les troupes stationnées dans le protectorat. Elles mettent alors en place des quartiers réservés et organisent la prostitution en la réglementant et en la réservant à certains secteurs[1],[2].

Construction

Premier Résident général du protectorat, Hubert Lyautey souhaite reconstruire et aménager Casablanca. Pour cela, il engage l'architecte français Henri Prost afin de définir le plan de la nouvelle ville[3].

Prost et ses collaborateurs définissent le plan de la ville de 1917 à 1922. En son sein, Prost inclut un nouveau quartier réservé à l'écart du centre-ville, qui est investi en 1924.

Étymologie

Bousbir est la prononciation locale du prénom de Prosper Ferrieu, un diplomate français à qui appartenait le terrain où le nouveau quartier réservé a été édifié.

Disposition

Le domaine a été bâti dans un style néo-mauresque par l'architecte Edmond Brion qui évoque les représentations orientalistes des visiteurs européens[4]. Sa localisation fait face au bidonville de Ben M’Sik, lui aussi cité dans les guides touristiques, qui comptait plus de 50 000 habitants en 1954[4].

La zone délimitée forme un rectangle de 160 mètres sur 150, ceinturé par un haut mur aveugle. Il n'y a qu'une seule entrée piétonne. Partant de l'entrée, une grande voie conduit à la place principale de 48 mètressur 20[5]. De la rue principale et la place part un labyrinthe de ruelles, dont chacune avait un nom qui indique l'origine prétendue des prostituées, comme la rue Elfassiya, la rue Doukkaliya, la rue Lahriziya, etc.[6]

Bousbir comptait un cinéma, un hammam, des cabarets, des restaurants, des cafés, nombre de boutiques, un poste de police et de gendarmerie, une prison et un dispensaire[4].

Période d'activité : 1924-1955

Exemple typique de carte postale représentant une prostituée orientale.

De 450 et 680 prostituées, principalement marocaines, y vivent et y exercent. Elles offrent leurs services sexuels à entre 1000 et 1 500 visiteurs par jour. Certaines sont venues à Bousbir de leur propre volonté, mais environ un tiers ont été amenées après avoir été arrêtées pour prostitution illicite dans d'autres quartiers de la ville. Beaucoup ont contracté des dettes envers la « Madame » qui les loge[4]. L'âge minimum des prostituées était de 12 ans.

Les prostituées devaient se soumettre obligatoirement à des contrôles de santé réguliers et n'étaient autorisées à quitter le Bousbir qu'une fois par semaine, à condition d'avoir obtenu un permis de la police.

Pour le chercheur Jean-François Staszak, la visite du quartier « ne se réduisait pas aux rapports sexuels avec les travailleuses du sexe. On pouvait (aussi) se promener dans les rues en regardant celles-ci racoler les clients, s’arrêter à une terrasse pour profiter de l’animation de la rue et écouter de la musique orientale, assister à une danse du ventre, à un strip-tease et, pour les plus audacieux, à un spectacle pornographique, goûter la cuisine marocaine, admirer l’architecture pittoresque, acheter des objets artisanaux ou des cartes postales », beaucoup de touristes venant plutôt par curiosité sans forcément avoir recours à la prostitution, la clientèle des prostituées étant constituée principalement de marins, de militaires ainsi que de Marocains[4].

Le Bousbir est mentionné dans plusieurs guides touristiques parus durant sa période d'activité[4]. Des cartes postales sont vendues comme souvenirs. Beaucoup de clichés sont dus au photographe de l'armée française Marcelin Flandrin. Il a joué un rôle important dans la création du stéréotype de la « Mauresque » prostituée : jeune, brune, une allure exotique pour l'œil européen, seins nus ou portant des robes ou des caftans. La plupart des photographies sont soigneusement posées et rarement prises sur le vif.

Selon Staszak, Bousbir ne parvint pas à endiguer les maladies vénériennes, n'attirant que 15 % des travailleuses du sexe de Casablanca, alors que le quartier réservé représentait pour certains milieux (religieux, féministes, socialistes et anticolonialistes) un scandale moral et politique, si bien que la Résidence générale le ferma en avril 1955, un an avant l’indépendance du Maroc[4].

Références

  1. (en) Alexander Harries, « Faire le bordel: The Regulation of Urban Prostitution in Morocco », Oxford,
  2. (en) Selling sex in the city : a global history of prostitution, 1600s-2000s, Leiden, BRILL, (ISBN 978-90-04-34624-6, DOI 10.1163/9789004346253, lire en ligne)
  3. (Sub)Urban Sexscapes : Geographies and Regulation of the Sex Industry, Routledge, (lire en ligne)
  4. Jean-François Staszak, « Tourisme et prostitution coloniales : la visite de Bousbir à Casablanca (1924-1955) », sur Via, (consulté le )
  5. Rol-benzaken, « Prostitution Coloniale Française au Maroc », sur Souvenirs et Recit d'une Enfance à Rabat, (consulté le )
  6. Amine Nawny, « Bousbir : Colonie des prostituées d'antan », sur Tibb Magazine, (consulté le )

Voir aussi

Liens internes

Bibliographie

  • Jean Mathieu et P.-H. Maury ; éd. et présenté par Abdelmajid Arrif, Bousbir : la prostitution dans le Maroc colonial : ethnographie d'un quartier réservé, Paris, Fayard,
  • Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch, Dominic Thomas et Christelle Taraud, Sexe, race & colonies : La domination des corps du XVe siècle à nos jours, Paris, La Découverte, , 543 p. (ISBN 978-2-348-03600-2), p. 544
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