Bataille de Muret

La bataille de Muret (en occitan batalha de Murèth) eut lieu le près de Muret, dans la plaine à 25 km au sud de Toulouse dans le cadre de la croisade des albigeois. C'est une bataille importante où se sont affrontés Raymond VI, comte de Toulouse, et ses alliés Raymond-Roger, comte de Foix; Pierre le Catholique, roi d'Aragon, comte de Barcelone et seigneur de Montpellier; et Bernard IV de Comminges, et les troupes croisées commandées par Simon de Montfort[4].

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Bataille de Muret
La bataille de Muret d'après une enluminure du XIVe siècle (Grandes Chroniques de France, BNF, Ms français 2813, fol. 252v.).
Informations générales
Date 12 septembre 1213
Lieu Muret (Haute-Garonne)
Issue Victoire des croisés
Belligérants
Croisés Couronne d'Aragon
Comté de Toulouse
Comté de Foix
Comté de Comminges
Commandants
Simon IV de Montfort
Bouchard de Marly
Guillaume III des Barres
Alain de Roucy
Pierre le Catholique
Raymond VI de Toulouse
Raymond-Roger de Foix
Bernard IV de Comminges
Forces en présence
1 000 à 1 700 hommes
• 270 chevaliers
• 500 à 700 cavaliers
• 300-700 arbalétriers protégeant la ville
4 000 à 22 100 hommes
• 2 000 à 4 000 cavaliers[1]
• 2 000 à 20 000 fantassins
Pertes
8 morts[2]5 000 à 10 000 morts, blessés ou prisonniers[3].

Croisade des albigeois

Batailles

Croisade des barons (1209)
Guerre du Languedoc (1209-1213)
Révolte du Languedoc (1216-1223)
Intervention royale (1226-1229)
Coordonnées 43° 27′ 40″ nord, 1° 19′ 36″ est
Géolocalisation sur la carte : Midi-Pyrénées
Géolocalisation sur la carte : France

Lassé de l'ingérence et des assauts du parti du pape et des croisés, et renforcé par le prestige de la victoire de Las Navas de Tolosa sur les Maures (1212), le roi d'Aragon ose finalement soutenir son allié toulousain, tolérant envers les cathares. Le roi et ses vassaux ou alliés attaquent la forteresse de Muret conquise en 1212 par Simon de Montfort. Celui-ci est en claire infériorité numérique, mais la place tient. Pierre II d'Aragon est tué dans la bataille, son fils est fait prisonnier par les croisés et les milices toulousaines sont massacrées. Simon de Montfort, en gagnant la bataille de Muret, va marquer le prélude de la domination française sur le Languedoc et la fin de l'expansion de la couronne d'Aragon au nord.

Contexte

Plan de la cité de Muret en 1213, œuvre de F. X. Hernández.

Depuis quatre ans, une armée de croisés opère dans les possessions du Sud de la France dans le but d'éradiquer l'hérésie cathare. Après les sièges de Béziers et de Carcassonne (1209), Simon IV de Montfort a accepté de poursuivre la lutte. Il avait d'abord fait la conquête des vicomtés de Raymond-Roger Trencavel, puis s'était attaqué au comte de Toulouse. La croisade tourne rapidement à la guerre de conquête. Le roi Pierre II d'Aragon, également comte de Barcelone et seigneur de Montpellier, était alors suzerain d'un certain nombre de seigneurs languedociens, dont le vicomte Trencavel. Inquiet de la venue de cette croisade qui nuisait à son influence et à ses ambitions, il se propose plusieurs fois en médiateur entre les belligérants, et ne reconnut Simon de Montfort comme vicomte de Carcassonne et de Béziers que du bout des lèvres. Ne voulant pas se brouiller avec l'Église, il ne pouvait pas soutenir militairement le comte de Toulouse.

D'autre part, il était également en lutte contre les Maures d'Espagne, qu'il battit à Las Navas de Tolosa le . Auréolé de ce prestige, il plaide la cause du comte de Toulouse auprès du pape Innocent III, qui décida d'ouvrir le concile de Lavaur. Ce concile n'aboutit pas et, le , le roi d'Aragon prend officiellement Raymond VI, comte de Toulouse, Raymond-Roger, comte de Foix, et Gaston VI, vicomte de Béarn, sous sa protection et reçoit leur hommage.

Philippe II Auguste, roi de France, dont les droits sur le Sud du royaume étaient lésés par cet hommage, voulut envoyer son fils Louis prêter main-forte, mais doit au dernier moment l'envoyer combattre le roi d'Angleterre, ce qui oblige Simon à attendre d'autres contingents de croisés, menés par les évêques d'Orléans et d'Auxerre. Pendant ce temps, le château de Pujols est assiégé puis pris par les Languedociens et les Catalans ; sa garnison est massacrée.

À la fin du mois d'août 1213, Pierre II, qui a fini ses préparatifs, franchit les Pyrénées, rejoint ses nouveaux alliés et commence le 8 septembre le siège de Muret, défendu par une trentaine de chevaliers de Simon. La ville est rapidement prise, mais Pierre II doit modérer l'ardeur de ses soldats qui veulent prendre également le château. Il souhaite que Montfort puisse atteindre et entrer dans le château à la tête de ses troupes pour ensuite mieux le vaincre, et il craignait que si le château était pris avant l'arrivée de Simon de Montfort, ce dernier ne change ses plans.

Effectivement, Simon IV de Montfort qui se trouvait alors à Fanjeaux, lève une troupe de mille cavaliers, arrive à Muret le 11 septembre et entre dans le château.

La bataille

Plan de la bataille de Muret.
La bataille de Muret dans le Llibre dels fets.
Simon IV de Montfort, illustration de 1835.
Carte de la croisade des albigeois à la date de la bataille de Muret en 1213.

Les deux évêques, moins confiants que Simon de Montfort en la victoire, tentent d'entrer en pourparlers avec Pierre d'Aragon pour le convaincre de cesser de soutenir les barons languedociens et gascons. Le roi d'Aragon, croyant déceler dans cette démarche une faiblesse de Montfort, renonce à son premier plan consistant à attendre l'affaiblissement des assiégés dans Muret et décide de livrer bataille le lendemain. Le comte de Toulouse s'y oppose, connaissant le talent stratégique de Simon de Montfort, mais Pierre II le traite de lâche. De son côté, Simon, voyant que les vivres ne lui permettent de tenir que quelques jours, décide également de livrer bataille le lendemain.

Au matin, il sort de la ville avec tous ses chevaliers qui se regroupent dans la plaine à proximité de la porte de Salles. Il répartit ses troupes en trois bataillons de 300 hommes, l'un commandé par Guillaume des Barres, le second par Bouchard de Marly et le troisième par lui-même. Les trois bataillons suivent la Louge vers le sud, évitant les milices toulousaines qui, à défaut de les intercepter, auraient pu sonner l'alarme. Cette manœuvre donne au contraire l'impression d'une fuite. Traversant la rivière plus loin, ils continuent en direction du camp opposé, et rencontrent la cavalerie ennemie à proximité. Le comte de Toulouse, manifestant son opposition, ne prend pas part à la bataille et reste au camp avec ses 900 hommes.

L'armée alliée au comte de Toulouse est composée de deux bataillons, l'un dirigé par le comte de Foix et composé de 200 Aragonais et 400 Fuxéens, l'autre de 700 Aragonais dirigés par Pierre II. Le bataillon de Guillaume des Barres charge aussitôt celui du comte de Foix, qu'il enfonce sans peine et qui reflue sur la ligne de Pierre d'Aragon. C'est alors que la charge de Bouchard de Marly arrive sur le lieu et continue de désorganiser les deux bataillons adverses. La mêlée est violente et tumultueuse. Rapidement deux chevaliers, Alain de Roucy et Florent de Ville, décident de viser la tête de la coalition et tuent un héraut d'armes, qui portait les habits du roi : il était courant qu'un seigneur choisisse avant la bataille d'échanger ses habits avec un de ses chevaliers pour partager la position de ses hommes et ne pas être avantagé par rapport à eux. Cette coutume est très chevaleresque mais catastrophique sur le plan stratégique. Les chevaliers se seraient étonnés que le « tueur des Maures » ait été aussi faible. Les Aragonais crurent alors que leur roi était mort et commençaient à désespérer, c'est pourquoi Pierre II proclama haut et fort qu'il était bien vivant et en pleine forme, et que le tueur de Maures allait leur montrer comment il avait gagné Las Navas de Tolosa. Mais cette bravade lui coûta cher, il se retrouva vite submergé par les croisés et fut tué peu après par un seigneur d'Artois, Alain de Renty. Pendant ce temps, Simon de Monfort et son bataillon effectuaient un mouvement tournant pour attaquer l'ennemi sur son flanc droit.

Raymond VI de Toulouse, constatant la catastrophe des opérations telle qu'il l'avait craint, prit alors la fuite vers Toulouse avec ses 900 hommes, sans combattre. Les survivants des deux premières lignes fuirent alors en direction de la Garonne. Les milices toulousaines, qui n'avaient pas du tout pris part à la bataille et essayaient de s'emparer de la ville et du château ne cessèrent pas leurs assauts pour autant. Les croisés s'attaquèrent alors aux milices toulousaines qui ne s'y attendaient pas et les massacrèrent : la plupart seraient morts sous les coups des croisés ou noyés en essayant d'embarquer précipitamment vers Toulouse. Cet épisode est en tout cas le véritable drame et la grande catastrophe de la croisade des albigeois : la majorité des hommes toulousains en âge de combattre y sont morts. Les Toulousains n'en ont cependant pas tenu pour responsable Raymond VI qui a tenté d'éviter une attaque frontale face à Simon de Montfort, mais bien Pierre II qui s'est révélé trop sûr de lui et très téméraire.

Conséquences

Le fils de Pierre II, Jacques, âgé de six ans, est fait prisonnier. Mais le pape demande à Simon de rendre Jacques d'Aragon à son royaume et impose une trêve, empêchant Simon d'exploiter immédiatement son avantage. Simon de Monfort met Jacques sous la garde de Pierre Nolasque puis les envoie tous deux en Catalogne.

Cette défaite et la mort de Pierre II mettent fin aux velléités d'intervention de la Couronne d'Aragon contre la croisade. Elle renforce indirectement la monarchie capétienne, comme le feront plus directement l'année suivante les deux batailles de la Roche-aux-Moines contre l'Angleterre et Bouvines contre l'Empire germanique. Les comtes de Foix et de Comminges repartent sur leurs terres. Le comte de Toulouse part pour l'Angleterre rencontrer Jean sans Terre[5] et laisse aux consuls de Toulouse le soin de négocier avec les chefs de la croisade.

En 1218, les Toulousains se vengèrent de Simon de Montfort qui mourut écrasé par un boulet lancé par une pierrière lors du siège de la ville.

Discographie

Le jeudi 12 septembre 2013, soit 800 ans jour pour jour après l'évènement, est créé en l'église Saint-Jacques de Muret 1213-Bataille de Muret, épopée lyrique en 5 tableaux du compositeur Patrick Burgan. Cette œuvre, commande de l'ensemble de cuivres anciens « Les sacqueboutiers » de Toulouse, met en présence instruments à vent, percussions et chœur mixte, ainsi que 2 récitants (l'un en langue d'oc, l'autre en français) qui déclament le texte de « La chanson de la croisade albigeoise ». La reprise de cette œuvre dans la grande salle d'Odyssud-Blagnac a fait l'objet d'un disque publié aux éditions Hortus[6].

Notes et références

  1. (en) Ian Heath, Armies of Feudal Europe 1066-1300, p. 63.
  2. Paladilhe, Simon de Montfort et le drame cathare, p. 227.
  3. Pierre des Vaux de Cernay, indique 15 à 20 000, mais ce chiffre est probablement exagéré. L'effectif des milices était essentiellement composé de Toulousains, or Toulouse comptait au maximum 20 000 habitants.
  4. Jordi Bolòs, Diccionari de la Catalunya medieval (ss. VI-XV). Editions 62, Barcelone, Collection El Cangur / Diccionaris, no 284., avril 2000, (ISBN 84-297-4706-0), plana 180.
  5. Jean sans Terre est battu à la Roche-aux-Moines le 2 juillet 1214, et ses alliés le sont à Bouvines le 27 juillet. Il ne pourra pas venir aider Raymond de Toulouse.
  6. « Patrick Burgan : 1213-Bataille de Muret », sur youtube

Annexes

Bibliographie

  • (es) Martín Alvira-Cabrer, El Jueves de Muret. 12 de Septiembre de 1213, Universitat de Barcelona, Barcelone, 2002. (ISBN 84-477-0796-2).
  • (es) Martín Alvira-Cabrer, Muret 1213. La batalla decisiva de la Cruzada contra los Cátaros, Ariel, Barcelone, 2008. (ISBN 978-84-344-5255-8).
  • (es) Martín Alvira Cabrer, « Después de Las Navas de Tolosa y antes de Bouvines : la batalla de Muret (1213) y sus consecuencias », dans 1212-1214 : el trienio que hizo a Europa (XXXVII Semana de estudios Medievales, Estella, 19 a 23 de julio de 2010), Pampelune, Gouvernement de Navarre, direction générale de la Culture, institution Príncipe de Viana, , 429 p. (ISBN 978-84-235-3258-2), p. 85-111.
  • Henri Marie L. Delpech, La bataille de Muret et la tactique de la cavalerie au XIIIe siècle, Chez l'auteur et à la Société pour l'étude des langues romanes, Montpellier 1878, [lire en ligne].
  • Dominique Paladilhe, Simon de Montfort, Librairie Académique Perrin, (réimpr. 1997), 324 p. (ISBN 2-262-01291-1), p. 205-233.

Liens externes

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