Autonomie spéciale de la Sicile

L’autonomie sicilienne est la forme spécifique de gouvernement de la région sicilienne, régie par la loi constitutionnelle 2/1948 [1] (dit « statut spécial »), conformément à l'article 116 de la Constitution italienne. Elle présente les caractéristiques d'une large autonomie législative, administrative et fiscale.

Histoire

L'autonomisme était une réponse pour affaiblir le mouvement séparatiste sicilien, représenté par le Mouvement pour l'indépendance de la Sicile, qui, au lendemain du débarquement allié en , avait émergé pour demander l'indépendance de la Sicile, et qui en 1945 disposait d'une organisation paramilitaire, l'Armée volontaire pour l'indépendance de la Sicile (EVIS) dirigée par Antonio Canepa. L'idée que la Sicile deviendrait le 49e État des États-Unis d'Amérique a disparu presque immédiatement, tout comme celle d'un protectorat anglais. Le MIS a participé aux élections politiques de 1946 pour l' Assemblée constituante, où il a obtenu 4 sièges, élisant, entre autres, Andrea Finocchiaro Aprile et Attilio Castrogiovanni. Le MIS obtient par la suite 9 sièges à l'Assemblée régionale sicilienne en 1947.

L'administration de la Sicile est transmise à l'Italie en et un haut-commissaire pour la Sicile est nommé en mars. Le gouvernement italien crée le une Commission régionale (consulta regionale) qui s'installe en . Ses 36 membres nommés par le gouvernement sur proposition du haut-commissaire, inclus des membres des partis du Comité de libération nationale, des syndicats et du monde de la culture[2]. Les séparatistes refusent d'y participer. La gauche, malgré une tradition centralisatrice, soutient le processus, à l'instar des communistes Palmiro Togliatti et Girolamo Li Causi. La rédaction du statut est confiée à trois professeurs de l'université de Palerme, Franco Restivo, Paolo Ricca Salerno et Giovanni Salemi. Le texte est présenté par Salemi le qui s'articule autour des principes de réparation et d'une large autonomie reprenant l’organisation nationale à l'échelle régionale. La Loggia insiste pour accentuer la dimension réparatrice dans l'article 38. Li Causi obtient que l'article 14 limite la liberté législative au respect de la constitution italienne et des réformes agraires et industrielles. L'autonomie administrative et financière des communes est également accrue dans l'article 15. La commission conclut ses travaux le et adopte le texte par 17 voix contre 12, après les interventions du communiste Li Causi et des démocrates-chrétiens Giuseppe Alessi et Giovanni Guarino Amella[3].

Le statut spécial a été publié par décret royal par le roi Umberto II le [3] (donc avant la Constitution de la République italienne, qui l'a incorporé intégralement à la loi constitutionnelle n° 2 de 1948)[4], et a donné naissance à la Région sicilienne avant même la naissance de la République italienne, première parmi les 5 régions à statut spécial.

Les premières élections à l' Assemblée régionale sicilienne ont eu lieu le et la première session parlementaire a eu lieu le .

Les soixante-dix ans d'autonomie spéciale en Sicile a fait de la politique sicilienne une sorte de «laboratoire politique», et a donné naissance à divers partis autonomistes, dont l'un, le Mouvement pour l'autonomie, a dirigé la Région.

Mais l’implantation des partis de masse, Démocratie chrétienne et Parti communiste, limitent la portée de l'autonomie en dupliquant leurs idées nationales autant que leurs appareils politiques à l'île, qui s’italianise sous le règne de la Démocratie chrétienne[5].

Principes

Selon les principes du Statut autonomiste, la Région a une compétence exclusive dans certains domaines, indiqués à la fois dans la Constitution et dans le Statut lui-même [6] . Tout amendement au Statut nécessitant une loi constitutionnelle, il est soumis à la procédure dite aggravée, c'est-à-dire à une double approbation, à la majorité qualifiée, par les Chambres [7] .

Le nom officiel n'est pas la région Sicile, comme on dit à tort, mais la Région sicilienne, pour des raisons historiques mais aussi par similitude à la République italienne; la Région étant née en tant qu'organe souverain et liée à l'Italie par un traité et des relations potentiellement égales[8]. Cette condition juridique, qui suppose l'usage de l'adjectif après le nom officiel de l'entité, traduit le contexte politique de l'époque considérant l'entité administrative sicilienne comme une source principale de droit.

Compétences exclusives

Selon le statut spécial, la Région a compétence exclusive sur une série de questions, y compris le patrimoine culturel, l'agriculture, la pêche, les autorités locales[9],[10], l'environnement, le tourisme, la police forestière[11]. Les personnels concernés relèvent donc de la Région et non de l’État.

En matière fiscale, l'ensemble des taxes perçues en Sicile sont destinées à l'île [12] . Conformément aux articles 36 et suivants de son statut (loi constitutionnelle n ° 2 du ), la région sicilienne dispose d'une totale autonomie financière et fiscale[13] .

Chaque année, l'État italien serait tenu de fournir une somme à établir par un plan quinquennal, provenant des fonds publics des autres régions pour financer la Sicile, comme établi par l'art. 38 du statut de la région sicilienne .

  1. L’État versera annuellement à la Région, à titre de solidarité nationale, une somme destinée à être utilisée, sur la base d'un plan économique, pour l'exécution des travaux publics.
  2. Cette somme tendra à équilibrer le montant le plus faible des revenus du travail dans la région par rapport à la moyenne nationale.
  3. Une revue quinquennale de cette mission sera effectuée en référence aux modifications des données supposées pour le calcul précédent.

L'article 37 du Statut de la Région sicilienne stipule que :

  1. Pour les entreprises industrielles et commerciales, ayant leur siège principal hors de Sicile, mais qui y possèdent des établissements, la part des revenus à attribuer à ces implantations est déterminée dans l'évaluation des revenus.
  2. La taxe relative à ce quota est à la charge de la Région et est perçue par les organismes de perception de celle-ci.

Bien qu'en théorie toutes les taxes perçues en Sicile devraient rester sur l'île, en pratique, aujourd'hui, les articles 36, 37 et 38 restent largement inapplicables, entraînant la perte de plusieurs milliards d'euros de revenus pour les caisses de la région sicilienne [14] .

Organes

Comme prévu par le statut, le pouvoir législatif relève de l'Assemblée régionale sicilienne, le pouvoir exécutif du président de la région sicilienne et du conseil régional, composé de 12 conseillers régionaux, qui depuis 2001 ne peuvent même pas être députés à l'ARS. Depuis le , il y a eu quinze législatures, d'une durée initiale de quatre ans, puis de 5 ans depuis 1971.

L' Assemblée régionale sicilienne a été élue pour la première fois en mai 1947 . Depuis 2017, elle est formé de soixante-dix députés élus au suffrage universel direct (contre 90 auparavant) [15] . Elle siège à Palerme, dans le Palais des Normands . Le parlement sicilien, né en 1130, est considéré comme le plus ancien d'Europe [16] .

Depuis 2001, le Président de la Région n'est plus élu par l'assemblée régionale, mais directement par les électeurs. Le président du 59e conseil régional, entré en fonction le , est Nello Musumeci, candidat de centre-droit. La présidence de la Région est basée à Palerme, dans le Palais d'Orléans .

À l'origine, l'article 25 du Statut prévoyait également une Haute Cour dotée de pouvoirs juridictionnels, pour juger la constitutionnalité des lois régionales et des lois et règlements nationaux au regard du Statut, mais en 1957, la Cour constitutionnelle l'a déclaré caduque et les compétences absorbées par celle-ci [17] .

Jusqu'en 2014, le Commissariat d'État pour la région sicilienne exerçait un contrôle préventif sur la légalité constitutionnelle des lois de l'Assemblée régionale. Par l'arrêt no 255 du de la Cour constitutionnelle, cette fonction a été supprimée en raison de l'extension à la région sicilienne du contrôle a posteriori, prévu par l'article 127 de la Constitution pour les Régions à statut ordinaire.

En Sicile, il existe également le Conseil de la justice administrative [18] (CGA) qui occupe localement les fonctions du Conseil d'État, ainsi que les sections autonomes de la Cour des comptes, juridictionnelle et d'appel.

Commission mixte paritaire

Certaines prérogatives statutaires ne sont pas appliquées à ce jour, faute de règlement d'exécution correspondant du statut, qui doit être émis par la Commission paritaire État-Région [19] .

Organe prévu par l'article 43 du Statut, elle est composée de 2 membres nommés par le Conseil des ministres et 2 par le Conseil régional [20], et édicte les décrets d'application des dispositions statutaires.

Liens externes

Notes et références

  1. à partir du décret royal no 455 du 15 mai 1946
  2. Les membres sont : Domenico Albergo (PSI), Giuseppe Alessi (DC), Fabrizio Alliata di Pietratagliata, Camillo Ausiello Orlando (DL), Giovanni Baviera, Giovanni Buonasera, Giovanni Cartia (PSI), Giuseppe Cascio Rocca, Gino Colaianni, Pasquale Cortese (DC), Eugenio Di Carlo, Giovan Battista Fanales (PCI), Giuseppe Faranda, Emanuele Giaracà (PLI), Liborio Giuffré, Roberto Giuffrida (DL), Giovanno Guarino Amella, Enrico La Loggia, Girolamo Li Causi (PCI), Giovanni Lo Monte (PLI), Dante Maiorana (PLI), Pietro Mancuso fu Vicenzo, Francesco Manzo (PdA), Alberto Marino, Alfredo Mauceri, Virgilio Nasi (DL), Carlo Orlando, Carmelo Patané, Vincenzo Purpura (PdA), Antonio Ramirez (PdA), Giuseppe Romano Battaglia, Attilio Salvatore (DC), Matteo Scuderi, Cesare Sessa (PCI), Francesco Taormina (PSI), Gaetano Vigo (DC).
  3. Jean-Yves Frétigné, Histoire de la Sicile : des origines à nos jours, Paris, Fayard/ Pluriel, 2018 (ISBN 978-2-818-50558-8), p. 416-420.
  4. « Consulta Online - Statuto della Regione Sicilia (legge costituzionale n. 2 del 1948) », sur www.giurcost.org (consulté le )
  5. Paolo Viola, Giovanna Fiume, Alfio Mastropaolo et Laura Azzolina, « Deux siècles de politique en Sicile », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest. Anjou. Maine. Poitou-Charente. Touraine, nos 111-4, , p. 117–139 (ISSN 0399-0826, DOI 10.4000/abpo.1182, lire en ligne, consulté le )
  6. Mangiameli, Stelio. 2001. Ancora una prova per l'autonomia speciale siciliana. n.p.: Società editrice il Mulino, 2001.
  7. Ruggeri, A. (1997). L'autonomia legislativa della Regione siciliana, dal modello studiato alle prospettive di riforma. Società editrice il Mulino.
  8. « Nome della Regione Siciliana. » [archive du 9 agosto 2014]
  9. Compresa la disciplina delle elezioni dei relativi organi collegiali: v. ((https://www.academia.edu/2420567/Sulla_legge_elettorale_siciliana)).
  10. Pour les dernières lois édictées sur la composition des organes élus des collectivités locales, v. Giampiero Buonomo, Amministrative, in Sicilia regole nuove dal 2012, in Guida agli enti locali, n. 18/2011 e Enti locali: le incompatibilità di Sicilia. Comune o Regione, così scatta l'aut aut, in Diritto e giustizia, 28 gennaio 2006.
  11. Lo statuto autonomistico
  12. Cuva, Angelo. 1999. L'autonomia finanziaria della Regione Siciliana : i limiti e le ipotesi di riforma. n.p.: Palermo, 1999.
  13. Cultrera, R., L'autonomia siciliana, studi economici. Palermo, Industrie riunite Editoriali siciliane, 1947.
  14. Oddo, G., « La Sicilia dà allo Stato più di quanto riceve », L'Espresso,
  15. http://www.normattiva.it/atto/caricaDettaglioAtto?atto.dataPubblicazioneGazzetta=2013-02-18&atto.codiceRedazionale=13G00050
  16. Storia del Parlamento - Il Parlamento
  17. « Sentenza n. 38 del 1957 », sur www.giurcost.org (consulté le )
  18. « Il CGA » [archive du 19 gennaio 2012]
  19. « Composizione della commissione »,
  20. « pag. 3 » [archive du 19 gennaio 2012]
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