Attentat de la gare de Bologne

L'attentat de la gare de Bologne (connu en Italie sous l'appellation de la strage di Bologna, soit le massacre de Bologne) est « l'une des plus importantes attaques terroristes que l'Europe a eu à subir au cours du XXe siècle et la plus meurtrière des années de plomb italiennes. L'attentat fit 85 morts et blessa plus de 200 personnes dans la gare de Bologne le , à 10 h 25. Des membres d'un groupe d'extrême droite furent condamnés pour l'attentat, bien que le groupe ait nié toute implication, tandis que le grand-maître de la loge maçonnique Propaganda Due et deux officiers des services secrets militaires italiens furent condamnés pour entrave à l'enquête.

Attentat de la gare de Bologne

La gare de Bologne après l'explosion de la bombe.

Localisation Bologne (Italie)
Cible Civils
Coordonnées 44° 30′ 21″ nord, 11° 20′ 32″ est
Date
Type Attentat à la bombe
Morts 85
Blessés 200
Auteurs Valerio Fioravanti, Francesca Mambro et Luigi Ciavardini
Organisations Noyaux armés révolutionnaires
Mouvance Terrorisme néofasciste
Géolocalisation sur la carte : Italie

Attentat

Le , à 10 h 25, à la gare de Bologne, une bombe posée dans la salle d'attente explose. Elle tue 85 personnes et en blesse plus de 200, arrivant ou partant de la gare pour les vacances d'été.

La gare est presque complètement détruite. L'explosion est si violente qu'un train en partance pour Chiasso situé sur la voie 1 à côté de la salle d'attente est renversé et partiellement détruit.

Enquête et procès

Dans les heures qui suivent, la police sous la pression du gouvernement de Francesco Cossiga et relayée par la plupart des médias de masse avance comme explication l'explosion accidentelle d'une vieille chaudière dans le sous-sol de la gare mais les investigations matérielles faites sur place démentent cette hypothèse et dès lors la thèse de l'attentat terroriste est retenue.

Les fausses pistes se comptent par dizaines, mais l'enquête s'oriente vers les milieux d'extrême-droite néo-fascistes et le le procureur de Bologne délivre une vingtaine de mandats d'arrêt contre des militants du NAR (Nuclei armati rivoluzionari ou Noyaux armés révolutionnaires) parmi lesquels figurent Massimo Morsello et Roberto Fiore. Trois heures après l'attentat, les Carabinieri avaient reçu un coup de téléphone anonyme d'un homme se revendiquant des NAR, et disant défendre l'honneur de Mario Tuti (it), fondateur du Front national révolutionnaire, emprisonné[1].

Le général Pietro Musumeci, no 2 du SISMI, qui s'est révélé en 1981 être un membre de la loge maçonnique Propaganda Due (P2), est accusé d'avoir créé des fausses preuves pour charger Roberto Fiore et Gabriele Adinolfi, deux leaders de Terza Posizione, un groupe nationaliste, qui avaient fui en exil à Londres. Les deux leaders de Terza Posizione affirmaient que Musumeci tentait de détourner les soupçons portés sur Licio Gelli, le chef de la P2.

L'enquête dura presque quinze ans et c'est seulement grâce à l'action des familles des victimes que le procès put aller à son terme. Après plusieurs procès les juges désignent pour coupables trois membres du NAR déjà condamnés pour d'autres actions meurtrières, Valerio Fioravanti, Francesca Mambro et Luigi Ciavardini[2]. Quand il fut prouvé que ce dernier n'était pas sur place, Ciavardini fut présenté comme le commanditaire, à 17 ans, d'un acte qui aurait été commis par son chef[2]. On choisit en revanche d'ignorer la présence à Bologne ce jour-là de deux membres du groupe Carlos, Thomas Kramm, expert en explosifs, et Christa-Margot Fröhlich, ainsi que du membre des Brigades rouges Francesco Marra[2]. Cette piste est à nouveau évoquée en juillet 2014[3].

Le , la Cour de cassation a publié les sentences suivantes :

Pazienza, chef du Super-SISMI en 1980, était notamment accusé, avec le général Musumeci, d'avoir placé, en janvier 1981, une valise d'explosifs dans le train Tarente-Milan du même type que celle utilisée dans la gare de Bologne, afin d'égarer les pistes[4].

Dans son arrêt du , la Cour de cassation révèle :

« l'existence d'une vaste association subversive composée, d'une part, par des éléments provenant des mouvements néo-fascistes dissous, tels Paolo Signorelli, Massimiliano Fachini, Stefano Delle Chiaie, Adriano Tilgher, Maurizio Giorgi, Marco Ballan, […] et d'autre part, par Licio Gelli, le chef de la loge P2, Francesco Pazienza, le collaborateur du directeur général du service de renseignement militaire SISMI, et deux autres officiers du service, le général Pietro Musumeci et le colonel Giuseppe Belmonte. On leur attribuait […] d'un côté de vouloir subvertir les équilibres politiques constitutionnels, pour consolider les forces hostiles à la démocratie, et de l'autre […] de favoriser les auteurs d'entreprises terroristes qui pouvaient s'inscrire dans leurs plans[5]. »

Le , la cour d'assises de Bologne a émis de nouvelles condamnations : 9 ans de prison pour Massimo Carminati, extrémiste de droite, et quatre ans et demi pour Federigo Mannucci Benincasa, ancien directeur du SISMI à Florence, et Ivano Bongiovanni, criminel de droit commun lié à la droite extra-parlementaire. Le dernier accusé est Luigi Ciavardini, condamné à 30 ans, confirmant la condamnation de 2007. Il continue aussi à plaider non coupable.

Le , quelques minutes avant 16 heures, la sentence a été prononcée par le tribunal de Bologne : emprisonnement à vie pour Gilberto Cavallini, ancien terroriste fasciste du Nar, Cavallini, 67 ans, a été accusé de conspiration en vue de commettre un attentat. Selon le ministère public de Bologne, il a fourni un soutien logistique aux auteurs matériels de l'attentat du [6].

Selon l’hebdomadaire italien Expresso en décembre 2020, le financement de l'attentat a été effectué via des comptes suisses par un montant de cinq millions de dollars américains volé à la Banco Ambrosiano mise en faillite par le banquier Roberto Calvi[7].

Horloge de la gare bloquée à 10 h 25, heure de l'attentat.

Les instigateurs du massacre restent inconnus.

Le 2 août est considéré en Italie comme la journée de la mémoire de tous les massacres terroristes. La reconstruction de la gare a préservé le trou causé par l'explosion dans la salle d'attente et même l'horloge, qui indique encore 10 h 25.

Controverses

Francesco Cossiga, le chef du gouvernement de l'époque, a adressé en 2004 une lettre à Enzo Fragala, chef de l'Alliance nationale de la commission Mitrokhine, dans laquelle il soupçonnait le Front populaire pour la libération de la Palestine d'en être les auteurs, thèse vaguement confortée par le fait que le préfet Gaspare de Francisci, chef de l'anti-terrorisme, avait trois semaines avant l'attentat fait part de ses craintes à la suite des pressions du FPLP sur les autorités italiennes pour obtenir la libération d'Abu Anzeh Saleh emprisonné à la prison de Trani[réf. nécessaire]. À la même période, les magistrats français découvrent dans les papiers de Mourkabal Michel Walid, bras droit de Carlos, une adresse à Bologne avec une instruction pour y entreposer grenades, dynamite, détonateurs et mécanismes d'horlogerie[8]. Dans un entretien au journal Corriere della sera en 2008, Cossiga réaffirme que le terrorisme noir n'est pour rien dans l'attentat et qu'il croit fermement à l'innocence de Francesca Mambro et Giuseppe Valerio Fioravanti[9]. Cette thèse « palestinienne » a été alimentée par le gouvernement de Silvio Berlusconi en raison des accusations portant sur Licio Gelli, l'un de ses proches[10]. La thèse palestinienne est réfutée par Paolo Bolognese, président de l'association des victimes de l'attentat de Bologne : « Actuellement, il n'y a rien qui puisse me faire changer d'avis concernant le terrorisme fasciste de Valerio Fioravanti et Francesca Mambro »[11].

Aucun membre du gouvernement de Silvio Berlusconi ne s'est déplacé pour assister à la cérémonie commémorant les 30 ans de l'attentat de Bologne, suscitant une nouvelle controverse médiatique[12].

Hommage aux victimes

Stèle de l'UNESCO.

Liste nominative et âge des victimes[13]

  • Antonella Ceci, 19
  • Angela Marino, 23
  • Leo Luca Marino, 24
  • Domenica Marino, 26
  • Errica Frigerio, 57
  • Vito Diomede Fresa, 62
  • Cesare Francesco Diomede Fresa, 14
  • Anna Maria Bosio, 28
  • Carlo Mauri, 32
  • Luca Mauri, 6
  • Eckhardt Mader, 14
  • Margret Rohrs, 39
  • Kai Mader, 8
  • Sonia Burri, 7
  • Patrizia Messineo, 18
  • Silvana Serravalli, 34
  • Manuela Gallon, 11
  • Natalia Agostini, 40
  • Marina Antonella Trolese, 16
  • Anna Maria Salvagnini, 51
  • Roberto De Marchi, 21
  • Elisabetta Manea, 60
  • Eleonora Geraci, 46
  • Vittorio Vaccaro, 24
  • Velia Carli, 50
  • Salvatore Lauro, 57
  • Paolo Zecchi, 23
  • Viviana Bugamelli, 23
  • Catherine Helen Mitchell, 22
  • John Andrew Kolpinski, 22
  • Angela Fresu, 3
  • Maria Fresu, 24
  • Loredana Molina, 44
  • Angelica Tarsi, 72
  • Katia Bertasi, 34
  • Mirella Fornasari, 36
  • Euridia Bergianti, 49
  • Nilla Natali, 25
  • Franca Dall'Olio, 20
  • Rita Verde, 23
  • Flavia Casadei, 18
  • Giuseppe Patruno, 18
  • Rossella Marceddu, 19
  • Davide Caprioli, 20
  • Vito Ales, 20
  • Iwao Sekiguchi, 20
  • Brigitte Drouhard, 21
  • Roberto Procelli, 21
  • Mauro Alganon, 22
  • Maria Angela Marangon, 22
  • Verdiana Bivona, 22
  • Francisco Gómez Martínez, 23
  • Mauro Di Vittorio, 24
  • Sergio Secci, 24
  • Roberto Gaiola, 25
  • Angelo Priore, 26
  • Onofrio Zappalà, 27
  • Pio Carmine Remollino, 31
  • Gaetano Roda, 31
  • Antonino Di Paola, 32
  • Mirco Castellaro, 33
  • Nazzareno Basso, 33
  • Vincenzo Petteni, 34
  • Salvatore Seminara, 34
  • Carla Gozzi, 36
  • Umberto Lugli, 38
  • Fausto Venturi, 38
  • Argeo Bonora, 42
  • Francesco Betti, 44
  • Mario Sica, 44
  • Pier Francesco Laurenti, 44
  • Paolino Bianchi, 50
  • Vincenzina Sala, 50
  • Berta Ebner, 50
  • Vincenzo Lanconelli, 51
  • Lina Ferretti, 53
  • Romeo Ruozi, 54
  • Amorveno Marzagalli, 54
  • Antonio Francesco Lascala, 56
  • Rosina Barbaro, 58
  • Irene Breton, 61
  • Pietro Galassi, 66
  • Lidia Olla, 67
  • Maria Idria Avati, 80
  • Antonio Montanari, 86

Notes et références

Références

  1. Thierry Vareilles, Encyclopédie du terrorisme international, Harmattan, , p. 308.
  2. Gabriele Adinolfi, « L'Italie des années de plomb », La Nouvelle Revue d'histoire, Hors-Série, n°13H, Automne-Hiver 2016, p. 45-49..
  3. (it) « Dalla bomba alle condanne, le tappe della strage alla stazione di Bologna », sur bologna.repubblica.it;
  4. (it) Milena Gabalenni, « "Io, Gelli e la strage di Bologna" Ecco le verità della super-spia », La Repubblica, (lire en ligne).
  5. Document disponible en intégralité sur le site de l'association des familles des victimes de l'attentat de la gare de Bologne le 2 août 1980 [lire en ligne] [lire en ligne].
  6. (it) Giuseppe Baldessarro, « Strage di Bologna, ergastolo a Gilberto Cavallini », sur la Repubblica, Repubblica, (consulté le ).
  7. https://www.swissinfo.ch/fre/economie/le-financement-de-l-attentat-de-bologne-m%C3%A8ne-%C3%A0-la-suisse/46240866.
  8. (it) « Il giallo della strage di Bologna. Ecco le prove della pista araba », Il Giornale, 22 octobre 2007.
  9. (it) « Cossiga compie 80 anni: Moro? | Sapevo di averlo condannato a morte », Corriere della Sera, 8 juillet 2008.
  10. ARTE Thema du 1er février 2011.
  11. (it) « Svolta sulla strage del Due Agosto Indagati due terroristi tedeschi », La Repubblica, 19 août 2011.
  12. (it) « Strage alla stazione di Bologna | Valzer di polemiche durato trentun anni », il Fatto Quotidiano, 1er août 2011.
  13. Sur le site de l'association Stragi.it

Annexes

Bibliographie

  • (it) Antonella Beccaria, Riccardo Lenzi, Schegge contro la democrazia. 2 agosto 1980: le ragioni di una strage nei più recenti atti giudiziari . Socialmente Editore, 2010
  • (it) Carlo Lucarelli, La strage di Bologna in Nuovi misteri d'Italia. I casi di Blu Notte. Torino, Einaudi, 2004. pp. 190 – 213. (ISBN 978-88-06-16740-0).
  • (it) Alex Boschetti e Anna Ciammitti, La strage di Bologna, fumetto con prefazione di Carlo Lucarelli. Casa éditrice Becco Giallo.
  • (it) Andrea Colombo (giornalista)|Andrea Colombo, Storia nera. Bologna, la verità di Francesca Mambro e Valerio Fioravanti, 2007, Cairo publishing.
  • (it) Biblioteca di Repubblica: La storia d'Italia, Vol. 23, Dagli anni di piombo agli anni 80, Torino, 2005.
  • (it) Patrick Fogli Il tempo infranto, Romanzo, Milano, Piemme, 2010.
  • (it) Valerio Cutonilli Strage all'italiana, Edizioni Trecento, 2007.
  • (it) Marino Valentini Il patto tradito, Chiaredizioni, 2019.
  • (it) Nicola Guerra, La Strage di Bologna nel contesto storico della Guerra Fredda. Le “piste palestinesi”, il Lodo Moro e le “relazioni scomode” nel percorso di ricerca storica. Turku, Settentrione 2016.

Articles connexes

Liens externes

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