Attaque à la voiture-bélier à Charlottesville

Le 12 août 2017, est organisé à Charlottesville en Virginie la manifestation « Unite the Right » visant à maintenir la statue équestre du général Lee dans un parc de la ville. Après l'annulation de la manifestation par les forces de l'ordre, une voiture bélier entre dans une foule de contre-manifestants. Le conducteur de la voiture James Alex Fields est accusé de meurtre sur la personne d'Heather Heyer, de délit de fuite, d'un grand nombre de crimes fédéraux de haine pour avoir blessé 28 autres personnes et d'autres crimes.

Attentat à la voiture-bélier

Le 12 août 2017 à 13 h 42, James Alex Fields Junior, jeune employé de 20 ans de la firme Securitas AB dans l'Ohio, aperçu le matin parmi les militants suprémacistes du Vanguard (en), conduit sa Dodge Challenger dans la 4e rue ouverte à la circulation. Au même moment, une marche improvisée de contre-manifestants avance perpendiculairement sans escorte policière le long de Water Street.

Fields fonce alors dans la foule de contre-manifestants rassemblés à l'angle de Water Street, percute une voiture avançant lentement derrière un minivan, tous deux entourés par la foule[1]. Fields repart en marche arrière à grande vitesse, renversant d'autres contre-manifestants qui se précipitaient sur sa voiture par l'arrière,blessant une jeune femme au sol[2]. Heather D. Heyer, une assistante juridique de 32 ans, est tuée[3] et 19 personnes sont blessées. Le bilan est porté ultérieurement à 35 blessés[4].

Fields est rapidement interpellé à proximité du lieu de la collision puis inculpé de meurtre, de blessures et de délit de fuite. L'acte est qualifié d'attentat et d'acte de « terrorisme intérieur » par le ministre de la Justice Jeff Sessions[5]. Quelques jours plus tard, le procureur et l'avocat de Fields se mettent d'accord pour une audience préliminaire repoussée au [6].

Polémique dans les milieux favorables aux manifestants

La voiture utilisée pour l'attaque.

À partir d'un article publié par un blog suprémaciste puis relayé par un site de désinformation, des sites néonazis, suprémacistes ou favorables aux manifestants suprémacistes feront état de la mort par arrêt cardiaque annoncée par la mère de la victime et du surpoids apparent de la victime, liant les deux faits pour tenter de disculper Fields[7],[8],[9]. Le 17 octobre 2017, un rapport médical conclut que la mort de Heather Heyer est la conséquence d'une plaie au thorax[10].

Hommages à la victime Heather Heyer

Fleurs déposées sur le lieu de sa mort.

Une cérémonie est rendue en hommage à Heather Heyer dans la soirée du , à laquelle prennent part sa mère Susan Bro et son père Mark Heyer qui déclare : « Elle aimait les gens. Elle voulait l'égalité. C’est dans cet esprit que le jour de sa mort, elle était là pour dénoncer la haine. En ce qui me concerne, je crois qu'on devrait arrêter tout ça et nous pardonner mutuellement. Je pense que c'est cela que Dieu voudrait qu'on fasse : arrêter et nous aimer. À mon arrivée aujourd'hui ici, j’ai été bouleversé par l'arc-en-ciel de couleurs de peau dans cette salle. Heather était comme cela : votre origine lui importait peu. Elle vous aimait et c'est tout[11] ». Heather Heyer est inhumée dans un lieu tenu secret par sa famille pour éviter qu'il devienne un lieu de pèlerinage ou qu'il soit profané[12].

Badge Heather Heyer lors d'une manifestation à Berkeley en Californie.

Après sa mort, Heather Heyer est devenue un symbole de la lutte pour les droits civiques. Elle a notamment reçu à titre posthume le prix Muhammad Ali Humanitarian Award for Social Justice[13] et son nom est honoré sur le mémorial du Southern Poverty Law Center[14],[15].

Sa mère, Susan Bro, utilise les 130 000 dollars reçus après la mort de sa fille pour alimenter une fondation accordant des bourses de mille dollars à des étudiants[12]. Un an après la mort de sa fille, Susan Bro annonce son intention de prononcer un discours sur le lieu de sa mort : « Je dirai ce qu'elle était et ce qu'elle n'était pas ; elle n'était pas un leader, elle n'était pas une organisatrice, elle était là avec des amis, elle n'a pas été choisie, elle n'a pas été assassinée : elle a été victime d'un crime de haine commis au hasard »[12].

Poursuites contre James Alex Fields

Le 14 décembre 2017, Fields comparaît devant le tribunal de Charlottesville, et l'accusation de meurtre est requalifiée en accusation d'assassinat[16]. L'accusation présente une vidéo prise de l'hélicoptère de la police montrant l'impact de la voiture, et une vidéo d'une caméra de sécurité d'un restaurant interceptant la course de la voiture se dirigeant vers puis revenant de l'impact. Interrogé par l'accusation, le détective Steven Young de la police de Charlottesville confirme n'avoir aucune preuve que quelqu'un ait lancé quelque chose sur la voiture avant le crash. Trois des vingt victimes présentes quittent ensuite la salle d'audience. La défense représentée par Denise Lunsdorf ne présente aucune preuve et ne propose aucune thèse, mais contre-interroge le policier. Young confirme que les recherches n'ont trouvée ni arme dans la voiture, ni preuve de l'appartenance de Fields à Vanguard America ou à un autre groupe raciste, qu'une des personnes qui ont rencontré longuement Fields dans la journée l'a trouvé beaucoup moins radical que ces groupes et qu'aucune de ces personnes n'a vu chez lui de signe de colère. Young déclare qu'au moment où Fields a été arrêté, il se disait désolé et demandait si les gens était OK, que quand quelqu'un lui raconta qu'une personne était morte, il sembla choqué et sanglota, et qu'interrogé pour savoir s'il avait besoin de soins médicaux, Fields refusa, déclarant à la police qu'il souhaitait que toutes les ressources médicales soient dirigées vers ses victimes. Young ajoute que les autorités ont identifié 36 victimes de l'attaque à la voiture bélier, un nombre plus important que celui initialement annoncé, et que certaines sont désormais en fauteuil roulant.

Le 3 janvier 2018, le procès de Fields est planifié pour le 26 novembre 2018, pour une durée de trois semaines[17].

Le 27 juin 2018, Fields est inculpé pour crime de haine ayant entraîné la mort de Heyer, pour 28 crimes de haine provoquant des blessures corporelles et impliquant une tentative d'assassinat et pour agression violente à caractère raciste[18].

Le 5 juillet 2018, Fields plaide non coupable face aux accusations de crime de haine. Le juge Joel Hoppe lui demande s'il a été traité pour maladie mentale. Fields répond oui et cite le trouble bipolaire, la dépression, l'anxiété et le trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité[19].


Procès de James Alex Fields pour meurtre

Lors de la sélection des jurés, un de ses avocats, John Hill, déclare qu'il y aura « des preuves sur le fait que l'accusé a agi de cette manière pour tenter de se défendre » et « des témoignages sur la santé mentale de l'accusé  ». Une autre avocate de Fields, Denise Lunsford, liste plusieurs experts de l'université de Virginie que la défense compte interroger[20].

Le 29 novembre 2018, le procès commence devant un jury de neuf femmes et sept hommes. La défense déclare que Fields a vu un contre-manifestant une arme à feu à la main et qu'il a déclaré à la police avoir affreusement peur. L'accusation qui plaide l'intentionnalité, fait état de deux photos postées par l'accusé en mai 2018 sur Instagram. Celles-ci montrent une voiture rentrant dans une foule bloquant une route. Revenant aux faits, plusieurs témoins déclarent avoir d'abord vu la voiture reculer et avoir été alors convaincu qu'Alex Fields tentait de trouver un autre chemin. Passant en revue les photos de la voiture se dirigeant ensuite vers la foule, photos qui ont valu à Ryan Kelly le prix Pulitzer, l'accusation n'y trouve aucun signe de freinage[21].

Un capitaine des pompiers indique avoir constaté une large ecchymose sur la poitrine d'Heather Heyer, signe d'un choc violent. Un expert a identifié des traces de son sang sur le pare-brise et le rétroviseur de la voiture[22].

L'accusation présente un MMS dans lequel, à un SMS de sa mère « sois prudent » à la veille de la manifestation, Fields répond « nous ne sommes pas ceux qui doivent faire attention » et joint une photo d'Hitler. Des écoutes téléphoniques des appels de Fields à sa mère en prison, sont extraites les déclarations que Susan Bro est « anti-blanc » et « communiste » et que Fields s'est fait harceler par des antifas faisant flotter des drapeaux de l'État islamique[23].

Daniel Murrie, psychologue de l’université de Virginie, déclare qu'un trouble bipolaire a été diagnostiqué à l'âge de six ans et qu'à l'adolescence, Fields a un trouble de la personnalité schizoïde et fait trois séjours dans des établissements psychiatriques avant son 15e anniversaire. Fields a été sujet à des accès de colère, parfois violents, avant même qu'il ne puisse marcher et a été « expulsé de la maternelle » en raison de son comportement instable. Solitaire et inadapté à la société, Fields quitte la formation de base de l’Armée de terre après avoir obtenu son diplôme de fin d'enseignement secondaire, puis occupe des emplois peu rémunérés, jouant à des jeux vidéo des dizaines d’heures par semaine. Mais Murrie témoigne que Fields ne répond pas à la définition juridique donnée par Virginie en ce qui concerne la non-culpabilité pour cause de démence. Et Fields n'a pas monté une telle défense[24].

Le 7 décembre 2018, le jury déclare Fields coupable de meurtre avec préméditation[25]. Convaincu de dix chefs d'accusation, il est condamné à une peine ne pouvant dépasser la prison à vie plus 419 ans et une amende de 425 000 $.

Le 28 juin 2019, James Fields, qui a plaidé coupable pour éviter la peine de mort, est condamné par un juge fédéral à la réclusion à perpétuité[26].

Le 29 octobre 2018, Alex Fields est agressé en prison par Timothy Ray Brown gardé à vue dans le même établissement[27].

Réaction des soutiens de James Alex Fields

L'activiste Jovi Val, leader du mouvement « The modern Patriots », qui avait été un des rares participants à la manifestation anniversaire Unite the Right 2 à Washington[28], organise une manifestation le 5 janvier 2019 près de la Maison-Blanche pour soutenir James Alex Fields. Il parle devant une petite foule lorsque des anti-fascistes lancent sur lui des ballons remplis de peinture. Quatre de ces manifestants sont arrêtés par des agents du Secret Service[29].

Notes et références

  1. (en) « Rammed by Car in Charlottesville, but Seeing a Sign of Hope », sur nytimes.com, (consulté le )
  2. « James Alex Fields Jr, l'homme qui a foncé en voiture sur des antiracistes à Charlottesville avait "une admiration pour les nazis" », sur lci.fr, (consulté le )
  3. Alicia Paulet, « Charlottesville : Heather Heyer, symbole de la lutte contre le racisme », lefigaro.fr, (consulté le )
  4. (en) Frances Robles, « Two Men Arrested in Connection With Charlottesville Violence », nytimes.com, (consulté le )
  5. L’attaque de Charlottesville qualifiée de « terrorisme » par le ministère de la justice américain, Le Monde, 14 août 2017.
  6. (en) « Hearing postponed for driver accused in fatal Charlottesville crash », (consulté le )
  7. (en) « Alt-righters pushing horrid theory Heather Heyer died of weight-related heart attack », (consulté le )
  8. (en) « Heather Heyer's Mother's Warns White Nationalists: Karma is a 'You Know What' », (consulté le )
  9. (en) « Fringe media are furiously trying to absolve the white nationalist who allegedly killed Heather Heyer », (consulté le )
  10. (en) « Charlottesville: Heather Heyer's Cause of Death Has Been Revealed in a Medical Report », sur newsweek.com, (consulté le )
  11. Grégoire Pourtier, « Etats-Unis: Charlottesville rend un dernier hommage à Heather Heyer », sur rfi.fr, (consulté le )
  12. Arnaud Leparmentier, « Charlottesville, un an après, la haine ordinaire », sur lemonde.fr, (consulté le )
  13. https://www.alicenter.org/heather-heyer-honored-posthumously-2017-muhammad-ali-humanitarian-awardee-social-justice-heyers-mother-susan-bro-accept-award/
  14. « SPLC honors Heather Heyer at Civil Rights Memorial Center », sur Southern Poverty Law Center (consulté le ).
  15. (en) Dahleen Glanton, « Heather Heyer is a civil rights martyr », Chicago Tribune, (lire en ligne, consulté le ).
  16. (en) « Charlottesville: un suprémaciste blanc inculpé d'assassinat », sur lefigaro.fr, (consulté le )
  17. (en) « Trial Date Set for Man Accused of Murdering Heather Heyer », sur nbc29.com, (consulté le )
  18. (en) Doug Stanglin, « Driver accused of plowing into crowd at Charlottesville rally charged with federal hate crimes », sur usatoday.com,
  19. (en) « Suspect In Charlottesville Car Attack Pleads Not Guilty To Hate Crimes Charges », sur npr.org,
  20. source afp, « Le tueur de Charlottesville va plaider la légitime défense », sur lepoint.fr,
  21. (en) Dakin Andone et Laura Dolan, « Charlottesville suspect shared posts showing car driving into protesters before attack », sur cnn.com,
  22. (en) Rachel Langlitz & Kelsie Metzgar, « Medical Examiner: Heather Heyer died of blunt force injury during 'Unite the Right' rally », sur wset.com,
  23. (en) Neal Augenstein, « Prosecutors use Hitler image texted to mother in James Alex Fields murder trial », sur wtop.com,
  24. (en) Paul Duggan, « James A. Fields Jr. sentenced to life in prison in Charlottesville car attack », sur washingtonpost.com,
  25. « Charlottesville : le suprémaciste blanc reconnu coupable de meurtre », (consulté le )
  26. « Prison à perpétuité pour le tueur d'extrême droite de Charlottesville », sur lefigaro.fr,
  27. (en) « Officials: Charlottesville suspect James Alex Fields assaulted in jail », sur eu.cincinnati.com,
  28. Isabelle Hanne, « États-Unis : un an après Charlottesville, les suprémacistes font chou blanc », sur liberation.fr,
  29. (en) Dan Friedell, « 4 arrested after throwing paint-filled water balloons at protesters outside White House », sur wtop.com,
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