Antoine Argoud

Le colonel Antoine Argoud, né le à Darney (Vosges) et mort le à Épinal[1] (Vosges), est un officier supérieur français. Il fait partie de l'Armée de Vichy en Afrique du Nord, puis combat dans l'Armée française de la Libération en Afrique et jusqu'en Allemagne. Après la guerre d’Algérie, il est condamné, en 1964, à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour de sûreté de l'État pour son activité au sein de l'OAS et il est finalement amnistié en 1968.

Biographie

Entre-deux-guerres

Entré 199e à l’École polytechnique en 1934, il en sort en 1936 et choisit d'être officier d'active dans l'arme blindée et cavalerie (ABC)[2].

Seconde Guerre mondiale

Lors de la Seconde Guerre mondiale, il profite du débarquement anglo-américain, du en Afrique française du Nord, pour prendre part au sein de la 1re Armée Française du général de Lattre à la campagne du Maroc, puis à la campagne de Tunisie où il est blessé.

En 1944-1945, le capitaine Argoud commande le 2e escadron du 3e régiment de chasseurs d'Afrique, au sein de la 1re division blindée, escadron de reconnaissance avec lequel il combat dans les Vosges, en Alsace, puis en Allemagne.

En 1951, Antoine Argoud suit les cours de la 65e promotion de l'École de Guerre[3], puis entre à l'état-major du général Jean de Lattre de Tassigny, dont il est conseiller technique durant trois ans.

Guerre d'Algérie

Au début de la guerre d'Algérie, le , jour de la Toussaint rouge où le Front de libération nationale (FLN) commet plusieurs attentats, Antoine Argoud est en Allemagne où il participe aux exercices Javelot au sein de la 7e division blindée. À la suite de ces événements, Jacques Chevallier, secrétaire d'État à la Guerre du gouvernement Pierre Mendès France, le nomme conseiller militaire aux Affaires algériennes.

En 1956, il prend, en Algérie, le commandement du 3e régiment de chasseurs d'Afrique. Il est ensuite, fin 1958, chef d'état-major du corps d'armée d'Alger, du général Massu.

Il avoue avoir utilisé la torture lors de son séjour dans le secteur Arba, ainsi qu'avoir procédé à des exécutions extrajudiciaires publiques de fellaghas pris les armes à la main, leurs cadavres étant ensuite publiquement exposés[4],[5],[6]

Rappelé en métropole en février 1960, il revient clandestinement en Algérie et il est avec le colonel Joseph Broizat l'un des deux principaux organisateurs de la tentative de coup d'État du , connue sous le nom de putsch des généraux. En particulier, il seconde le général Paul Gardy pour tenter de rallier Oran aux putschistes, ce qui se révèle un échec[7]. Il poursuit ensuite la lutte dans la clandestinité en participant d'abord en Espagne à la création de l'Organisation de l'armée secrète (OAS).

Georges Bidault, Jacques Soustelle, Antoine Argoud et Pierre Sergent constituent le comité exécutif du Conseil national de la Résistance (CNR) le à Rome, désignant comme président Georges Bidault.

L'enlèvement de 1963

Argoud est enlevé le à Munich (Allemagne). Des hommes se présentant comme des policiers allemands, le font monter dans leur voiture. Une fois à l'intérieur, Argoud se rend compte qu'il a affaire à des Français : il tente de s'enfuir, mais est retenu par ses ravisseurs, l'un d'eux lui brisant le nez.

Le colonel est retrouvé le lendemain, ligoté dans une voiture stationnée à proximité de la préfecture de police de Paris. Cet acte commis sur le territoire de la RFA suscite un grave incident diplomatique entre la France et l'Allemagne, le Bundestag demandant officiellement que le colonel Argoud soit renvoyé en Allemagne. Cet enlèvement, suivi d'une arrestation, est rapprochée par certains[réf. nécessaire] de l'enlèvement du duc d'Enghien.

Selon Antoine Argoud[8] l'opération a été commanditée par le Général de Gaulle lui-même, lequel voulait le faire assassiner. Cependant, le truand commis à cette fin, Jo Attia, l'aurait doublé et, ayant obtenu la direction complète des opérations, aurait piloté son équipe de façon à ce qu'Argoud soit sauf. Une fois Argoud remis à la police officielle, la justice saisie et la presse avertie, il devenait en effet impossible de l'éliminer. Parmi ses ravisseurs, le colonel a reconnu après coup le gangster Georges Boucheseiche, un des membres de l'équipe de truands de Jo Attia, qui a ensuite enlevé et assassiné Mehdi Ben Barka.

L'historien Jacques Delarue indique que l'opération est menée par les services officiels, plus précisément par des officiers du 11e choc[9]. Toutefois, les anciens du 11e choc ont toujours nié la moindre participation à cette action. Pierre Lemarchand met l'enlèvement sur le compte de la Sécurité militaire[10]. Dans ses mémoires, Pierre Messmer qui est à l'époque ministre des Armées, explique que l'enlèvement est ordonné par lui-même à la Sécurité militaire, dirigée à l'époque par le général Feuvrier[11]. Affirmation confirmée dans l'ouvrage Histoire politique des services secrets français, selon lequel Argoud, « intoxiqué par un journaliste d'extrême-droite, a cru reconnaître à tort (Boucheseiche) comme un de ses kidnappeurs forgeant ainsi la tenace légende d'un trait d'union entre son affaire et l'enlèvement de Ben Barka »[12].

Procès, condamnation et amnistie

Le 30 septembre 1963, la Cour de sûreté de l'État, qui venait d'être créée, le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité. La chambre criminelle de la Cour de cassation rejette tous les pourvois du colonel en lui opposant qu'il ne peut pas en sa qualité de particulier se prévaloir de la violation de règles de droit international qui ne s'appliquent que dans les relations entre États.

L'amnistie du 15 juin 1968[13] met fin à sa peine[7].

Retraite

Libéré de prison, Antoine Argoud s'installe définitivement à Darney, où il écrit ses souvenirs avant de devenir graphologue. Ses compétences sont sollicitées durant l'affaire du petit Grégory Villemin[14].

Publications

  • Le Problème algérien, solution française, 1961
  • La Décadence, l'imposture et la tragédie, Éditions Fayard, 1974, (ISBN 2-213-00148-0).
  • Les Deux Missions de Jeanne d'Arc, Éditions Résiac, 1991, (ISBN 978-2852681675).
  • Antoine Argoud, entretien avec Jacques Chancel sur Radioscopie, le , archives INA.

Notes et références

  1. « Décès du colonel Argoud, l'un des dirigeants de l'OAS », sur nouvelobs.com, (consulté le )
  2. Fiche matricule sur le site des anciens élèves de l'École polytechnique.
  3. Annuaire de la promotion 65 de l’École de guerre.
  4. Antoine Argoud, La décadence, l’imposture et la tragédie, Fayard, , p. 147-149
  5. « L'horreur et la haine », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  6. Histoire coloniale et postcoloniale, « Les méthodes du colonel Argoud », sur histoirecoloniale.net, (consulté le )
  7. Nicolas Weill, « Colonel Antoine Argoud, un des dirigeants de l'OAS », Le Monde, (lire en ligne).
  8. Dominique Jullien, « Antoine Argoud : les truands qui m'ont enlevé », Le Monde dimanche, , p. XVI-XVII (ISSN 0395-2037, lire en ligne)
  9. Matériaux pour l'histoire de notre temps, no 26 de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) de Nanterre, cité par Pascal Krop, Les secrets de l'espionnage français de 1870 à nos jours, JC Lattès, 1993
  10. Jean-François Bège, « Barbouze » du général, Le Cherche midi, .
  11. Pierre Messmer, Après tant de batailles, Albin Michel,
  12. Roger Faligot, Jean Guisnel et Rémi Kauffer, Histoire politique des services secrets français : De la Seconde Guerre mondiale à nos jours, Paris, Éditions La Découverte, , 600 p. (ISBN 978-2-70716-741-5), p. L'Afrique noire et la guerre froide
  13. Loi no 68-687 du 31 juillet 1968 portant amnistie.
  14. L'express du 05-04-1985

Annexes

Bibliographie

  • André Cocatre-Zilgien, L'Affaire Argoud : considérations sur les arrestations internationalement irrégulières, Pédone, 1965.
  • Ghislain Dubois, Argoud, De Gaulle : le duel, Dricot, 1996.

Liens externes

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