Amendement Mirguet

L’amendement Mirguet du député Paul Mirguet a temporairement introduit en France l’homosexualité dans la catégorie des « fléaux sociaux » et a notamment abouti, de 1960 à 1980, à ce que les peines encourues pour outrage public à la pudeur (par exemple, rapport sexuel dans un lieu public) soient augmentées dans le cas de rapports homosexuels.

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Processus législatif

L’amendement Mirguet est en réalité le sous-amendement no 9 à l’amendement no 8 de la commission des Affaires culturelles à l'article 38 relatif à la « Constitution des mesures nécessaires pour lutter contre certains fléaux sociaux » en France, dans le cadre du débat d'une loi d'habilitation autorisant à prendre par ordonnances des mesures contre les dits fléaux sociaux[1] « pendant un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi ».

Ce sous-amendement fut adopté par l'Assemblée nationale (vote à main levée), le [2], à l'initiative de Paul Mirguet, député UNR (gaulliste) de Metz : afin de réprimer et de combattre l'homosexualité, celle-ci fut classée en tant que « fléau social » dans une liste de fléaux, au même rang que l’alcoolisme, la tuberculose, la toxicomanie, le proxénétisme et la prostitution, contre lesquels le gouvernement était autorisé à légiférer par ordonnances. Mirguet parle donc de l'homosexualité comme d'un « fléau social (…), fléau contre lequel nous avons le devoir de protéger nos enfants ». L'amendement reçut le soutien de Marcelle Devaud, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Le gouvernement, par la voix de Bernard Chenot, ministre de la santé publique et de la population, s'en remit à la sagesse de l'Assemblée.

La loi fut promulguée le . La même année, l’ordonnance du [3] complète l'article 330 du Code pénal d'un alinéa 2, en prévoyant un doublement des peines minimales encourues pour outrage public à la pudeur « lorsqu'il consistera en un acte contre nature avec un individu de même sexe », comprendre « dans le cas de rapports homosexuels ».

L'article 330 alinéa 2 sera abrogé en décembre 1980 dans le cadre d'une loi redéfinissant diverses infractions sexuelles, dont le viol[4], sur proposition[5] du gouvernement Raymond Barre (présentée par Monique Pelletier, secrétaire d’État, reprenant la proposition de loi no 261 du d’Henri Caillavet[6]).

Aspects sociétaux

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Le député Mirguet fut influencé[7] par les positions du psychiatre catholique Marcel Eck, dont notamment : « L'homosexualité paraît prendre actuellement un développement inquiétant, au point que l'on peut parler d'un véritable péril homosexuel »[8].

Paul Mirguet aurait impulsé la suppression progressive des vespasiennes ou pissotières[réf. nécessaire], alors lieux de drague et de rencontre pour homosexuels, mais aussi lieux d'agressions pédophiles et d'outrage public à la pudeur[réf. nécessaire]. Ce type d'affaires a pu contribuer à ce que l'opinion publique lie fréquemment homosexualité et pédophilie.

La France adopte en 1968 la classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans sa version 9 (CIM-9), qui reprenait le DSM-II pour les maladies mentales, dans laquelle figurait, jusqu’à l'adoption de la nouvelle CIM-10 le , l’homosexualité et la transsexualité dans sa section 302[9], et dix ans plus tard en février 1978, la plupart des titres de la presse homosexuelle de l’époque sont interdits à la vente aux mineurs et à l’affichage par le ministère de l’Intérieur[réf. nécessaire]. Ces interdictions ont cependant été rapidement contournées par des changements de titres.

Les évolutions dans l'opinion publique des années 1970, les revendications et les actions du Front homosexuel d'action révolutionnaire (FHAR) et du Comité d'urgence anti-répression homosexuelle (CUARH), les tabous qui se sont levés ont permis de libérer la parole. C'est ainsi qu'en 1975, le sexologue Gérard Zwang, qui avait exprimé son hostilité personnelle à la pédophilie, aurait fait l'objet d'une « haine agissante » de la part de militants du FHAR[10]. L'arrivée au pouvoir d'un gouvernement socialiste mené par François Mitterrand amène à la radiation des dispositions jugées discriminatoires à partir du  (le ministre de la Santé, Edmond Hervé, annonce retirer l'approbation française à la section 302 de la CIM-9[11]) et en particulier avec la loi du .

Références

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Jean-Paul Aymon, « L'homosexualité est-elle un “fléau social” ? », L'Express, (lire en ligne)
  • Malick Briki, Psychiatrie et homosexualité : Lectures médicales et juridiques de l'homosexualité dans les sociétés de 1850 à nos jours, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, coll. « Thesis », , 232 p. (ISBN 978-2-84867-251-9, lire en ligne)
  • Marcel Eck, Les parents et les éducateurs devant le péril homosexuel, Paris, Centre catholique d'éducation familiale,
  • Antoine Idier, Les Alinéas au placard : L’abrogation du délit d’homosexualité (1977-1982), Paris, Cartouche, coll. « Cartouche idées », , 201 p. (ISBN 978-2-36622-003-2)
    Thierry Pastorello, « Antoine Idier, Les alinéas au placard : l’abrogation du délit d’homosexualité (1977-1982) », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, no 124, , p. 223-229 (lire en ligne)
  • Julian Jackson (trad. de l'anglais par Arlette Sancery), Arcadie : La vie homosexuelle en France, de l’après-guerre à la dépénalisation [« Living in Arcadia »], Paris, Autrement, coll. « Mutations », , 363 p. (ISBN 978-2-7467-1327-7)
Michelle Zancarini-Fournel, « Julian Jackson, Arcadie. La vie homosexuelle en France de l’après-guerre à la dépénalisation », Clio. Femmes, genre, histoire, no 31, , p. 313-317 (lire en ligne)
Florence Tamagne, « Julian Jackson, Arcadie. La vie homosexuelle en France de l’après-guerre à la dépénalisation », Histoire@Politique, no 20, (lire en ligne)

Liens externes

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