Amazones du Dahomey

Les Minon ou Amazones du Dahomey sont un ancien régiment militaire entièrement féminin Fon du Royaume du Dahomey (actuel Bénin) qui a existé jusqu'à la fin du XIXe siècle. Elles sont nommées ainsi par les Occidentaux et les historiens à cause de leurs similitudes avec les mythiques Amazones de l’ancienne Anatolie.

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Amazones du Dahomey
Minon

Amazones du Dahomey vers 1890.

Création XVIIe siècle
Dissolution XIXe siècle
Pays Dahomey
Guerres Première Guerre du Dahomey, Seconde Guerre du Dahomey

Origines

Le roi Aho Houegbadja (qui gouverne de 1645 à 1685), troisième roi du Dahomey, est censé être à l'origine de la création du groupe qui devient ensuite les Amazones, un corps de chasseurs d'éléphant appelé gbeto[1]. Durant le XVIIIe siècle, le roi entraîne certaines de ces femmes à devenir gardes du corps.

La reine Tasi Hangbè (ou Nan Hangbe), sœur jumelle d'Houessou Akaba, règne sur le royaume du Dahomey de 1708 à 1711 après la mort soudaine d'Akaba en 1708. Elle est la vraie créatrice du corps des amazones du Dahomey, comme régiment combattant, intégré aux armées professionnelles du royaume.

Lors d'une campagne contre les voisins ouémènou du royaume, elle prend la tête de l'armée, travestie – pour galvaniser ses troupes – à l'image de son frère jumeau défunt, Akaba. Elle a été largement effacée de l'histoire officielle du Dahomey, sous le roi Agadja son successeur, dont les partisans obligent la reine à abdiquer. Le fils de Houegbadja, Agadja (roi de 1708 à 1732), développe le groupe de femmes gardes du corps en une milice et les utilise avec succès pour vaincre le Royaume houéda en 1727.

Les marchands européens notent leur présence ainsi que celle d'autres femmes guerrières parmi les Ashantis. Durant les années suivantes, les guerrières acquièrent une réputation de combattantes sans peur. Elles combattent rarement, mais avec vaillance.

Le groupe de femmes guerrières est appelé Minon (Mi-Non), ce qui signifie « nos mères » en langue fon, par l'armée masculine du Dahomey[1],[2]. À l'époque du roi Ghézo (qui gouverne de 1818 à 1858), le Dahomey se militarise de plus en plus. Ghezo donne une grande importance à l'armée, augmente son budget et améliore sa structure. Les Minon sont entraînées, obtiennent des uniformes et sont équipées avec des fusils danois (obtenus via le commerce des esclaves). À cette époque, les Minon sont entre 4 000 et 6 000 femmes et représentent environ le tiers de l'armée du Dahomey.

Il est à noter que dans plusieurs publications en langue anglaise, les minon sont nommées de manière erronée mino ou minos (une telle prononciation n’ayant aucun sens en langue fon).

Recrutement

Seh-Dong-Hong-Beh, une chef des Amazones (gravure de Frederick Forbes réalisée en 1851).

Les Amazones sont sélectionnées parmi les enfants d'esclaves et seules les jeunes filles sont gardées, affranchies et entrent au harem du roi[3]. Après une formation, elles intègrent le corps des femmes de guerre du roi, l'« Agoledjié ». Les Dahoméens les surnomment « Minon » (Mi-Non), c'est-à-dire « nos mères »[4]. Certaines femmes de la société fon deviennent Minon volontairement alors que d'autres sont enrôlées de force. Tous les trois ans, les sujets du roi doivent présenter leurs filles devant un conseil de révision qui désignent celles admises dans la maison du roi. Elles deviennent soldates ou officières selon le rang social de leur famille[3]. Tant qu'elles sont Minons, les femmes ne sont pas autorisées à avoir des enfants ou à être mariées mais, elles peuvent être offertes aux meilleurs guerriers ou choisies comme épouses par le roi[3]. Beaucoup d'entre elles sont vierges. L'historien béninois Arthur Vido a montré que les femmes enrôlées dans les troupes n'étaient pas toutes vierges. Des amazones en fonction ont eu des rapports sexuels dans le cadre d'une mission royale ou pour simplement assouvir un désir physiologique. Ceci étant, la prononciation d'un vœu de célibat devant la divinité Dewin qui était censée provoquer une grossesse certaine chez les amazones ayant enfreint la règle de chasteté, la pratique de l'excision pour prétendument ôter leur attrait aux relations sexuelles et la décision de leur faire prendre des liqueurs contraceptives ne les ont pas toujours empêchées d'avoir des amants[5]. Le régiment des femmes a un statut semi-sacré qui est fortement lié à la croyance du peuple fon au vaudou.

Composition

Le corps des Minons est composé d'environ 5 000 guerrières réparties en trois brigades de plusieurs régiments et il est commandé par une femme s'étant illustrée au combat. La hiérarchie comprend des officières (« gahu »), des sous-officières awhouangan ») et de simples soldates[3].

Elles sont regroupées deux corps et cinq bataillons qui marchent à proximité du roi et ne combattent que sur son ordre.

Les deux corps principaux:

  • Les « Aligossi » qui se chargeaient de la défense du palais. Elles restaient sur place et assuraient la protection du roi.
  • Les « Djadokpo » constituaient l’avant-garde de l’armée régulière

Un bataillon est divisé en cinq catégories de combattantes[3] :

  • les « agbaraya », armées de tromblons
  • les « gbeto », qui chassent l'éléphant
  • les « nyckphehthentok », qui sont chargées de l'équarrissage
  • les « galamentoh », armées de Winchester
  • les archères avec leurs flèches empoisonnées

Leur entraînement est intensif et commence dès le plus jeune âge. Il comprend des combats, du maniement d'armes et des exercices extrêmes comme traverser une construction d’épines, ou vaincre un taureau à mains nues[6],[7].

Leur stratégie n'obéit qu'à une seule règle : tuer sans se soucier de sa propre vie[3]. Pour cela, elles s'enivrent d'alcool avant le combat. Les captifs des Amazones sont généralement décapités.

Conflit avec la France

L'invasion de l'Afrique de l'Ouest par les Européens s'accélère dans la seconde moitié du XIXe siècle et, en 1890, le roi Behanzin commence à combattre les forces françaises au cours de la Première Guerre du Dahomey.

Finalement, renforcés par la Légion étrangère et disposant de meilleures armes dont des mitrailleuses ainsi que d'une cavalerie et de l'infanterie de marine, les Français infligent aux Dahoméens des pertes dix fois supérieures aux leurs. Après plusieurs batailles, ils finissent par l'emporter. Les Légionnaires écrivent plus tard sur « l'incroyable courage et audace » des Amazones[8].

Après que le Dahomey est placé sous protectorat français le , Agoli Agbo devient le nouveau souverain et décide de dissoudre le corps des Amazones[3].

Nawi, la dernière Amazone du Dahomey

La dernière survivante connue des Amazones du Dahomey est une femme du nom de Nawi. En 1978, lors d'un reportage dans le village de Kinta, un historien béninois rencontra Nawi, qui disait avoir combattu les Français en 1892[9]. Nawi est morte en novembre 1979, âgée de plus de 100 ans[9].

En 2018, la production du film The Woman King est annoncée. Inspiré des amazones du Dahomey, avec Viola Davis et Lupita Nyong’o, il raconte l'histoire de Nanisca (Davis), générale des Amazones, et de sa fille Nawi (Nyong’o)[10].

En 2020, dans la série Lovecraft Country (épisode I am), une scène se déroule, avec Nawi (Sufe Bradshaw), au sein des Amazones[11].

Dans la culture populaire

  • 1987 : les Amazones du Dahomey sont représentées dans le film de 1987 Cobra Verde du réalisateur allemand Werner Herzog.
  • Les Amazones de Ghezo jouent un rôle significatif dans le roman Flash for Freedom! (en) de la série Les Archives Flashman de George MacDonald Fraser.
  • Stieg Larsson fait référence aux Amazones dans La Reine dans le palais des courants d'air (série Millénium) lors du prélude à la quatrième partie, Rebooting System.
  • Dans le film Black Panther (2018), Ryan Coogler leur rend aussi hommage dans le rôle des Dora Milaje, la garde royale exclusivement féminine du roi T'Challa du Wakanda, composée de guerrières d'élites maniant notamment la lance en vibranium et assurant la sécurité du roi lors de ses déplacements. Dans le MCU, leur cheffe est Okoye, une guerrière d'exception extrêmement loyale envers son souverain et ne redoutant aucun ennemi.
  • Lovecraft Country, épisode 7 I am. Scène avec Nawi et ses Amazones.
  • The Woman King, l'histoire de Nawi et sa mère.

Notes et références

  1. Stanley B. Alpern, Amazons of Black Sparta : The Women Warriors of Dahomey, New York, New York University Press, , 280 p. (ISBN 0-8147-0678-9)
  2. « Les « Amazones du Dahomey », des femmes-soldats dans l’Afrique précoloniale », Jeune Afrique, (lire en ligne, consulté le )
  3. Pierre Dufour, Historia, no 636, décembre 1999, p. 30-32.
  4. Aldrich Achani, « Les Amazones d'Abomey, Une Unité Légendaire de Guerrières à Redécouvrir », sur Irawo, (consulté le )
  5. Arthur Vido, Les amazones du Danhomè et le sexe, in La sexualité en Afrique: histoire, histoire de l'art et linguistique, Saint-Denis, Edilivre, 2016, p. 59-71.
  6. Prisma Media, « Les amazones du Dahomey : elles ont dit non à la colonisation française », sur GEO.fr (consulté le )
  7. « [CULTURE] LES AMAZONES DU DAHOMEY, UN RÉGIMENT DE FEMMES AU SERVICE DU PEUPLE - NegroNews », NegroNews, (lire en ligne, consulté le )
  8. « Histoire : 1892-1893 - La Légion Étrangère pendant la campagne du Dahomey », sur legionetrangere.fr
  9. (en) Mike Dash, « Dahomey’s Women Warriors », sur Smithsonian Magazine (consulté le )
  10. (en-US) Justin Kroll et Justin Kroll, « TriStar Acquires ‘The Woman King’ Starring Viola Davis and Lupita Nyong’o », sur Variety, (consulté le )
  11. (en-US) « Lovecraft Country - I Am. », (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • Sylvia Serbin, Reines d'Afrique et héroïnes de la diaspora noire, Saint-Maur-Des-Fossés, Sépia, , 302 p. (ISBN 2-84280-082-6)
    ouvrage consultable à la Bibliothèque nationale de France.
  • (en) Stanley B. Alpern, Amazons of Black Sparta : the Women Warriors of Dahomey, Londres, Hurst, , 292 p. (ISBN 1-85065-361-5)
    Existe aussi en édition de poche (paperback).
  • Hélène d'Almeida-Topor, Les Amazones, Paris, Rochevigne, , 196 p. (ISBN 2-86737-007-8, notice BnF no FRBNF34757191)
    Sous-titre en surcharge sur la couverture : « Une armée de femmes dans l'Afrique précoloniale ». Ouvrage consultable à la Bibliothèque nationale de France (site Tolbiac) et disponible pour le prêt entre bibliothèques (PEB).
  • (en) Timothy Newark, Women Warlords : An Illustrated Military History of Female Warriors, London New York, NY, Blandford Distributed in the United States by Sterling Pub. Co, , 144 p. (ISBN 978-0-7137-1965-9)
  • (en) Richard Holmes, Acts of war : the behavior of men in battle, New York, Free Press, , 436 p. (ISBN 978-0-02-914851-8, lire en ligne). Quoted in:
  • (en) Dave Grossman, On killing : the psychological cost of learning to kill in war and society, Boston, Little, Brown, , 366 p. (ISBN 978-0-316-33011-4 et 978-1-497-62920-2, lire en ligne), p. 175
  • (de)Der Atlantische Sklavenhandel von Dahomey, W. Peukert, 1740–1797, Wiesbaden, 1978

Articles connexes

Liens externes

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