Amazones

Dans la mythologie grecque, les Amazones (en grec ancien Ἀμαζόνες / Amazónes ou Ἀμαζονίδες / Amazonídes) sont un peuple de femmes guerrières que la tradition situe sur les rives de la mer Noire, certains historiens les plaçant plus précisément sur les bords du Pont-Euxin dans le nord de l'Asie Mineure actuelle, et d'autres dans l’extrême ouest de la Libye[1].

Pour les articles homonymes, voir Amazone.

Amazone, fragment de mosaïque de pavement de Daphné (actuelle Turquie), 2e moitié du IVe siècle, Paris, musée du Louvre.

Les Amazones apparaissent pour la toute première fois dans l'Iliade en tant que personnages de fiction, probablement au VIIIe siècle av. J.-C., comme étant toujours et uniquement des femmes. Au-delà de l'aspect mythologique, des historiens suggèrent que les Amazones pourraient correspondre aux femmes guerrières des peuples scythes et sarmates[2].

Le terme « Amazones » en est venu à décrire tout groupe de femmes-guerrières, dont l'existence est souvent fantasmée.

Mythes antiques des Amazones

Combat entre les Grecs et les Amazones, sarcophage du Ier siècle av. J.-C., Paris, musée du Louvre.
Héraclès combattant les Amazones, détail d'une amphore attique à figures noires, vers 530-520 av. J.-C., Paris, musée du Louvre.
Pierre-Eugène-Émile Hébert, Amazone se préparant à la bataille, Washington, National Gallery of Art.

Selon l'historien Justin, la tradition inspirée de l’Éthiopide d'Arctinos de Milet prétendant que les Amazones coupaient leur sein droit ou le brûlaient[3] afin d'être de meilleures archères, n'est que le résultat d'une fausse étymologie, le mot « Amazone » provenant de a- (ἀ-) et mazos (μαζός), « sans sein »[4]. Or les anciens témoignages artistiques ne montrent aucun indice en ce sens[5] : les Amazones sont toujours dépeintes avec leurs deux seins, celui de droite étant régulièrement recouvert[5].

L'historienne des sciences Adrienne Mayor suggère également que le mythe trouve son origine dans une fausse étymologie[5],[6]. Cette même historienne nous indique que les arcs utilisés par les archers nomades des steppes étaient courbés. Grâce à de nombreux vases grecs peints nous avons pu voir que les Amazones tenaient également des arcs courbés qu'elles tenaient loin de leur poitrine car tirer à l’arc à cheval nécessite une technique instinctive dite d’ « ancrage flottant » : la main qui tend la corde n'est pas ancrée à un point fixe du visage ou du corps, ce qui fait que la corde ne fait qu'effleurer le corps mais ne le touche pas. Si nous reprenons ce principe expliqué par Adrienne Mayor on peut donc constater que les femmes qui tirent à l’arc ne sont en aucun cas gênées par leurs seins. Selon Jacques Boulogne, professeur d'université en langue et littérature grecques, l'apparition de ce mythe dans la tradition littéraire du Ve siècle av. J.-C. s'explique aussi par la physiologie hippocratique, qui veut qu'une atrophie artificielle pratiquée localement avant la croissance d'un enfant peut provoquer, par dérivation de la nutrition, une hypertrophie des parties corporelles voisines[7].

Les attributs des Amazones sont le πέλτη / péltê, un bouclier léger en forme de demi-lune, la lance, l’arc et les flèches, propres aux cavaliers des steppes, le cheval et la hache — σάγαρις / ságaris d'abord, puis la double hache, à partir de l'époque hellénistique, par exemple selon Quintus de Smyrne[8]. Le signal avant la bataille est donné par le sistre (sorte de grelot) généralement de bronze.

Selon les récits, de nombreux héros grecs  Bellérophon, Achille, Héraclès, Thésée ou encore Priam  ont eu affaire à elles, et bien souvent, chacun eut sa reine à aimer et, finalement, à tuer. Bellérophon, après avoir tué la Chimère, affronte et vainc les Amazones. Priam, le vieux roi troyen, aurait lui-même repoussé une invasion d'amazones[9]. Achille affronte Penthésilée venue secourir les Troyens, s'en éprend et la tue dans le même temps[10]. On retrouve ce thème également chez Hellanicos[11],[12], le pseudo-Apollodore[13], et chez le poète Virgile[14].

Pour son neuvième travail, Héraclès doit s'emparer de la ceinture d'Hippolyte et finira par massacrer celle-ci, ainsi que ses compagnes.

Selon une tradition que Plutarque attribue à l'atthidographe Philochore, Thésée, après avoir mené à bien le synœcisme d'Athènes, s'est joint à l'expédition d'Héraclès. Il reçoit Antiope comme part du butin, ou selon une autre tradition que Plutarque rapporte notamment à Hellanicos, Thésée part seul et capture lui-même Antiope. Les Amazones répliquent en envahissant l'Attique — après avoir passé le Bosphore pris par les glaces, selon Hellanicos. Le combat devant Athènes se déroule au mois de Boédromion, d'où résulte la fête des Boédromies. Thésée a un fils d'Antiope[15], Hippolyte[16].

Ce mythe fixé à Athènes au Ve siècle av. J.-C., qui fait des Amazones de simples femmes domestiquées (Thésée rétablit la « juste » frontière des sexes, les Amazones étant renvoyées dans leur rôle domestique), ne doit pas faire oublier qu'il existe d'autres versions du mythe des Amazones : figures héroïques positives dans l’Iliade, où elles sont mentionnées sous le terme d’Antianeirai, ou encore fondatrices ou protectrices de cités, dans lesquelles on leur rend des cultes funéraires[17].

Les Amazones voient leur continuité au féminin, puisque la légende dit qu’elles tuent les enfants mâles et n’élèvent que les filles, ce qui peut paraître difficile pour assurer leur perpétuation, mais il serait possible qu'après le sevrage, les garçons aient été confiés aux hommes avec lesquels elles ont enfanté. Cela supposerait plutôt un type de société matriarcale, ce dont les Grecs avaient horreur. Ce pourrait être la raison pour laquelle ils blâment tant cette population. La légende rapporte également que les Amazones ne gardent auprès d’elles que des hommes mutilés, estropiés, prétendant que cela augmenterait la domination de leur sexe, l’infirmité empêchant les hommes d'être violents et d’abuser du pouvoir. On dit à ce propos que la reine Antianeira aurait répondu à une délégation d’hommes scythes qui s’étaient proposés comme amants exempts de défauts physiques que « l’estropié est un meilleur amant ».

Selon les Histoires incroyables de Palaiphatos de Samos, les Amazones n'étaient pas des femmes guerrières, mais des hommes aux chitons longs jusqu'aux pieds, comme les femmes de Thrace, ce qui explique pourquoi ils passaient pour des femmes aux yeux de leurs ennemis ; race experte au combat, les Amazones en tant qu'armée de femmes n'a jamais existé. D'ailleurs, selon Palaiphatos, même à son époque, l'on n'en voyait pas non plus.

Légende sur Alexandre le Grand et les Amazones

Une tradition située à la frontière de l’histoire et du mythe attribue à Alexandre le Grand une rencontre avec la reine des Amazones, Thalestris (ou Myrina). Cette tradition issue de la Vulgate d'Alexandre (Diodore, Quinte-Curce, Justin[18]) provient de Clitarque et d’Onésicrite, contemporains des conquêtes de l’Asie dont les récits délivrent une part de fables et de merveilleux. Un historien de la conquête, non identifié[19], juge qu’Alexandre se doit de rencontrer les Amazones car Héraclès et Achille, ses ancêtres mythiques, les ont combattues.

Diodore écrit que la reine des Amazones désire un enfant d’Alexandre : « Par ses exploits, il était en effet le plus brave de tous les hommes tandis qu’elle l’emportait sur le reste des femmes par sa force et sa bravoure. Celui qui naîtrait de parents excellents surpasserait donc le reste de l’humanité »[20]. Quinte-Curce ajoute que « treize jours furent consacrés à satisfaire la passion de la reine »[21].

Cette rencontre avec la reine des Amazones est considérée comme une fiction par Plutarque et Arrien[22],[23]. Ces deux historiens antiques, soucieux d’authenticité, suivent l’avis de Ptolémée, d’Aristobule et de Douris qui déjà contestent la réalité de cette rencontre. Pour autant, Arrien et Plutarque en recherchent le fondement historique :

Suivant l’avis d'Hérodote, qui déjà considère les Amazones comme étant des femmes guerrières scythes ou sarmates, thèse que reprend Platon dans Les Lois[26],[27], Arrien et Plutarque tentent d'apporter une caution historique à une rencontre légendaire.

La question de la réalité historique des Amazones

Hérodote fournit dans une digression[28] une version historicisée de la légende des Amazones. À la suite de violents combats avec les Égyptiens vers -2000, des tribus scythes occupent la Cappadoce. Des guerriers scythes sont exterminés dans une embuscade et les femmes restées seules prennent les armes. Hérodote croit à tort que le nom « amazone » signifie « privée de mamelle », les Grecs pensant que c'est dans le but de tirer plus facilement à l’arc en plaquant la corde contre leur thorax. En langue caucasienne, ce nom signifierait par contre « ceux qui ne mangent pas de pain » (ce qui reporte aux sociétés nomades et donc non agricoles) ou « ceux qui vivent ensemble » ou pourrait faire allusion à une éventuelle « ceinture magique » portée par les Amazones. Le géographe grec Strabon doutait cependant de leur existence[29].

L'étymologie populaire admise pendant l'Antiquité décompose le mot en un ἀ- / a-, « privatif », et μαζός / mazós, « sein » en ionien : « celles qui n'ont pas de sein ». En effet, la légende dit qu'elles avaient coutume de se couper le sein droit afin de pouvoir tirer à l'arc à flèche[30]. Le terme pourrait venir plutôt du nom d'une tribu iranienne, *ha-mazan, « les guerriers »[31], ou encore du persan ha mashyai, « les Peuplades [des steppes] »[32].

Le cheval est inséparable des populations des steppes, dont font partie Scythes et Sauromates - proto-Sarmates - renommés dans l’Antiquité comme éleveurs de chevaux et excellents archers. On peut supposer, à la suite d'Hérodote, que les Amazones sont les épouses des Scythes, et, fait inconcevable pour un Grec, ont le droit de chevaucher et de guerroyer. De là est né le mythe de farouches guerrières, élevées comme telles. Il a cependant historiquement existé des guerrières, notamment des femmes grecques sollicitées lorsque la patrie est en danger[17].

En 2012, les fouilles archéologiques, conduites par l’archéologue Jeannine Davis-Kimball[réf. nécessaire] à la frontière entre la Russie et le Kazakhstan, ont permis de mettre au jour des tombes de femmes guerrières, enterrées avec leurs armes entre 600 et 200 av. J.-C., probablement cavalières comme le révèle l'analyse ostéologique[17]. L'une des tombes était richement garnie de nombreux objets et bijoux féminins et également de 100 pointes de flèches. Une enquête approfondie menée dans la même région a démontré l'existence d'une tradition vivace de la femme archer et cavalière émérite, leur arc étant de forme très caractéristique exactement identique à celui qui est représenté sur les céramiques antiques.

Leurs relations avec les hommes

L'un des problèmes de réalité historique du mythe antique des Amazones le plus soulevé concerne leurs usages et coutumes en matière de relation et de sexualité. Selon l’Histoire des animaux d'Aristote, les Amazones tueraient leurs enfants mâles ou les rendraient aveugles ou boiteux, pour ensuite les utiliser comme serviteurs ou pour assurer leur descendance. Elles s'uniraient une fois par an avec les hommes des peuplades voisines, dont elles choisissaient les plus beaux. D'après les Grecs, les Amazones seraient des femmes hostiles aux hommes, leur comportement sexuel serait décrit comme une pure sauvagerie car leurs rapports seraient sans limite et hors mariage. Selon certains historiens antiques, les guerrières d'Eurasie jouissaient d'une sexualité libre et conséquente, avec des hommes des villages voisins de leurs choix avec lesquels elles ont rendez-vous[réf. nécessaire].

Selon Strabon, les Amazones seraient un peuple nomade vivant avec les Gargaréens en Colchide[33]. Le nom Gargaréens proviendrait de l'ancien géorgien gargar qui signifie « abricot ». Ces deux communautés auraient été chassées de Thémyscira, les plaines de la région du Thermodon, pour ensuite vivre en Caucase du Nord. Une fois installés, les Gargaréens auraient décidé de rompre avec les Amazones et une guerre se serait installée. Lorsque les hostilités ont passées, les Gargaréens et les Amazones auraient décidé de vivre séparément, en voisin, avec pour séparation une montagne. Ils font un contrat attestant qu'ils se retrouveraient seulement deux mois dans l'année au printemps, dans l'obscurité pour engendrer des descendants. Si on se réfère à cette description, chacun des deux peuples monte la montagne pour se retrouver à son sommet dans l'obscurité. Un sacrifice serait donné et les Gargaréens et les Amazones s'accoupleraient dans l'obscurité sans avoir le choix du partenaire puis, une fois l'acte achevé, les Gargaréens congédieraient les guerrières. Au moment des naissances, si l'enfant se révèle être une fille, elle peut rester avec sa mère mais si ce dernier est un garçon alors il est amené aux Gargaréens qui, par doute, le reconnaissent comme leur propre enfant. Le récit de Strabon pose des problèmes de réalité historique puisqu'il parle toujours du « mythe des Amazones » tout en fondant ses écrits sur les récits historiques de Métrodore, Hypsicrate et Théophane qui habitent le Pont et dont les œuvres ont été perdues[réf. nécessaire].

Selon Adrienne Mayor, les Amazones ainsi que les femmes scythes auraient un comportement similaire aux hommes libres grecs[34]. Les Amazones auraient donc eu les mêmes coutumes relationnelles que les femmes nomades des steppes. Selon Xénophon, la tribu des Mossynèces du Pont auraient des relations sexuelles en public sans choix de partenaire. Selon Hérodote, les membres d'une tribu sarmate, les Agathyrses, ont des rapports également libres[réf. souhaitée]. Le récit de Strabon, même s'il est imaginaire, est écrit dans le contexte de vie caucasien et peut nous amener à penser que, dans le cas des Amazones et des Gargaréens, il y aurait une union qu'on pourrait apparenter à c'ac'loba[35], qui est une pratique anti-mariage géorgienne, mais qui dans ce cas, est une pratique réalisée afin d'avoir une progéniture.

Représentations artistiques et littéraires

Dans l'Antiquité gréco-romaine

Amazonomachie, musée archéologique de Nicopolis d'Épire.

Le thème de l'Amazone apparaît couramment dans l'art grec. Elles sont représentées portant des tuniques courtes, à l'instar d'Artémis, ou encore avec des pantalons bouffants asiatiques. Souvent, le sein gauche, une épaule ou un pied est dénudé, ce qui pouvait justifier la frénésie de la bataille. En revanche, on ne trouve aucune occurrence de sein coupé. Les jeunes femmes athlètes sont souvent représentées en Amazones. Aucune amazone n'a été représentée nue durant les époques archaïque et classique. Cependant dans l'art hellénistique, certaines Amazones ont été représentées dénudées.

L'amazonomachie, ou combat des Grecs contre les Amazones, est également un thème populaire : il figure sur l'avers du bouclier d'Athéna Parthénos ou sur le trône de Zeus à Olympie, ou bien encore le sarcophage des Amazones réalisé probablement au IVe siècle av. J.-C. à Tarquinia[36]. Il est souvent représenté symétriquement avec le combat des Lapithes contre les centaures, comme c'est le cas sur les métopes du Parthénon.

En particulier, le combat d'Héraclès contre les Amazones est l'un des thèmes les plus populaires de la peinture sur vases attique à figures noires : on le retrouve sur près de 400 vases[37]. Dans la sculpture monumentale, il est représenté dans les métopes du trésor des Athéniens à Delphes, du temple E de Sélinonte, du temple de Zeus à Olympie et de l'Héphaïstion d'Ahènes, ainsi que sur la frise du temple d'Apollon à Bassae. C'est en fait un combat singulier qui est dépeint : Héraclès revêtu de sa peau de lion affronte une Amazone portant la plupart du temps une armure d'hoplite, plus rarement vêtue comme un archer scythe ou comme un guerrier perse[37]. Le combat de Thésée est également fréquent, mais celui de Bellérophon n'est pas représenté dans l'art grec[38].

Littérature

Détail de la fresque représentant Calafia à l'hôtel Mark Hopkins, San Francisco.
Bas-relief représentant Califia

Alchimie

À partir de l'époque byzantine, et surtout à la Renaissance, la mythologie antique va être interprétée comme une image des procédés alchimiques ce qui « dotait l'alchimie d'une imagerie nouvelle et quasi inépuisable, [et] lui apportait en outre aux yeux de bien des doctes la précieuse caution des Anciens : grâce à la notion de "théologie poétique", il devenait soudain possible d'argumenter contre le fréquent reproche selon lequel l'Antiquité classique n'avait pas connu l'Alchimie. »[40]. Ce courant, allant du chroniqueur Jean d'Antioche (VIIe siècle) à Dom Pernety (XVIIIe siècle) en passant par Petrus Bonus (XIVe siècle), s’est avant tout développé dans les écrits d’auteurs comme Robert Duval, Michael Maier ou Pierre-Jean Fabre[41],[42].

Le mythe des Amazones a ainsi fait l’objet de réinterprétations alchimiques. L’alchimiste Michael Maier interprète le neuvième travail d’Héraclès, dans lequel le héros doit rapporter à son cousin Eurysthée la ceinture d’Hippolyte, la reine des Amazones :

« L’artisan [c’est-à-dire l’alchimiste] Hercule doit les affronter, et il doit retirer le très précieux ceinturon de leur reine, qui consiste en diamant et escarboucle, les plus chères et les plus rares médecines de ce monde, dirais-je, blanche et rouge, mille fois plus précieuses que l’or[43],[44] ! »

Vingt ans plus tard, Pierre Jean-Fabre consacre un chapitre entier de son Hercules piochymicus aux Amazones, et réinterprète intégralement le mythe : il voit en les Amazones les « sels chimiques qui se trouvent cachés au centre de toute chose[45]. »

Les neuf Preuses, cheminée du château de Coucy

Bande dessinée

Cinéma

  • Dans les films qui s'inspirent de la légende, comme les péplums italiens, les amazones sont montrées avec deux seins dénudés.
  • Un lasso doré est l'arme par excellence de l'héroïne amazone moderne de bandes dessinées Wonder Woman qui a les deux seins couverts[5].

Télévision

  • Dans la série animée franco-japonaise Les Mystérieuses Cités d'or (1982-83), un peuple d'Amazones d'Amérique apparaît dans les épisodes 21 (Les Amazones) et 22 (Le Miroir de la Lune).
  • La série télévisée d'aventure américaine et néo-zélandaise Xena, la guerrière (diffusée de 1995 à 2001) met en scène le personnage de Gabrielle, compagne de Xena. Gabrielle est grecque mais elle est adoptée par la tribu des Amazones à la suite de ses premiers exploits.

Réutilisations du nom des Amazones après l'Antiquité

Les Amazones d'Amazonie

Comment les Amazones traitent ceux qu'elles prennent en guerre (1557), bois gravé.

Témoignages de François d'Orellana

Au XVIe siècle, les premières explorations espagnoles de la région équatoriale d'Amérique du Sud, qui ont à leur tête l'explorateur François d'Orellana croient découvrir des peuplades similaires sur les bords du Maragnon qu'ils appellent alors le « fleuve des Amazones », « Amazone ». Ils y rencontrent en effet des femmes qui combattent aussi farouchement que les hommes. Les Amazones d'Amazonie sont parfois représentées avec la peau blanche.

Selon Pierre Samuel[46], les Amazones qui ont rencontré l'explorateur espagnol Orellana en 1542, qui vivaient sur le bord du fleuve brésilien, seraient des guerrières robustes vivant dans 70 riches villages. Elles feraient payer un tribut aux villages voisins et feraient prisonnier des hommes afin de pouvoir procréer. Si l'enfant était un garçon alors il retournait avec son père et si cet enfant était une fille, elle restait avec sa mère.

Témoignages d'André Thevet

En 1557, au retour d’un voyage au Brésil (dans ce qui sera la baie de Rio de Janeiro), André Thevet reprend dans son ouvrage Singularités de la France antarctique, le thème des femmes guerrières trouvées par les Espagnols sur le fleuve Amazone. Il accompagne sa description de deux gravures effrayantes qui connaîtront un grand succès. Il nous dit « Elles font guerre ordinairement contre quelques autres nations, et traitent fort inhumainement ceux qu’elles peuvent prendre en guerre. Pour les faire mourir, elles les pendent par une jambe à quelque haute branche d’un arbre ; pour l’avoir ainsi laissé quelque espace de temps, quand elles y retournent, si le cas forcé n’est trépassé, elles tireront dix mille coups de flèches ; et ne le mangent comme les autres sauvages, ainsi le passent par le feu, tant qu’il est réduit en cendre » (Singularités p 243[47]). André Thevet d'abord se réjouit qu'aux trois sortes d'Amazones décrites dans l'Antiquité, celles de Scythie, d'Asie, et de Libye, viennent s'ajouter les Amazones d'Amérique. Ainsi chaque continent a ses Amazones. Plus tard, dans la Cosmographie universelle, Thevet se dira « bien marry que je sois tombé en la faute de l’avoir creu ».

Témoignages de Walter Raleigh

Carte de la région des Guyanes par Jodocus Hondius (1598), figurant le lac Parimé. En bas de la carte est représenté une Amazone.

L'explorateur anglais Walter Raleigh mena une expédition (en) le long du fleuve sud-américain Orénoque en 1595, avec pour objectif de trouver la contrée mythique d'Eldorado (ou Manoa). Il estimait que ce lieu se situait dans le plateau des Guyanes, au bord du légendaire lac Parimé. Ce voyage est narré dans son ouvrage The Discovery of Guiana (en)[48]. Il y évoque plusieurs peuples mythiques dont il a entendu parler sur place, tels que les Ewaipanomas (es) (acéphales) ou les Amazones. De ces dernières, il décrit longuement les mœurs, se basant sur ce que lui raconte le cacique Topiawari :

« Cependant, je vais transcrire ce qui m’a été transmis comme vrai sur ces femmes, et j’ai parlé avec un cacique, ou seigneur, qui me dit qu’il avait été sur le fleuve et au-delà. Ces nations de femmes sont situées sur la rive sud du fleuve dans les provinces de Topago, et leurs retraites et leurs camps fortifiés se trouvent dans les îles au sud de l’embouchure, à quelque soixante ligues dans l’estuaire du même fleuve. Les témoignages sur de telles femmes sont très anciens […] ; celles qui habitent près de la Guyane ne vont avec les hommes qu’une fois par an… »

 Walter Raleigh, The Discovery of Guiana

Line Cottegnies rapporte[49] que, selon Neil L. Whitehead (en), Raleigh ne différencie pas ici ce qui a trait au mythe et ce qui concerne la réalité historique. Elle constate également que l'explorateur réunit dans son texte le mythe des Amazones avec la figure idéalisée de la reine d'Angleterre de l'époque Élisabeth Ire, surnommée « La Reine Vierge ». Dans ce même esprit, il est possible que Ralegh, si sensible aux signifiants, ait associé par glissement quasi homonymique « Guiana » à « Gyneia » (le pays des femmes).

Cottegnies cite deux hypothèses afin d'expliquer l'origine de ces Amazones. Soit il s'agirait de guerriers à cheveux longs qui auraient été confondus avec des femmes. Soit ce seraient des tribus matriarcales composées de guerrières. La seconde hypothèse est jugée possible mais peu probable, même si certains peuples de culture orale de la région ont été oubliés à cause de la conquête espagnole. D'après l’anthropologue Jonathan D. Hill, la présence de tribus matriarcales dans cette région du monde n'a pas été prouvée. Cependant, les Amazones constituent un mythe quasiment universel, y compris dans le contexte amérindien. Il y est question de femmes puissantes et accompagnant les sociétés patriarcales fortes (d'après un schème d’opposition avec la structure sociale dominante). En fait, les Amazones sont comme l'Eldorado : ils sont objet de quête mythique et leurs frontières sont déplacées au fil des nouvelles révélations et mystifications[49].

Amazones et femmes-guerrières en Afrique

Frederick Forbes, Amazone du Dahomey (1851).

Il existe d'autres traditions de femmes-guerrières en dehors des peuples des steppes d'Asie centrale. Au Dahomey, Tasi Hangbè (ou Nan Hangbe), sœur jumelle d'Akaba, règne sur le Dahomey de 1708 à 1711 après la mort soudaine d'Akaba en 1708. C'est lors d'une campagne contre les voisins Ouéménou du royaume qu'elle prit la tête de l'armée, travestie — pour galvaniser ses troupes — à l'image de son frère jumeau défunt Akaba. Elle est la créatrice du corps des amazones du Dahomey. Elle a été largement effacée de l'histoire officielle du Dahomey, sous le roi Agadja son successeur, dont les partisans obligèrent la reine à démissionner.

Plus tard, le souverain Ghézo (1818-1858) créa des compagnies féminines de cavalerie et d'infanterie qui seront baptisées les « Amazones vierges du Dahomey » et combattront d'abord dans les nombreuses guerres de sécession ayant opposé le Dahomey aux Yoroubas. Par la suite le roi Béhanzin les utilisa contre les troupes coloniales françaises.

Au Sénégal, le royaume du Cayor envoyait ses « Linguères » qui étaient des sœurs et cousines des souverains dans ses différentes batailles contre les Maures trarzas. L'Empire zoulou avait auparavant constitué des régiments de jeunes filles combattantes ou chargées de la logistique[50].

Notes et références

  1. (en) Leonhard Schmitz, Dictionary of Greek and Roman Biography and Mythology, Little, Brown and Company, , p. 137–138
  2. « Variantes sur la localisation des Amazones », Musagora,
  3. (la) Justin, Historiae Phillippicae ex Trogo Pompeio, vol. Liber II, p. 4
  4. Virgines (...) armis, equis, venationibus exercebant, inustis infantum dexterioribus mammis, ne sagittarum iactus impediantur; unde dictae Amazones.
    Elles formaient les vierges aux maniements des armes, à l'équitation et à la chasse ; elles brûlaient le sein droit des enfants, ainsi elles n'auraient aucune difficulté à tirer de l'arc ; c'est pour cette raison qu'elles ont été appelées Amazones.
  5. (en) Natalie Haynes, « The Amazons: Lives & Legends of Warrior Women Across the Ancient World by Adrienne Mayor, book review », The Independent, (lire en ligne, consulté le )
  6. (en) « Adrienne Mayor, Start the Week, Radio Four », bbc.co.uk, (lire en ligne)
  7. Jacques Boulogne, « La mutilation mammaire des Amazones : un mythe de la médecine grecque ? », Pallas, no 78, , p. 59-65.
  8. Quintus de Smyrne, Suite d'Homère, I, 159.
  9. Iliade, III, 188-189.
  10. Épisode relaté par exemple dans La Suite d'Homère (I, 1-722)
  11. fr. 149 Jacoby
  12. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne] (II, 46)
  13. Épitome, V, 1
  14. Énéide, I, 491.
  15. également appelée Hippolyte par certains auteurs
  16. Le récit figure dans la Vie de Thésée, 27-28.
  17. Violaine Sebillotte Cuchet, « Les Amazones ont-elles existé ? », L'Histoire, no 374, , p. 70.
  18. Diodore, XVII, 77, 1-3 ; Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre, 6, 5, 24-34 ; Justin, XII, 3. La Vulgate désigne par opposition aux récits d’Arrien et de Plutarque une vision panégyrique et merveilleuse du règne d’Alexandre.
  19. Il s'agit peut-être d'Onésicrite.
  20. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], XVII, 77, 3 ; extrait de la traduction de Paul Goukowsky, Belles Lettres, 1976.
  21. Quinte-Curce, L'Histoire d'Alexandre le Grand [lire en ligne] VI, 5, 32.
  22. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne], Alexandre, 46, 1
  23. Arrien, Anabase [lire en ligne] (VII, 13, 2)
  24. IV, 15, 1-6
  25. VIII, 1, 7-9
  26. Brisson 2008, p. 854 (note1)-855[réf. non conforme]
  27. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], IV, 110-117.
  28. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne]IV, 110-117
  29. Strabon, Géographie [détail des éditions] [lire en ligne], Livre XI, 5, « Le Caucase ».
  30. Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1999 (édition mise à jour), 1447 p. (ISBN 978-2-25203-277-0), q.v., p. 69a.
  31. O. Lagercrantz, Xenia Lideniana, Stockholm, 1912, p. 270 et suiv.
  32. Dans la Bible, les « femmes des nomades » sont appelées Ma Gog, dans le Coran Mâ jûj. Au sujet de l'étymologie voir Paul Faure, Alexandre, Fayard, 1985, p. 531.
  33. Strabon, Géographie, XI, 5.
  34. Adrienne Mayor (trad. de l'anglais), Les Amazones, Quand les femmes étaient les égales des hommes, VIIIe siècle av. J.-C.-Ier siècle, Paris, la Découverte, , 559 p. (ISBN 978-2-7071-9466-4), p 160- 168.
  35. Thelamon, F., « Amazones et Gargaréens : la disjonction des masculins et des féminins au Caucase », Article de revue, , p. 319-338 (lire en ligne)
  36. Jean-Marc Irollo, Histoire des Étrusques, p. 147-148.
  37. Thomas H. Carpenter, Les Mythes dans l'art grec, Thames & Hudson, Paris, 1998, p. 126.
  38. Thomas H. Carpenter, Les Mythes dans l'art grec, Thames & Hudson, Paris, 1998, p. 127.
  39. Richardot (2007).
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Annexes

Sources antiques

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  • (it) Vanna De Angelis, Ammazzoni, Piemme, 1998.

Sources radiophoniques

Articles connexes

Liens externes

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