Allen Dulles

Allen Welsh Dulles, né le à Watertown (New York) et mort le à Washington, est un avocat, diplomate et personnalité du monde des renseignements américaine, premier directeur civil de la Central Intelligence Agency. En fonction du au , il est également l'un des sept membres de la commission Warren chargée d'enquêter sur l'assassinat de John F. Kennedy.

Pour les articles homonymes, voir Dulles.

Allen Dulles
Fonctions
1er directeur de la Central Intelligence Agency
Prédécesseur Walter B. Smith (indirectement)
Successeur John McCone
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Watertown (New York, États-Unis)
Date de décès
Lieu de décès Washington
Nationalité Américaine
Fratrie John Foster Dulles
Diplômé de Université de Princeton
Université George Washington

Directeur de la Central Intelligence Agency

Frère cadet de John Foster Dulles, secrétaire d'État des États-Unis durant la présidence de Dwight D. Eisenhower et actionnaire principal du géant United Fruit Company, société bananière influente dans les républiques bananières d'Amérique latine, Allen Dulles reste un personnage très controversé. Il a été limogé brutalement par John F. Kennedy, le , et ne lui a jamais pardonné[1], à la suite du désastre de la Baie des Cochons (Cuba).

Sa carrière au sein de l'administration américaine fut émaillée de conflits d'intérêts personnels et familiaux plus ou moins importants, dus à sa participation aux opérations de grands groupes industriels internationaux ainsi qu'à la carrière de son frère John Foster, qui a aussi travaillé pour ces grands groupes.

Biographie

Fils d'un pasteur presbytérien, Allen Dulles est né à Watertown, dans l'État de New York.

Il fait ses études à l'université de Princeton et entre dans les services diplomatiques en 1916. Il est envoyé en Suisse[2] ; il est responsable du rejet de la demande de Vladimir Lénine d'un visa pour les États-Unis le [2]. En 1919, après la Première Guerre mondiale, lui et son frère Foster font partie de la délégation américaine de la Conférence de paix de Paris[3]. En 1926, il obtient un diplôme de droit à l'université George-Washington et trouve un emploi dans la société Sullivan & Cromwell LLP, un cabinet d'avocats international basé à New York dans lequel travaille déjà son frère Foster[4],[5]. Il travaille alors comme financier pour Wall Street, notamment pour la Standard Oil dont il représente les intérêts en Europe. À ce titre, il est impliqué dans des liens financiers, avec l'Allemagne durant l'entre-deux-guerres[N 1].

Son démarrage dans les services secrets

Dulles est recruté par William J. Donovan pour devenir chef des opérations à New York pour le compte du COI (Coordinator of Information (en)), organisme de renseignements américain renommé Office of Strategic Services (OSS) en 1942.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Dulles est chef de station de l'OSS à Berne en Suisse et de là, il fournit à son gouvernement des informations concernant l'Allemagne nazie[6]. Parmi son réseau d'informateurs, il a un atout : son vieil ami Thomas H. McKittrick (en), le président américain de la Banque des règlements internationaux à Bâle, un point clé dans le réseau de l'argent transnational qui a contribué à maintenir l'Allemagne dans les affaires pendant la guerre[7].

Tête de la CIA

Après la Seconde Guerre mondiale, il fonde en 1948 avec William J. Donovan, le Comité américain pour une Europe unie[8], un organisme qui fait transiter des fonds privés et gouvernementaux américains vers l'Europe, afin de soutenir financièrement des organismes pro-européens, comme le Mouvement européen. Il appuie la formation de Fraternité mondiale en Europe, alors qu'il entre à la CIA[6] qui a été créée le en replacement de l'OSS. De 1948 à 1950, il occupe le poste de responsables des opérations secrètes. Il en devient le directeur adjoint au puis le directeur en 1953, nommé par Dwight Eisenhower et grâce à l'action de son frère John Foster Dulles. Pendant cette période il fonde Radio Free Europe, dont le but est de combattre le communisme en diffusant des idées et des informations inaccessibles aux habitants du bloc de l'Est[6].

En parallèle, à partir de Septembre 1949 à 1954, la CIA procède sous sa direction à l'envoi en URSS d'agents infiltrés grâce à l'existence de maquis anticommunistes à travers la ligne du rideau de fer. Cette opération est dirigée par Harry A. Rositzke. Elle se révélera rapidement un échec à la suite de la répression menée d'une part par le NKVD, l'ancêtre du KGB, ancêtre lui même du FSB, les services secrets russes et d'autre part en raison de l'action de Kim Philby, agent double, qui au sein du MI6 britannique remplissait la fonction de chef des opérations anti-soviétiques[9].

Les années 1950, la lutte contre le communisme au niveau international

Au niveau européen

Dans le contexte de la guerre froide entre les États-Unis et l'URSS, Allen Dulles désire contrer l'avancée du communisme en Europe, et pour cela, il va promouvoir l'unité européenne. Certains auteurs comme Christophe Deloire et Christophe Dubois considèrent que Dulles a entretenu des relations directes avec les protagonistes de la construction européenne, comme Jean Monnet et Robert Schuman[10].

Sous sa direction, la CIA organise l'opération Splinter Factor ou "opération éclatement" sur le principe suivant : créer et étayer de toutes pièces de fausses preuves et accusations sur le modèle des procès lors des grands purges menées par Beria et Staline dans les années 1930 contre d'autres dirigeants de l'appareil soviétique. L'objectif d'Allen Dulles était d'attiser les dissensions et rivalités de pouvoir en interne pour affaiblir le glacis soviétique en s'appuyant sur la méfiance et la paranoïa accrues en cours propres au régime stalinien.

Cette opération, dont Allen Dulles refusa toujours de parler, s'appuyait sur le transfuge polonais Josef Swiatlo et l'américain Noel Field, communiste convaincu, qui avait agi en tant qu'agent, d'abord de l'OSS puis de la CIA, durant la Seconde guerre mondiale, en poste en Suisse à Genève et en France à Marseille, et qui a rejoint les rangs soviétiques en , où il fut arrêté à son tour.

Cette opération débouche sur deux procès importants, celui de Laslo Rajk, le ministère des affaires étrangères de Hongrie, à partir du à Budapest, et celui de Rudolf Slánský, le premier secrétaire du parti communiste Tchécoslovaque, avec 13 autres co-accusés, ouvert le à Prague[9]. Les accusés sont réhabilités au cours de la période de déstalinisation à partir de 1956.

En 1956, la CIA, sous la direction de Dulles, participe à la publication du rapport secret au XXe congrès de Nikita Khrouchtchev dénonçant les actes criminels de Joseph Staline, d'abord le avec une publication dans le New York Times, puis une seconde version enrichie de 34 paragraphes mis au point par la CIA, prétendument dérobée, destiner à faire éclater les relations entre l'URSS et les pays non alignés[9].

En 1955, l'opération Gold est déployée et consistait en une installation d'espionnage sur canaux téléphoniques à Berlin, et installée dans un tunnel de 446 m de long et 2 m de diamètre. Elle fonctionne pendant 11 mois et 11 jours, avant d'être découverte par les agents du KGB. Elle fut baptisée par ces derniers 'le tunnel de Berlin'. Ces enregistrements furent étudiés jusqu'en 1958. Cette opération coûta 30 millions de dollars[9].

En parallèle, l'opération Gold travaille à la diffusion d'informations occidentales grâce à la Radio Free Europe, qu'elle a créée.

Au niveau intérieur

Au niveau des médias, Allen Dulles a promu l'opération Mockingbird, dont le but est d'influencer les sociétés de média américains[11].

En , le sénateur Joseph McCarthy commence une série d'investigations sur une potentielle subversion communiste au sein de la CIA.

Malgré le manque d'éléments révélateurs d'un dysfonctionnement, les audiences, pouvant être dommageables pour la réputation de la CIA et pour la sécurité des informations sensibles, Dulles persuade le président Dwight D. Eisenhower de demander à McCarthy d'arrêter ses attaques contre l'agence, ce dernier ayant traité de communistes des agents tels que Cord Meyer[12].

Théâtre du Moyen-Orient

Certaines actions d'Allen Dulles sont controversées : sous couvert de protéger les intérêts américains (politique du New Look), il renverse des gouvernements démocratiquement élus, dont Washington pense qu'ils s'allieront peu ou prou au bloc soviétique (URSS).

La CIA paraît ainsi davantage servir les intérêts financiers des grands groupes plutôt que la démocratie et la liberté[13],[N 2].

Ainsi, sur ordre du président Dwight Eisenhower, à travers des opérations secrètes, il fait emprisonner le Premier ministre élu d'Iran, Mohammad Mossadegh, qui est considéré comme trop proche de l'influence de Moscou, pour préserver les intérêts des compagnies pétrolières.

Le coût de l'opération fut évaluée à 20 millions de dollars et a requis l'intervention d'une douzaine d'agents américains et de 6 000 iraniens. Il s'agit de revenir sur la nationalisation du pétrole iranien et l'éviction de l'Anglo-Iranian Oil Company, décidé en .

Le Shah d'Iran est restauré sur son trône le [9].

Théâtre de l'Amérique du Sud

De 1953 à 1954, l'opération PBSUCCESS, conjointement mené par l'United Fruit Company, dont Dulles est le principal actionnaire, et la CIA, permet de renverser Jacobo Arbenz Guzmán, le président du Guatemala, démocratiquement élu.

Il s'agit d'empêcher une taxe d'entrer en vigueur sur les bananes exportées par United Fruit. Il est alors remplacé par la dictature du Colonel Carlos Castillo ArmasIl le . Le coût de cette opération fut évaluée à 20 millions de dollars, pour les contribuables américains.

En 1956, il participe à une opération considérée comme prioritaire : la publication par la CIA du rapport secret lors du XXe congrès par le chef soviétique Khrouchtchev, détaillant les crimes perpétrés par Joseph Staline. La première version officielle parait le dans le New York Times. Une seconde version apparaissant comme une série de photos prises par un appareil de photographie de marque Minox (marque très employée par les services secrets au cours des missions d'espionnage) fut diffusée et recelant des paragraphes ajoutées par la CIA afin de compliquer drastiquement les relations entre les pays alliés ou en relation avec l'URSS, l'exemplaire présenté par le quotidien New Yorkais devant apparaitre comme une version censurée[9].

Théâtre de l'Afrique

En tant que directeur de la CIA, il est aussi impliqué dans un projet d'assassinat de Patrice Lumumba (1961), le Premier ministre du Congo avec l'aide des agents de Mobutu Sese Seko[9]. Le , l'agent Sidney Gotlib fut envoyé avec une cargaison de poisons biologiques tel que la tularémie ou maladie du lièvre et la brucellose ou fièvre de Malte.

Dulles aurait mal interprété la volonté du président Dwight Eisenhower[14],[15].

Théâtre de l'Asie

En 1955, la CIA permet l'accession au pouvoir au Vietnam du Président Ngo Dinh Diem porté par plus de 98% des voix exprimées, et qui sera assassiné le , 20 jours avant John F. Kennedy. L'opération était organisée par Eward Guy Landsale.

En 1950, les USA ne font rien pour contrer ou dénoncer l'invasion du Tibet par la Chine, le , un an et 6 jours seulement après la proclamation de la République Populaire de Chine par Mao, le .

En 1959, sous la direction de Dulles, la CIA met en place une opération d'entrainement sur le sol des Etats-Unis de 600 hommes de la Tensung Tangla Magar ou National Volunteer Defense Army (NVDA), une modeste armée tibétaine, à comparer aux 100.000 soldats chinois ayant envahi le Tibet, et visant à terme le rétablissement du Dalai Lama.

Ce projet, comme d'autres, est abandonné sous la présidence de Kennedy.

Les années 1960 : le fiasco cubain et la fin des privilèges

Pendant le mandat de John Fitzgerald Kennedy (JFK), Dulles fait face à des critiques grandissantes[16].

Le Noeud cubain

Dans les années 1960, le nœud de crispation se trouve être Cuba, avec l'instauration du régime cubain de Fidel Castro qui a pris le pouvoir en 1959 face au dictateur Fulgencio Batista alors soutenu par Washington, malgré l'impopularité grandissante du régime, au nom de la défense des intérêts géostratégiques américains. Cette alternance du pouvoir avait reçu l'aval dans un premier temps des États-Unis. Néanmoins, des crispations puis des tensions se révèlent au fur et à mesure que le leader cubain mène une politique économique défavorable aux intérêts américains (la réforme agraire qui impacts les grandes entreprises agricoles et la nationalisation des raffineries de pétrole par exemple) et se rapproche dangereusement pour les élites des États-Unis de la sphère d'influence l'URSS durant cette période de guerre froide et ce au titre de la doctrine Monroe.

La préparation de l'invasion

C'est dans ce contexte que la CIA reçoit l'ordre, le , de la part du président Dwight Eisenhower dont le vice-président est Richard Nixon, de mettre en œuvre toutes les tentatives de déstabilisation du régime castriste et d'assassinat de ses leaders notamment avec l'entraînement des exilés anti-castristes réfugiés aux Etats-Unis dans des camps situés au Guatemala. En août, la CIA contacta la mafia (ou Cosa nostra) américaine à Chicago pour tenter d'élaborer un projet d'assassinats simultanés de Fidel Castro, Raúl Castro et Che Guevara. En échange, si l'opération réussissait et qu'un gouvernement pro-américain était restauré à Cuba, les États-Unis s'engageaient à ce que la mafia y récupère « le monopole des jeux, de la prostitution et de la drogue ». Pour l'organisation criminelle, la révolution cubaine avait été la plus grave et coûteuse déroute de son histoire avec une perte chiffrée de 100 millions de dollars annuels en 1959, soit 900 millions en 2013, après la fermeture des casinos, des lieux de prostitution et de trafic de stupéfiants et malgré les tentatives déployer pour amadouer financièrement et préventivement le leader cubain[17].

C'est dans ce contexte qu'Allen Dulles informe au cours de la campagne électorale de 1960, le candidat démocrate John Fitzgerald Kennedy et son équipe, de l'existence de l'opération Pluton en cours pour déloger le régime de Fidel Castro à Cuba. Bénéficiant de l'aura de prestige due à la réussite des opérations précédentes menées par la CIA et notamment au Guatemala en 1954, il parvint à convaincre Kennedy, initialement très réservé en raison des menaces que faisait peser l'URSS sur Berlin-Ouest, de l'utilité de l'opération en se basant sur la certitude non prouvée, que le débarquement fera naître l'insurrection et la défection dans le camp de Castro[18],[19].

Autorisée en , par la présidence dans un climat extrêmement tendu ou s'affronte retenue diplomatique et exigences des opérations secrètes et à la condition expresse que les Etats-Unis ne soient impliqués en aucun cas y compris militairement, l'opération de l'invasion de la baie des Cochons à Cuba[20] est menée du 15 au . Au vu du déroulement désastreux de l'opération qui ne se déroule pas conformément aux prévisions de la CIA, la présidence américaine, sollicitée pour autoriser l'action des forces américaines aériennes pour renverser l'issue condamnée du débarquement refuse.

Finalement, l'opération montée intégralement par la C.I.A aboutit à l'échec diplomatique, politique et militaire le plus important des États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale et une humiliation sur le plan international avec plus de 1 189 prisonniers sur les 1 500 que compte la brigade des exilés anti-castristes. L'opération est qualifiée aux États-Unis de « perfect failure » échec parfait »)[18],[19].

La CIA face à son fiasco cubain

L'échec retentissant de l'opération, qui force Kennedy a admettre publiquement la responsabilité des États-Unis dans la tentative d'invasion le , entraîne une vague de critiques contre l'institution qu'était devenue la CIA en moins de quinze ans sur le règne d'Allen Dulles. L'agence, qui bénéficiait d'une réputation impeccable jusqu'alors, n'en avait encore jamais subi, tant de la part de l'opinion publique que de la classe politique américaine en général. D'agents modernes à la James Bond, dévoués et loyaux, les agents de la CIA apparaissaient désormais comme une « bande d'incapables, d'aventuriers débiles qui conduisaient leurs hommes à une mort inutile »[21],[19]. En parallèle, les régimes pro-américains d'Iran et du Guatemala sont perçus comme brutaux et corrompus, et minent la crédibilité de la CIA[22].

La présidence face aux résultats et en raison des informations erronées qui lui ont été fournies par la centrale de renseignement, décide de mener des enquêtes internes, y compris au sein cette dernière, entreprise qui est menée par l'inspecteur général de la CIA, Lyman Kirk Patrick. Il apparaît que la CIA a commis un nombre extrêmement élevé d'erreurs d'analyses, d'évaluations et d'omissions critiques au cours de la préparation de l'entreprise d'invasion. Sa mission première définie lors de sa création en 1947, à savoir la collecte et l'analyse des renseignements, se révèle être un échec complet, la création d'actions clandestines ayant supplantée cette dernière[23].

En outre, les procédures d'évaluation appliquées en permanence pour détecter les failles d'un plan n'avaient pas été appliquées. Plus grave pour le pouvoir politique, les résultats des investigations font apparaître que sa direction menée par Allen Dulles et notamment Richard Bissel en charge de l'opération[23], a tenté d'infléchir la décision de la Maison Blanche afin de maintenir l'opération alors que les conditions du succès n'étaient plus réunies notamment avec la réduction de la couverture aérienne de l'invasion (de 16 appareils, le nombre avait été abaissé à 8 à la demande de la présidence mais sans que la direction de la CIA soit en mesure de confirmer qu'il serait suffisant ou encore que le bombardement préventif n'alerterait pas les autorités cubaines préventivement). La probabilité de réussite du débarquement avait été évaluée à moins de 30 % par les militaires américains, information qui n'avait pas été communiquée au président John Fitzgerald Kennedy[24],[19] tandis qu'au sein même de l'équipe du projet au sein de la CIA, en , la réussite du projet apparaissait comme grandement improbable[23].

Les résultats désastreux des enquêtes pour la CIA furent classés comme confidentiels (seul 1 rapport fut conservé sur les 20 originaux sur ordre de John Mac Cone) et ne furent révélés qu'en ou la CIA reconnut l'ensemble de ses erreurs[19].

Conséquence directe de l'échec de l'opération, l'équipe de direction est remplacée : son directeur, le , Allen Dulles est limogé recevant une médaille d'honneur pour son travail et est nommé consultant historique au moment ou sont posées les dernières pierres du nouveau quartier général de la C.I.A à Langley en Virginie. Il est remplacé à la tête de la CIA par le républicain Jonh Mac Cone. En parallèle, plusieurs de ses collaborateurs directs sont remplacés, dont Richard Cabell par le général Marshall Carter, et Richard Bissell est déplacé à l'Institut d'analyses de la Défense.

A noter que ce John Mac Cone ne fut pas informé de l'opération illégale menée par la CIA sur le territoire américain d'ouverture du courrier[23]. Ces faits sont révélés par la suite par la Commission sénatoriale d'enquête sur la agissements illégaux des services de renseignements américains après la crise du Watergate, la Commission Church en 1975. Crée en 1947, la CIA avait en effet l'interdiction formelle d'agir dans sur le territoire des Etats-Unis, rôle dévolu exclusivement au F.B.I de J Edgar Hoover.

L'échec de cette opération va conduire à la mise au point de l'opération d'élimination physique de Fidel Castro avec l'opération Mongoose[25] dirigée par Robert F. Kennedy. Cependant, l'institution qu'était devenue la CIA vécut mal cette déroute et de nombreux agents, en interne, rendirent responsable le président John F. Kennedy pour son non soutien et pour ce qu'ils considéraient comme une défaite face au communisme malgré les nombreuses et graves défaillances, erreurs et omissions internes de la Centrale de renseignements[19].

Participation à la Commission Warren

Après l'assassinat de John F. Kennedy, son successeur désigné, le président Lyndon Johnson engage Allen Dulles comme l'un des sept membres de la commission Warren[26] au titre de la qualité de ses connaissances et ses relations avec la sphère du monde des renseignements américains[27].

Malgré sa connaissance de plusieurs projets d'assassinats par la CIA, la mafia et les anticastristes envers le leader cubain Fidel Castro, dans aucun document qu'il remet aux autorités d'enquête, Dulles ne mentionne ces faits durant la commission d'enquête qui se déroula de 1963 à 1964. Parmi les nombreuses théories sur l'assassinat de Kennedy, l'une prétend que Dulles s'est allié à Lyndon Johnson et à la mafia de Chicago ; Johnson est nommé président des États-Unis à la suite de la mort de Kennedy, et c'est lui qui nomme Dulles chef de l'enquête sur l'assassinat de Kennedy[28].

Il participe directement à la préparation des interrogatoires des témoins, ce qui fut reproché par la suite au travail mené par la Commission Warren[27].

Fin de vie

En 1969, Dulles meurt à l'âge de 75 ans d'une grippe et d'une complication par pneumonie. Son épouse meurt en 1974 à 80 ans.

Carrière littéraire

Dulles publie le livre The Craft of Intelligence (L'Art du renseignement) en 1963 et en 1968 il publie un recueil de nouvelles d'autres auteurs réunis sous le titre Great True Spy Stories, (Les Grandes histoires de l'espionnage, 1969, Stock).

Anecdotes

En , lors de la visite du premier secrétaire du Parti communiste soviétique, Nikita Khrouchtchev à Washington, ce dernier s'entretient avec Allen Dulles et dans un échange devenu célèbre dans le monde, il propose que les États-Unis et l'URSS mettent en commun leurs services de renseignement afin de ne pas avoir à payer deux fois la même information[9].

L'écrivain soviétique Ilya Ehrenbourg, polémiste mordant, mais non dépourvu de talent décocha dans La Pravda cette pique à l'intention du directeur de la CIA: "Allen Dulles est l'homme le plus dangereux du monde(...) Si par quelque bévue il parvenait au Paradis il commencerait par plastiquer les nuages, piéger les étoiles avec des mines et massacrer les anges"[29]

Il a décerné avec J. Edgar Hoover, directeur du FBI, le titre de cold Warrior (ou champion de la guerre froide) au premier directeur de la Direction de la Surveillance du Territoire française, la DST, Roger-Paul Warin dit Wybot en poste de 1944 à 1958.

Dans la culture populaire

Cinéma et télévision

Allen Dulles est incarné par plusieurs acteurs dans différents films et téléfilms :

  • Die U-2-Affäre (téléfilm, 1970) de Rudolf Nussgruber, interprété de Herbert Tiede ;
  • Libération (Освобождение, 1971) de Youri Ozerov, interprété par Otto Busse ;
  • Semnadtsat mgnoveniy vesny (téléfilms, 1973), interprété par Vyacheslav Shalevich ;
  • Francis Gary Powers: The True Story of the U-2 Spy Incident (téléfilm, 1976) de Delbert Mann, interprété par Lew Ayres ;
  • Kennedy (série télévisée, 1983), interprété par George Hamlin ;
  • American Playhouse (série télévisée, 1 épisode en 1984), interprété par George Hamlin ;
  • My obvinyayem (1985) de Timofei Levchuk, interprété par Nikolay Zasukhin ;
  • Day One (téléfilm, 1989) de Joseph Sargent, interprété par Terrence Labrosse ;
  • Dark Skies : L'Impossible Vérité (Dark Skies, série télévisée, 1996-1997), interprété par T.J. Kennedy ;
  • The Commission (2003) de Mark Sobel, interprété par Jack Betts ;
  • The Company (mini-série télévisée, 2007) de Mikael Salomon, interprété par Cedric Smith ;
  • Un vrai Américain : Joe McCarthy (The Real American - Joe McCarthy, 2011) de Lutz Hachmeister, interprété par Tim Ahern ;
  • Les Kennedy (The Kennedys, mini-série télévisée, 2011), interprété par Allan Royal ;
  • Le Pont des espions (Bridge of Spies, 2015) de Steven Spielberg, interprété par Peter McRobbie.

Notes et références

Notes

  1. Kinzer souligne le rôle central de John Foster Dulles, le frère d'Allen, dans l'acheminement des fonds des États-Unis à l'Allemagne nazie dans les années 1930. En effet, son amitié avec Hjalmar Schacht, le président de la Reichsbank et le ministre d'Adolf Hitler de l'Économie, a été cruciale pour la reconstruction de l'économie allemande. Sullivan & Cromwell a émis des obligations pour le fabricant d'armes Krupp A. G. et a également travaillé pour IG Farben, le conglomérat de produits chimiques. Le cabinet d'avocats des frères Dulles n'a pas été le seul dans son empressement à faire des affaires avec les nazis ; de nombreuses gens à Wall Street et de nombreuses sociétés américaines, y compris Standard Oil et General Electric, avaient des intérêts en Allemagne. Allen Dulles a cependant des scrupules à opérer en Allemagne nazie et pousse à la fermeture du bureau de Sullivan & Cromwell en Allemagne en 1935, un mouvement opposé à celui de son frère. ((en) Adam LeBor, « Overt ad Covert », The New York Times, (consulté le )).
  2. La vision du monde manichéenne des frères Dulles s'est avérée être un mauvais outil pour faire face aux complexités de l'ère postcoloniale. Des dirigeants comme Lumumba et Mossadegh auraient bien pu avoir été ouverts à la coopération avec les États-Unis, le voyant comme un allié naturel des ennemis du colonialisme. Toutefois, pour les frères Dulles et une grande partie du gouvernement américain, les menaces sur les intérêts des entreprises américaines ont été classées comme soutien pour le communisme. « Pour nous », a expliqué une fois John Foster Dulles, « il y a deux sortes de gens dans le monde. Il y a ceux qui sont chrétiens et soutiennent la libre entreprise, et il y a les autres ». Rejeté par les États-Unis, les nouveaux dirigeants se tournent vers Moscou. « Overt ad Covert », sur New-York Times (consulté le ).

Références

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  2. Grose 1994, p. 26.
  3. Grose 1994, p. 36, 46.
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  10. Christophe Deloire et Christophe Dubois, Circus Politicus, Paris, Albin Michel, coll. « Essais Doc. », , 461 p. (ISBN 978-2-226-23859-7, lire en ligne).
  11. (en) Bridget S. Howe, If the West Falls... : Globalization, the End of America and Biblical Prophecy, WestBow Press, , 348 p. (ISBN 978-1-4497-2179-4, lire en ligne).
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Sources

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  • (en) Richard H. Immerman (en), The CIA in Guatemala : The Foreign Policy of Intervention, Austin: University of Texas Press, .
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  • (en) Peter Grose, Gentleman Spy : The Life of Allen Dulles, Boston, Houghton Mifflin, , 641 p. (ISBN 978-0-395-51607-2).

Liens externes

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