Accident nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux de 1980

L'accident nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux de 1980 est un accident nucléaire classé au niveau 4[1] de l'échelle INES qui s'est produit le à la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux. C'est le plus grave accident nucléaire que la France a connu, devant celui survenu en 1969 dans cette même centrale.

Accident nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux

Les réacteurs graphite-gaz A1 et A2 de la centrale

Type Accident nucléaire de niveau 4
Pays France
Localisation Saint-Laurent-des-Eaux
Coordonnées 47° 43′ 12″ nord, 1° 34′ 49″ est
Date
Criticité de l'accident sur l'échelle INES.

Circonstances

Le , à 17 h 40, les alarmes retentissent, puis une fusion partielle du cœur sur le réacteur no 2. Cette fusion est déclenchée par le décrochage d'une tôle au sein du circuit de refroidissement qui vient boucher une partie de celui-ci et ensuite faire augmenter localement la température du combustible. 20 kg d'uranium fondent après l'arrêt d'urgence du réacteur[2].

Le professeur Pierre Pellerin, responsable du SCPRI (service central de protection contre les rayonnements ionisants), explique à la commission de surveillance de la centrale « que la pression à l'intérieur du réacteur équivalait à trente fois la pression atmosphérique et qu'il fallait procéder à quelques rejets pour dégonfler le caisson »[3].

Conséquences

La quantité de combustible fondu est plus faible qu'en 1969 (20 kg contre 50 kg) mais le combustible est plus radioactif puisqu'il a accumulé les produits de fission et actinides mineurs lors de son utilisation pendant 2 ans dans le réacteur.

500 salariés d'EDF et sous-traitants sont impliqués dans les 29 mois que durent les opérations de nettoyage et de remise en état du réacteur et les poussières d'uranium dispersées dans le bâtiment réacteur lors de l'accident sont restées pendant longtemps un risque de contamination. Plusieurs tonnes de plomb sont amenées dans le bâtiment réacteur pour servir de protection radiologique et pour limiter les conséquences sur l'environnement[2].

Rejet de plutonium dans la Loire

D'après le président de la commission de surveillance de la centrale, « Quand tout a été refroidi, quelques kilos d'uranium avaient fondu et ils s'étaient déposés au fond du caisson. Ces matériaux étaient chargés en produits de fission, et en plutonium. Lors du nettoyage, il y a eu une opération de rinçage et des rejets liquides sont partis dans la Loire »[3]. La centrale indique par son service de communication « avoir respecté les limites réglementaires d’autorisation de rejet de l’époque, fixées par l’arrêté ministériel de  »[4].

Le , le documentaire Nucléaire, la politique du mensonge ?, diffusé par Canal+[5] révèle que, à la suite de cet accident, EDF a procédé à des rejets de plutonium dans la Loire pendant au moins 5 ans, une pratique que le documentaire dénonce comme « illégale à l'époque comme aujourd'hui ». À la suite de la diffusion du reportage, l'IRSN précise qu'à l'époque de l'accident, la surveillance du territoire était réalisée par le SCPRI (prédécesseur de l'IRSN). D'après les archives dont dispose l'IRSN, si des rejets d'effluents radioactifs ont bien eu lieu en , ils ne seraient cependant pas liés à cet accident nucléaire, mais à l'éclatement d'un conteneur d'éléments radioactifs survenu dans la piscine du réacteur 2[6].

En 2015, Marcel Boiteux, président d'EDF au moment des faits et alors président d’honneur déclare : « C’est quand même pas grand-chose. C'est pas bien mais c'est pas grave. […] Si cela a été fait, c'est avec l'aval des pouvoirs publics, on n’aurait pas pu le faire autrement »[7].

L'association « observatoire du nucléaire », présidé par Stéphane Lhomme, a porté plainte contre EDF et Marcel Boiteux pour « ces rejets délibérés (et non accidentels) » qu'il considère de fait comme « un crime »[8].

Le procureur de Blois a alors ouvert une enquête et missionné à cet effet l'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et la santé publique (OCLAESP, dépendant de la gendarmerie nationale), qui a entendu le directeur de l'Observatoire du nucléaire le [9],[10],[11].

La plainte a été classée sans suite par le parquet en 2016[12].

Par la suite, une campagne de prélèvements de sédiments en Loire conduite par un laboratoire universitaire a établi la présence de traces de plutonium depuis Saint-Laurent jusqu’à l’estuaire, dont l’origine serait à imputer soit à l’accident de 1980, soit à celui de 1969[13].

Pour l'IRSN, cependant, cet incident est indépendant de l’accident du décrit ci-dessus. Ces rejets radioactifs sous forme d’effluents liquides significatifs en Loire sont associés au traitement des eaux de la piscine du réacteur SLA2, contaminées lors de l’éclatement d’un conteneur renfermant un élément combustible non étanche, survenu en . Les rejets correspondants ont été estimés à GBq de radio-éléments émetteurs alpha[6].

Le déversement de plutonium issu de Saint-Laurent serait de l'ordre de 700 millions de becquerels (0,7 GBq), soit l'équivalent de 0,3 grammes de plutonium-239[14]. Compte tenu de la radiotoxicité du plutonium-239 (qui est de 10 Sv/mg) et de l'extrême dilution d'un rejet dans la Loire, dont le débit moyen est de l'ordre de 1 000 m3/s, un rejet de ce niveau ne peut pas avoir de conséquence sanitaire observable (les quelques milliers de Sievert potentiel ont été dilués dans des millions de mètres cubes).

Notes et références

  1. Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), « Page de l'accident sur le site de l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) », sur https://www.asn.fr
  2. Article du Point du 24 mars 2011 « Le jour où la France a frôlé le pire »
  3. « mars 1980 : du plutonium déversé dans la Loire », La nouvelle république du Loir-et-Cher, (lire en ligne).
  4. Du plutonium rejeté dans la Loire il y a 35 ans, la nouvelle république du Loir-et-Cher, 06/05/2015
  5. AFP, « Nucléaire: Baupin interpelle Royal sur un rejet radioactif illégal en 1980 », sur Romandie.com, (consulté le )
  6. « Note d’information sur les accidents ayant affecté les réacteurs nucléaires du site de Saint-Laurent-des-Eaux en 1969 et en 1980 » [PDF], sur IRSN, (consulté le )
  7. « Plutonium déversé dans la Loire : les aveux toxiques d'EDF », La nouvelle république du Loir-et-Cher, (lire en ligne).
  8. « Plainte contre EDF », sur La Nouvelle République, (consulté le )
  9. Environement : Rejets de plutonium, le parquet ouvre une enquête, lanouvellerepublique.fr du 2 juin 2017, consulté le 30 mai 2019
  10. L'Observatoire du nucléaire attaque EDF en justice, lanouvellerepublique.fr du 17 juin 2015, consulmté le 30 mai 2019
  11. " Rejets délibérés ", lanouvellerepublique.fr du 2 juin 2017, consulté le 30 mai 2019
  12. Plutonium dans la Loire : la plainte contre EDF classée sans suite., Ouest-France du
  13. « CONTROLE : Les rejets des installations nucléaires » [PDF], sur ASN, (consulté le ), p. 77-78 sur « Contrôle n°137 : Les rejets des installations nucléaires », sur ASN, (consulté le ).
  14. « Plutonium dans la Loire : des rejets jusqu'en 1985 », La nouvelle république du Loir-et-Cher, (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

Sources et bibliographie

Articles connexes

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