Abri Romaní

L'abri Romaní, ou abric Romaní, est un abri sous roche et un site archéologique préhistorique situé au sur la Commune de Capellades (comarque d'Anoia) en Catalogne, Espagne.

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Abri Romaní

Vue générale des fouilles dans l'abri Romaní
Localisation
Pays Espagne
Commune Capellades
Communauté Catalogne
Coordonnées 41° 32′ 01″ nord, 1° 41′ 18″ est
Altitude 350 m
Géolocalisation sur la carte : Pyrénées
Abri Romaní
Géolocalisation sur la carte : Espagne
Abri Romaní
Géolocalisation sur la carte : Catalogne
Abri Romaní
Colonne stratigraphique témoin des niveaux de travertin de l'abri Romaní

L'abri sous roche est situé sur les falaises dites du chapelain (Cingles d'El Capelló en catalan), formées par d'anciennes terrasses et fontaines à travertin (tufière) qui traversent la cordillère pré-littorale au niveau de la ville de Capellades. Le site est à environ 350 mètres d'altitude et à environ 60 mètres du lit de la rivière Anoia (ca:Riu Anoia).

Les premiers artefacts archéologiques ont été reconnues en 1909 par Amador Romaní qui a alors donné son nom à l'abri (avant il s'appelait Balma del Fossar Vell). Le site archéologique est daté principalement du Paléolithique moyen par les méthodes de datation au carbone 14 et uranium-thorium. Les résultats donnent une fourchette chronologique allant de 70 000 à 39 000 ans avant le présent, soit une occupation par l'Homme de Néandertal. Ceci est corroboré par une série de fouilles qui ont livré une industrie lithique typique du moustérien, industrie attribuée en Europe à Néandertal. Toutefois, la présence d'une industrie aurignacienne dans la couche la plus récente, vers 39 000 ans avant le présent, suggère l'arrivée de l'Homme moderne dans l'abri à cette date.

Historique récente

Le site a été exploité comme carrière de pierre au cours des XIVe et XVe siècles. Puis au cours du XIXe siècle, l'abri Romaní a été utilisé comme cimetière connu sous le nom de Balma del Fossar Vell. En 1909, l'archéologue Amador Romaní y commence des fouilles, déplaçant les restes au cimetière à Capellades. La première intervention a été parrainée par l'Institut d'Estudis Catalans et dirigée par Norbert Font-Sagué, en collaboration avec Lluís Maria Vidal. Plusieurs campagnes de fouilles furent ainsi menées jusqu'à la mort d'Amador Romaní en 1930. Les seules informations stratigraphiques pertinentes issues de ces fouilles concerne le niveau le plus récent datant du Paléolithique supérieur. À la même époque, d'autres sites situés dans la même falaise furent découverts, comme l'abric Agut.

Avant la guerre civile espagnole, il est fouillé sous la direction de Norbert Font i Sagué et Lluís Maria Vidal de l'Institut d'Estudis Catalans. À partir de 1950, Eudald Ripoll et Henry de Lumley poursuivent les fouilles pendant une quinzaine d'années. Dans les années 1980, le Centre de recherche paléoécosocial reprit les fouilles, et depuis 1989 les recherches sont menées par le département de Préhistoire de l'université Rovira i Virgili de Tarragone.

Géologie

Vue de face de l'abri, on voit en haut le reste du dôme de la tufière.
Abri Romani, reste de tufière fossilisé.
Site archéologique voisin de Balma dels Pinyons dans la même falaise.

Le toit en forme de dôme de l'abri Romani est l'une des anciennes tufières fossilisés qui se sont développées le long de la falaise dite du chapelain (Cingles d'El Capelló). L'Abri lui-même forme une cavité qui semble être une ancienne résurgence d'eaux très riches en carbonate de calcium, ce qui a permis la formation de travertins, roches sédimentaires calcaires construite par des organismes vivants.

En ce qui concerne les paléo-environnements géologiques du site, cinq phases sédimentologiques ont été différenciées à partir d'éléments de la toiture de l'abri. De là plus récente (phase I) à la plus ancienne (phase v) :

  • Phase I : remplissage final (dernier moment géologique de l'abri), essentiellement défini comme une phase à sédimentation lente formée principalement de fragments de stalagmite et de loess non natif.
  • Phase II : phase d'égouttage caractérisée par des dômes qui se transforment en gours remplis de faciès à faible énergie.
  • Phase III : phase de la corniche basale formée par les sédiments gravitationnels de la ligne des eaux. Cette phase correspond aux niveaux I et H archéologiques.
  • Phase IV : chute de gros blocs.
  • Phase V : dépôts formés par la chute de blocs qui alternent avec des épisodes de sédimentation par l'eau.

Le site a fortement été érodé et le dôme s'est en grande partie effondré.

Paléoclimat

Des recherches récentes ont permis, grâce aux analyses de pollen réalisées par F. Burjachs-Julià, de déterminer globalement les différentes périodes climatiques, les espèces végétales étant des indicateurs de qualité pour déterminer la dynamique paléo-écologique.

Cinq tendances paléo-climatiques se dégagent:

  • De 70.200 à 65.500 avant le présent : phase la plus chaude de l'occupation, pour laquelle le pollen des arbres atteint 88% du total représenté. Les principaux taxons végétales thermophiles sont le chêne (Quercus) et des oléacées genre phillyrea.
  • De 65 000-56 800 avant le présent : refroidissement marqué par l'expansion des pins (genre Pinus), qui atteignent une représentation de 72%, du genévrier (Juniperus), des armoises (genre Artemisia) et des poacées, qui caractérisent toute la séquence.
  • De 56 800 à 49 500 avant le présent : alternance de phases chaudes et froides. Comme pour la séquence précédente, on note la présence de l'armoise, des poacées et du pin. Toutefois, la présence de taxons thermophiles suggèrent la présence d'épisodes plus chauds dans cette période froide.
  • De 49 500 à 46 200 avant le présent : climat froid et aride, déduit de l'observation des niveaux les plus bas de pollen d'arbre ainsi que de la présence d'astéracées, de poacées et d'armoises.
  • De 46 200 à 40 800 avant le présent : réchauffement caractérisé par l'expansion du pin et du genévrier (Juniperus), ainsi que l'augmentation des taxons thermophiles chêne et oléacées phillyrea.

Fouilles archéologiques

Moulages naturels en travertin d'éléments en bois datant du Paléolithique moyen.

L'abri Romaní a livré un empilement de strates de 17 mètres de hauteur au sein duquel 27 niveaux archéologiques ont été identifiés à ce jour[1]. Ces niveaux correspondent à des occupations moustériennes, liées à la présence de l'homme de Néandertal. Leur âge est estimé à 56 000 ans BP[réf. nécessaire]. Au sommet de la séquence, des vestiges aurignaciens sont également présents.

La résurgence d'eaux très riches en carbonate de calcium a permis la préservation tout à fait exceptionnelle du négatif de certains éléments en bois : le fait que les restes de bois furent recouverts ensuite par une eau riche en carbonate de calcium a conduit à la formation d'une croûte de travertin autour, créant un moulage naturel. Ce phénomène de préservation est vraiment exceptionnel dans le monde. Ces restes fossilisés permettent ainsi de déduire comment les Néandertaliens ont abattu un arbre, travaillé le bois, organisé leur vie. Par exemple, le négatif d'un long morceau de bois, d'environ cinq mètres de long et 6 cm d'épaisseur à une extrémité et 3 cm à l'autre, et vieux de plus de 55 000 ans, a été retrouvé. Il a été identifié comme une branche de pin utilisée pour construire une cabane à l'intérieur de l'abri. Au total, environ 100 outils en bois et environ 300 foyers pour faire du feu ont été identifiés, ce qui en fait l'un des sites archéologiques les plus importants d'Europe en termes de restes retrouvés de foyers fait par les Néandertaliens.

Par contre, le site n'a livré aucun reste osseux d'humain.

Industrie lithique

Une certaine variabilité a été observée en ce qui concerne la chaîne opératoire. À partir de l'analyse de cette chaîne opératoire, deux types d'occupations de l'abri Romaní par l'homme de Néandertal ont pu être distingués[2]. D'une part, les occupations de courte durée, caractérisés par des répétitions dans le débitage individuel lié à chacune des activités exercées sur le site; d'autre part, des occupations de longue durée, caractérisées par des chaînes opératoires complexes et complètes[2]. Les analyses effectuées ont permis de déterminer la fonctionnalité des outils taillés qui étaient destinés au traitement des plantes, dépeçage des animaux et traitement de leurs peaux[3]. Selon des études technologiques, les groupes qui occupaient l'abri romani exploitaient les matériaux les plus proches de l'abri, ce qui aurait permis de les utiliser immédiatement, comme c'est le cas pour le calcaire, le travertin, le quartz, etc. Ces types de matériau ont fourni des chaînes opératoires complètes, tandis que d'autres matériaux débités, tels que le silex de meilleure qualité, mais provenant d'endroits plus éloignés, ne sont abandonnés qu'après avoir été complètement usés.

Modèle d'occupation du site

Les longues chaînes opératoires lithiques liées à la faune de l'abri Romaní indiquent une complexité structurelle dans l'obtention, le transport et la consommation des animaux de la part des Néandertaliens. De par les caractéristiques et des similitudes dans la distribution spatiale des différents matériaux de l'abri, on arrive à comparer la vie des communautés de l'abri Romaní à celle des communautés de chasseurs-cueilleurs du Paléolithique supérieur. Par exemple, cela suggère que les groupes de chasseurs-cueilleurs néandertaliens avaient une grande capacité de prévoyance, et étaient capables de créer une carte mentale qui relie dynamiquement entre elles toutes les étapes de production d'outils, autant que les chasseurs-cueilleurs d'hommes modernes.

La complexité des occupations néandertaliennes du site peut être constatée dans la diversité des différentes chaînes opératoires, qui reflètent les modes d'obtention de la nourriture (à la fois pour la chasse et pour la cueillette), la manière dont ils doivent gérer leur domaine, et les comportements sociaux au sein de la communauté. Ainsi, les schémas récurrents dans les techniques de production indiquent des comportements complexes et bien transmis/appris parmi les communautés néandertaliennes. La capacité d'organisation sociale de ces hominidés aurait été basée sur la capacité de maintenir des groupes cohésifs, dans des territoires où ils auraient pratiqué un certain nomadisme, occupant cycliquement des espaces précédemment connus. Selon ces chercheurs, au moins au stade isotopique 3, les groupes de Néandertaliens qui occupaient cet abri auraient très peu différé des premiers hommes modernes arrivés en Europe.

Notes et références

  1. Eudald Carbonel, Santiago Giralt, Manuel Vaquero, « Abric Romani (Capellades, Barcelone, Espagne) : une importante séquence anthropisée au Pléistocène supérieur », Bulletin de la Société préhistorique française, tome 91, n°1, , p. 47 à 55 (DOI 10.3406/bspf.1994.9703, lire en ligne).
  2. M. Vaquero (1999) - « Variabilidad de las estrategias de talla y cambio tecnologico en el Paleolitico medio del abric Romani (Capellades, Barcelona) », Trabajos de Prehistorica, 56, n° 2, pp. 37-58.
  3. Martínez, K. et Rando, J.- M. (2001) - « Organización y funcionalidad de la producción lítica en un nivel del Paleolítico medio del Abric Romaní. Nivel JA( Capellades, Barcelona) », Trabajos de Prehistoria, 58, n° 1, pp. 51-70.

Références bibliographiques

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Annexes

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