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Le produit en couronne est un certain groupe construit à partir d'un groupe et d'un groupe opérant sur un ensemble. Il existe en fait plusieurs notions de produit en couronne, voisines mais distinctes. En théorie des groupes, le produit en couronne, outre qu'il fournit divers contre-exemples, permet notamment de décrire les sous-groupes de Sylow des groupes symétriques finis. On le rencontre également en théorie des graphes, comme groupe des automorphismes de certains graphes, entre autres de certains graphes ayant l'aspect d'une couronne.

Conventions

Pour un ensemble X, nous désignerons ici par SX et nous appellerons groupe symétrique de X l'ensemble des permutations de X, muni de la loi de groupe ∘ définie par f ∘ g : X → X : x ↦ f(g(x)). Cette définition convient à l'étude des actions à gauche d'un groupe sur un ensemble. Le groupe opposé du groupe noté ici SX convient à l'étude des actions à droite. Quand nous parlerons d'une action d'un groupe sur un ensemble, il s'agira d'une action à gauche. On sait qu'une action à gauche d'un groupe G sur un ensemble X peut être vue comme un homomorphisme de groupes de G dans SX.
Pour une permutation α d'un ensemble X et un élément x de X, il nous arrivera d'écrire αx au lieu de α(x). Pour deux permutations α et β d'un même ensemble E, il nous arrivera d'écrire αβ au lieu de α ∘ β, ce qui revient à noter multiplicativement le groupe SE.
On dira qu'une famille à valeurs dans un groupe G est de support fini si les éléments y de Y tels que ay ≠ 1 sont en nombre fini. Une telle famille est assimilable à une application de Y dans G. On dira qu'une application f de Y dans G est de support fini si les éléments y de Y tels que f(y) ≠ 1 sont en nombre fini.
Si G est un groupe et Y un ensemble, on notera GY le produit direct (externe) de la famille, indexée par Y, de groupes tous égaux à G. Donc GY a pour éléments les familles, indexées par Y, d'éléments de G et peut être assimilé au groupe des applications de Y dans G, la loi de groupe étant la « multiplication point par point ».
On notera G(Y) la somme restreinte (externe) de la même famille, indexée par Y, de groupes tous égaux à G. Donc G(Y) a pour éléments les familles de support fini, indexées par Y, d'éléments de G et peut être assimilé au groupe des applications de support fini de Y dans G, la loi de groupe étant la « multiplication point par point ». Si l'ensemble Y est fini, le produit direct et la somme restreinte sont identiques.
G étant un groupe, nous noterons λ(G) l'image de G par l'homomorphisme

de dans . Pour un élément g de G, λg est la translation à gauche par g dans G. Donc λ(G) est un groupe de permutations de (l'ensemble sous-jacent de) G et, d'après le théorème de Cayley, le groupe λ(G) est isomorphe à G.
Pour un groupe G, nous appellerons action régulière de G l'action de G sur son ensemble sous-jacent par translations à gauche.

Produit en couronne de deux groupes de permutations

Soient X et Y deux ensembles.

Pour tout élément de SX et tout élément y de Y, convenons de noter la permutation de l'ensemble X × Y (produit cartésien) définie comme suit : pour tout élément x de X et tout élément y' de Y,

si y' = y;
si y' ≠ y.

Pour tout sous-groupe H de SX, convenons de noter l’image de H par
Pour tout élément κ de SY, convenons de noter la permutation de l'ensemble X × Y définie comme suit :

Pour tout sous-groupe K de SY, convenons de noter l’image de K par

(Les notations , , et ne sont pas standard.)

Lemme 1

Soient X et Y des ensembles. Pour tout élément y de Y, définit un homomorphisme injectif du groupe SX dans le groupe S X × Y. Pour tout sous-groupe H de SX, HY,y est donc un sous-groupe de S X × Y et définit donc un isomorphisme du groupe H sur le sous-groupe HY,y de S X × Y.

Fin du théorème
Démonstration

Démonstration facile, laissée au lecteur. (Voir les exercices.)

Lemme 2

Soient X et Y des ensembles, X étant non vide ; définit un homomorphisme injectif du groupe SY dans le groupe S X × Y. Pour tout sous-groupe K de SY, est donc un sous-groupe de S X × Y et définit un isomorphisme du groupe K sur le sous-groupe

Fin du théorème
Démonstration

Démonstration facile, laissée au lecteur. (Voir les exercices.)

Lemme 3

Soient X et Y des ensembles, soit H un sous-groupe de SX. La famille de sous-groupes de SX×Y est en somme restreinte, c’est-à-dire que le sous-groupe de SX×Y engendré par les , où y parcourt Y, est somme restreinte interne de la famille

Fin du théorème
Démonstration

Démonstration facile, laissée au lecteur. (Voir les exercices.)

Donc, étant donné une famille de support fini d'éléments de H, on peut définir sans ambiguïté

où le produit correspond à la loi de groupe de S X × Y. De plus,

définit un isomorphisme de H(Y) sur le sous-groupe de SX×Y.

Définition – produit en couronne de deux groupes de permutations

Soient X et Y des ensembles non vides, soient H et K des groupes de permutations des ensembles X et Y respectivement. Le produit en couronne de H et K (ou de H par K) est par définition[1] le sous-groupe de SX×Y engendré par les , où y parcourt Y, et par

On le note souvent H ≀ K, mais il existe d'autres notations. Nous conviendrons de n'utiliser ici que la notation H ≀ K, réservant d'autres notations à des versions du produit en couronne qui seront présentées plus loin.

Le sous-groupe de H ≀ K est parfois appelé le groupe de base du produit en couronne H ≀ K et noté B. Donc H ≀ K est engendré par B et D’après le lemme 3, le groupe de base est somme restreinte interne de la famille

Lemme 4

Soient X et Y des ensembles, H un sous-groupe de SX, K un sous-groupe de SY, η un élément de H, y un élément de Y, κ un élément de K; alors

Fin du théorème
Démonstration

Démonstration facile, laissée au lecteur. (Voir les exercices.)

Théorème 5

Soient X et Y des ensembles non vides, soient H et K des sous-groupes de SX et de SY respectivement. Le produit en couronne H ≀ K est produit semi-direct (interne) de son groupe de base par

Fin du théorème
Démonstration

D'après le lemme 4, normalise HY,y pour tout élément y de Y, donc normalise le groupe de base , donc est un sous-groupe normal de H ≀ K. Puisque H ≀ K est engendré par et , il ne reste plus qu'à prouver que

est réduit à l'élément identité de SX×Y.
Soient y1, ..., yn des éléments de Y, soient η1, ..., ηn des éléments de H, soit κ un élément de K, tels que

(1) ;

il s'agit de prouver que

(thèse 2) le second membre est égal à l'identité.

D'après la définition de , la permutation

ne modifie jamais la seconde composante d'un couple auquel elle s'applique, donc, d'après (1), ne modifie jamais la seconde composante d'un couple auquel elle s'applique.
D'autre part, d'après la définition de , la permutation ne modifie jamais la première composante d'un couple auquel elle s'applique. On a donc , ce qui prouve la thèse (2).

Théorème 6

Soient X et Y des ensembles non vides, Y étant de plus supposé fini; soient H et K des sous-groupes de SX et de SY respectivement. L'ordre du groupe H ≀ K est

Fin du théorème
Démonstration

D'après le théorème 5,

(1)

Compte tenu du lemme 3 (et du fait que Y est fini),

ce qui, d'après le lemme 1, peut s'écrire

(2)

D'autre part, d'après le lemme 2,

En portant ceci et (2) dans (1), on obtient l'énoncé.

Notation

Pour tout groupe de permutations G d'un ensemble T et pour tout élément t de T, on désignera par l'orbite de t pour l'action naturelle de G sur T.

Théorème 7

Soit H un groupe de permutations d'un ensemble non vide X, soit K un groupe de permutations d'un ensemble non vide Y. Pour tout élément x de X et tout élément y de Y,

En particulier, si H et K sont transitifs, est transitif.

Fin du théorème
Démonstration

Soient x ∈ X et y ∈ Y.
Prouvons d'abord que

(thèse 1)

Tout élément de est de la forme

avec
Or avec
donc ce qui prouve la thèse (1).

Réciproquement, prouvons que

(thèse 2)

D'après la définition de et celle de , nous avons, pour toute permutation de appartenant à et pour tout (x', y') dans ,

Donc si sont des permutations de appartenant à ,

(récurrence banale sur n).
Puisque les en question représentent H ≀ K tout entier, la thèse (2) en résulte.
Les résultats (1) et (2) prouvent la première assertion de l'énoncé.
Si H et K sont transitifs, alors et , d'où la seconde assertion de l'énoncé.

Théorème 8 (quasi-associativité du produit en couronne ≀ )

Si H, K et L sont trois groupes de permutations d'ensembles non vides, les groupes de permutations (H ≀ K) ≀ L et H ≀ (K ≀ L) sont semblables.
Plus précisément, si X, Y et Z sont des ensembles non vides, si H, K et L sont respectivement des groupes de permutations de X, de Y et de Z, si f désigne la bijection ((x, y), z) ↦ (x, (y, z)) de (X × Y) × Z sur X × (Y × Z), si désigne l'isomorphisme s ↦ f ∘ s ∘ f−1 de S(X × Y) × Z sur SX × (Y × Z), alors H ≀ (K ≀ L) est l'image de (H ≀ K) ≀ L par .

Fin du théorème
Démonstration

Pour un groupe G et des sous-groupes de G, on notera le sous-groupe de G engendré par .
Pour un groupe G, pour une propriété P(x) telle que les x possédant cette propriété forment un ensemble EP, pour un terme T(x) tel que T(x) appartient à G pour tout x dans EP, on désignera par le sous-groupe de G engendré par les éléments de G de la forme T(x), x parcourant EP. On utilisera encore des notations analogues dont le sens sera évident.
G est implicite dans ces notations.

Par définition du produit en couronne de deux groupes de permutations, (H ≀ K) ≀ L est le sous-groupe de S(X × Y) × Z défini par

(1)

pourrait d'ailleurs être écrit

Pour tout z dans Z, posons

Alors (1) s'écrit

(2)

Il résulte du lemme 1 que, pour un élément z donné de Z, l'application est un homomorphisme de dans S(X × Y) × Z.
Donc, puisque H ≀ K est engendré d'une part par les (où parcourt H et où y parcourt Y) et d'autre part par les (où parcourt K), Tz est engendré par les et les , où parcourt H, où y parcourt Y et où parcourt K.
La relation (2) peut donc s'écrire

(3)

D'autre part, par définition du produit en couronne de deux groupes de permutations, H ≀ (K ≀ L) est le sous-groupe de défini par

(4)

Il résulte du lemme 2 que définit un homomorphisme de K ≀ L dans . Puisque K ≀ L est engendré d'une part par les avec κ ∈ K, z ∈ Z et d'autre part par les avec λ ∈ L, la relation (4) peut donc s'écrire

(5)

Pour prouver le théorème, à savoir que H ≀ (K ≀ L) est l'image de (H ≀ K) ≀ L par : il suffit, d'après (3) et (5), de prouver les trois faits suivants :

(thèse 6) pour y ∈ Y et z ∈ Z, applique sur ;
(thèse7) pour κ ∈ K et z ∈ Z, applique sur ;
(thèse 8) pour λ ∈ L, applique sur

Prouvons la thèse (6). Nous avons

Cela montre que

autrement dit

ce qui est la thèse (6).

La démonstration des thèses (7) et (8), analogue et encore plus simple, est laissée au lecteur.

Avant d'énoncer un théorème de Kaloujnine sur les sous-groupes de Sylow de Sn, on va démontrer un lemme arithmétique.

Lemme 9

Pour tout nombre premier p et pour tout nombre naturel r non nul, désignons par vp(r) l'exposant de p dans la décomposition de r en facteurs premiers.
Soit n un nombre naturel. Alors vp(n!) peut s'exprimer par les deux formules suivantes :

où les crochets désignent la partie entière;
autrement dit,

où la somme s'arrête dès qu'un terme est nul;

où les aj sont les nombres naturels définis par

avec pout tout (écriture de n en base p).

Fin du théorème
Démonstration

Démontrons l'assertion 1°. Il s'agit de compter les facteurs p dans le produit L'idée est de compter d'abord un facteur p dans chacun des nombres 1, 2, ... , n qui est divisible par p, ce qui fournit [n/p] facteurs p, puis de compter un second facteur p dans chacun des nombres 1, 2, ... , n qui est divisible par p2, ce qui fournit [n/p2] facteurs p supplémentaires, etc. Voici une mise en forme de cette idée.
Nous avons

où Nt désigne le nombre des tels que
Donc

(1)

Or est le nombre des divisibles par p, donc

De même, est le nombre des divisibles par p2, donc

Notre résultat (1) peut donc s'écrire

ce qui est l'assertion 1° de l'énoncé. (On peut également démontrer cette assertion par récurrence sur n. Voir les exercices.)

Prouvons maintenant l'assertion 2° de l'énoncé.
D'après l'assertion 1°, nous avons

(2)

De résulte (pour un k tel qu'en (2))

(3)

où la première somme du second membre est un nombre entier.
Puisque les aj sont , la seconde somme du second membre est

c'est-à-dire

et donc < 1. La relation (3) donne donc

de sorte que (2) peut s'écrire

ce qui prouve l'assertion 2° de l'énoncé.

Définition

Pour un nombre premier p et un nombre naturel r, nous définissons par récurrence sur r le groupe de permutations W(p, r) :

et pour

Donc, pour W(p, r) est le produit en couronne ≀ itéré

avec r facteurs égaux à
(D'après la quasi-associativité du produit en couronne ≀, un autre parenthésage du produit en couronne itéré fournirait un groupe de permutations semblable à W(p, r).)

Théorème 10 (Kaloujnine[2])
1° Soient p un nombre premier et r un nombre naturel. Les p-sous-groupes de Sylow de sont semblables à W(p, r).
2° Soient p un nombre premier et n un nombre naturel, soit

l'écriture de n en base p. Alors les p-sous-groupes de Sylow de Sn sont isomorphes comme groupes au produit direct de a1 copies de W(p, 1), de a2 copies de W(p, 2), ... et de ar copies de W(p, r).

Fin du théorème
Démonstration

Démontrons l'assertion 1° de l'énoncé.
Par récurrence sur r, on vérifie que W(p, r) est un groupe de permutations d'un ensemble à pr éléments. Donc

(1) W(p, r) est semblable à un sous-groupe P de

D'autre part, d'après la définition par récurrence de W(p, r) et le théorème 6, nous avons

On en tire par récurrence sur r, pour tout

(2)

d'où, d'après (1),

(3)

Mais d'après le lemme 9, assertion 1°, l'exposant de p dans la décomposition de (pr) ! est donc (3) montre que P est un p-sous-groupe de Sylow de D'après (1), W(p, r) est donc semblable à un p-sous-groupe de Sylow de
Puisque les p-sous-groupes de Sylow de sont conjugués dans ils sont semblables, donc tout p-sous-groupe de Sylow de est semblable à W(p, r), ce qui démontre l'assertion 1° de l'énoncé.

Démontrons maintenant l'assertion 2° de l'énoncé.
Puisque, par hypothèse, l'écriture de n en base p est

nous pouvons choisir une partition de l'ensemble {1, 2, ... , n} en a0 singletons, a1 parties à p éléments, ... , ar parties à pr éléments.
Pour chaque i dans {0, 1, ..., r}, désignons par celles de ces parties dont le cardinal est pi. Pour tout i dans {0, 1, ..., r} et tout j dans {1, ..., ai}, choisissons un p-sous-groupe de Sylow Pi, j de . D'après l'assertion 1° de l'énoncé,

(4) Pi,j est semblable, et donc isomorphe comme groupe, à W(p, i).

En faisant correspondre à chaque permutation de Ei,j la permutation de {1, ... , n} qui coïncide avec en tout élément de Ei,j et qui laisse fixe tout élément de {1, ... , n} \ Ei,j, nous définissons un homomorphisme injectif de dans Sn. Soit l'image de par cet homomorphisme. Donc est un sous-groupe de Sn isomorphe comme groupe à .
D'après (4), il en résulte que

(5) est isomorphe comme groupe à W(p, i).

Pour des couples (i, j) et (i', j') distincts, le support de tout élément de et le support de tout élément de sont disjoints. Donc, pour un couple (i, j) donné,

(6)

(puisque le support d'une composée de permutations est contenu dans la réunion des supports de ces permutations).
D'autre part, puisque deux permutations à supports disjoints commutent entre elles, les se centralisent mutuellement. Joint à (6), cela montre que les sont en produit direct.
Le sous-groupe P de Sn engendré par les est donc isomorphe au produit direct externe

et donc aussi, d'après (5), au produit direct externe

ou encore au produit direct externe

Donc si on convient de désigner par le produit direct externe de s groupes égaux à W(p, i),

(7) le sous-groupe P de Sn est isomorphe à

Puisque le groupe W(p, 0) est trivial, on peut se limiter aux . D'après (2), l'ordre de P est donc

autrement dit

D'après l'assertion 2° du lemme 9, cela revient à dire que P est un p-sous-groupe de Sylow de Sn. Donc, d'après (7), il y a un p-sous-groupe de Sylow de Sn qui est isomorphe à
Puisque les p-sous-groupes de Sylow sont isomorphes entre eux, l'assertion 2° de l'énoncé en résulte.

Si G et H sont deux groupes quelconques (qu'on ne suppose pas opérer sur des ensembles), on appelle produit en couronne régulier[3] de G par H le produit en couronne λ(G) ≀ λ(H) (où λ est défini comme dans la section Conventions). On le note parfois . On observera[4] que, contrairement à ce qui est le cas du produit en couronne ≀ , n'est pas forcément isomorphe comme groupe à (On le tire facilement du théorème 6, qui donne l'ordre du produit en couronne G ≀ H quand Y est fini.)

Dans la suite de ce chapitre, on se contentera d'esquisser quelques notions et théorèmes complémentaires.

Produit en couronne restreint d'un groupe par un groupe opérant

Définition

D'après (1), l'action de sur B par conjugaison se décrit comme suit : pour tout élément de G(Y),

autrement dit

De façon générale, si G est un groupe (et non forcément un groupe de permutations), si H est un groupe opérant sur un ensemble Y (sans être forcément un groupe de permutations), appelons action par décalage de H sur G(Y) (associée à l'action de H sur Y) l'action de H sur G(Y) par automorphismes définie comme suit :

On tire de (1) que si G est un groupe de permutations d'un ensemble X, si H est un groupe de permutations d'un ensemble Y, alors

(2) G ≀ H est isomorphe au produit semi-direct externe G(Y) ⋊ H de G(Y) par H relativement à l'action par décalage de H sur G(Y) (cette action par décalage étant définie à partir de l'action naturelle de H).

Cela nous suggère cette définition plus générale[5] : pour un groupe G et pour un groupe H opérant sur un ensemble non vide Y, le produit en couronne restreint de G par H (relativement à l'action en question de H sur Y) est le produit semi-direct externe G(Y) ⋊ H de G(Y) par H relativement à l'action par décalage de H sur G(Y) (associée à l'action de H sur Y).

On voit que ce produit en couronne ne dépend pas d'une action de G sur un ensemble. Il est appelé « restreint » parce qu'il est construit à partir de la somme restreinte G(Y). Il est souvent noté G ≀ H, mais pour le distinguer du produit en couronne de deux groupes de permutations, nous le noterons dans le présent article . Notre résultat (2) signifie donc que si G et H sont des groupes de permutations, G ≀ H est isomorphe (comme groupe) à , défini relativement à l'opération naturelle de H.

On dit que le sous-groupe de est le groupe de base du produit en couronne restreint.

Comme l'observent plusieurs auteurs[6], les notations courantes du produit en couronne restreint (G ≀ H, etc.) manquent de précision, puisqu'elles omettent l'opération de H sur Y, qui est un élément essentiel de la définition.

Version permutationnelle du produit en couronne restreint

Soit G un groupe opérant sur un ensemble non vide X, soit H un groupe opérant sur un ensemble non vide Y. Pour la simplicité des expressions dans ce qui suit, nous allons noter les éléments de G(Y) comme des applications plutôt que comme des familles. Désignons par φ l'homomorphisme de G dans SX correspondant à l'action de G sur X et par ψ l'homomorphisme de H dans SY correspondant à l'action de H sur Y. Si les deux actions en question sont fidèles, G est isomorphe à φ(G) et H à ψ(H) et on montre que

(où, pour dans SX, pour y dans Y et pour η dans SY, et ont le sens qui leur a été donné dans la précédente section) définit un isomorphisme du produit en couronne restreint sur le produit en couronne φ(G) ≀ ψ(H) des groupes de permutations φ(G) et ψ(H). (Comme noté dans la section précédente, ne pose pas de problème.) On dit que φ(G) ≀ ψ(H) est la version permutationnelle[7] du produit en couronne restreint .

Produit en couronne complet

Soit G un groupe, soit H un groupe opérant sur un ensemble non vide Y. Dans la définition du produit en couronne restreint , rien n'empêche de remplacer la somme restreinte G(Y) par le produit direct GY et l'action par décalage de H sur G(Y) par l'action par décalage de H sur GY :

On obtient ainsi la définition suivante[8] :

pour un groupe G et pour un groupe H opérant sur un ensemble Y, le produit en couronne complet de G par H (relativement à l'action en question de H sur Y) est le produit semi-direct externe GY ⋊ H de GY par H relativement à l'action par décalage de H sur GY.

Nous noterons ce produit en couronne complet. Le produit en couronne restreint est sous-groupe de . Si l'ensemble Y est fini, et sont identiques.

On ne peut pas calquer sur le cas restreint une « version permutationnelle » du produit en couronne complet, car si une famille d'éléments d'un groupe n'est pas de support fini, le produit de cette famille d'éléments n'est pas défini.

Exemples

Considérons d'abord le graphe obtenu comme suit.
On représente les 5 sommets d'un pentagone régulier et à partir de chaque sommet, on trace vers l'extérieur du pentagone 3 segments fermés, en veillant à ce que deux segments fermés issus de deux sommets distincts n'aient jamais de point commun. (Les nombres 5 et 3 sont en fait arbitraires.) On prend pour sommets du graphe les sommets du pentagone et les autres extrémités des segments. On prend pour arêtes du graphe les segments. On obtient ainsi un graphe Γ à 5 composantes connexes. Ces composantes connexes sont toutes isomorphes à un graphe dont le groupe des automorphismes est isomorphe à S3. On montre que, pour toute permutation s des 5 sommets du pentagone, il existe 35 automorphismes du graphe Γ qui permutent ces 5 sommets de la même façon que s, et que le groupe des isomorphismes de Γ est isomorphe à S3 ≀ S5.
Cela peut être ramené au fait général suivant[9] : si E est un ensemble, si est une partition de E en ensembles tous équipotents à un même ensemble F, les permutations f de E telles que, pour tout élément i de I, il existe un élément j de I satisfaisant à (autrement dit les permutations de E qui permutent les Ei entre eux) forment un sous-groupe de SE isomorphe à (défini relativement à l'opération naturelle de ).
La non-connexité du graphe Γ n'est évidemment pas essentielle : si aux sommets de Γ, on ajoute le centre du pentagone et qu'aux arêtes du graphe, on ajoute les segments joignant le centre aux sommets du pentagone, on obtient un graphe Γ1, cette fois-ci connexe, dont le groupe des automophismes est lui aussi[10] isomorphe à S3 ≀ S5.
Reprenons le graphe (non connexe) Γ et ajoutons à ses arêtes les 5 côtés du pentagone. Soit Γ2 le graphe ainsi obtenu. Contrairement à ce qui était le cas de Γ, un automorphisme de Γ2 ne peut pas permuter de façon quelconque les 5 sommets du pentagone, il doit les permuter à la façon d'une rotation ou d'une symétrie axiale. On montre que le groupe des automorphismes de Γ2 est isomorphe à où D10 désigne le groupe diédral d'ordre 10.

Contre-exemples construits à l'aide du produit en couronne

  • Soient G un groupe abélien non trivial (par trivial, on entend ici réduit à l'élément neutre) et H un groupe opérant fidèlement et transitivement sur un ensemble non vide Y, soit le produit en couronne restreint correspondant, soit B le groupe de base. On montre que le centre de est le sous-groupe de B formé par les couples (f, 1), où f parcourt les applications de Y dans G qui sont à la fois constantes]et de support fini. Si Y est infini, une application de support fini de Y dans G ne peut être constante que si elle a partout la valeur 1, donc, dans le cas où Y est infini, le centre de est réduit à l'élément neutre.
Soit p un nombre premier. Nous pouvons choisir un p-groupe infini K (par exemple le produit direct ou la somme directe d'une famille infinie de groupes d'ordre p). Prenons pour Y l'ensemble sous-jacent de K et pour H le groupe λ(K) opérant naturellement sur Y = K; prenons pour G un groupe d'ordre p. D'après ce qui précède, le centre de est réduit à l'élément neutre. Or la somme restreinte d'une famille (finie ou infinie) de p-groupes est un p-groupe et un produit semi-direct de deux p-groupes est un p-groupe, donc est un p-groupe. Ceci montre que, contrairement aux p-groupes finis non triviaux, un p-groupe infini peut avoir un centre trivial[11].
  • Le produit en couronne restreint (correspondant à l'action naturelle de ) est engendré par les deux éléments (f1, 0) et (0, λ1), où f1 désigne l'application de Z dans Z nulle partout sauf en 1 où elle vaut 1, et où λ1 désigne la translation x ↦ x + 1 dans Z. D'autre part, le groupe de base de ce produit en couronne n'est pas de type fini, car la somme restreinte d'une famille infinie de groupes tous non triviaux n'est pas un groupe de type fini. Ceci montre qu'un sous-groupe d'un groupe de type fini n'est pas forcément de type fini[12].
Remarque : au lieu du groupe λ(Z) et de son action naturelle, on aurait pu considérer le groupe Z et son action régulière.
  • Soit W le produit en couronne complet
relativement à l'action régulière de
W est donc le produit semi-direct de par relativement à l'action de sur par décalage :
Désignons par V0 le sous-groupe de formé par les familles nulles en tout indice strictement négatif. Soit V le sous-groupe V0 × {0} de W. Pour tout entier rationnel k, le sous-groupe (0,k) V (0, k)-1 de W (où 0 désigne la famille nulle partout) est formé par les familles qui sont nulles en tout n < k. Donc si k > 0, alors (0,k) V (0, k)-1 est strictement contenu dans V. Ceci montre qu'un conjugué d'un sous-groupe peut être strictement contenu dans ce sous-groupe[13]. Donc pour qu'un élément x d'un groupe G normalise un sous-groupe H de G, il ne suffit pas toujours que xHx-1 soit contenu dans H.

Théorème de Kaloujnine et Krasner

Krasner et Kaloujnine ont démontré en 1951[14] que si K et Q sont des groupes, toute extension de K par Q (c'est-à-dire tout groupe G ayant un sous-groupe normal N isomorphe à K tel que G/N soit isomorphe à Q) est isomorphe à un sous-groupe du produit en couronne complet de K par Q relativement à l'action régulière de Q[15].

Notes et références

  1. Définition conforme à D.J.S. Robinson, A Course in the Theory of Groups, 2e éd., Springer, 1996, p. 32-33.
  2. L. Kaloujnine, « Sur la structure des p-groupes de Sylow des groupes symétriques finis et de quelques généralisations infinies de ces groupes », Séminaire Bourbaki, décembre 1948, p. 29-31, consultable sur le site Numdam. Voir aussi J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, Springer, 4e éd., tirage de 1999, p. 176, ou encore D.J.S. Robinson, A Course in the Theory of Groups, 2e éd., Springer, 1996, p. 41-42.
  3. Regular (J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, Springer, 4e éd., tirage de 1999, p. 175) ou standard (D.J.S. Robinson, A Course in the Theory of Groups, 2e éd., Springer, 1996, p. 41) dans la terminologie anglo-saxonne. Régulier dans J. Delcourt, Théorie des groupes, Paris, Dunod, 2001, p. 162.)
  4. J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, Springer, 4e éd., tirage de 1999, p. 175.
  5. J. Delcourt, Théorie des groupes, Paris, Dunod, 2001, p. 161.
  6. J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, 4e éd., tirage de 1999, p. 172; I.M. Isaacs, Finite Group Theory, American Mathematical Society, 2008, p. 73.
  7. J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, Springer, 4e éd., tirage de 1999, p. 173.
  8. J. Delcourt, Théorie des groupes, Paris, Dunod, 2001, p. 161.
  9. J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, Springer, 4e éd., tirage de 1999, exerc. 7.36, p. 178.
  10. J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, Springer, 4e éd., tirage de 1999, p. 174-175 et exerc. 7.30, p. 177.
  11. J. Delcourt, Théorie des groupes, Paris, Dunod, 2001, p. 162; D.J.S. Robinson, A Course in the Theory of Groups, 2e éd., Springer, 1996, p. 139, exerc. 11.
  12. D.J.S. Robinson, A Course in the Theory of Groups, 2e éd., Springer, 1996, p. 43, exerc. 15.
  13. J. Delcourt, Théorie des groupes, Paris, Dunod, 2001, p. 162 et 190.
  14. M. Krasner, L. Kaloujnine, « Produit complet des groupes de permutations et problème d'extension de groupes I », Acta Sci. Math. Szeged , 13 (1950) p. 208–230; M. Krasner, L. Kaloujnine, « Produit complet des groupes de permutations et problème d'extension de groupes II », Acta Sci. Math. Szeged , 14 (1951) p. 39–66 et 69–82. Référence donnée par E.A. Golubov et L.N. Shevrin, « Wreath product », dans A.L. Shmel'kin (originator), Encyclopedia of Mathematics (Springer), en ligne.
  15. Pour une démonstration, voir J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, Springer, 4e éd., tirage de 1999, p. 187 et remarque p. 188, ou encore D.J.S. Robinson, A Course in the Theory of Groups, 2e éd., Springer, 1996, p. 326, exerc. 11 et 12.
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