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Dans ce chapitre, on va démontrer un théorème de Howson selon lequel l'intersection de deux sous-groupes de type fini d'un groupe libre est elle-même un groupe de type fini. Ce théorème n'est pas une matière classique et peut donc être négligé par le lecteur. On lui fait une place ici parce qu'il peut être démontré à l'aide de lemmes qui nous ont servi à démontrer le théorème de Nielsen-Schreier[1].

Classes à droite à terminaisons multiples

Définition

Soit X un ensemble; notons F(X) le groupe libre construit sur X. Soit H un sous-groupe de F(X), soit C une classe à droite modulo H dans F(X).
Nous dirons que C est à terminaisons multiples s'il existe dans C deux mots signés non vides n'ayant pas la même dernière lettre signée.

Exemples

1) Si H est réduit à l'élément neutre, toute classe à droite modulo H est un singleton, donc aucune classe à droite modulo H n'est à terminaison multiples.
2) Soit a un élément de X, soit H le sous-groupe <a> de F(X) engendré par a. H comprend a, dont la dernière lettre signée est a, et H comprend aussi a-1, dont la dernière lettre signée est a-1, donc la classe H est à terminaisons multiples.
3) Soit X = {a,b,c} un ensemble de cardinal 3, soit H le sous-groupe (monogène) de F(X) engendré par l'élément b-1ab. La classe à droite H1 = H n'est pas à terminaisons multiples, car ses éléments distincts de 1 ont tous b pour dernière lettre signée. La classe à droite Hc n'est pas à terminaisons multiples, car ses éléments ont tous c pour dernière lettre signée. La classe à droite Hb-1a-1 est à terminaisons multiples, puisqu'elle comprend 1b-1a-1 = b-1a-1, dont la dernière lettre signée est a-1, et qu'elle comprend aussi (b-1ab)b-1a-1 = b-1, dont la dernière lettre signée est b-1.
Lemme.

Soient X un ensemble fini, soit H un sous-groupe du groupe libre F(X) construit sur X. Alors H est de type fini (ce qui, d'après le théorème de Nielsen-Schreier, revient à dire que H est un groupe libre de rang fini) si et seulement si les classes à droite modulo H à terminaisons multiples sont en nombre fini.

Fin du théorème

Démonstration. D'après le chapitre Groupes libres : théorème de Nielsen-Schreier, nous pouvons choisir une transversale droite de Schreier T de H dans F(X). Comme dans le lemme 5 du chapitre Groupes libres : théorème de Nielsen-Schreier, désignons par , pour tout élément t de T et tout élément x = ((x', 1)) de la base de F(X), l'unique élément de H tel que

Cela revient à dire que

où, pour tout élément w de F(X), désigne l'unique élément de T tel que .
Les notations et dépendent implicitement de H et de T, qui seront fixés durant toute la démonstration.
Désignons par Y l'ensemble

D'après le lemme 8 du chapitre Groupes libres : théorème de Nielsen-Schreier,

(1) Y est une base du groupe H.

Supposon d'abord que

(hyp. 2) H est de rang fini.

Alors, puisque, comme rappelé en (1), Y est une base de H,

(3) l'ensemble Y des est fini.

Nous avons vu (chapitre Groupes libres : théorème de Nielsen-Schreier, lemme 7) que

si r est un nombre naturel > 0,
si sont des éléments de T et des éléments de tels que soient tous distincts de 1,
si sont des éléments de
si le mot signé sur Y
est réduit sur Y,
alors
(4) l'élément de F(X) commence (une fois explicité dans F(X) ) par le plus court segment initial de n'appartenant pas à T.

Puisque, d'après le lemme 3 du chapitre Groupes libres : théorème de Nielsen-Schreier, le plus long segment initial de appartenant à T est un segment initial du plus court segment initial de n'appartenant pas à T, il résulte de (4) que, sous les mêmes hypothèses,

(5) l'élément de F(X) commence (une fois explicité dans F(X) ) par le plus long segment initial de appartenant à T.

D'après le chapitre Groupes libres : théorème de Nielsen-Schreier, lemme 5, assertions 4° et 6°,

(6) le plus long segment initial de appartenant à T est et le plus long segment initial de appartenant à T est

(où le sens de la barre supérieure est défini comme plus haut).
Puisque, d'après (1) et (3), l'ensemble Y des est une base finie de H, il résulte de (5) et de (6) qu'

il existe un ensemble fini W de couples , avec , possédant la propriété suivante :
pour tout élément h de il existe tel que le plus long segment initial de h appartenant à T soit ou

Les et les correspondant aux éléments (t, x) de W sont en nombre fini, donc notre dernier résultat montre qu'il existe une partie finie T' de T possédant la propriété suivante :

pour tout élément h de le plus long segment initial de h appartenant à T appartient à T'.

Comme T' peut évidemment être prise comprenant l'élément 1 de F(X) (mot signé vide), la restriction peut être levée :

(7) pour tout élément h de H, le plus long segment initial de h appartenant à T appartient à T'.

Tout segment initial de h appartenant à T est un segment initial du plus long segment initial de h appartenant à T, donc il résulte de (7) que

(8) pour tout élément h de H, tout segment initial de h appartenant à T est un segment initial d'un élément de T'.

Puisque l'ensemble T' est fini, l'ensemble T'' des segments initiaux d'éléments de T' est fini. De plus, puisque T est schreiérienne et que T' est une partie de T, T'' est une partie de T. Donc, d'après (8),

(9) il existe une partie finie T'' de T telle que, pour tout élément h de H, tout segment initial de h appartenant à T appartienne à T''.

Soit C une classe à droite modulo H, distincte de H.
Puisque T est une transversale droite de H dans F(X), il existe un (et un seul) élément t de T tel que

(10) C = H t.

Puisque nous supposons C distincte de H, tous les éléments de C sont distincts du mot signé vide (élément neutre de F(X) ) et ont donc une dernière lettre signée.
Si C est à terminaisons multiples, il existe un élément h de H tel que la dernière lettre signée de l'élément ht de C soit distincte de la dernière lettre signée de l'élément t de C. Cela exige que h finisse par le mot signé t-1; autrement dit, h-1 commence par le mot signé t.
Puisque h-1 appartient à H, il résulte donc de (9) que l'élément t considéré en (10) appartient à T''. Puisque l'ensemble T'' est fini, cela prouve que les classes à droite modulo H distinctes de H et à terminaisons multiples sont en nombre fini. Cela revient évidemment à dire que les classes à droite modulo H (distinctes ou non de H) à terminaisons multiples sont en nombre fini.
L'énoncé du lemme est donc démontré dans l'hypothèse (2), où H est de rang fini.
Supposons maintenant que

(hyp. 11) H est de rang infini.

Alors, puisque, comme rappelé en (1), l'ensemble est une base de H, cet ensemble est infini.
Donc, puisque, par hypothèse de l'énoncé, X est fini,

(12) il existe une partie infinie T0 de T possédant la propriété suivante :
pour tout élément t de T0, il existe au moins un élément x de tel que

Puisque T0 est contenue dans la transversale droite T de H,

(13) les classes à droite Ht, où t parcourt T0, sont deux à deux distinctes et sont donc en quantité infinie.

Prouvons que

(thèse 14) pour tout élément t de T0, Ht est à terminaisons multiples.

Soit t un élément de T0.
D'après (12), nous pouvons choisir x dans tel que

(15)

Par définition de nous avons ce qui, d'après le chapitre Groupes libres : théorème de Nielsen-Schreier, lemme 5, assertion 1°, peut s'écrire

d'où, par passage aux inverses,

(16)
(17) La classe à droite Ht comprend t

et, d'après (16),

(18) Ht comprend aussi

Compte tenu de (15) et du chapitre Groupes libres : théorème de Nielsen-Schreier, lemme 5, troisième assertion du point 3°,

commence par la lettre signée x,

donc, par passage aux inverses,

(19) finit par la lettre signée

D'autre part, d'après le chapitre Groupes libres : théorème de Nielsen-Schreier, lemme 5, seconde assertion du point 3°,

(20) t ne finit pas par la lettre signée x-1.

Des résultats (17) à (20), il résulte que Ht comprend deux mots signés non vides ( et ) qui ne finissent pas par la même lettre signée. Cela prouve notre thèse (14), à savoir que, pour tout élément t de T0, Ht est à terminaisons multiples.
Puisque, d'après (13), les classes à droite Ht, où t parcourt T0, sont en quantité infinie, nous avons donc prouvé que dans l'hypothèse (11), où H est de rang infini, il y a une infinité de classes à droite modulo H qui sont à terminaisons multiples. Joint au résultat obtenu dans le cas où H est de rang fini, cela prouve l'énoncé.

Théorème de Howson

Théorème de Howson

Soit F un groupe libre, soient H et K deux sous-groupes de type fini de F. Alors est lui aussi un groupe de type fini. (Puisque, d'après le théorème de Nielsen-Schreier, et sont des groupes libres, « de type fini » pourrait être remplacé par « libre(s) de rang fini ».)

Fin du théorème

Démonstration. Puisque H et K sont supposés de type fini, il résulte d'un problème de la série Groupes, premières notions que

(1) le sous-groupe <H, K> de F engendré par H et K est lui aussi de type fini.

D'autre part, d'après le théorème de Nielsen-Schreier, <H, K> est un groupe libre. Joint à (1), cela montre que H et K sont sous-groupes d'un même sous-groupe libre de type fini de F. Nous sommes donc ramenés au cas où F est libre de rang fini.
Puisque tout groupe libre est isomorphe à un groupe F(X) de même rang, on se ramène facilement au cas où il existe un ensemble fini X tel que H et K soient des sous-groupe de rang fini de F(X).
Soit , avec a dans F(X), une classe à droite modulo dans F(X).
Alors (vérification facile)

(2)

Du fait que est contenue dans Ha et dans Ka, il résulte que

(3) si est à terminaisons multiples, Ha et Ka sont à terminaisons multiples.

Puisque H est de rang fini, il résulte du précédent lemme qu'il n'y a qu'un nombre fini de classes à droite modulo H dans F(X) qui sont à terminaisons multiples; soient ces classes.
De même, il n'y a qu'un nombre fini de classes à droite modulo K dans F(X) qui sont à terminaisons multiples; soient ces classes.
Alors, d'après (2) et (3),

est égale à un ensemble

Cela montre qu'il n'y a qu'un nombre fini de classes à droite modulo qui sont à terminaisons multiples. D'après le lemme qui précède (applicable parce que X est fini), est donc de type fini.

Notes et références

  1. La démonstration du théorème de Howson donnée ici est essentiellement celle qu'on trouve dans B. Baumslag et B. Chandler, Group Theory, 1968, p. 265.
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