Problème 1
Soient A et B deux sous-groupes conjugués d'un même groupe G. Si AB = G, alors A et B sont égaux à G[1].
Puisque A et B sont conjugués, il existe un élément g de G tel que . Puisque G = AB, tout élément x de G peut donc s'écrire avec et dans A. C'est vrai en particulier pour , donc il existe dans A tels que . En simplifiant à droite par , nous trouvons . En multipliant à gauche par et à droite par , nous obtenons , donc g appartient à A, donc B est le conjugué de A par un élément de A, donc B est égal à A, donc A = B = AB, d'où, puisque AB est supposé égal à G, A = B = G.
Problème 2
Soient G un groupe fini et A un sous-groupe de G. Pour tout élément g de G, désignons par Ag le conjugué de A, de sorte que (Ag)h = Agh. Supposons que et que pour tout . Alors [2].
Soient g et h des éléments de G tels que . En passant aux images par la bijection , nous trouvons , d'où, d’après nos hypothèses, , ce qui revient à dire que g et h appartiennent à la même classe à droite suivant A.
Nous avons donc montré que si g et h sont deux éléments de G qui n'appartiennent pas à la même classe à droite suivant A, alors . Soit r l'indice de A dans G; choisissons une transversale de A dans G, c'est-à-dire un système d'éléments de G tel que pour toute classe à droite de G suivant A, il existe un et un seul i pour lequel appartienne à cette classe.
D'après ce qui précède, les r parties de G sont deux à deux disjointes, donc compte au moins éléments, donc
compte au moins éléments.
Puisque , cela revient à dire que compte au moins éléments.
Par hypothèse, , donc , d'où l'énoncé.
Problème 3
Soient G un groupe fini et A un sous-groupe de G. Pour tout élément g de G, désignons par Ag le conjugué de A, de sorte que (Ag)h = Agh. Prouver que si , alors , autrement dit G n’est pas la réunion des conjugués de A[3].
(Remarque préliminaire : au chapitre suivant, on montrera que le nombre des conjugués de A dans G est égal à l'indice dans G du normalisateur de A et est donc inférieur ou égal à , ce qui permet de rédiger la démonstration plus simplement.)
Si g et h sont deux éléments de G appartenant à une même classe à droite suivant A, c'est-à-dire s'il existe tel que h = ag, alors d'où, puisque , . Nous avons donc montré que si g et h sont deux éléments de G appartenant à une même classe à droite suivant A, alors . (On l'a déjà noté dans la solution de l'exercice précédent.)
Soit ; choisissons une transversale de A dans G, c'est-à-dire un système d'éléments de G tel que pour toute classe à droite de G suivant A, il existe un et un seul i pour lequel appartienne à cette classe.
D'après ce qui précède, , d'où et donc
.
Comme , ceci peut s'écrire . Puisque A est supposé distinct de G, r est > 1, donc , d'où l'énoncé.
Remarque : on verra dans les exercices sur le chapitre Premiers résultats sur les groupes simples que l'énoncé du présent problème peut s'étendre au cas où A est un sous-groupe d'indice fini d'un groupe G non forcément fini.
Problème 4
Soit G un groupe fini > 1 tel que deux différents sous-groupes maximaux de G aient toujours une intersection triviale. Alors un au moins des sous-groupes maximaux de G est normal dans G[4]. (Indication : étant donné un sous-groupe maximal M de G, appliquer deux problèmes ci-dessus à la réunion des conjugués de M.)
Supposons que, par absurde,
- aucun sous-groupe maximal de G ne soit normal dans G.
Soit M un sous-groupe maximal de G. Puisque M est contenu dans et que M est maximal, est égal à G ou à M. Puisque nous avons supposé en (1) qu'aucun sous-groupe maximal de G n'est normal dans G, donc Ceci revient à dire que
- pour tout sous-groupe maximal M de G et pour tout
(où désigne ).
D'autre part, il est clair (par exemple parce que M n’est pas normal dans G) que Compte tenu de ceci, de (2) et d'un des problèmes ci-dessus, on a donc
Puisque G est un groupe fini > 1, il admet au moins un sous-groupe maximal. Choisissons un sous-groupe maximal P de G.
D'après un des problèmes ci-dessus, n’est pas égal à G tout entier. Nous pouvons donc choisir un élément x de G qui n'appartient pas à .
D'après l'hypothèse (1) (et le fait que G admet au moins un sous-groupe maximal), G n’est pas commutatif (puisque tout sous-groupe d'un groupe commutatif est normal). En particulier, G n’est pas cyclique, donc le sous-groupe <x> de G n’est pas G tout entier, donc <x> est contenu dans au moins un sous-groupe maximal de G, soit Q. Alors x appartient à Q.
Puisque x a été choisi hors de , Q est distinct de tous les conjugués de P. On en tire facilement que
- chaque conjugué de Q est distinct de chaque conjugué de P.
On vérifie facilement que tout conjugué d'un sous-groupe maximal est un sous-groupe maximal. Donc, d’après les hypothèses de l'énoncé, il résulte de (4) que
D'après (3), et sont tous deux donc, d’après (5), est une partie de G de cardinal ce qui est absurde. Cette contradiction démontre l'énoncé.
Problème 5 (facile)
Soient G un groupe et H un sous-groupe de G. Soit K le cœur de H dans G, c'est-à-dire l'intersection des conjugués de H dans G (y compris H). Prouver que K est un sous-groupe distingué de G.
Soient x un élément de K et g un élément de G. Il s'agit de prouver que gxg-1 appartient à K, autrement dit appartient à tout conjugué de H. Soit L un conjugué de H; il s'agit de prouver que gxg-1 appartient à L, autrement dit que x appartient à g-1Lg. Or, puisque L est un conjugué de H, g-1Lg en est un aussi (transitivité de la relation de conjugaison), donc x, qui est supposé appartenir à K, autrement dit appartenir à tout conjugué de H, appartient bien à g-1Lg comme annoncé.
Remarques. 1°. L'énoncé revient à dire que, pour tout élément g de G,
,
ce qui s'écrit encore
.
Ceci résulte immédiatement du fait que
définit une permutation de l’ensemble Conj(H).
2°. Comme nous le verrons plus loin, K est le noyau d'un homomorphisme de G dans le groupe des permutations de l’ensemble des classes à gauche modulo H, ce qui fournit une autre démonstration.
Problème 6 (facile)
Soient G un groupe et X une partie de G. Prouver que le sous-groupe distingué de G engendré par X est le sous-groupe de G engendré par les conjugués des éléments de X.
Désignons par Conj(X) l’ensemble des conjugués des éléments de X et par <Conj(X)> le sous-groupe de G engendré par Conj(X). Il s'agit de prouver que <Conj(X)> est le sous-groupe distingué de G engendré par X.
Prouvons tout d’abord que <Conj(X)> est un sous-groupe distingué de G. Soit f un automorphisme intérieur de G; il s'agit de prouver que f(<Conj(X)>) = <Conj(X)>. Or f(<Conj(X)>) = <f(Conj(X))> et, puisque f est un automorphisme intérieur, il est clair que f(Conj(X)) = Conj(X), d'où notre argument.
Donc <Conj(X)> est un sous-groupe distingué de G contenant X. Il reste à prouver que c’est le plus petit. Soit H un sous-groupe distingué de G contenant X. Il s'agit de prouver que <Conj(X)> est contenu dans H. Puisque H contient X et est distingué dans G, il contient Conj(X). Puisque H est un sous-groupe de G, il contient donc <Conj(X)>, ce qui achève la démonstration.
(Le lecteur qui préférerait une démonstration plus « concrète » peut utiliser la « description constructive » du sous-groupe de G engendré par U.)
Problème 7 (facile)
Soient G un groupe fini et H un sous-groupe normal d'ordre 2 de G. Prouver que H est contenu dans le centre de G.
Nous avons H = {1,a} pour un certain élément a de . Puisque H est normal dans G, nous avons pour tout élément g de G. Donc, pour tout élément g de G, gag-1 est égal à 1 ou à a. Puisque a n’est pas lui-même égal à 1, il est clair que gag-1 n’est pas égal à 1, donc gag-1 = a, donc a commute avec g. Ceci étant vrai pour tout g dans G, a appartient au centre de G, donc H est bien contenu dans le centre de G.
Problème 8 (facile)
Soient a1, ... , an des éléments d'un groupe G qui commutent entre eux. Prouver que le sous-groupe de G engendré par a1, ... , an est l’ensemble des éléments de la forme où r1, ... , rn parcourent les entiers rationnels[5].
Prouvons que les éléments de la forme forment un sous-groupe de G.
Prouvons d’abord que le produit de deux éléments de cette forme est lui-même de cette forme. Plus précisément, prouvons que si r1, ... , rn, s1, ... , sn sont des entiers rationnels, On le prouve facilement par récurrence sur n. Voici une preuve qui se rattache plus directement au théorème de commutativité.
Soient i, j deux indices. Puisque ai commute avec aj, chaque élément de <ai> commute avec chaque élément de <aj> (voir théorie), donc commute avec . Il nous suffit donc de prouver que si b1, ... , bn, c1, ... , cn sont des éléments de G qui commutent entre eux, alors Le premier membre est le produit de la famille , où si 1 ≤ i ≤ n et si n + 1 ≤ i ≤ 2n. Le second membre de notre thèse (1) est le produit de la famille , où si i est impair et si i est pair, pour tout entier i tel que 1 ≤ i ≤ 2n. Il s'agit de prouver que
- (2)
Soit σ la permutation de {1, 2, ... , 2n} définie par si i est impair, si i est pair. Alors , donc notre thèse (2) est vraie d’après le théorème de commutativité.
Il est clair que l'élément neutre est de la forme avec r1 = ... = rn = 0.
Enfin, on prouvera facilement, par récurrence sur n ou en considérant la permutation i ↦ n + 1 - i de l’ensemble {1, 2, ... n} des indices, que l'inverse de est égal à . Donc l’ensemble des éléments de G de la forme avec r1, ... , rn entiers rationnels, est un sous-groupe de G. Il est clair que ce sous-groupe comprend les éléments a1, ... , an et est contenu dans tout groupe qui les comprend, donc c’est le sous-groupe de G engendré par ces éléments.
Problème 9 (facile)
Soient G un groupe (non forcément commutatif) et X une partie de G. Les deux conditions suivantes sont-elles équivalentes :
1° il existe un sous-groupe de G tel que X soit une classe à gauche modulo ce sous-groupe;
2° il existe un sous-groupe de G tel que X soit une classe à droite modulo ce sous-groupe.
Ces deux conditions sont équivalentes. Prouvons par exemple que 1° entraîne 2°. Si 1° est satisfaite, il existe un sous-groupe H de G et un élément a de G tel que X = aH. Alors X = Ka, où K est le sous-groupe aHa-1 de G.
Problème 10
Soit G un groupe. Pour deux éléments a et b de G, on posera , de sorte que, pour a, b et c dans G, et . Pour une partie X de G et un élément g de G, on désignera par l’ensemble des , x parcourant X.
a) Soient G un groupe et X une partie de G telle que
- pour tout élément g de G.
Supposons que X soit la réunion de n parties X1, ..., Xn de G :
Prouver que tout produit d'éléments de X peut se mettre sous la forme
avec
- pour tout () et tout ,
en admettant que puisse être nul, auquel cas est le produit d'une famille vide et est donc égal à 1.
Notons d’abord que si x et y sont deux éléments de X, alors
- est de la forme avec x' dans X.
En effet, et appartient à X d’après l'hypothèse (1).
De (3), le lecteur tirera facilement que
- (4) pour tout nombre naturel s, le produit de s éléments de X parmi lesquels figure un élément a peut s'écrire comme produit de s éléments de X dont le premier est a.
Prouvons maintenant la thèse (2). Nous allons prouver plus précisément que si s est un nombre naturel, si sont des éléments de X, alors est de la forme
avec
- pour tout () et tout ,
pouvant être nul comme convenu plus haut.
Nous raisonnons par récurrence sur s. Si s = 0, l'énoncé est banal, donc nous pouvons supposer s > 0. Nous pouvons alors considérer le plus petit indice () tel que puisse s'écrire comme produit de s éléments de X dont un au moins appartienne à . D'après (4), peut donc s'écrire
- avec dans X et dans .
Par hypothèse de récurrence sur s, est de la forme
où appartient à pour tout et tout et où
On a alors
Par minimalité de i, aucun des ne peut appartenir à un avec t < i, donc les pour t < i sont nuls et (7) et (8) donnent
avec ce qui démontre notre thèse (5) par récurrence sur s.
Remarque. Voici une façon plus « algorithmique » de démontrer la thèse (5). Si x est un élément de G et un s-uplet d'éléments de l'intervalle naturel [1, n], convenons de dire que est un s-uplet d'appartenances de x si x peut s'écrire sous la forme
avec pour tout
Pour démontrer la thèse (5), il s'agit de prouver que tout élément de G qui est produit de s éléments de X admet un s-uplet d'appartenances croissant (au sens large).
Soit donc
tous les appartenant à X. Nous pouvons choisir un s-uplet d'appartenances de x, soit , tel que pour tout .
Si ce s-uplet n’est pas croissant, il existe un indice tel que D'après (3), nous pouvons remplacer, dans l’expression (9) de x, le produit partiel par , où est un élément de X et donc d'un certain Alors est un s-uplet d'appartenances de x et est strictement plus petit que le s-uplet d'appartenances selon l’ordre lexicographique. Puisque l’ensemble est fini, on aboutira, en répétant les opérations au besoin, à un s-uplet d'appartenances croissant, comme annoncé.
b) Soient G un groupe et A un sous-groupe de G. On suppose que les conjugués de A dans G sont en nombre fini. Soient ces conjugués. Alors
- [6]. (Appliquer le point a).)
Dans l'énoncé du point a), faisons
de sorte que Comme les sont des groupes, , donc est l’ensemble des produits d'éléments de X, donc, d’après le point a), tout élément de est de la forme , où, pour chaque i, est un produit d'éléments de Comme chaque est un groupe, appartient à , donc
L'inclusion réciproque est évidente.
c) Soient G un groupe, x un élément de G et deux sous-groupes de G. Désignons par C l’ensemble des conjugués de x dans G. Supposons que et . Prouver que ou [7]. (Appliquer le point a).)
Posons Il est clair que pour tout g dans G. Nous pouvons donc appliquer le point a) à et . Nous trouvons ainsi que tout produit d'éléments de est de la forme , où est un produit d'éléments de et un produit déléments de . Mais, d’après l'hypothèse <C> = G, tout élément de G est produit d'éléments de et, d’autre part, appartient évidemment à et à . Donc
Prouvons maintenant que G est égal à ou à . Puisque G = <C>, il suffit de prouver que C est contenu dans ou dans .
Supposons que C ne soit pas contenu dans . Il existe alors un élément y de C qui n'appartient pas à . Soit g un élément de G. D'après (1), g est de la forme avec et . Alors , sinon on aurait
Puisque on a donc
d'où c'est-à-dire Ceci étant vrai pour tout élément g de G et l’ensemble étant égal à C (puisque y est un conjugué de x), nous avons donc
Nous avons donc prouvé que si C n’est pas contenu dans il est contenu dans , ce qui revient à dire que C est contenu dans ou dans . Comme nous l'avons noté, l'énoncé en résulte.
Problème 11 (facile)
a) Soient A, B deux groupes, un isomorphisme de A sur B et H un sous-groupe de A. Prouver que
Pour tout élément y de B,
b) Soient A, B deux groupes, un isomorphisme de A sur B et H un sous-groupe de A. Prouver que
Pour tout élément y de B,
c) Soient G un groupe, H un sous-groupe de G et a un élément de G. Prouver que
et
Appliquer les points a) et b) au cas où A = B = G et où est l'automorphisme de G.
d) Soient G un groupe et H un sous-groupe normal de G. Prouver que le centralisateur de H dans G est normal dans G.
Soit a un élément de G. D'après le point c),
Puisque H est normal dans G, on peut remplacer par H, donc
ce qui prouve que est normal dans G.
Références
- ↑ (H. Kurzweil et B. Stellmacher, The Theory of Finite Groups, New York, 2004, 1.1, exerc. 5, p. 9.)
- ↑ (H. Kurzweil et B. Stellmacher, The Theory of Finite Groups, New York, 2004, 1.1, exerc. 11, p. 10.)
- ↑ Attribué à Jordan par Jean-Pierre Serre, Groupes finis, révision de 2004, théor. 6.1, p. 45, en ligne.
- ↑ Voir G. Endimioni, « Une introduction aux groupes nilpotents », Cours de D.E.A. 1996/1997, Centre de Mathématiques et d'Informatique, Université de Provence (France), en ligne, lemme 4.2, p. 17.
- ↑ Énoncé dans J. Calais, Éléments de théorie des groupes, Paris, 1984, p. 127.
- ↑ H. Kurzweil et B. Stellmacher, The Theory of Finite Groups, New York, 2004, 1.1, exerc. 13, p. 10.
- ↑ H. Kurzweil et B. Stellmacher, The Theory of Finite Groups, New York, 2004, 1.2, exerc. 5, p. 15.