Vaccin bilié de Calmette et Guérin
Le vaccin bilié de Calmette et Guérin, le plus souvent dénommé vaccin BCG[Note 1], est un vaccin contre la tuberculose. Il est préparé à partir d'une souche atténuée de bacille tuberculeux bovin (Mycobacterium bovis) vivant qui a perdu sa virulence sur l'homme par culture spéciale sur des milieux artificiels pendant des années. Ce bacille proche de Mycobacterium tuberculosis, responsable de la tuberculose humaine, confère une antigénicité croisée suffisamment forte pour devenir un vaccin effectif pour la prévention de la tuberculose humaine. Il a également été utilisé en médecine vétérinaire.
Historique
Contexte
Le développement du vaccin BCG s'est fait dans un cadre de pensée et une pratique influencés par la vaccination antivariolique qui recourait alors à un microorganisme animal (cow-pox) pour se prémunir d'une affection humaine (variole ou smallpox). L'agent de la tuberculose bovine, Mycobacterium bovis, qui peut induire des infections tuberculeuses chez l'homme, fut ainsi utilisé dans l'espoir de trouver un vaccin contre la tuberculose humaine. L'inoculation de Mycobacterium bovis à des humains dans l'Italie de la fin du XIXe siècle eut des conséquences désastreuses[1]. Dans les années 1920, le Conseil de la recherche médicale tentera de mettre au point son propre vaccin, sans succès[2].
Avant Calmette et Guérin, Emil Adolf von Behring avait développé un vaccin contre la tuberculose bovine qu'il croyait être la cause des tuberculoses pulmonaires humaines (via l'ingestion de lait de vaches porteuses de Mycobacterium bovis). Ce bovo-vaccin, constitué de bacilles de type humain vivants et desséchés, s'avérera inefficace et même dangereux. Il n'en inspira pas moins les travaux de Calmette qui, en 1908[Note 2], partageait les vues de Berhring quant à l'étiologie de la tuberculose humaine ainsi qu'il s'en expliqua à un Congrès international[3]. Saturnin Arloing avait déjà conduit des travaux très aboutis dans le domaine de la vaccination contre la tuberculose bovine. À l'Institut Pasteur de Nantes, Gustave Rappin suivait aussi depuis 1894 une piste prometteuse, à des fins tant préventives que thérapeutiques ; n'aboutissant pas avant 1924, ces efforts seront éclipsés par ceux de Calmette et Guérin[4], tandis que leur simple souvenir aura sans doute eu à pâtir des prises de position ultérieures de Rappin lui-même[5].
En 1888, Pavlovsky réussit à ensemencer la surface de tranches de pommes de terre, milieu riche en amidon, avec des parcelles de culture du Bacille de la tuberculose (humaine) sur gélose glycérinée. En 1893, Sander montre que l'apport d'air accélère la croissance des cultures ; comme terrain de nutrition, la pomme de terre lui paraît devoir être préférée à la gélose glycérinée, et aux milieux d'origine animale[6].
En 1903, Von Behring avance au congrès de Cassel que la tuberculose, quel que soit le siège de ses lésions, serait presque sans exception d'origine intestinale (contredisant ainsi la Baumgarten-Tangl law (en)).
En 1890, Grancher et H. Martin réussissent à vacciner quelques lapins par l'inoculation à virulences croissantes de cultures de tuberculose aviaire, tout d'abord affaiblies par le vieillissement. A. Möller obtient des résultats positifs d'immunisation (sur lui-même et sur des animaux) en se servant des cultures de tuberculose humaine, mais modifiées par un passage préalable sur l'orvet. Friedmann obtient une vaccination active chez des bovidés au moyen des bacilles tuberculeux de la tortue[6].
Invention du vaccin
À son retour d'Indochine (où il essaya la tuberculine en traitement du lupus tuberculeux et une forme cutanée et muqueuse de la lèpre), et après un court séjour à Paris, Albert Calmette prend la responsabilité de l'Institut Pasteur de Lille en 1895. Rejoint par le vétérinaire Camille Guérin en 1897, il entame ses recherches sur la tuberculose (mécanisme de l'infection bacillaire, immunité antituberculeuse) en 1900 [7].
« Calmette et Guérin font ingérer des cultures de tuberculose d'origine bovine, humaine, aviaire et phléolique à des chevreaux, à des chèvres et boucs adultes par différents procédés : introduction directe de cultures dans les voies digestives, ou contamination du lait d'alimentation. Leur conclusion est que dans l'immense majorité des cas, la tuberculose se contracte non par l'introduction des bacilles dans les voies aériennes, mais par l'ingestion de produits bacillifères»[6].
Nocard leur fournit une culture de M. Bovis isolée d'une vache tuberculeuse en 1902.
En 1905-1906, ils constatent que de jeunes bovins guéris d'une tuberculose expérimentalement provoquée ne sont pas réinfectés. En 1906 les comptes-rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des Sciences[8] publient un article de Calmette et Guérin intitulé Sur la vaccination contre la tuberculose par les voies digestives. Cette même année, les annales de l'Institut Pasteur publiaient leur mémoire – le troisième ainsi nommé – intitulé Origine intestinale de la tuberculose pulmonaire[9].
Le 12 juin 1906, le journal Le Matin fait état des travaux de Calmette et Guérin ; le quotidien, qui évoque d'abord la possibilité prochaine du développement d'un vaccin destiné aux bovins, rapporte la conviction de Calmette que ce vaccin trouvera vite une utilisation en médecine humaine[10].
En 1908, une observation - ainsi peut-être qu'une indication du chercheur norvégien Kristian Feyer Andvord[11] – les met sur la voie de la découverte. Afin de rendre émulsifiable une culture glycérinée de la souche Nocard, ils y ajoutent de la bile de bœuf ; ils s'aperçoivent que les cultures faites ainsi perdent de leur virulence. Ils cultivent l'agent de la tuberculose bovine – Mycobacterium bovis – sur des tranches de pommes de terre immergées dans de la bile de bœuf stérile. En 1909, Calmette dépose sur le bureau de l’Académie des sciences une note décrivant le « bacille tuberculeux bilié ».
En 1912, après 96 mises en culture successives, ils parviennent à modifier la souche initiale qui devient inoffensive sur les bovins (elle reste pathogène pour le cheval). Ce bacille partiellement atténué prend alors le nom de « bilié Calmette-Guérin » (BCG).
En 1913 le vaccin est testé sur de jeunes bovins et des singes de différentes espèces.
Les recherches deviennent difficiles à poursuivre pendant la première Guerre mondiale : Lille est alors occupée par les Allemands ; les vaches sont réquisitionnées pour nourrir les troupes d'occupation ; Calmette autopsie les animaux et les déclare sains.
En 1919, Albert Calmette reconstitue à l'Institut Pasteur de Paris une équipe de travail (Camille Guérin, Auguste Boquet et Léopold Nègre) sur le bacille tuberculeux (Boquet, Nègre et Jean Valtis auront la responsabilité de la préparation du vaccin BCG jusqu'en 1928, date d'arrivée de Guérin à Paris). Les expériences de vaccination des bovidés avec la souche biliée, entreprises en 1912, furent reprises entre 1921 et 1927. Conçu à l'origine pour un usage vétérinaire[12], le vaccin est testé par Henri Vallée en 1921 dans une ferme expérimentale modèle à Fécamp : Vallée procède par injections intraveineuses ou par insertion sous la peau ; il n'obtient pas un taux de protection à 100 %[13].
Premiers essais
La toute première inoculation humaine, en intraveineuse sur un homme adulte, en montre l'innocuité[14].
Le vaccin est aussi essayé sur des nouveau-nés le 18 juillet 1921 à la crèche de la maternelle de l'hôpital de la Charité, à Paris. Le pédiatre Benjamin Weill-Hallé et le Dr Raymond Turpin vaccinent d'abord un nouveau-né dont la mère était morte de la tuberculose quelques heures après l'accouchement et qui était appelé à vivre dans un milieu contaminé. La santé de l'enfant étant établie après une période d'observation de six mois, la vaccination est étendue à d'autres nouveau-nés de l'hôpital de la Charité, d'abord de 1921 à 1922 puis de 1922 à 1924. Les résultats de ces vaccinations sont présentés devant l'Académie de médecine par A. Calmette, C. Guérin et leurs collaborateurs le 24 juin 1924[15]. Le premier juillet 1924 l'Institut Pasteur créée le premier centre de production et de distribution gratuite de BCG ; le vaccin est distribué gratuitement aux médecins qui en font la demande ; en échange ceux-ci s'engagent à retransmettre un certain nombre d'informations.
Le vaccin a aussi été testé sur des singes anthropoïdes sur le site de l'Institut Pasteur établi en Guinée, à Kindia, dont Calmette fut un temps directeur[16]. C'est en 1922 qu'est signée une convention entre l'Institut Pasteur et le gouvernement général de l'Afrique-Occidentale française fondant en Guinée française l'établissement auquel sera donné le nom de Pastoria. La direction de l'établissement, qui couvre 35 ha, est confiée au vétérinaire-commandant R. Wilbert en 1923 ; Maurice Delorme en devient l'assistant en 1925. À partir de 1937 une production de vaccin BCG se fait sur place[17].
Premières campagnes
La vaccination se développe à partir de 1924, notamment dans les dispensaires. Calmette distribue alors sa souche à de très nombreux bactériologistes, qui la repiquent de nouveau, donnant ainsi naissance à des centaines de souches « filles »[18]. Cette même année 1924, les ministères de la Défense Nationale et des Colonies décident que les laboratoires de Tananarive, Saïgon et Dakar devront procéder à la vaccination de la population infantile et des troupes indigènes[19]. Si les vaccinations débutent effectivement dès 1924-1925 à Madagascar et en Indochine, L'Institut Pasteur de Brazzaville ne commencera les premiers essais de vaccination qu'en septembre 1930[20],[21].
Benjamin Weill-Hallé et Raymond Turpin effectuent des vaccinations à l’École de Puériculture. Entre 1925 et 1927 Couvelaire vaccine à Baudelocque, 305 nouveau-nés.
Entre septembre 1926 et août 1927 la Compagnie des mines de Béthune vaccine 850 enfants[22]. En 1927, Calmette publie une étude faite sur 21 200 enfants vaccinés qui conclut à l'efficacité du vaccin[23]. Ces publications de l'année 1927 rencontrent très rapidement des critiques, en France d'abord où le Dr José Lignières remet en question l'innocuité totale du BCG, mais aussi à l'étranger avec le Britannique Greenwood et le Suédois Arvid Wallgren qui soulignent, eux, la fragilité des preuves statistiques de Calmette[23] (Wallgren fut cependant un promoteur actif du BCG en Suède)[24].
Une adoption par les autres pays contrastée
Dès 1925, au Canada, le Conseil de la recherche médicale met en place l'Associate Committee for research on tuberculosis and BCG pour étudier tant l'utilisation humaine que vétérinaire. F. A. Baudouin initie des essais cliniques en 1925. Armand Frappier y conduit également des recherches[25].
En 1927, Petroff affirme avoir réussi à isoler d'une culture BCG une variante virulente. Les travaux de Petroff reçoivent un écho important et suscitent de nombreuses études en Europe (on objectera aux résultats de Petroff une possible contamination accidentelle ; le décès de Petroff de tuberculose apportera un argument à cette hypothèse). Entre 1927 et 1941, la Fondation Rockefeller, en lien avec l'Henry Phillips Institute et l'Université de Pennsylvanie, conduit un programme en Jamaïque ; y est notamment étudié un vaccin expérimental élaboré à partir de bacilles tués par la chaleur (contrairement au BCG qui est un vaccin dit vivant, c'est-à-dire atténué)[26]. D'abord effectuée sur des malades mentaux, après que son innocuité ait été testée sur des cobayes, l'essai clinique est étendu à 11 000 personnes de Kingston[2].
À partir de 1927, Olaf Scheel et Johannes Heimbeck de l'hôpital de l'école d'infirmière Ullevaal Hospital à Oslo, conduisent deux programmes de vaccinations distincts chez des élèves infirmières (respectivement jusqu'en 1936 et 1939). C'est la première fois que le vaccin était proposé en injection à des adultes. Ces études, critiquées pour n'avoir pas recouru à des groupes de contrôle, ont été d'une très grande importance : c'est sur la base de leurs résultats que le programme norvégien de vaccination BCG d'après guerre fut conçu ; il servit de référence à d'autres pays[27],[28].
La vaccination ne se développe que lentement en France dans les années 1920 (en Scandinavie en revanche elle se généralise plus facilement)[22]. Elles sont à ce moment surtout le fait des dispensaires et des services hospitaliers[22].
En 1928 Ludwik Rajchman (en) le directeur d'une agence sanitaire de la Société des Nations convie à Paris une conférence au sujet du BCG. Présidée par Émile Roux, elle organise son travail autour de trois commissions, clinique, vétérinaire, bactériologique. La conférence confirme sans hésitation l'innocuité du vaccin. Concernant son efficacité en revanche, elle est moins affirmative ; d'après ses conclusions le vaccin engendre seulement « un certain degré d’immunité »[29],[30]. La commission, qui a accordé toute son attention aux arguments d'ordre statistique développés par Greenwood[Note 3], assortit son avis de recommandations devant guider ultérieurement la recherche. Est notamment recommandée l'introduction, lors des essais, de groupes de contrôle[31]. La même année, une commission vétérinaire internationale, comprenant l'Italie, les Pays-Bas, l'Autriche, la Pologne, l'Allemagne et la France, préconise d'étendre la vaccination BCG au bétail[32].
En 1930 éclate le drame de Lübeck : sur 251 enfants vaccinés, 72 enfants meurent d'une tuberculose généralisée, 131 autres développent une tuberculose clinique avec guérison et 41 ne présentent aucun symptôme mais font une conversion tuberculinique. Le gouvernement allemand intente un procès contre l'Institut Pasteur. Le procès s'ouvre fin 1931. Léopold Nègre démontre que le BCG n'est pas en cause : une erreur a été commise par le laboratoire qui a préparé le vaccin sur place : il a été accidentellement contaminé. Le tribunal exonère le BCG et conclut à une contamination accidentelle. À l'époque, en l’absence de connaissances génétiques, la question d'un retour à la virulence ne peut toutefois être exclu[32].
Le une circulaire du ministre de la Santé publique rappelle « le grand intérêt » de la vaccination par le BCG.
En 1933, les recommandations officielles portant sur la lutte contre la tuberculose bovine n’instituent pas l'obligation de la vaccination BCG. Celle-ci est laissée à la discrétion des éleveurs.
Lancement d'études épidémiologiques
En 1935 est créée la Commission du BCG de l'institut Pasteur dont Antoine Marfan est le directeur (Calmette est décédé en 1933). Cette même année, en réponse aux objections formulées par la commission internationale en 1928, Calmette conçoit, avec l'aide du statisticien Yves Biraud, un programme randomisé avec groupe de contrôle en Algérie, dans la Kasbah. C'était une entreprise alors novatrice, qui ne sera surpassée en taille d'échantillon que par l’essai sur la streptomycine après la deuxième guerre mondiale[31]. En 1935 toujours, Aronson et Palmer organisent les premiers essais randomisés du BCG dans des réserves indiennes aux États-Unis et en Alaska[33],[34],[35](R. G. Ferguson (en), directeur de la ligue antituberculeuse de la Saskatchewan, conduit des campagnes de vaccination entre 1933 et 1943 chez des enfants aborigènes et des infirmières)[36].
Dans les années 1940, Jörgen Lehmann (en) met en évidence l'activité antituberculeuse de l'Acide para-aminosalicylique, qui ne commencera véritablement à être utilisé qu'à compter de 1948.
Le réel développement d'après-guerre (mais ni aux États-Unis ni en Grande-Bretagne ni aux Pays-Bas)
En 1944, la Suède légifère.
En 1946, la Croix-Rouge danoise organise la vaccination par le BCG en Pologne, Autriche, Hongrie et Yougoslavie ; l’année suivante, elle étend son action aux zones d’occupation américaine et britannique en Allemagne[37].
En 1947, la Norvège rend la vaccination obligatoire pour les personnes testées négatives à la tuberculine.
En lien avec l'UNICEF (décision de Lake Success du 12 mars 1948), les organisations de la croix rouge danoise, norvégienne et suédoise fondent l' International Tubercolisis Campaign ou Joint Enterprise un programme qui se propose d'aider tout pays européen à mener une vaccination pédiatrique de masse et qui s'étendra ensuite à d'autres parties du monde. L'OMS apporte une aide technique[38].
En juin 1948, le premier congrès international du BCG, organisé à l'Institut Pasteur, admet que le vaccin occasionne une immunité « relative »[29].
En 1949, le Joint Enterprise, le Danish Statens Seruminstitut et l'OMS coordonnent leurs efforts pour étudier différentes questions soulevées à l'occasion des campagnes de vaccination généralisées[39].
Après la guerre, des études de grande ampleur sont menées, suivant des méthodologies distinctes, en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
En 1950, la vaccination est rendue obligatoire en France.
Dans les années 1950 est mis en évidence l'activité antituberculeuse de l'Isoniazide, qui commence à être utilisée à partir de 1952.
En 1974, le vaccin BCG est intégré par l'UNICEF dans son programme de vaccination infantile.
Le BCG réévalué
En 1997, dans un document mettant en avant la Stratégie DOTS, l'OMS attribue l'échec de la lutte mondiale contre la tuberculose à plusieurs raisons et notamment à une « confiance exagérée dans le BCG »[40].
De nos jours, et dans de très nombreux pays occidentaux, la vaccination par le BCG n'est plus systématique, mais ciblée sur les populations à risque.
Mode d'action
Le BCG est un germe injecté vivant. Son efficacité est basée sur le principe de l'immunité de surinfection, c'est-à-dire qu'il n'a d'efficacité que tant qu'il reste vivant dans l'organisme (généralement tapi dans un ganglion lymphatique). Il s'agit d'une immunité à médiation cellulaire. Cela explique que le vaccin peut « ne pas prendre ». Dans ce cas, les tests restent négatifs, et une nouvelle vaccination s'impose[réf. nécessaire]. Cela explique aussi que les tests peuvent devenir négatifs (disparition du BCG vivant dans l'organisme). Il faut alors revacciner.
Modalités d'administration
En 1921, Benjamin Weill-Hallé procéda à la vaccination par voie orale. Ce mode d'administration a les faveurs des médecins français jusqu'après l'instauration de l'obligation vaccinale en 1950 alors que les pays scandinaves préconisent dès avant la Seconde Guerre mondiale l'administration par voie sous-cutanée, voire intradermique[23]. La voie intradermique est initiée par le Professeur Arvid Wallgren en 1927 à Göteborg[41]. En 1939, le Dr Sol Roy Rosenthal envisage l'administration du BCG par multipuncture en raison de l’incidence élevée des réactions indésirables avec la voie intradermique[42]. La voie sous-cutanée occasionnait de nombreux abcès froids qui devaient être aspirés ou traités chirurgicalement ; à compter de 1935, ce mode d'administration est délaissé[43].
En France, la vaccination se pratique actuellement plutôt par scarification (chez les nourrissons) ou par voie intradermique.
Sous sa forme fraîche, le vaccin est très fragile car sensible à la lumière et à la chaleur. Conditionné sous forme desséchée, il se conserve plusieurs mois à +4 °C mais doit être utilisé dans les 24 heures de sa mise en suspension.
L’article 9 du décret du 9 juillet 1951 prévoyait : « les sujets soumis à la vaccination obligatoire et qui vivent dans un milieu comportant un risque de contamination, devront, avant la vaccination, être mis à l’abri de la contamination pendant une durée de 2 mois. » Inapplicable en pratique, cette disposition fut ensuite abrogée.
Efficacité
De nombreuses études ont montré une efficacité limitée du vaccin[44],[45], voire nulle selon les pays [46].
Sur base d'études faites à grande échelle et organisées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), certains pensent que l'efficacité du BCG est faible : dans une étude faite sur 260 000 personnes dans un pays d'endémie tuberculeuse (en Inde), les auteurs n'ont pas trouvé de différence significative entre le groupe qui avait reçu le BCG et celui qui ne l'avait pas reçu[47]. Une autre étude faite également en Inde sur 366 625 personnes a montré que le BCG n'avait aucune action préventive sur les formes de tuberculoses pulmonaires adultes[48].
Le vaccin n'a pas d'effet sur la transmission de la maladie car il n'empêche pas l'infection par Mycobacterium tuberculosis et ne diminue donc pas la circulation du bacille[44]. Il est admis que le vaccin BCG protège surtout l'enfant contre les formes graves et souvent mortelles de la maladie. Jusqu'à l'âge de 15 ans, le taux de protection est d'environ 85 % contre les méningites et 75 % contre la tuberculose miliaire. Le taux de protection chez l'adulte descend à moins de 50 %[44].
Si on étudie l'évolution de la régression de la tuberculose depuis le XIXe siècle dans de nombreux pays, on constate objectivement qu'elle a régressé avant la découverte des antituberculeux, ou de la vaccination. Les épidémiologistes l'interprètent essentiellement par l'amélioration des conditions d'hygiène et nutritionnelles[49],[50],[51].
Par ailleurs, la souche bactérienne est ancienne (créée en 1921). Elle est conservée et reproduite dans différents pays et s'est modifiée progressivement par mutation. Il semble que les souches les plus proches du bacille originel aient une efficacité vaccinale supérieure à celles qui s'en sont écartées génétiquement[52].
Innocuité
Les taux d'effets indésirables varient selon la souche du vaccin, la dose et la méthode d'immunisation, ainsi que l'âge du vacciné[53].
Les effets indésirables sont plus fréquents chez les plus jeunes vaccinés et sont généralement associés à une mauvaise technique d'administration et surtout une dilution insuffisante. Le vaccin actuel est administré par injection intradermique, et non pas intramusculaire. En France, le flacon BCG comprend 10 à 20 doses de vaccins.
Les effets indésirables du BCG sont habituellement localisés (BCGites), bénins et ne nécessitent pas de traitement :
- apparition d'un érythème, d'une papule ou d'une ulcération au point de ponction, avec cicatrice dans les suites ;
- ulcération cutanée persistante ;
- adénite inflammatoire (inflammation du ganglion axillaire du côté du bras vacciné), parfois importante ou suppurée (fréquence : 0,2 à 4,0 pour 1 000 vaccins) ;
- formation de cicatrices chéloïdes inesthétiques ;
C'est lorsqu'il préexiste un déficit immunitaire que s'observent des complications plus graves.
- Bécégite disséminée[54] : la bécégite disséminée est une complication très grave, parfois mortelle, survenant dans un tiers des cas chez des enfants présentant un déficit immunitaire combiné sévère (DICS) ; le nombre total de bécégites disséminées est estimé à une douzaine de cas par an en France. La bécégite s’observe le plus fréquemment chez des enfants vaccinés avant l’âge de six mois, voire d’un an.
Une enquête parrainée par l'Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, a permis de répertorier 10 371 complications à la suite de 1,5 milliard de vaccinations par le BCG chez des adultes et des enfants[55].
La complication la plus grave du BCG est l'infection disséminée par le BCG, qui est enregistrée chez trois vaccinés pour un million et était fatale chez 0,02 vacciné pour un million en raison de déficits immunitaires.
Réglementation vaccinale
En France
En France, le vaccin est d'abord rendu obligatoire, par voie de circulaire, en 1947 pour certains groupes professionnels (élèves infirmières ou assistantes sociales, étudiants en biologie et en médecine et pupilles de l’État). En 1949 des projets de loi, gouvernementaux puis parlementaires évoquent la généralisation de l'obligation. Celle-ci intervient en 1950 (Loi no 50-7 du 5 janvier 1950). De 1950 à 2007 pour les enfants scolarisés[56]. L’obligation de vaccination par le BCG chez l’enfant et l’adolescent a été suspendue officiellement au cours de l'été 2007 (décret no 2007-1111 du 17 juillet 2007), au profit d’une recommandation de vaccination d'une population plus ciblée[57].
Saisi le 22 janvier 2008 par le directeur général de la santé sur l'opportunité du maintien de l'obligation vaccinale chez les professionnels de santé, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) recommande le 5 mars 2010 la levée de l’obligation de vaccination par le BCG pour les professionnels et étudiants des carrières sanitaires et sociales mentionnés aux articles L.3112-1, R.3112-1 C et 2 du Code de la santé publique, accompagnée d’un maintien du test tuberculinique comme test de référence lors de prise de poste. Le HCSP recommande une vaccination par le BCG au cas par cas, après évaluation des risques par le médecin du travail uniquement pour les professionnels de santé très exposés tuberculino-négatifs[58]. Une évaluation de l'impact épidémiologique de la suspension de l’obligation vaccinale par le BCG et mesure de la couverture vaccinale a été faite par l'INVS (publication 2012[59]).
Recommandations vaccinales
Selon l'avis du CSHPF du 9 mars 2007, les enfants à risque élevé de tuberculose et relevant donc d'une recommandation forte de vaccination, sont les suivants :
- enfants nés dans un pays de forte endémie tuberculeuse
- enfants dont au moins l'un des parents est originaire d'un de ces pays
- enfants devant séjourner au moins un mois d'affilée dans l'un de ces pays
- enfants ayant des antécédents familiaux de tuberculose (collatéraux et ascendants directs)
- enfants dans toute situation jugée par le médecin à risque d'exposition au bacille tuberculeux, notamment enfants vivants dans des conditions de logement défavorables ou socio-économiques défavorables ou précaires ou en contact régulier avec des adultes originaires d'un pays de forte endémie
- enfants résidant en Île-de-France ou en Guyane
Le CSHPF recommande également la vaccination de tout enfant dont les parents sont demandeurs, sauf contre-indication.
Les zones géographiques à forte incidence tuberculeuse sont, d'après l'OMS :
- l'Afrique, en particulier subsaharienne ;
- l'Asie, y compris les pays du Proche et du Moyen-Orient ;
- les pays d'Amérique centrale et du Sud ;
- les pays d'Europe centrale et de l'Est, y compris les pays de l'ex-URSS ;
- dans l'Union européenne : la Bulgarie, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, le Portugal, la Roumanie.
- les enfants à risques de tuberculose, tels que définis par le CSHPF, représentent 14 % de l'ensemble des enfants et environ les trois quarts des cas de tuberculose au même âge.
Texte anglais à traduire :
In 1928 it was adopted by the Health Committee of the League of Nations. However, because of opponents of vaccination, it was not widely used until after World War II. From 1945 to 1948, relief organizations (International Tuberculosis Campaign or Joint Enterprises) vaccinated over 8 million babies in eastern Europe and prevented the predicted increase of TB after a major war.
The vaccine proved to be the safest and the most widely used vaccine. It has an efficacy of between 50 and 80 percent, depending on the natural occurrence of other forms of mycobacteria other than Mycobacterium tuberculosis in the environment in which a person lives.
Traduction du texte anglais :
En 1928, le vaccin est adopté par le Comité sanitaire de la Société des Nations. Cependant, il est peu utilisé avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, en raison des opposants à la vaccination. De 1945 à 1948, des campagnes de vaccination internationales permettent de vacciner plus de 8 millions de nouveau-nés en Europe de l'Est, prévenant ainsi l'augmentation prévue de cas de tuberculose après une guerre. Le BCG est alors le vaccin le plus sûr et le plus utilisé. Son efficacité se situe entre 50 et 80%, et varie selon la présence dans l'environnement d'autres espèces du genre Mycobacterium (l'agent infectieux de la tuberculose étant Mycobacterium tuberculosis, ou bacille de Koch).
Contre-indications
Du fait qu'il s'agit d'un germe vivant, le vaccin est contre-indiqué chez les personnes immuno-déprimées, y compris les personnes porteuses du VIH ou celles traitées par corticoïdes ou autres immuno-dépresseurs, ainsi qu'aux personnes porteuses d'affections malignes.
Chez la femme enceinte, le vaccin est déconseillé, même en cas de risque de tuberculose. Dans cette situation, la surveillance radiologique de la future mère permet de détecter des lésions pulmonaires débutantes, et d'introduire après des prélèvements bactériologiques un traitement antituberculeux si nécessaire. Le but est d'éviter une contamination du nouveau né. Cet enfant sera à vacciner dès sa naissance par le BCG
Le site d'injection ne doit pas être porteur d'eczéma.
Enfin, le vaccin est illogique chez les personnes traitées par médicaments antituberculeux.
BCG et mycobactéries
Le BCG a un rôle de protection contre les mycobactéries atypiques[61].
BCG et test tuberculinique
Le BCG fausse la réaction à la tuberculine, compliquant le dépistage de la tuberculose[62]. Cela explique, en partie, le choix de santé public fait aux États-Unis de ne pas systématiquement vacciner les enfants, puisque cela irait à l'encontre de la politique de détection et de guérison des formes latentes de la tuberculose.
Toujours aux États-Unis, lorsque le test tuberculinique est positif et que la personne déclare avoir été vaccinée, une radio pulmonaire est systématiquement réalisée pour écarter l'hypothèse d'une infection réelle.
Remarque
À l'origine, vaccin BCG signifie vaccin bilié de Calmette et Guérin. Cela vient du fait que la souche bactérienne en question a été obtenue par passage sur un milieu bilié comme mentionné ci-dessus. Ainsi, on parle du vaccin bilié de Calmette et Guérin lorsque l'on parle du vaccin BCG. Cependant, beaucoup traduisent "Bacille de Calmette et Guérin"[63].
BCG en traitement anticancéreux
Depuis 1976, des instillations intravésicales de BCG peuvent être pratiquées comme traitement curatif des cancers de la vessie n'envahissant pas le muscle et à fort risque de récidive[64].
Production du vaccin
On ne dispose pas d'échantillons des souches originales du vaccin BCG développé par Calmette en 1921 ni même de la souche de Mycobacterium bovis à partir de laquelle il fut développé[65].
Toutes les souches utilisées pour produire le vaccin sont issues de celle préparée entre 1908 et 1921 par Calmette et Guérin[Note 4]. Ces souches se sont différenciées jusque dans les années 1960/1965, moment à partir duquel les techniques de stockage par lyophilisation stoppèrent ce processus de différentiation. En 2001 on comptait 18 fabricants de vaccin pour 7 souches utilisées qui se distinguent par leur immunogénicité et par les procédés industriels dont elles sont issues. Les souches Copenhague, Tokyo (ou tokyo-172 apportée par Kiyoshi Shiga au Japon en 1924), Glaxo et Pasteur sont les plus utilisées[18].
Mycobacterium microti
Mycobacterium microti découvert par Wells dans les années 1930, et nommé par lui vole bacillus, fut nommé plus tard M. tuberculosis var. muris, faute de pouvoir être distingué alors de M. tuberculosis. Un vaccin atténué fut utilisé en Tchécoslovaquie de 1951 à 1969 tandis que des essais furent conduits en Grande-Bretagne de 1950 à 1952 avec des formes non atténuées[66].
Divers
Ce vaccin fait partie de la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé (liste mise à jour en avril 2013)[67].
Un bâtiment de l'École nationale vétérinaire d'Alfort (ENVA), inauguré en 2014, a été nommé en l'honneur des créateurs de ce vaccin. Ce bâtiment s'appelle bâtiment Camille-Guérin (ou BCG).
Notes et références
Notes
- À l'origine, vaccin BCG signifie vaccin Bilié de Calmette et Guérin car la souche atténuée est obtenue par culture sur un milieu bilié. Ainsi, on parle du vaccin bilié de Calmette et Guérin lorsque l'on parle du vaccin BCG. Cependant l'usage veut que BCG, dans un contexte qui évoque la bactérie, signifie également bacille de Calmette et Guérin.
- En 1908 également Edwin Klebs inocula des bacilles atténués à des cobayes et à des humains
- À cette même occasion, le 15 octobre 1928, Strashimir Alburtus Petroff s'oppose longuement au BCG ; d'origine russe Petroff fut directeur du laboratoire Saranac et de l'Institut Trudeau. Il fut consulté par les autorités allemandes lors de l'affaire de Lübeck ; le laboratoire Saranac aurait conçu un vaccin basé sur un bacille tué par la chaleur
- En Suède par exemple, c'est la souche donnée en 1920 parle Dr Calmette au Dr Anders Wassén (en) du laboratoire Gothenburg/Göteborg qui fut utilisée pour la production du vaccin. Cette souche Gothenburg fut ensuite utilisée au Danemark de 1972 à 1978. Depuis 1979 c'est la souche danoise, Copenhague 1331, qui est utilisée en Suède
Références
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- Helen Bynum, Spitting Blood:The history of tuberculosis, Oxford University Press, 8 oct. 2012
- Disease and class: tuberculosis and ... - Google Livres
- Insaisissable tuberculose - Le blog des Bactéries et de l'Évolution Dr Rappin, Vaccination et vacinothérapie de la tuberculose in :Association Française pour l'avancement des Sciences, Conférences, comptes rendus de la 48e session, 1924, p. 600-603, Un savant nantais méconnu in Liens d'archives, N°16, janvier 2010,pp4-5
- Christopher Lawrence, George Weisz, Greater than the parts:holism in biomedicine, 1920-1950, Oxford University Press, 1998 - 366 pages :Greater than the parts: holism in ... - Google Livres, il est fait mention de Rappin dans cet un extrait. En 1946, l'Académie de médecine lui décernait toutefois le prix Adrien Buisson en reconnaissance de trente ans de travaux sur la tuberculose. Cf. Revue internationale de sociologie, volume 25, 1946
- https://archive.org/stream/archivesdeparasi11pari/archivesdeparasi11pari_djvu.txt
- http://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1983x017x004/HSMx1983x017x004x0419.pdf
- Paris, 1906, 142: 1319-1322
- On trouve 1896 comme date de parution de Calmette(C.) el Guérin (C), Origine intestinale de la tuberculose pulmonaire. Annales de l'Institut Pasteur, 1896 ( https://archive.org/stream/archivesdeparasi11pari/archivesdeparasi11pari_djvu.txt)
- https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k567996j.texte
- http://www.whonamedit.com/doctor.cfm/2413.html
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- Jean-Pierre Dedet, Les Instituts Pasteur d'outre-mer : cent vingt ans de microbiologie française dans le monde, éditions L'Harmattan, 2000
- Vaccinologie Par Joë̈l Gaudelus
- Christian Bonah, Histoire de l'expérimentation humaine en France-Discours et pratiques 1900-1940 -, Annexe p 367
- Bulletins de la Société de pathologie exotique et de ses filiales de l'Ouest africain et de Madagascar. - 1931. - 1931, tome 24 http://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/page?bspex1931&p=187
- 218 enfants sont vaccinés à Dakar en 1925 d'après : http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/151/?sequence=12
- http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/151/?sequence=12
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Voir aussi
Bibliographie
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Articles connexes
- Tuberculose humaine
- Vaccinations mortelles de Lübeck
- Bernhard Lauritz Frederik Bang promoteur de la méthode Bang (abattage systématique des bovins)
- Armand Frappier le défenseur de l’application rationnelle de la vaccination antituberculeuse par le BCG au Canada.
Liens externes
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