Spina bifida
Le spina bifida (du latin signifiant « épine fendue en deux ») est une malformation liée à un défaut de fermeture du tube neural (système nerveux primitif-défaut de fermeture du neuropore postérieur) durant la quatrième semaine de la vie embryonnaire. Le plus souvent, cette malformation concerne l'extrémité caudale et donc la région sacrée, voire lombaire ; il en résulte l'absence de l'apophyse épineuse d'une ou plusieurs vertèbres. La protrusion des méninges par cette ouverture donne un méningocèle. De gravité variable, ces malformations vont du spina bifida occulta au myéloméningocèle, lorsqu'il y a protrusion de moelle épinière avec les méninges. La spina bifida autre que la spina bifida occulta concerne une naissance sur 2 000 avec 12 % des cas n'entraînant qu'un handicap léger.
Parfois les nerfs lombo-sacrés sont affectés par le spina bifida, ils participent normalement :
- aux fonctions musculaires (hanche, cuisse, genou, jambe, pied)
- à la motricité digestive
- au contrôle vésical (innervation de la vessie et de ses sphincters) et anal (sphincter anal)
- aux fonctions génitales (masculines et féminines).
Formes de spina bifida
Spina bifida occulta
Il représente la forme mineure et la plus répandue de la malformation. Il n'existe pas d'ouverture ni de déformation cutanée dans la région lombo-sacrée (la peau en regard des anomalies peut rester normale ou porter une zone très poilue, un nævus ou un hémangiome, voire une petite dépression du derme). Pourtant la radio révèle une fermeture incomplète de la partie postérieure de la vertèbre. Dans cette forme, la fente reste très limitée, et la moelle épinière n'en dépasse pas (il n'y a pas de protrusion). Les conséquences de cette forme sont variables, mais la plupart du temps asymptomatiques. Cependant, les formes complexes du spina bifida occulta peuvent entraîner en général des problèmes moteurs, une discrète altération de la sensibilité, et des atteintes du colon, voire une incontinence urinaire. Ces formes complexes sont souvent associées à d'autres malformations, telles que des lipomes, des diastématomyélie, des sinus dermiques... [11].
Spina bifida myéloméningocèle
Le myéloméningocèle est la forme viable la plus grave de spina bifida. La moelle épinière accompagne les méninges (qui recouvrent normalement la moelle épinière et le cerveau) qui émergent d'une fente pour former un « sac » (ou hernie) nettement visible dans le dos. Cette ouverture anormale peut être réparée chirurgicalement juste après la naissance (voire pendant la grossesse, grâce aux techniques les plus récentes[1],[2]). Le sac méningé contient le liquide céphalo-rachidien, une partie de la moelle épinière, et la racine des nerfs lombo-sacrés. La moelle est souvent endommagée et mal développée. Il en résulte (même après traitement, et dans une forme lombo-sacrée) une paralysie de gravité variable, des troubles sensitifs graves du membre inférieur, une incontinence urinaire et fécale, une possible hydrocéphalie, et des anomalies des vertèbres lombaires. La gravité de cette forme clinique dépend de sa localisation et des dommages nerveux.
Spina bifida méningocèle
Il s'agit de la forme la plus rare : la partie postérieure de certaines vertèbres est fendue, les méninges poussées à travers cette ouverture pour former un sac méningé contenant du liquide céphalo-rachidien, et contrairement au myéloméningocèle, les nerfs rachidiens ne sont pas contenus dans ce sac . Les nerfs sont en général peu endommagés et fonctionnels, ce qui aboutit à des troubles discrets.
Spina bifida à moelle ouverte
Non viable, c'est la forme la plus grave de spina bifida. Celle-ci ne peut en aucun cas être cliniquement traitée. C'est le cas où, durant la morphogenèse spinale (et donc tôt dans le développement embryonnaire), la gouttière neurale ne se développe pas, laissant ainsi un arc neural totalement ouvert dans lequel le développement de la moelle épinière peut ne pas se faire, mais s'il se fait, la moelle ne sera pas entourée des méninges et sera en contact direct avec la phase profonde de l'épiderme dorsal. Cette anomalie peut être mono-vertébrale comme poly-vertébrale.
Causes
Le spina bifida est lié à une fermeture incomplète du tube neural durant le développement embryonnaire. Normalement, le développement du tube neural se produit au cours de la 4e semaine après la fécondation. Le tube se situe dans la région postérieure, entre le bas du dos et le crâne. Il va se fermer normalement en commençant par le milieu, puis la fermeture progresse vers les extrémités du corps. Cependant, il arrive que le tube ne se ferme pas totalement : la fermeture cesse avant d'avoir atteint l'extrémité caudale de l'embryon. Les anomalies du tube neural comprennent aussi l'anencéphalie et l'encéphalocèle. Elles sont favorisées par le valproate de sodium, le diabète, l'hyperthermie, et le cholestérol.
Le valproate de sodium, molécule très efficace pour traiter l'épilepsie (sous le nom commercial de Dépakine) et les troubles bipolaires (sous les noms Dépamide et Dépakote), augmente considérablement le risque de spina bifida chez les enfants exposés in utero[3]. La fermeture du tube neural se produisant pendant la quatrième semaine de grossesse, quand la femme découvre qu'elle est enceinte il est déjà trop tard pour changer le traitement de son épilepsie ou de son trouble bipolaire dans le but d'éviter le spina bifida. La règle doit donc être "pas de grossesse sous valproate" (Dépakine, Dépamide, Dépakote) et non pas "pas de valproate pendant la grossesse".
Des recherches récentes en génétique (Docteur Hubert Journel, Vannes) ont montré que l'une des causes du spina bifida est d'origine génétique. Les anomalies de fermeture du tube neural et des vertèbres sont positivement corrélées à la présence d'un allèle mutant du gène de la 5,10-méthylène tétrahydrofolate réductase. Cette MTHFR perd environ 55 % de son efficacité quand le codon 677 de son gène porte une thymine au lieu d'une cytosine. Le risque d'avoir un enfant atteint de spina bifida est donc plus grand chez les femmes qui ont déjà eu un enfant atteint de spina bifida. De même, le risque d'avoir un enfant atteint de spina bifida est augmenté si l'un des deux parents est lui-même atteint de spina bifida et que la mère ne prend pas d'acide folique. Les risques de malformations gravissimes augmentent encore quand les deux parents sont touchés et que la mère ne prend pas d'acide folique avant sa grossesse ou, au minimum, durant son premier mois de grossesse. Des études récentes ont montré que le spina bifida est favorisé par un manque d'acide folique au début de la grossesse. Pour éviter cette situation, il est préférable de prendre sous forme de comprimé l'acide folique dans les six mois qui précèdent le début de la grossesse ou, au pire, dans le premier mois de grossesse.
La MTHFR est une enzyme clef du métabolisme de l'acide folique et de l'homocystéine. Ses mutations ont été impliquées dans des affections multifactorielles, comme les maladies neurologiques et cardiovasculaires qui s’améliorent avec un apport de folates.
Quelques rapports, à confirmer, suggèrent une corrélation entre le génotype 677C →T et les fentes palatines ou les anomalies congénitales cardiaques. Il semble que le génotype 677C→T accroit le taux d’avortement spontané de 30 % à 40 %, surtout en début de grossesse. Il augmente aussi de 40 % le risque de problèmes vasculaires placentaires et de 20 % la probabilité de pré-éclampsie. Il favorise aussi les retards mentaux, les stérilités et les risques de convulsions.
Des méta-analyses suggèrent que le génotype 677C→T peut être un modeste facteur de risque pour les accidents vasculaires cérébraux, les maladies coronariennes et les thromboses veineuses, et plus encore s’il existe une carence en acide folique.
Une association, encore controversée, a été notée entre la schizophrénie et l’allèle 677C→T. Une analyse, sur 6 000 individus, a indiqué que le génotype 677C→T accroit de 70 % le risque de dépression. Des travaux sur la démence et le déclin cognitif léger ont trouvé une augmentation des taux d’homocystéine plasmatique chez un nombre significatif de patients. Toutefois le lien entre 677C→T et la démence d’origine vasculaire ou encore la maladie d’Alzheimer n’a pas été clairement établi.
Un apport insuffisant en folates prédispose au cancer colorectal. Cependant, si l’apport en acide folique est suffisant, le génotype 677C→T est paradoxalement associé à une diminution du risque de cancer colorectal. Il exerce aussi un effet protecteur dans les leucémies lymphocytaires aiguës. Lorsque l’apport en folates est insuffisant, l’augmentation du risque de contracter certains cancers est associée au génotype 677C→T. Chez la souris mutantes MTHFR ont aussi été signalées des atteintes hépatiques et cérébelleuses, des retards de développement, etc.
Dans la population générale le risque de survenue de spina bifida se situe entre 1,2 et 1,6 pour 1 000 grossesses en Bretagne et 0,5 à 1 pour 1 000 dans le reste de la France. Après un antécédent familial le risque se situe autour de 3 pour 1 000. Après un antécédent personnel le risque se situe autour de 3 pour 100.
Conséquences
Le spina bifida risque d'entraîner une paralysie de gravité variable, des troubles sensitifs, une incontinence, des anomalies morphologiques de la moelle, des vertèbres et parfois des côtes, en fonction de la hauteur des vertèbres touchées. Dans de rares cas, un retard mental peut être associé.
Les conséquences sont variables selon le type de Spina Bifida:
Le Spina bifida occulta est la forme la moins grave. Elle est souvent asymptomatique. Il existe cependant des formes plus graves qui peuvent entraîner des faiblesses au niveau des jambes, une incontinence ou altérer la sensibilité.
Le Spina bifida myéloméningocèle est la forme la plus grave car les nerfs rachidiens peuvent êtres endommagés. Elle peut entraîner un handicap mental ou physique. Les conséquences les plus courantes sont la paraplégie, l’hydrocéphalie, l'incontinence.
Le Spina bifida méningocèle est la forme la plus rare. Le nerfs rachidiens étant peu ou pas touchés, les symptômes sont proches de ceux de la forme spina bifida occulta.
Le Spina bifida à moelle ouverte est non viable.
Prévention
Pour toutes les femmes
L'acide folique (ou vitamine B9) a prouvé son utilité dans la prévention du spina bifida. Il est recommandé aux femmes ayant planifié leur grossesse de prendre au moins 0,4 mg d'acide folique à partir d'un mois avant le début de la recherche d'une conception, puis 1 mg par jour pendant les trois premiers mois de la grossesse, ce qui réduit le risque de 50 à 85 %. L'acide folique est un facteur de maturation des cellules, qui est aussi indispensable à l'hématopoïèse (voir anémie). Les sources les plus importantes d'acide folique sont le pain complet, les pois et haricots, les légumes verts, et les fruits. Ses carences sont favorisées par une insuffisance d'absorption en particulier après résections intestinales, mais aussi par la prise de la pilule et/ou d'anticonvulsivants et/ou d'alcool.
Pour les femmes présentant un facteur de risque identifié
Pour les femmes épileptiques prenant un traitement (valproate de sodium, carbamazépine, Méthotrexate) ou pour celles ayant des antécédents d'anomalie de fermeture du tube neural, une dose plus élevée de vitamine B9 est proposée, de l'ordre de 5 mg/j, selon les mêmes modalités. On propose par ailleurs un dépistage spécifique, portant sur le dosage sanguin de l’homocystéine, de la bétaïne, de l'alpha-fœtoprotéine, et des échographies morphologiques répétées par un médecin spécialisé.
Campagne de prévention
L’INPES fait de la prévention sur le sujet également, avec sa campagne ‘Manger Bouger’ pour inciter la prise d’acide folique (vitamine B9) [4]. L’INPES incite également les professionnels de santé à faire de la prévention auprès de leurs patientes[5].
Diagnostic
Le diagnostic se fait aux alentours de la 22° semaine de grossesse par différents moyens.
Le moyen le plus courant est l’échographie qui permet de détecter tout spina-bifida visible morphologiquement[6],[7],[8]. Cependant, la plupart des spina bifida ne sont pas détectables avant le deuxième trimestre, d’où un diagnostic autour de la 22° semaine.
De plus, l'échographie haute fréquence est une méthode qui peut être utile dans le diagnostic après la naissance. En effet, elle est moins invasive et moins irradiante que les autres techniques existantes. Elle facilite le diagnostic de cette anomalie chez des enfants atteints d'énurésie[9].
Un autre moyen est l’amniocentèse. Cette technique de dosage permet de détecter l’alpha-fœto-protéine dans le liquide amniotique, dont les taux sont souvent supérieurs à la moyenne en cas de spina bifida du fœtus. Elle est souvent proposée aux femmes qui ont déjà donné naissance à un enfant atteint de spina bifida et permet de poser un diagnostic précoce, à 16 semaines de grossesse. L’amniocentèse peut aussi être utilisée quand l’échographie ne permet pas de poser un diagnostic[6].
Enfin, l’IRM peut être utilisé pour affirmer un diagnostic[6].
Traitements
Traitement du fœtus
La chirurgie fœtale pratiquée aux États-Unis permet de suturer la membrane qui recouvre normalement la moelle épinière ainsi que la peau du fœtus. Ce type de prise en charge, en stoppant prématurément la fuite de liquide céphalo-rachidien, diminue les risques de séquelles pour l'enfant par rapport à une opération post-natale. Elle augmente cependant le risque d'accouchement prématuré et nécessite une naissance par césarienne. Ce type d'opération a été effectué avec succès pour la première fois en France en juillet 2014 par l’équipe du service de médecine fœtale de l’hôpital Armand-Trousseau (AP-HP) en collaboration avec l’équipe de neurochirurgie de l’hôpital Necker-Enfants Malades (AP-HP), dans le cadre d’un projet de recherche hospitalier[2]. Cette intervention n’est pas sans risques. Pour le fœtus, il s’agit de la naissance prématurée. Chez les mères, les risques concernent les grossesses ultérieures, car le plus souvent un accouchement par césarienne sera imposé. Cette balance bénéfices/risques est longuement considérée par les médecins avant d’opter pour cette chirurgie.
Traitement à la naissance
La plupart des nouveau-nés touchés de méningocèle devront être opérés immédiatement pour refermer la fente afin de prévenir une aggravation des lésions et des infections (méningite, méningo-encéphalite). Il n'existe cependant à ce jour pas d'opération possible pour réparer les nerfs endommagés.
Traitement des symptômes
Le spina bifida-myéloméningocèle est associé dans 80 % des cas à une hydrocéphalie qui nécessite la pose d'une dérivation ventriculo-péritonéale pour évacuer le trop-plein de liquide céphalo-rachidien. Autrefois la dérivation ventriculo-cardiaque était utilisée, mais désormais les chirurgiens l'évitent généralement, la dérivation ventriculo-péritonéale étant aussi efficace et moins dangereuse. L'opération (lorsqu'elle est nécessaire) doit se faire peu de temps après la naissance (quelques semaines à quelques mois), sinon le nouveau né souffrira de troubles neurologiques et dans les cas les plus graves, des retards mentaux irréversibles (le liquide céphalo-rachidien écrase le cerveau, et la pression déforme les plaques crâniennes non encore soudées, faisant grossir anormalement la tête du nouveau-né). Une hydrocéphalie non traitée conduit à la mort de l'enfant.
Les autres traitements possibles sont l'éducation du malade (apprendre à gérer une incontinence), le port d'orthèses pour les assister à la marche ainsi que des opérations chirurgicales visant à limiter voire supprimer les risques d'incontinence telles que la pose de sphincters artificiels ou la suspension du col vésical.
Personnalités concernées
Touchées par le spina bifida
- Blaine Harrison du groupe Mystery Jets
- Sébastien Xhrouet de la Fédération Sportive Belge pour Handicapés ;
- Hank Williams, il lui fut diagnostiqué un cas de spina bifida occulta, un problème de colonne vertébrale, qui l'accompagna toute sa vie ;
- Aaron Fotheringham, sportif atteint de spina bifida l'empêchant de marcher ; il fut la première personne à exécuter un salto arrière en fauteuil roulant[10].
- Marc Dorion né avec un spina bifida qui limite l’utilisation de ses jambes ;
- Bruce Payne, un acteur britannique ;
- Frida Kahlo, artiste peintre mexicaine ; il a été supposé qu'elle souffrait de spina bifida.
- Jeffrey Tate, chef d'orchestre britannique, il a présidé l'Association for Spina Bifida and Hydrocephalus (ASBAH) à partir de 1989 ;
- Joey Ramone du groupe punk The Ramones, d'après le témoignage de son frère Mickey Leigh dans le livre I Slept With Joey Ramone[11].
Autrement concernées
- Astrid de Belgique est marraine d'une association s'occupant d'enfants touchés par la maladie.
Voir aussi
- I'll Find a Way, documentaire canadien à propos d'une petite fille atteinte de spina bifida
Notes et références
- avec AFP, « Succès d'une chirurgie réparatrice effectuée sur un fœtus en France », Le Monde, (lire en ligne)
- « Chirurgie fœtale et malformation congénitale, l’Hôpital Armand Trousseau signe une 1ère en France », sur www.reseau-chu.org l'actu des CHU, (consulté le 19 novembre 2014)
- (Bjerkedal T, Czeizel A, Goujard J, Kallen B, Mastroiacova P, Nevin N, Oakley G Jr, Robert E. Valproic acid and spina bifida. Lancet. 1982 Nov 13;2(8307):1096)
- « http://www.spina-bifida.org/ », sur www.spina-bifida.org (consulté le 7 janvier 2016)
- « Folates et désir de grossesse : informer et prescrire au bon moment », sur http://www.inpes.sante.fr
- « Spina bifida - Campus de Neurochirurgie », sur campus.neurochirurgie.fr (consulté le 7 janvier 2016)
- « Le spina-bifida »
- « Spina bifida, une malformation de la moelle épinière », sur Allo docteurs (consulté le 7 janvier 2016)
- Cakmakci E, Cinar HG, Uner C, Ucan B, Eksioglu AS, Pala M, Yildiz YT, Cakmakci S, Yikmaz HS, « Ultrasonographic clues for diagnosis of spina bifida occulta in children », Quant Imaging Med Surg, 2016;6(5):545-551 (ISSN 2223-4306)
- (en) As told to Jeremy Taylor, « First Person: Aaron Fotheringham », Financial Times, (ISSN 0307-1766, lire en ligne)
- (en) « Arts & Entertainment | Books | I Slept With Joey Ramone », sur www.examiner.com,
Liens externes
- Article de l'ASBBF : "Coup de projecteur sur le spina bifida occulta"
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