Handicap invisible
Le handicap invisible est un handicap qui n'est pas apparent, ce qui revient pour un individu au fait d'avoir une limitation durable des possibilités d'interaction sans que l'entourage puisse aisément comprendre qu'il s'agit bien d'un handicap. Si l'invisibilité est relative à la perception de son propre handicap, c'est l'anosognosie.
80 % des handicaps sont invisibles[1], mais cette notion est apparue comme une distinction relativement au handicap visible. Les troubles dont il est question sont pour la plupart incomparables entre eux dans la nature des affections et le type de handicap qu'elles créent. La plupart sont présentées comme « Le » handicap invisible en ignorant les autres. À titre d'exemple, peuvent être distingués parmi les plus souvent cités :
- les troubles psychiques ou cognitifs, comme les troubles du spectre de l'alcoolisation fœtale, les lésions cérébrales acquises[2] (traumas crâniens[3], AVC[4], etc.), les TDAH[5], le syndrome d'Asperger[6],[7], ou encore « les dys » (dyspraxie[8], dyslexie, dyscalculie, etc.) ;
- les troubles physiques lorsqu'ils sont discrets, de la perception (surdité[9],[10], daltonisme, mal-voyance), ou de la motricité, direct ou indirect (hernie discale, rhumatismes, souffle au cœur, etc.) ;
- les troubles liés à certaines maladies invalidantes (sclérose en plaques[11], diabète, hémophilie, épilepsie, certaines phases du cancer, du sida[12], etc.), mais aussi la douleur chronique liée à ces maladies ou à des affections typiquement douloureuses (fibromyalgie, etc.).
Plus ou moins difficiles à déceler, ces affections incomparables entre elles autorisent le porteur à préserver leur invisibilité, et dans le cas contraire l'environnement social à croire qu'elles n'existent pas. Cette notion d'invisibilité du handicap pointe donc l'espace entre l’expérience vécue du handicap et l'image renvoyée.
« Visibilité » du handicap
C'est une notion universitaire[13] qui aborde la distance entre ce qui est perçu par les uns et ce qui l'est par les autres dans le cadre du handicap. Elle mène aux questions anthropologiques du rapport à l'autre quant on est touché par un handicap, et globalement celles du mode d'inclusion ou d'exclusion dans les groupes humains relativement aux caractéristiques visibles.
Rapport aux autres
En sociologie, Erving Goffman appelle « stigmate » l'écart par rapport aux attentes normatives des autres à propos de son identité[14], et il distingue les stigmates visibles et invisibles[15].
- Ainsi pour les handicaps visibles c'est la question de l'identification de la personne au handicap qui se pose. L'image que la société renvoie de l'individu handicapé tend à se réduire au handicap, c'est pourquoi la distinction « personne en situation de handicap » a été faite pour pointer une composante de la vie et non plus une caractérisation de l'individu. Comme l'explique le professeur Claude Hamonet[Note 1], sinon « on accentue la stigmatisation de la personne que l’on qualifie de « handicapée », comme si la responsabilité de ce qui se passe pour elle lui revenait. »[16]
- A contrario, pour le handicap invisible c'est l'absence d'image de handicap qui est pointée[Note 2]. L'image que la société renvoie de l'individu est celle d'une personne sans handicap, dont les difficultés de fonctionnement seraient corrigeables par la simple volonté. Que l'invisibilité soit recherchée ou pas, l’énergie déployée pour compenser le handicap n'est pas reconnue à la personne, potentiellement soupçonnée au contraire de ne pas faire d'effort. C'est cette incompréhension que combat la présentation de l'idée de handicap invisible, comme pour le trouble de l'attention où l'on peut lire que ces personnes « ne sont pas des grosses feignasses hyperactives qui ne font aucun effort pour rester tranquille, ils n'y peuvent rien. »[5] Surlignés, ces derniers mots dénoncent le défaut de reconnaissance.
C'est la source de la stigmatisation qui, qu'elle soit visible ou invisible, est un effet de la non conformité entre la perception sociale de l'entourage et le vécu tel qu'il est ressenti. Pour lutter contre cela, il est alors question d'un travail de conquête ou de reconquête de l'estime de soi qui passe par l'auto-qualification, c'est-à-dire en permettant « un mode d’expression et de quantification » du handicap par la personne elle-même[17], à des fins d'adaptation ou de réadaptation.
Dans le rapport à soi
Cette « subjectivité », c'est-à-dire le handicap tel qu'il est vécu, est maintenant décrite comme une dimension du handicap lui-même, affectée par l'image renvoyée par l'autre, et qui influence à son tour chacune des autres dimensions du handicap que sont les « modifications du corps », les « limitations fonctionnelles », et les « obstacles dans les situations de vie »[17].
Le handicap peut être ressenti par l’intéressé et rester invisible aux autres, mais il peut aussi être visible par les autres et invisible par l’intéressé, on parle d'anosognosie. Dans les deux cas il y a une rupture de communicabilité qui entraîne les problèmes sociaux évoqués dans le rapport aux autres.
S'il est invisible autant par l’intéressé que par l'entourage, la communication persiste, mais la réalisation, la sortie de l'anosognosie, devient difficile dans la mesure où elle risque de rompre la communication.
Handicap psychique
L'association handicap invisible distingue ainsi pour les traumatisés crâniens le handicap psychique du handicap mental :
« À la différence d'un handicapé mental, les capacités intellectuelles d'un handicapé psychique sont indemnes, mais la possibilité de les utiliser est déficiente. La prise de médicament est souvent indispensable, associée à des soins pour pallier les incapacités à penser et à décider[18]. »
« Une grande fatigabilité, des troubles attentionnels, le manque d'initiative, le défaut de stratégie, une mémoire défaillante, l'agnosie (difficulté à se représenter ses propres troubles)... »[18] Ce sont des troubles classiques en cas de lésion cérébrale acquise, tous assimilables à un manque d'effort car difficiles à se représenter.
« La personne avec un traumatisme crânien a souvent des difficultés à se faire reconnaître par les autres comme handicapée. Les situations de handicap sont mal identifiées par son entourage qui ne comprend pas les difficultés qu’elle peut rencontrer sur des tâches simples. Pour l’entourage, il est plus facile d’admettre les déficits comme étant des traits de caractère ou des défauts : l’impulsivité, la paresse, la nonchalance, la colère[19]. »
Voir aussi
Bibliographie
- Le handicap invisible (troubles cognitifs) après un AVC : Comprendre, Repérer, Aider - Y. Demazières-Pelletier (C.H. Montluçon), 2014.
- Les handicaps invisibles : Comment les identifier, les combattre, les surmonter. Henri Rubinstein, 2008 (ISBN 978-2020858762)
- Vivre avec le syndrome d'Asperger ; un handicap invisible au quotidien, Liane Holliday Willey (Préface Tony Attwood), 2010 (ISBN 978-2804101046)
- Autisme, le handicap invisible, Peter Vermeulen, ed. Dunod, 2013 (ISBN 2100701347)
- Le handicap invisible : un concept à définir pour le traumatisme crânien. Mémoire universitaire sous la direction de la neuropsychologue Marie de Jouvencel, 2008
Internet
- L'association Handicap Invisible.
- Traumatisme crânien, le handicap invisible, 2008
- Traumatisme crânien : un handicap invisible, présentation par un cabinet d'avocat.
- (en) Définition anglophone par disabeled word
Médias
Audio
Vidéo
- Les handicaps invisibles ou la face cachée de la normalité ?
- C'est invisible, par le conseil général de la Sarthe. (Cinq vidéo humoristiques primées[20])
- Le handicap invisible par François Cortade.
- Ça handi long - Le handicap invisible - témoignages
- Le handicap invisible, Reportage France 3 Saint Étienne du 11 septembre 2014.
- Handicap invisible au travail 9 décembre 2013.
- Explication du handicap invisible en entreprise produite par l'entreprise GrDF (autres sources : Dailymotion , youtube)
Notes et références
Notes
- Auteur du « Que-Sais-je » Les personnes en situation de handicap, ed. PUF
- Thèse présenté entre autres par Philippe AUBERT dans Entre identification à mon handicap ou sa négation par les autres, la conquête de mon regard positif sur moi-même (Journée d'étude : visibilité et invisibilité du handicap source)
Références
- Définition du handicap par le groupe ESSEC
- Handicap invisible? [PDF]
- L'association handicap invisible, dédié aux traumas crâniens
- Le handicap invisible (troubles cognitifs) après un AVC : Comprendre, Repérer, Aider - Y. Demazières-Pelletier (C.H. Montluçon), 2014.
- Sensibiliser au handicap invisible, Article BD lié au troubles de l'attention.
- Vivre avec le syndrome d'Asperger; un handicap invisible au quotidien, Liane Holliday Willey (Préface Tony Attwood), 2010 (ISBN 978-2804101046)
- Martignoli, E., & Thommen, E. (2014). Le syndrome d'Asperger, handicap invisible. Reiso : information sociale indépendante, mise en ligne le 23 octobre 2014.
- La dyspraxie : le handicap fantôme
- La surdité, un handicap invisible"", article cerveau et psycho
- Surdité, lutter contre ce handicap invisible
- Le handicap invisible
- Sida : un handicap trop discret
- Journée d'étude : visibilité et invisibilité du handicap
- Jean Nizet et Natalie Rigaux, La sociologie de Erving Goffman, p. 26. (ISBN 2707142026)
- Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, 1963 ; traduit de l'anglais par Alain Kihm, Éditions de Minuit, coll. « Le Sens Commun », 1975
- ne m'appelez plus « handicapé »
- La subjectivité : la dimension cachée du handicap et de la Réadaptation
- L’abécédaire des institutions, Cahier no 72, Décembre 2013, p. 16, consultable en ligne sur le site de l'association handicap invisible
- Le handicap invisible : un concept à définir pour le traumatisme crânien. p. 3 (Mémoire universitaire de Magali Bourrellier sous la direction la neuro-psychologue Marie de Jouvencelle)
- Handicap invisible. La Sarthe récompensée pour 5 courts-métrages
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