Dichlorométhane

Le dichlorométhane ou chlorure de méthylène (dénommé R30 dans la liste des gaz fluorés et frigorigènes), est un composé chimique se présentant à température ambiante comme un liquide incolore et volatil émettant une odeur douceâtre relativement forte pouvant mettre certaines personnes mal à l'aise. Son odeur est perceptible dès 200300 ppm (dès 25 ppm ou seulement vers 600 ppm selon d'autres sources[12]).

Pour les articles homonymes, voir R30.

Dichlorométhane
 
Structure du dichlorométhane
Identification
Nom UICPA dichlorométhane
Synonymes

chlorure de méthylène
DCM

No CAS 75-09-2
No ECHA 100.000.763
No EC 200-838-9
No RTECS PA8050000
PubChem 6344
SMILES
InChI
Apparence liquide incolore, d'odeur caractéristique[1].
Propriétés chimiques
Formule brute CH2Cl2  [Isomères]
Masse molaire[2] 84,933 ± 0,005 g/mol
C 14,14 %, H 2,37 %, Cl 83,48 %,
Moment dipolaire 1,14 D[3]
Diamètre moléculaire 0,460 nm[3]
Propriétés physiques
fusion −95,1 °C[1]
ébullition 40 °C[1]
Paramètre de solubilité δ 20,2 J1/2·cm-3/2 (25 °C)[3]
Miscibilité Non miscible avec l'eau

miscible dans l'acétone, l'éther et autres solvants.

Masse volumique 1,33 g·cm-3[1]
d'auto-inflammation 556 °C[1]
Limites d’explosivité dans l’air 1225 %vol[1]
Pression de vapeur saturante à 20 °C : 47,4 kPa[1]
Viscosité dynamique 0,44 cP à 20 °C
Point critique 63,0 bar, 236,85 °C[4]
Thermochimie
Cp
Propriétés électroniques
1re énergie d'ionisation 11,32 ± 0,01 eV (gaz)[6]
Propriétés optiques
Indice de réfraction 1,421[3]
Précautions
SGH[7]

Attention
H351,
SIMDUT[8]

D1B, D2A, D2B,
NFPA 704
Transport
-
   1593   
Classification du CIRC
Groupe 2B : Peut-être cancérogène pour l'homme[9]
Écotoxicologie
LogP 1,25[1]
DJA 0,05 mg/kg p.c./jour[10]
Seuil de l’odorat bas : 1,2 ppm
haut : 440 ppm[11]
Composés apparentés
Autres composés
  • Haloformes apparentés :

Difluorométhane

  • Chlorométhanes apparentés :

Chlorométhane
Chloroforme
Tétrachlorométhane


Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Il est surtout utilisé comme solvant de composés organiques.

Histoire

Le dichlorométhane a été isolé pour la première fois en 1840 par le chimiste français Henri Victor Regnault, qui l'a isolé d'un mélange de chlorométhane et de chlore précédemment exposé à la lumière.

Production industrielle

Le dichlorométhane est produit par réaction du chlorométhane ou du méthane avec le chlore gazeux entre 400 °C et 500 °C.

À ces températures, le méthane, comme le chlorométhane subissent une série de réactions qui forment progressivement des produits de plus en plus chlorés :

  • CH4 + Cl2 → CH3Cl + HCl
  • CH3Cl + Cl2 → CH2Cl2 + HCl
  • CH2Cl2 + Cl2CHCl3 + HCl
  • CHCl3 + Cl2CCl4 + HCl

Le résultat de cette série de réactions est un mélange de chlorométhane, dichlorométhane, chloroforme et tétrachlorométhane. Ces composés sont ensuite séparés par distillation.

Le dichlorométhane est instable ; Il se décompose à 120 °C et notamment au contact de surfaces chaudes ou en présence d'une flamme (en produisant des composés dangereux chlorure d'hydrogène, phosgène, monoxyde et dioxyde de carbone. Il s’oxyde et se dégrade lentement dans l'air sec, et plus vite en présence d'eau et/ou de lumière. Dans l'eau froide, il s'hydrolyse en produisant de l'acide chlorhydrique, ce phénomène n'est toutefois pas significatif[13]. À partir de 180 °C, toujours dans l'eau, il forme également de l'acide formique, du chlorométhane, du méthanol et un peu de monoxyde de carbone.
Les industriels de la chimie le stabilisent souvent en lui ajoutant une faible quantité d'additifs (moins de 1 %) qui sont généralement des composés phénoliques, des amines, amylène, cyclohexane, époxydes, etc.).

Caractéristiques chimiques

  • peu soluble dans l’eau (13 à 20 g·l-1 à 20 °C) ;
  • miscible avec la plupart des solvants organiques ;
  • solvant efficace sur de nombreux produits organiques (graisses, huiles, résines, etc.).
  • réagit violemment (explosion possible en présence de certains catalyseurs courants ou d'autres solvants chlorés) avec des poudres métalliques (aluminium, magnésium), et réagit spontanément et fortement avec les métaux alcalins, les bases fortes et les oxydants puissants.

Usages

L'oiseau buveur, fonctionne grâce à la volatilité du dichlorométhane.
Lampes gadgets de type Bubble light, contenant du dichlorométhane.

Son caractère volatil et sa capacité à dissoudre de nombreux composés organiques font du dichlorométhane un solvant idéal pour de nombreux procédés chimiques.

Il a principalement été utilisé ou l'est encore comme :

  • intermédiaire de synthèse, par l'industrie chimique ;
  • constituant de décapants pour peinture et vernis ;
  • dégraissant industriel ou domestique (pour le bricolage) ;
  • solvant extracteur de molécules organiques utilisé par l'industrie pharmaceutique, agroalimentaire et des cosmétiques (il est fréquemment utilisé pour la décaféination du café vert ainsi que pour l'extraction de la caféine ou pour préparer divers arômes (dont le houblon), mais peut être parfois remplacé par l'extraction au CO2 supercritique, moins toxique) ;
  • solvant de polymérisation (dont pour la production de polycarbonates) ;
  • gaz utilisé par l'industrie de l'imprimerie sur vêtements pour l'enlèvement des transferts à chaud ;
  • gaz propulseur pour certains sprays ;
  • agent moussant, par exemple pour obtenir la mousse de polyuréthane ;
  • pesticide gazeux (pour traiter les stocks de fraises et les céréales) ;
  • colles : il « fond » (se combine avec) de nombreux plastiques, aussi est-il utilisé pour la « soudure chimique » de certains plastiques (par exemple pour sceller le boitier de compteurs électriques). C'est l'un des composants principaux des adhésifs vendus pour le collage par soudure de plastique. Dans la fabrication de maquettes, par exemple, il est utilisé pour fixer ensemble les composants en plastique (Les maquettistes l'appellent parfois « Di-clo ») ;
  • sa volatilité est exploitée pour animer certains articles de fantaisie (oiseau buveur, lampes décorative de type Bubble light et affichages de jukebox…).
  • il sert aussi dans le domaine d'essais techniques de matériaux de génie civil (matériaux bitumineux) comme solvant permettant de séparer le liant de l'ensemble d'une bitume (ou macadam) pour permettra de tester ces matériaux[14] ;
  • parmi ses autres usages, il sert à produire des fibres cellulosiques, entre dans la composition de peintures,

est utilisé par l'industrie pétrolière, l'industrie du cuir, dans certains détachants textiles, comme solvant par les laboratoires d’analyses chimiques, etc.

En raison de la toxicité relative, on a toutefois cherché des alternatives à la plupart de ces applications.

Risques et dangers

Toxicité : Le dichlorométhane est réputé être le moins toxique des chlorohydrocarbones simples, mais il est néanmoins toxique.

  • Son caractère très volatil explique un risque d'intoxication aigüe ou chronique par inhalation[15].
  • Le dichlorométhane est métabolisé en monoxyde de carbone par l'organisme qui peut alors subir une intoxication au monoxyde de carbone[16].
  • Selon la littérature médicale, une exposition aigüe par inhalation peut provoquer une neuropathie optique sévère[17] et à une attaque du foie (hépatite)[18].
  • Le contact prolongé avec la peau peut provoquer des irritations ou des brûlures chimiques par dissolution des tissus adipeux[19].
  • C'est une substance classée par le CIRC (Centre International de Recherches sur le Cancer) comme Cancérigène classe 2B, c'est-à-dire "L’agent est peut-être cancérigène pour l’homme".
    En effet, il est bien cancérigène chez la souris, mais en raison d'un mécanisme spécifique à la souris, impliquant une protéine absente chez l'homme[20]. À ce jour, aucune étude n'a pu montrer ni contredire avec certitude un caractère cancérigène effectif chez l'Homme. Par contre, chez l'animal de laboratoire, il a été associé à des cancers du poumon, cancer du foie et cancer du pancréas[21].
  • Le dichlorométhane traverse la barrière placentaire, mais sa toxicité éventuelle pour le fœtus chez les femmes qui y sont exposés pendant la grossesse n'a pas été prouvée[22]. Cependant, l'expérimentation animale le montre fœtotoxique aux doses qui sont toxiques pour la mère.
    Aucun effet tératogène n'a été détecté à ce jour[21].

Précaution, information

Dans beaucoup de pays, les produits contenant du dichlorométhane doivent porter des étiquettes avertissant de ses dangers pour la santé. Toutefois, on le confond souvent avec l'essence de térébenthine ou le white spirit, qui présente moins de risques notamment pour la peau.

Dans l'Union européenne, l'usage de dichlorométhane dans les décapants a été interdit pour les consommateurs, et pour de nombreux professionnels[23].

Couche d'ozone

Du fait de sa courte vie, le dichlorométhane n'a pas été pris en compte dans le protocole de Montréal. Cependant sa concentration a doublé entre 2004 et 2014 et le niveau atteint est mis en cause dans un nouveau risque d'agrandissement du trou dans la couche d'ozone[24],[25].

Notes et références

  1. DICHLOROMETHANE, fiche(s) de sécurité du Programme International sur la Sécurité des Substances Chimiques, consultée(s) le 9 mai 2009
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. (en) Yitzhak Marcus, The Properties of Solvents, vol. 4, England, John Wiley & Sons Ltd, , 239 p. (ISBN 0-471-98369-1, EAN 978-0-471-98369-9, LCCN 98018212)
  4. « Properties of Various Gases », sur flexwareinc.com (consulté le 12 avril 2010)
  5. (en) Carl L. Yaws, Handbook of Thermodynamic Diagrams, vol. 1, 2 et 3, Huston, Texas, Gulf Pub. Co., (ISBN 0-88415-857-8, 0-88415-858-6 et 0-88415-859-4)
  6. (en) David R. Lide, Handbook of chemistry and physics, Boca Raton, CRC, , 89e éd., 2736 p. (ISBN 978-1-4200-6679-1), p. 10-205
  7. Numéro index 602-004-00-3 dans le tableau 3.1 de l'annexe VI du règlement CE N° 1272/2008 (16 décembre 2008)
  8. « Chlorure de méthylène » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 24 avril 2009
  9. IARC Working Group on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans, « Evaluations Globales de la Cancérogénicité pour l'Homme, Groupe 2B : Peut-être cancérogènes pour l'homme », sur monographs.iarc.fr, CIRC, (consulté le 22 août 2009)
  10. Concentrations/doses journalières admissibles et concentrations/doses tumorigènes des substances d'intérêt prioritaire calculées en fonction de critères sanitaires, publié par Santé Canada
  11. « Methylene chloride », sur hazmap.nlm.nih.gov (consulté le 14 novembre 2009)
  12. Fiche toxicologique de l'INRS
  13. « Dichlorométhane (fiche technique) » [PDF], p. 5
  14. The Shell Bitumen Handbook, par Shell Bitumen
  15. Rioux JP, Myers RA " Methylene chloride poisoning: a paradigmatic review" ; Fournal : J Emerg Med ; Volume 6, Chap 3, pages 227 à 238 ; 1988 ; PMID 3049777; doi:10.1016/0736-4679(88)90330-7
  16. Fagin J, Bradley J, Williams D ; Carbon monoxide poisoning secondary to inhaling methylene chloride ; Br Med J|volume 281; issue 6253 ; pages = 1461; 1980 ; PMID 7437838 doi:10.1136/bmj.281.6253.1461
  17. Kobayashi A, Ando A, Tagami N, Kitagawa M, Kawai E, Akioka M, Arai E, Nakatani T, Nakano S, Matsui Y, Matsumura M " Severe optic neuropathy caused by dichloromethane inhalation" ;journal = J Ocul Pharmacol and Ther; volume 24 ; chap 6, pages 607–612; 2008 ; PMID 19049266 ; doi:10.1089/jop.2007.0100
  18. Cordes DH, Brown WD, Quinn KM " Chemically induced hepatitis after inhaling organic solvents" ; Journal :West J Med ; volume 148, Chap 4; pages =458–460 ; 1988 ; PMID 3388849
  19. Wells G, Waldron H " Methylene chloride burns" ; journal : Br J Ind Med ; volume = 41 ; Chap 3, pages 420 ; 1984 ; PMID 6743591
  20. Pharmaceutical Technology Europe, 1996, 8 (10), 30-31
  21. USDHHS ; accessdate=2006-09-10 Toxicological Profile for Methylene Chloride (PDF)
  22. Bell B, Franks P, Hildreth N, Melius J "Methylene chloride exposure and birthweight in Monroe County, New York" ; journal Environ Res ; volume 55, Chap 1, pages 31–9 ; 1991 ; PMID 1855488 ; doi:10.1016/S0013-9351(05)80138-0
  23. http://www.europarl.europa.eu/news/expert/infopress_page/064-46096-012-01-03-911-20090113IPR46095-12-01-2009-2009-false/default_en.htm Dichloromethane to be banned in paint-strippers ; 2009-01-14, consulté 2009-01-15
  24. Science & vie n°1200, de septembre 2017
  25. « Une autre menace sur la couche d'ozone », Pour la Science, no 479, , p. 12

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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