Crudivorisme

Le crudivorisme, appelé également « alimentation vivante »[1], est une pratique alimentaire qui consiste à se nourrir exclusivement d'aliments crus (crudités). La principale motivation qui conduit à adopter cette pratique est l'idée qu'elle pourrait présenter des avantages en termes de santé.

Le crudivorisme est basé essentiellement sur la consommation de fruits et légumes crus.

Toutefois, selon l'Association américaine de diététique, cette pratique alimentaire très restrictive n'a pas fait l'objet d'études sur les enfants. Comme elle peut être « très pauvre en énergie, protéines, certaines vitamines et sels minéraux », cette organisation de nutritionnistes considère qu'elle « ne peut pas être recommandée pour les nourrissons et les enfants »[2].

Catégories

Les crudivores peuvent être végétaliens (on dit qu'ils sont crudi-végétaliens), végétariens (crudi-végétarisme), ou adopter un régime omnivore incluant les produits carnés (œufs crus, viande séchée...). Les crudi-végétaliens peuvent être granivores (graines), frugivores (fruits) ou liquidariens (jus et smoothies)[3].

Certains crudivores s'attachent à préparer des plats très élaborés dans ce qui est parfois appelé la « crusine », tandis que d'autres, qui ne font subir aucune transformation à la nourriture conformément aux principes de l'instinctothérapie, sont parfois appelés « instinctos ».

Motivations

Le choix d'une alimentation crue est motivé par l'idée que cette pratique serait meilleure à la santé que la consommation d'aliments cuits. Cette idée repose sur quelques faits établis à propos des effets de la cuisson des aliments, mais aussi et avant tout sur des études réalisées[réf. nécessaire] pendant la première moitié du XXe siècle, qui n'ont pas été validées depuis par de nouveaux travaux de recherche en matière de nutrition.

Principaux effets de la cuisson des aliments

La cuisson de certains aliments a des effets positifs comme une meilleure assimilation de certains nutriments (les protéines animales et végétales, les glucides complexes des céréales et l'amidon des pommes de terre)[4], la destruction d'éléments allergènes[5] et pathogènes (virus, bactéries et parasites), une meilleure biodisponibilité de certaines substances telles que le lycopène (le pigment rouge que l'on trouve par exemple dans la tomate), l'alpha-carotène, la lutéine et les caroténoïdes lorsque l'aliment qui les contient est cuit[4]. Une étude, publiée dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences, suggère que la cuisson des aliments aurait ainsi joué un rôle clé dans l'évolution de l'Humanité[6]. Elle a toutefois aussi des effets néfastes :

  • Une cuisson longue ou à haute température détruit certains nutriments, notamment certaines vitamines comme la vitamine C, et d'autres substances antioxydantes, comme les isothiocyanates qui jouent un rôle dans la prévention des cancers[7]. Cette destruction n'est toutefois que partielle dans le cas d'une cuisson normale, si bien que de nombreux aliments cuits restent une source appréciable de vitamine C[8] et d'antioxydants.
  • Par ailleurs, la cuisson à haute température de certains aliments entraîne la formation de composés potentiellement toxiques comme les produits de glycation (acrylamide, amines hétérocycliques, carboxyméthyllysine, hydroxyméthylfurfural, etc.)[9]. L'acrylamide a été classé par le Centre international de recherche sur le cancer dans la liste des cancérogènes du groupe 2A (cancérogènes probables).

Enzymes (travaux de Edward Howell)

Un aliment est composé de vitamines, de minéraux, de protéines, de glucides et de lipides, mais aussi d'enzymes qui selon les adeptes de l'alimentation crue permettraient à l'organisme de mieux le digérer et l'assimiler. Or, la cuisson peut dénaturer ces enzymes. Selon le Docteur Edward Howell, le système digestif est alors obligé d’emprunter les enzymes du métabolisme général pour parvenir à digérer les aliments cuits.

En 1946, Dr Edward Howell publie The Status of Food Enzymes in Digestion and Metabolism[10], qui porte sur la digestion par les enzymes présents dans l'alimentation crue. Selon Howell, ces enzymes participent à la digestion et donc soulageraient les sécrétions enzymatiques du corps, telles la salive et le suc pancréatique. Il postule une loi de la sécrétion adaptative des enzymes digestives[11]. Howell publie Enzyme Nutrition[12] quarante ans plus tard, et une réédition de son ouvrage de 1946[13]. Ces deux nouvelles publications font état de recherches diverses sur le rôle des enzymes dans la digestion, notamment l'importance de l’activité enzymatique régulant les processus du corps, la perméabilité de l’intestin aux enzymes, leur transport par le système lymphatique, la ré-absorption des enzymes par le corps, l'importance critique des enzymes dans le cru par rapport au cuit, un lien entre l'appauvrissement enzymatique de l'alimentation industrielle et les maladies chroniques, la diminution de la taille du pancréas et l’inactivité salivaire en corrélation avec un régime cru, corrélation entre déficience en enzymes et augmentation de l’activité bactérienne facilitant l'infection, les globules blancs porteurs de l’activité et la diversité enzymatique notamment du pancréas, etc.

Leucocytose (travaux de Paul Kouchakoff)

Dans les années 1930 à l'Institut de Chimie clinique de Lausanne, Paul Kouchakoff entreprend une recherche[14],[15] qui laisse supposer que le corps reconnaitrait les aliments cuits comme étant des envahisseurs nocifs et qu'il ferait de son mieux pour essayer de les éliminer. En termes simples, des globules blancs (les leucocytes) se précipiteraient vers le lieu de l'invasion (les intestins) dès que la nourriture pénètre dans la bouche. Le phénomène s'appelle leucocytose digestive. Kouchakoff aurait découvert que, lorsque la nourriture était consommée crue, la leucocytose digestive ne se produisait pas. La quantité de globules blancs dans le système sanguin n’augmenterait pas lorsque l'on mange de la nourriture crue. Les aliments cuits et transformés, au contraire, déclencheraient à coup sûr une mobilisation des globules blancs. La leucocytose ne se produirait pas si les aliments crus sont ingérés avant les aliments cuits[16].

Dr Kouchakoff re-publia ses recherches en 1937 dans l'article Nouvelles lois de l’alimentation humaine basées sur la leucocytose digestive[14] (avec notamment des conseils pratiques en fin d'article) suivant ainsi les travaux de Donders en 1846, Grancher en 1876[17], Hofmeister et Pohl[18], Schneyer en 1894 et Duperie en 1881 (corrélation avec le cancer)[19], Cabot et Rieder[20]. L'influence de l'alimentation sur la formule sanguine de l'homme (C.R. Soc. Biol.. CV, 207, 1930, Paul Kouchakoff) résume que la leucocytose digestive, ainsi que le changement du pourcentage relatif, considérés comme des phénomènes physiologiques, seraient en réalité des manifestations pathologiques dues à l'introduction dans l'organisme d'aliments modifiés par la cuisson, de microbes, etc. Ces modifications ne s'observeraient pas après la consommation de produits frais. L'ingestion d'aliments modifiés seulement par la chaleur produirait une leucocytose sans modification du pourcentage relatif des globules blancs, modification qui se produirait lors de l'absorption d'aliments altérés par les microorganismes ou par l'industrie[21].

Amélioration de la résistance à l'insuline pour les personnes obèses souffrant d'un syndrome métabolique

En octobre 2016, une étude médicale réalisée par l'équipe du Dr Hélène Vlassara[22], parue dans la revue médicale Diabetologia (en), montre que l’on peut réduire la résistance à l'insuline en mangeant des aliments moins cuits. Le brunissement des aliments cuits, rôtis ou dorés révèle la présence d'AGE (advanced glycation end-products (en)) ou en français PTG (produits terminaux de glycation) qui se forment lors de la dernière réaction de Maillard. Les réactions de Maillard sont des réactions chimiques qui se produisent entre les sucres et les protéines lors de la cuisson d'un aliment. Elles sont caractéristiques du goût et de l'odeur des viandes et poissons grillées, rôties, mais aussi des gratins, des viennoiseries, des pâtisseries...

Des travaux antérieurs et reconnus ont établi une forte corrélation entre une consommation d'aliments cuits riches en AGE et des manifestations telles que le stress oxydant[23], l’inflammation chronique[24],[25], la diminution des défenses immunitaires, le vieillissement et la maladie d'Alzheimer[26], l'ostéoporose chez les personnes diabétiques[27], la résistance à l'insuline (obésité, diabète type 2), l'athérosclérose[24] ou l'impact sur la signalisation cellulaire[28].

Pour démontrer que les AGE constituent un facteur exogène prégnant dans le développement du diabète de type 2 et le risque cardiovasculaire qui lui est associé, l'équipe de la spécialiste des AGE, Hélène Vlassara a comparé pendant une année les effets d'un régime pauvre en AGE à ceux d'un régime riche en AGE chez des sujets obèses présentant un syndrome métabolique, avec pour objectif principal une diminution de la résistance à l'insuline.

Un régime peu cuit, pauvre en AGE, entraine une diminution significative des marqueurs de la résistance à l'insuline (carboxymethyllysine, méthyl glyoxal, corrélés positivement avec l’index de la résistance à l'insuline HOMA-R, les marqueurs du stress oxydant et de l'inflammation) alors que la résistance à l'insuline augmente significativement pendant le même temps dans le groupe nourrit avec un régime riche en AGE (cuits).

La réduction des AGE dans l'alimentation est également associée à une perte significative de poids, une diminution du périmètre abdominal et du tissu adipeux viscéral mesuré par IRM.

Ces résultats plaident en faveur d'un effet direct des AGE alimentaires sur la résistance à l'insuline dans le syndrome métabolique. Ils montrent que la réduction de la charge alimentaire en AGE, obtenue en augmentant la proportion d’aliments moins cuits ou en diminuant les températures et les temps de cuisson, est un moyen efficace pour corriger la résistance à l'insuline qui majore le risque de développer un diabète de type 2 et des maladies cardio-vasculaire associées[22].

Autres analyses et perceptions

Arnold Ehret (professeur de dessin allemand mort en 1922) estime qu'« une mauvaise cuisson détruit la valeur thérapique des bons aliments, et peut même les faire devenir mauvais »[29]. Selon lui, « le principal avantage de l'ingestion de végétaux crus vient de ce que leurs fibres cellulosiques indigestibles atténuent la constipation en produisant dans les intestins l'effet d'un balai à mucus idéal ».

Effets sur la santé

L'Association américaine de diététique déconseille le crudivorisme pour les nourrissons et les enfants, car la sécurité de cette pratique alimentaire, qui présente des risques élevés de carence en énergie, en protéines, et en certaines vitamines et minéraux, n'a pas été étudiée sur eux[2]. De plus certains légumes largement consommés cuits sont toxiques à l'état cru sans que cela soit toujours bien connu ; c'est le cas par exemple du haricot[30].

Le crudivorisme accroit également le risque d'exposition à des intoxications alimentaires : bactéries, virus et parasites n'étant plus neutralisés par la cuisson[31].

Un régime essentiellement crudivore entraîne à long terme de graves carences nutritionnelles, se traduisant notamment par une baisse de l'indice de masse corporelle et une aménorrhée chez les femmes[32].

Notes et références

  1. Le magazine Le Chou brave
  2. « Position of the American Dietetic Association: Vegetarian Diets », (consulté le 24 octobre 2016) : « The safety of extremely restrictive diets such as fruitarian and raw foods diets has not been studied in children. These diets can be very low in energy, protein, some vitamins, and some minerals and cannot be recommended for infants and children. »
  3. Crudivorisme en cuisine : c'est simple et bon !, sur femininbio.com du 6 février 2014, consulté le 7 janvier 2018
  4. « Faut-il manger cru ? »
  5. Agence canadienne d'inspection des aliments
  6. « Du rôle de la cuisson dans l'évolution », Sciences et Avenir, (lire en ligne).
  7. Page vide le 7 janvier 2018, sur passeportsante.net
  8. « Sources alimentaires de vitamine C », sur Les diététistes du Canada, (consulté le 12 mai 2016).
  9. « « Glycation des protéines - la réaction de Maillard » Les dérivés toxiques du glucose : une menace pour la santé ? », Académie Nationale de Pharmacie, (lire en ligne).
  10. The Status of Food Enzymes in Digestion and Metabolism, Edward Howell, copyright 1946 by National Enzyme Company
  11. Page non trouvée le 7 janvier 2018, sur soilandhealth.org
  12. (en) Enzyme Nutrition, The food enzyme concept, Dr Edward Howell, Avery publishing Group Inc. (ISBN 0895293005) et (ISBN 0895292211)
  13. Enzymes for Health and Longevity, Edward Howell, Omangod press, 1980
  14. Revue générale des Sciences pures et appliquées, 1937, T48, Paris G. Doin et Cie, Éditeurs, Paul Kouchakoff, Nouvelles Lois de l'alimentation humaine, page 318
  15. (en)[PDF]The Influence of Food Cooking on the Blood Formula of Man, sur igienenaturale.it
  16. Dextreit, Raymond. 2006. Vivre sain, guide de l'alimentation naturelle. 2e. éd. Paris : Vivre en harmonie, 320 p.
  17. Paul Kouchakoff Édition F. Rouge & Cie S.A., 1937, 29 pages
  18. (Traité de physiologie J.-P. Morat et Maurice Doyon, Paris, Masson et Cie, Éditeurs Libraires de l’académie de Médecine, 1900, 587 p.
  19. Leçons sur les maladies du Sang par Georges Hayem, Paris, Masson et Cie, Éditeurs Libraires de l’académie de médecine, 1900
  20. Action des sérums de Roux et de Markmorek sur les Globules sanguins, Dr Maurice Bize, Paris, Georges Carré et C. Naud, Éditeurs, 1899
  21. Publication 'l’année biologique' fondée par Yves Delage - 1932 (SER3,A36,T7,PART1)
  22. Hélène Vlassara et son équipe, « Oral AGE restriction ameliorates insulin resistance in obese individuals with the metabolic syndrome: a randomised controlled trial », Diabetologia,
  23. K. Nowotny et son équipe, « Advanced glycation end products and oxidative stress in type 2 diabetes mellitus », NCBI,
  24. Prasad A, Bekker P, Tsimikas S, « Advanced glycation end products and diabetic cardiovascular disease », NCBI,
  25. Giuseppina Basta, Ann Marie Schmidt, Raffaele De Caterina, « Advanced glycation end products and vascular inflammation: implications for accelerated atherosclerosis in diabetes », Oxford University Press,
  26. Gerald Münch et son équipe, « Advanced glycation endproducts in ageing and Alzheimer's disease », Elsevier,
  27. S. Yamagishi, « Role of advanced glycation end products (AGEs) in osteoporosis in diabetes », NCBI,
  28. Christiane Ott et son équipe, « Role of advanced glycation end products in cellular signaling », NCBI,
  29. Ehret, Arnold. Santé et Guérison par le Jeûne, Traitements sans drogues, Végétarisme. Nouvelle édition, Paris 1963. Édition Aryana, p. 87, 153 p.
  30. Jean Guillaume, Ils ont domestiqué plantes et animaux : Prélude à la civilisation, Éditions Quæ, , 456 p. (ISBN 978-2-7592-0892-0, lire en ligne), chap. 7, p. 294.
  31. Dr Loïc Étienne et Rica Étienne, Vous avez le Pouvoir de changer votre santé, Marabout, (ISBN 978-2-501-11931-3, lire en ligne).
  32. (en) C. Koebnick, C. Strassner, I. Hoffmann, C. Leitzmann, « Consequences of a long-term 539 raw food diet on body weight and menstruation: results of a questionnaire survey », Ann Nutr Metab., vol. 43, no 2, , p. 69-79 (DOI 10.1159/000012770).

Articles connexes

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