Vol en droit pénal français

Pour le droit pénal français, le vol est une infraction d'atteinte aux biens qui consiste en « la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui »[1].

Pour les autres articles nationaux ou selon les autres juridictions, voir Vol (droit).

Vol simple
Territoire d’application France
Incrimination Art. 311-1
Classification Délit
Prescription 6 ans
Compétence Tribunal correctionnel

Sur l'année 2019, en France, le Ministère de l'Intérieur a recensé 7 600 « vols avec armes » (chiffre stable par rapport à 2018), 79 100 « vols violents sans arme » (-2% par rapport à 2018), 720 700 « vols sans violence contre des personnes » (+3% par rapport à 2018), 234 300 « cambriolages de logements » (stable par rapport à 2018), 140 200 « vols de véhicules » (-1% par rapport à 2018), 263 000 « vols dans les véhicules » (+1% par rapport à 2018) et 88 700 « vols d'accessoires sur véhicules » (-5% par rapport à 2018)[2].

Conditions d'incrimination

Le vol est un délit pénal. L'incrimination du vol suppose la réunion de conditions préalables et des éléments constitutifs.

Conditions préalables

Les conditions préalables à l'incrimination du vol s'expliquent par le fait que le vol suppose l'appropriation d'une chose (objet du vol), appartenant à autrui.

La notion de chose

Le vélo a été volé, seule reste une roue.

En matière de vol, il faut opérer une distinction entre les choses meubles et les choses immeubles. Le vol ne peut porter que sur les meubles (le droit civil protégeant suffisamment la propriété des immeubles).

L'idée d'« appréhension » de la chose est précisée à de nombreuses reprises par la jurisprudence. Les litiges relatifs à la soustraction frauduleuses de source d'énergie, de communications téléphoniques, ou encore de choses immatérielles ont pu poser des difficultés.

L'arrêt de la Cour de cassation du pose le principe selon lequel les dispositions du code pénal relatives à l’appréhension de la chose d’autrui contre le gré de celui qui en est le propriétaire s'appliquent à l'énergie électrique[3]. Le vol d'électricité est ainsi reconnu. Cette jurisprudence sera confirmée par le législateur lors de la création de l'article 311-2 du code pénal[4], assimilant la soustraction frauduleuse d’énergie au vol.

  • Les communications téléphoniques

La cour de cassation par un arrêt du [5] refusa de qualifier de vol, l'utilisation d'un minitel par un tiers sans l'autorisation de l'abonné.

  • Les choses immatérielles ou incorporelles

Le droit de propriété s'applique en principe à des choses corporelles mais les juristes ont créé certaines abstractions. Il a été ainsi considéré dans un arrêt de la chambre criminelle du qu'il y a « vol d'information » lorsqu'est appréhendée une photocopie dont la propriété est acquise à autrui (voir notamment Ch. Crim. du [6]).

Également, l'utilisation par des employés de documents comptables pour établir un autre document, communiqué par la suite à un concurrent, est qualifié par la Cour de cassation de soustraction frauduleuse en référence à l'article 311-1 du code pénal[7].

Toutefois, les juges du fond restent réservés quant à la qualification de vol pour des choses non corporelles. Ainsi, dans son arrêt du [8] relatif à un vol de fichiers informatique, la Cour de cassation se réfère pour rejeter le pourvoi et maintenir la qualification de vol, à l'appréciation souveraine des juges du fond.

Propriété d'autrui

Le vol est une infraction qui ne réprime pas l'atteinte matérielle au bien (dégradation, destruction..) mais l'atteinte au droit de propriété. Il est donc nécessaire, pour que le vol soit constitué, que la chose soustraite soit susceptible d'appropriation.

  • L'appropriation doit être possible.

Il ne peut ainsi y avoir de « vol du corps humain » : depuis l'abolition de l'esclavage, l'enlèvement d'une personne est une atteinte à la personne, et non une atteinte au patrimoine. En revanche, des parties du corps humain qui seraient devenues la propriété d'un tiers sont susceptibles de vol : vol de cheveux chez un fabricant de perruque, vol de Plasma sanguin ou d'organes à transplanter dans un hôpital[9]. Le vol est également possible à l'égard des prothèses remplaçant une partie du corps humain[10]. Enfin, la soustraction d'un cadavre ne relève pas du vol, mais du délit de violation de sépulture.

  • La chose doit appartenir à quelqu'un.

Les res communis (choses communes, qui appartiennent à tous) ne sont pas susceptibles d'appropriation, car elles ne peuvent pas être exploitées de façon privative. Il ne peut pas, ainsi, exister de vol d'eau de mer, d'eau de rivière, ou de vol d'air. Néanmoins, le lit d'un cours d'eau appartient au propriétaire des rives[11] : en extraire le sable ou le gravier est donc un vol[12]. Selon une jurisprudence ancienne, le sable des plages, ne pourrait faire l'objet d'un vol[13] alors qu'il a été déclaré, dans un arrêt plus récent, que le sable des rivages maritimes appartenait à l'État, et pouvait donc être volé[14].

Les res nullius (choses de personne) sont également exclus. Tout animal sauvage (qu'on oppose à l'animal domestique) n'est rattaché à aucune propriété privée et par conséquent, ne peuvent être volé.

A contrario, les res derelictae (choses abandonnées) sont susceptibles d'appropriation dans la mesure où leur propriétaire renonce à leur droit issu de la propriété. Caractériser une chose « abandonnée » a pu poser des difficultés. La Cour de cassation dans l'arrêt rendu le [15] considéra que le document déchiré par l'employeur du salarié qui l'a recollé pour obtenir une preuve à son profit, n'avait pas véritablement fait l'objet d'un abandon. L'« intention d'abandonner » la chose n'était pas suffisamment caractérisée en l'espèce.

Également, la chambre criminelle a également accepté que des informations seules puissent être l'objet d'un droit de propriété ; leur soustraction relève donc de la qualification de vol[16],[17].

  • La chose doit appartenir à autrui.

Le vol de sa propre chose a rarement été admis en jurisprudence. Pour illustration, cela pourrait viser l'hypothèse d'une personne qui volerait le parent décédé dont il va hériter (cela s'appelle le « recel de succession » ou l'« appropriation frauduleuse de la succession » qui est un délit civil sans sanction pénale). Le vol n'est pas possible. Toutefois, l'intention délictuelle est sanctionnée via la théorie de la tentative de vol.

La soustraction frauduleuse

La soustraction suppose la réunion de deux conditions. Celle d'une action de soustraction et d'un résultat.

La notion de soustraction suppose un acte positif de déplacement physique de la chose. C'est ce qu'on appelle la soustraction matérielle.

Cependant, quatre hypothèses de soustraction restent difficiles à cerner.

  • La soustraction momentanée

C'est ce que la doctrine a appelé le « vol d'usage ». Cela recouvre l'hypothèse de l'« emprunt » d'un véhicule de manière momentanée (avant abandon). La cour de cassation après quelques hésitations, décida dans un arrêt du [18] que constitue un vol de véhicule le simple fait de se servir du véhicule s'il était démontré que la personne avait l'intention de se comporter, même momentanément, en propriétaire de la chose.

  • L'absence de remise volontaire

S'il y a remise volontaire, il ne peut y avoir vol. Si la remise volontaire s'effectue par erreur (c'est-à-dire en se croyant propriétaire), une jurisprudence constante considère qu'il n'y a pas vol même si l'intention frauduleuse est caractérisée.

La détention est le fait d'user et de jouir de la chose mais seulement à titre précaire. Si le détenteur décide de se comporter en propriétaire, il sera susceptible d'être qualifié de voleur.

Dans le cadre d'un litige relatif à la remise d'une reconnaissance de dette, la Cour de cassation s'exprima de manière très claire par arrêt du [19]. La Haute cour décida que la reconnaissance de dette remise à titre précaire était caractéristique d'une simple détention. La possession n'étant pas transmise, il revenait alors au détenteur précaire de ne pas la conserver.

La Cour de cassation fut moins explicite concernant le salarié qui utilise des documents appartenant à l'employeur pour se défendre dans le cadre d'un litige prud'homal.

Pendant longtemps, il règne une divergence jurisprudentielle entre deux chambres de la Cour de cassation: la chambre criminelle estimait que le vol était caractérisé dans la mesure où l'employeur n'avait transmis que la détention et non pas la possession. En revanche, la chambre sociale reconnaissait au salarié le droit de reproduire en justice le document dont il a eu connaissance.

La Cour de cassation trancha par deux arrêts du [20] et considéra que « les juges devaient rechercher si les documents étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de la défense de la prévenue dans le litige l'opposant à son employeur. » Ainsi, le vol est caractérisé si le fait litigieux n'est pas strictement nécessaire à l'exercice des droits de la défense.

  • La soustraction différée ou retardée

Le vol est une infraction instantanée c'est-à-dire qu'elle se consomme en un moment précis. Cependant, s'est posée la question de savoir si la prise d'objet sans en payer le prix dans les magasins en libre service était un acte constitutif de vol. On considère que le vol est consommé dès lors qu'une personne sort du magasin sans payer. En cas d'interruption à la caisse, il sera possible d'envisager la répréhension de l'acte délictuel par la tentative, dans la mesure où l'acte de la caissière constitue une interruption involontaire.

L'intention frauduleuse

Un dol général est requis. Il doit s'agir d'un acte intentionnel: l'auteur doit avoir conscience et la volonté de commettre une infraction telle qu'elle est définie par la loi pénale.

Répression

Le vol est puni de 3 ans d'emprisonnement, assortis de 45 000  d'amende.

Immunités familiales

Il n'y a pas de poursuite pénale si le vol est commis au préjudice d'un ascendant ou d'un descendant ou du conjoint sauf dans le cas d'une procédure de séparation de corps ou de divorce.

Par contre, une poursuite civile est toujours possible, pour obtenir la restitution de l'objet volé et/ou des dommages et intérêts.

En outre, en cas de circonstances aggravantes, seul le vol ne pourra pas être pénalement poursuivi, les circonstances aggravantes, si (violence, violation de domicile...).

Depuis la loi no 2006-399 en date du , l'immunité familiale ne s'applique pas lorsque le vol porte sur des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime tels que les papiers d'identité ou le titre de séjour ou des moyens de paiement eu égard à l'article 311-12 du code pénal. En revanche, un complice extérieur à la famille pourra bénéficier de l'immunité accordée à l'infraction, mais non le co-auteur de l'infraction.

Vols simples et vols aggravés

Le Code pénal distingue les vols simples et les vols aggravés (existence de circonstances aggravantes du vol à l'instar du vol criminel ou du vol avec violence). Il existe depuis 1988 deux catégories de vols avec violences, les vols avec arme par nature ou par destination, et les vols avec violences sans arme[21].

Le vol à main armée est perpétré avec usage ou menace d’une arme par nature (arme blanche, arme à feu) ou par destination (scalpel, arme factice, etc.).

Le cambriolage est un vol aggravé de la circonstance d'effraction (le Code pénal définit l’effraction dans l'article 132-73 : « L’effraction consiste dans le forcement, dans la dégradation ou la destruction de tout dispositif de fermeture ou de toute espèce de clôture » afin de s'introduire dans un lieu sans autorisation.

Le vol est aussi dit aggravé lorsqu'il est commis par une personne qui prend indûment la qualité d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public[22].

Notes et références

  1. Article 311-1 du Code pénal français
  2. Ministère de l'Intérieur, « Insécurité et délinquance en 2019 : une première photographie », Interstats, (lire en ligne)
  3. « LE CODE PÉNAL FACE AUX PROGRÈS TECHNIQUES ET SCIENTIFIQUES », sur Sénat, (consulté le )
  4. Voir sur legifrance.gouv.fr.
  5. Cass. crim., , Bull. crim. no 430
  6. Cass. crim., , Bull. crim. no 13 p32
  7. Cass. crim., , non publié
  8. Cass. crim., , non publié ; voir sur legifrance.gouv.fr.
  9. Répertoire de droit pénal, no56
  10. CA Paris,  : enlèvement d'une prothèse dentaire par un dentiste impayé
  11. L. 8 avr. 1898, art. 3, Dalloz périodique 98. 4. 136
  12. CA Toulouse, , Gaz. Trib. midi 10 août
  13. Cass. crim., , Bull. crim. no 256
  14. CA Basse-Terre, , Recueil Dalloz 1980 IR 116 ; Cass. crim., , Bull. crim. no 271
  15. Cass. crim., , Bull. crim. no 145 p526
  16. Cass. crim., , pourvoi no 87-82265, Bourquin, Bull. crim. no 14, Droit de l'informatique et des télécommunications 1989, p. 34, obs. J. Devèze, Revue des sciences criminelles 1990. 507, note Marie-Paule Lucas de Leyssac
  17. Cass. crim., , pourvoi no 88-82815, Antoniolli, Bull. crim. 1989 no 100 p. 269, Recueil Dalloz 1990, no 37, p. 330, note J. Huet.
  18. Cass. crim.,
  19. Cass. crim., , Bull. crim. 1984 no 387
  20. Cass. crim., , Bull. crim. 2004 no 113 p437
  21. Aspects de la criminalité et de la délinquance en France en 1992, La Documentation française, , p. 51
  22. Yves Mayaud, Code pénal, Dalloz, , p. 847

Voir aussi

Bibliographie

  • Yves Mayaud (dir.), Marie-Paule Lucas de Leyssac, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Paris, Dalloz, (ISBN 978-2-247-02853-5, présentation en ligne), « Vol »

Articles connexes

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