Vocodeur

Le vocoder ou vocodeur est un dispositif électronique de traitement du signal sonore. Son nom, contraction de voice coder (« codeur de voix » en anglais), a été francisé en « vocodeur ». Il analyse les principales composantes spectrales de la voix (ou d'un autre son) et fabrique un son synthétique à partir du résultat de cette analyse.

Un Vocoder VC-10 de Korg.

Histoire

Le vocodeur a été inventé en 1939 par Homer Dudley, ingénieur aux laboratoires Bell, afin d'assurer une transmission efficace de la voix sur le réseau téléphonique. Développé alors sous le nom de voder (Voice Operating DEmonstratoR), il fut présenté à l'exposition universelle de New York la même année. S'ensuivra une version améliorée en 1940, le vocoder. Au premier abord, le vocodeur eut peu de succès, car il donnait à la voix une texture plutôt robotique. Il fut toutefois utilisé par l'armée américaine dans le premier système de communication numérique SIGSALY qui permettait notamment à Franklin Roosevelt et Winston Churchill de communiquer par-delà l'océan durant la Seconde Guerre mondiale. En 1945, il est signalé par Vannevar Bush dans un article célèbre de As we may think qui introduisait la notion de World Wide Web (Memex). En 1948, il en fera une démonstration aux studios de la WDR pour Werner Meyer-Eppler, directeur de l'Institut de phonétique à l'université de Bonn. Ce dernier était fasciné par le synthétiseur vocal et a employé ce premier vocodeur comme base pour ses écrits qui sont rapidement devenus la bible du mouvement allemand d’Electronische Musik. Ainsi le vocodeur était prêt pour être adopté comme instrument.

Technique

Principe du vocodeur.

Le vocodeur de Dudley découpait la voix en 12 bandes de fréquences dont il mesurait l'amplitude. Ce sont ces coefficients qui étaient envoyés sur le câble téléphonique. De l'autre côté en sommant les 12 fréquences pondérées des chiffres mesurés, on obtenait quelque chose de similaire au message initial. Ce procédé économise près de 90 % de la bande passante. En effet, le signal audio associé à la voix s'étend sur les fréquences de 400 à 3 400 Hz, soit une bande passante de 3 000 Hz. En décomposant son spectre en une douzaine de sous-bandes de fréquences d'intensités différentes nettement moins larges, on peut n'utiliser que 300 Hz de largeur de bande totale.

La technique originale de « voicecoder » est toujours utilisée en musique avec certains termes normalisés. Deux signaux, le porteur et le modulateur, sont passés dans une banque de filtres passe-bande. L'amplitude du modulateur est mesurée via un « suiveur d'enveloppe ». Les deux signaux sont ensuite modulés (multipliés) afin que l'enveloppe mesurée sur le modulateur soit appliquée au porteur. De cette manière, les caractéristiques d'amplitude d'une voix peuvent être appliquées à un son de synthétiseur via un circuit parallèle de (Passe bande)*(Passe bande+suiveur d'amplitude).

Plus ce circuit est reproduit en parallèle, plus la resynthèse du modulateur (la voix couramment) sera précise. La technique de vocodage peut être également appelée « synthèse croisée ».

Certains vocodeurs permettent également de déplacer les fréquences des formants du signal, de sorte que la voix devient totalement déformée et méconnaissable. Cette technique est par exemple utilisée pour rendre anonyme un locuteur à la télévision.

Il ne faut toutefois pas confondre vocodeur et SVP (Super Vocoder de Phase Cooley/Tukey) qui n'utilise pas du tout la technique de croisement de banque de filtres BP, mais d'autres techniques complexes d'analyse d'échantillons basées sur la FFT.

Application musicale

Après les années 1940, le vocodeur n'a eu que peu d'applications : seuls certains studios comme ceux de la BBC en utilisaient pour proposer des sons particuliers. Mais ce sont les musiciens des années 1970 qui vont se l'approprier, grâce à la maison EMS qui fabriqua un vocodeur aux dimensions et prix raisonnables. Parmi eux Kraftwerk et The Buggles, dont pratiquement toutes les compositions sont agrémentées de voix vocodées. Mais aussi Herbie Hancock, Alan Parsons Project The Raven, Giorgio Moroder, Telex, Tangerine Dream, Frank Zappa, Electric Light Orchestra, Mike Oldfield sur Five Miles Out, Midnight Star, Cynic, Afrika Bambaataa, Laurie Anderson pour O Superman, ou Joe Zawinul. Neil Young surprendra notablement ses fans en sortant à l'aube des années 1980 un album inhabituel, Trans, où la moitié des titres sont chantés à travers un vocoder. Le compositeur de musique entièrement synthétique Jean-Michel Jarre utilise ce dispositif dans son album sorti en 1988, Révolutions et dans le single éponyme. Frank Farian a produit avec le fameux Vocoder de Sennheiser (25 000 DM à l'époque) Boney M. puis Milli Vanilli. Emerson, Lake & Palmer sur la pièce Karn Evil 9: Third Impression de l'album Brain Salad Surgery.

Plus récemment, à la fin des années 1990 et dans les années 2000, le vocodeur reprit de la popularité grâce à certaines compositions de Madonna, Daft Punk, Air, Marboss, Cascada, Booba

Une Talkbox.

Le chanteur Roger Troutman du groupe de funk Zapp, tout comme Matthias Jabs des Scorpions, Joe Walsh (Rocky Mountain Way), Stevie Wonder, Peter Frampton (voir la photo ci-contre), ou Jack White utilisaient le talkbox, un appareil différent du vocoder — souvent assimilé à tort — qui permet de moduler un son de guitare ou de tout autre instrument avec la bouche, au travers d'un tube qui partait de l'instrument jusqu'à la bouche du musicien. David Gilmour, guitariste du groupe Pink Floyd, l'utilise sur les pièces Sheep et Pigs de l'album Animals, puis sur A New Machine (Part 1) et A New Machine (Part 2) sur A Momentary Lapse of Reason, et finalement sur la pièce Keep Talking sur The Division Bell.

Le vocodeur et le talkbox ne doivent pas être confondus avec l'Auto-Tune, qui est un dispositif de correction des fausses notes de la voix, et qui robotise moins la voix, utilisé par des musiciens comme T-Pain par exemple.

Ainsi, le vocodeur est connu actuellement plus comme un instrument (ou plutôt un effet) de création musicale ou sonore que comme un moyen de communication.

Bibliographie

"Vocoder", Encyclopédie des Sciences et des Techniques, tome X, Presses de la Cité, 1973.

Voir aussi

Articles connexes

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