Vladimir Ionessian

Vladimir Mikhaïlovitch Ionessian (en russe : Влади́мир Миха́йлович Ионеся́н) né le à Tbilissi dans la République socialiste soviétique de Géorgie en URSS et exécuté par balle le à Moscou était un tueur en série soviétique, opérant à Moscou et à Ivanovo du au . Ionessian s'introduisait dans les appartements, en se faisant passer pour un agent de l'entreprise d'État Mosgaz[1], ce qui a été à l'origine de son surnom pendant l'enquête. Contrairement à son habitude de nier l'existence de « crimes décadents de type occidental »[2] la censure communiste a reconnu et même médiatisé le cas de Ionessian. Il est ainsi considéré comme l'un des premiers si ce n'est pas le premier tueur en série soviétique. Il a avoué avoir commis cinq meurtres[3].

Vladimir Ionessian
Tueur en série
Information
Nom de naissance Vladimir Mikhaïlovitch Ionessian
Naissance
Tbilissi, Géorgie, URSS
Décès
Moscou, URSS
Cause du décès exécution par balle
Surnom Mosgaz
Condamnation
Sentence peine de mort
Actions criminelles Meurtres
Victimes 5
Période -
Pays Union soviétique
Régions oblast de Moscou
Ville Ivanovo, Moscou
Arrestation

Biographie

Ionessian est né à Tbilissi le dans une famille arménienne. Ses parents encourageaient sa passion pour la musique et le chant et l'ont inscrit à l'école de musique. Il a poursuivi ses études au Conservatoire d'État de Tbilissi. À la fin de la deuxième année, il a commencé à travailler au théâtre où il est resté jusqu'au . Ses condamnations antérieures sont sujets à controverse. La première version dit que le jeune Ionessian arrêté pour vol, en 1954, a été condamné à 5 ans avec sursis et, par la suite, fait deux ans et demi de prison après avoir tenté d'échapper au service militaire. Mais d'après Komsomolskaïa Pravda il a tenté d'échapper au service militaire seulement en 1959, ce qui lui a valu une condamnation de deux ans dans le camp de Gori[4]. À sa sortie, il a été exempté de service militaire après un examen neurologique[4]. Il s'est marié avec une étudiante du conservatoire de Tbilissi, une certaine Médée. Ils ont eu un fils. Ionessian a été de nouveau impliqué dans une affaire de vol et a été condamné à 5 ans avec sursis. La famille a déménagé à Orenbourg où Ionessian travaillait comme ténor au théâtre de la comédie musicale.

Au mois de , l'un de ses amis lui a présenté une jeune ballerine, Alevtina Dmitrieva, arrivée de Kazan chercher du travail. Ionessian a perdu la tête. Pour séduire Dmitrieva, il lui a promis de lui trouver une place au théâtre d'Orenbourg. Mais après un essai, elle n'a pas été prise. Pour se donner de l'importance aux yeux de sa maîtresse et la retenir, Ionessian lui a raconté qu'il était agent du KGB et qu'il devait partir pour la capitale. Il lui a également dit avoir hérité une grosse somme d'argent de son oncle décédé en Allemagne. Il n'avait aucun plan concret, il improvisait. Les deux sont partis à Moscou. Ionessian avait quitté son travail et sa famille[5]. Selon d'autres sources, il avait déjà abandonné sa femme et son fils à Tbilissi[6]. A Moscou ils ont loué un appartement au numéro 2 rue Mechtchanskaïa (Мещанская улица) près de la gare de Riga chez une retraitée. Ils se sont très vite retrouvés en manque d'argent. Aucun théâtre de la capitale ne voulait d'eux. Ionessian a continué dans le mensonge, en racontant à Dmitrieva qu'elle n'avait plus besoin de travailler, car il avait reçu une augmentation. Il a également expliqué qu'il allait participer à des opérations spéciales, pour justifier ses éventuelles absences. Il avait décidé de commettre des braquages.

Les crimes

Ionessian a tué pour la première fois le [3]. Il est entré, au hasard, dans l'un des immeubles rue de la Baltique (Балтийская улица) et a fait le tour des appartements, en se faisant passer pour un manutentionnaire de l'entreprise Mosgaz. Il cherchait une victime seule. Il est tombé sur un garçon de douze ans, Constantin Sobolev[7], qu'il a tué à l'aide d'une hache achetée la veille au Goum (selon d'autres sources - un couteau)[5]. Son maigre butin consistait en un pullover d'enfant, 60 roubles, un flacon d'eau de Cologne « Chypre » et des lunettes de soleil.

Le , Ionessian a sévi à Ivanovo où il se trouvait à l'occasion avec Dmitrieva. Dans un appartement rue Mikhaïl Kalinine, il a assassiné Michaïl Koulechov âgé de douze ans et pris quelques obligations, un gilet, une veste et un stylo. Puis, dans un immeuble de la rue d'Octobre (Октябрьская улица) il a tué une retraitée de 74 ans pour lui prendre uniquement une lampe torche et 70 kopecks. Le jour même, Ionessian est retourné rue Kalinine où il a violé une fille de quinze ans, Galina Petropavlovskaïa, après quoi, il lui a infligé neuf coups de hache sur la tête. Il a volé un pullover, un débardeur, un châle d'angora et 90 roubles. Miraculeusement la victime a survécu et, par la suite, a pu décrire son agresseur[8]. Dans la nuit, Ionessian et Dmitrieva se sont enfuis d'Ivanovo à pied. Ils ont marché sur 10 kilomètres avant de prendre l'autocar qui les a ramenés à la capitale. Dmitrieva n'était au courant de rien. Ionessian lui avait dit devoir se cacher à cause de son travail.

le à Moscou, dans l'un des appartements sur la perspective de Léningrad (Ленинградский проспект), Ionessian a fait sa quatrième victime, un garçon de onze ans, Alexandre Lissoviets. Le tueur n'a rien emporté[8].

Le , dans un immeuble à Marina Rochtcha il s'est présenté comme travailleur du Bureau d'exploitation du logement[9] à Maria Iermakova, 46 ans. Il a tué la femme de vingt coups de hache. De son appartement ont disparu cinq pelotes de laine, trois paires de chaussettes, 30 roubles (d'autres sources mentionnent 150 roubles)[6], une horloge « MIR » et un téléviseur « Start-3 »[8].

Déroulement de l'enquête

Dans tous les immeubles où se sont produits les crimes, les habitants ont décrit un agent de Mosgaz portant un long manteau noir et une chapka en fourrure de faon de renne. Les parties rabattables de sa chapka se maintenaient nouées derrière la nuque comme c'est la coutume chez les provinciaux contrairement aux Moscovites qui les nouent sur le haut du chapeau. Tout le monde avait également noté qu'il manipulait les installations de gaz sans enlever les gants. Après les vérifications auprès de l'entreprise en question, il s'est avéré qu'il s'agissait d'un imposteur. L'une des criminologues, Sofia Feinstein (Софья Файнштейн 1924-2012)[10], a eu une idée révolutionnaire, pour l'époque. Elle a découpé plusieurs dizaines de photos d'hommes et, en présentant les morceaux aux témoins, en a construit le premier portrait-robot dans l'histoire de la criminologie de l'URSS[6]. L'un des témoins, le petit garçon Artem Frolov, voisin et ami de la première victime, a reconnu comme "Mosgaz" l'un des collègues de Feinstein qui était entré dans le bureau lors de l'audition. Cette accusation a été prise très au sérieux, on a vérifié l’emploi du temps de l'inspecteur. Il s'est avéré par la suite que la ressemblance entre les deux hommes était frappante[6].

Après le quatrième meurtre on a suivi la piste du téléviseur volé. Les témoins ont vu un individu portant un téléviseur montant dans un camion benne à la place du passager. L'inspecteur de milice, en service ce jour-là, s'est souvenu d'une partie du numéro d'immatriculation du véhicule - 96. En effectuant des recoupements d'informations, on a reconstitué le numéro - "МОЖ 96-26". Le chauffeur du camion a dit avoir déposé, moyennant 80 kopecks, l'homme au téléviseur près de la gare de Riga, au coin des rues Trifonovskaïa et Mechtchanskaïa. Après une enquête dans le quartier on a retrouvé une femme, rue Chepkine (улица Щепкина) qui a raconté que sa voisine hébergeait une nièce avec son mari, qui, il n'y a pas longtemps, a rapporté un téléviseur et l'a vendu à un autre voisin. On a trouvé le téléviseur et vérifié le numéro de fabrication - c'était le «Start-3» qui avait disparu de l'appartement de Iermakova. Quand on s'est rendu à l'appartement où habitait Ionessian, celui-ci était absent. Les inspecteurs sont tombés sur Alevtina Dmitrieva. Dmitrieva ne semblait pas inquiète. Elle a déclaré fièrement que son compagnon, le major de KGB Ionessian, était en mission spéciale et qu'elle était tenue de garder le secret sur ses déplacements. Le KGB ne comptait pourtant pas de major Ionessian parmi ses agents[6]. Plus tard, Dmitrieva a avoué qu'il se trouvait à Kazan où elle devait le rejoindre. Toutefois elle ne connaissait pas son adresse, il devait venir la chercher à la gare ferroviaire. On ne disposait que d'une ancienne photo d'Ionessian trouvée dans les archives de théâtre d'Orenbourg, mais on n'était pas sûr de le reconnaître dans la foule. On redoutait que Dmitrieva ne lui fasse un signe discret pour l'avertir du danger et qu'il ne s'évade sans se manifester. Par précaution, on a envoyé à Kazan, à la place de sa maîtresse, une femme agent de milice, habillée et grimée par des maquilleurs professionnels pour plus de ressemblance. Sur le quai, Ionessian a aperçu la femme agent à travers la fenêtre du train et, ne se doutant de rien, est monté sur les marches du wagon. Il a été arrêté et menotté à ce moment-là[6].

Procès et condamnation

La légende veut que, lors d'un entretien confidentiel, le procureur Roman Roudenko en personne aurait présenté le tueur à Nikita Khrouchtchev qui a lancé "que d'ici deux semaines il ne soit plus"[6]. L'interrogatoire d'Ionessian était conduit par le ministre de l'Ordre Public RSFSR, le général Vadim Tikunov[11] et le procureur RSFSR Mikhaïl Blinov[4]. Le protocole comporte les signatures des secrétaires du Parti communiste de l'Union soviétique Léonid Brejnev, Youri Andropov, Mikhaïl Souslov, Nikolaï Podgorny qui ont pris connaissance de l'affaire[4].

Le , une déclaration a été faite à la radio de Moscou concernant l’arrestation d'Ionessian. Son destin a été scellé avant le procès. La population de la capitale était indignée par les crimes. Le CCPCUS et le Ministère des affaires intérieures de l'URSS recevaient des lettres exigeant une peine capitale. A ce propos, le général Tikunov a écrit dans son rapport que pour calmer l'opinion publique il fallait procéder au plus vite et faire du cas Ionessian un exemple.

Lors de son interrogatoire, Ionessian disait avoir été un homme bien, mais être devenu mauvais. Il a dit avoir commis le premier meurtre à cause des difficultés financières et de son état de détresse, mais il n'a pas été capable d'en dire autant des autres. Il a clairement reconnu que même l'argent ne l'intéressait plus, bien qu'il lui arrivait encore d'en prendre. Il a reconnu avoir emporté quelques objets sans intérêt dans les appartements, en laissant les choses de grande valeur qui se trouvaient pourtant en évidence. Il prenait plutôt ce qui pouvait plaire à sa maitresse. Il a beaucoup insisté sur l'innocence d'Alevtina. Aucun examen médical ou psychologique du meurtrier n'a été effectué.

Le procès a duré deux semaines. Le , Ionessian a été condamné à la peine capitale. Il a été exécuté par balle le lendemain à 23 heures. Alevtina Dmitrieva a été condamné à 15 ans de réclusion pour entrave à l'exercice de la justice. Elle a été libérée en 1971[4],[6].

Bibliographie

Notes et références

  1. Mosgaz (Мосгаз) - entreprise chargée de la gestion du réseau de distribution de gaz naturel, et notamment des interventions sur le terrain (relevé de compteurs, mise en service, travaux, etc.) à Moscou. http://www.mos-gaz.ru/
  2. Emily Tibbatts, « Les tueurs en série : uniquement aux USA ?. » [archive du ], sur tueursenserie.org, (consulté le ).
  3. (ru) Борис Сопельняк, « Кровавые дела Мосгаза (часть-2). », sur Хранитель. Мeдиапортaл o безoпacноcти, (consulté le ).
  4. (ru) Алексей Богомолов, « Маньяка по кличке Мосгаз допрашивали министр МВД и Генеральный прокурор. », sur Комсомольская правда, (consulté le ).
  5. (ru) Сергей Ефимов, « Я до сих пор помню лицо Мосгаза. », sur Комсомольская правда, (consulté le ).
  6. David Gamburg, « Следствие вели. Выпуск 22. Откройте, Мосгаз! », sur Следствие вели…, (consulté le ).
  7. (ru) « Соболев Константин (1951-1963). », sur Где дремлют мертвые, (consulté le ).
  8. (ru) « Звонят, закройте дверь. », sur Первый канал. Раздел: Документальное кино, (consulté le ).
  9. Жилищно-эксплуатационная контора (ЖЭК) - le Bureau d'exploitation du logement connu sous son acronyme JEK - organisation chargée de l'entretien et du bon fonctionnement des immeubles en URSS.
  10. (ru) Совет ветеранов, сотрудники и слушатели ЦПП ГУ МВД России по г. Москве, « НЕКРОЛОГ СОФЬЯ ИСААКОВНА », sur Петровка 38, (consulté le ).
  11. Tikunov, V. S. (Vadim Stepanovich). http://www.worldcat.org/identities/np-tikunov,%20v%20s$vadim%20stepanovich/
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