Traité des couleurs

Le Traité des couleurs est un ouvrage de Johann Wolfgang Goethe (1749-1832) publié en 1810 en deux volumes.

Goethe s'oppose dès l'avant-propos à la théorie de Newton. Il la compare à une « bâtisse ancienne que son architecte élabora dans la précipitation », à laquelle ses continuateurs ont adjoint des « vestibules » reliant les pièces de l'édifice par un réseau de couloirs incohérents. Il recense les parties de l'expérience qui la contredisent, pour soutenir que cette théorie est tout simplement fausse. Il recherche les caractères spirituels de la lumière, refusant comme les autres tenants de la Naturphilosophie, toute explication de la nature basée sur les mathématiques. Goethe est d'avis que la couleur est un mélange de lumière et d'ombre. Pour soutenir son argumentation, il examine la perception humaine des couleurs. À partir de l'expérience de la peinture, il construit un système qui n'est pas une théorie. Il ne s'agit pas de comprendre ou d'expliquer les couleurs, qui sont des phénomènes primordiaux[1].

Les objections de Goethe à la théorie de Newton en désignent souvent des insuffisances réelles, en relation avec la perception, qui empêchent de relier étroitement la vision des couleurs et la physique du rayonnement lumineux[2].

Triangle des couleurs

Le triangle des couleurs fonde la couleur. Goethe part de l'idée que la couleur est sombre, elle est un obscurcissement de la lumière. Elle est aussi un éclaircissement du noir ; de là, naissent les couleurs primaires : le jaune tout d'abord qui est « tout proche de la lumière » et le bleu qui est « tout proche de l’ombre ». En tant que couleur, elle est de la lumière obscurcie, elle est inséparable du mouvement. Goethe appelle cette dynamique de la couleur « intensification »  obscurcissement . L'intensification du jaune donne le rouge, l'intensification du bleu donne le rouge. Le pourpre est la « fusion ». Le vert naît du mélange du bleu et du jaune, le violet de celui du bleu et du rouge, et l'orange de l'amalgame du jaune et du rouge, etc.

Opinion sur la théorie de Goethe

Dans son introduction aux œuvres scientifiques de Goethe[3], Rudolf Steiner écrit :

« La physique moderne ne connaît pas la « lumière » au sens de Goethe ; et pas davantage l'« obscurité ». La théorie des couleurs, de ce fait, évolue dans un domaine que n'abordent pas du tout les déterminations conceptuelles des physiciens. La physique ignore simplement les concepts de base de la théorie des couleurs de Goethe. Et par là, elle ne peut en juger de son point de vue. Goethe commence précisément là où la physique s'arrête. »

Gœthe contre Newton et la théorie physique de la « couleur »

La théorie des couleurs de Gœthe contredit celle de Newton. Dans la conception de Newton, la lumière blanche est la superposition de lumières colorées monochromatiques, qui préexistent donc dans la lumière blanche. Les différences de réfringence de chaque longueur d'onde lors de la traversée du verre du prisme causent l'éventail de couleurs émanant d'un prisme. Les lois de la réfraction induisent une déviation faible pour le rouge et forte pour le bleu. Pour Gœthe, au contraire, la matière même du prisme, milieu « turbide », crée la couleur, qui ne préexiste pas. La physique a largement confirmé la théorie de Newton depuis trois siècles, ce qui rend celle de Gœthe caduque sur le plan strictement physique.

« La théorie de Goethe de la couleur a, de nombreuses façons, été fructueuse pour les arts, la physiologie et l'esthétique. Cependant la victoire, et par conséquent l'influence sur la recherche du siècle suivant, revient à celle de Newton. »

 Werner Heisenberg, The doctrine of Goethe and Newton in light of modern physics[4].

Gœthe et la théorie de la perception des couleurs

La théorie de Goethe a ouvert le champ d'une recherche indépendante de celle de la physique, celle de la perception des couleurs, à laquelle la physique est assez indifférente. Les constructions de la couleur issues de la physique font inévitablement l'impasse sur des phénomènes essentiels de la perception, principalement ceux de la constance de couleur d'une surface dans un éclairage dont le spectre varie fortement, et de l'interaction entre couleurs.

La théorie de Gœthe s'intéresse plus à la perception des couleurs qu'à la caractérisation objective du rayonnement lumineux. Il faut la comparer avec le modèle moderne de la vision des couleurs basé sur la neurophysiologie.

Influence sur les arts

Le Traité des couleurs de Gœthe, écrit à partir des conceptions issue de la pratique de peintres et de teinturiers, a été largement diffusée au-delà de l'Allemagne. Il fut traduit en anglais en 1840 ; Turner s'y intéressa à la fin de sa carrière[5]. Alors même que dominent les conceptions issues des modèles colorimétriques, Josef Albers considère le triangle de Goethe comme « le système de représentation le plus condensé et le plus clair d'un ordre essentiel dans le domaine des couleurs[6] ».

Si les artistes allemands et anglais adhérèrent avec enthousiasme à la théorie de Goethe, les Français l'ignorèrent largement. Voltaire avait défendu et vulgarisé la théorie de Newton, en proclamant la supériorité d'une méthode qui ignore la subjectivité. Le Traité des couleurs n'a été traduit en français, partiellement, qu'en 1973[7].

Publication

Titre allemand : Zur Farbenlehre. Didaktischer Teil (ISBN 978-3423051408).

Volume 116 de la collection Kürshners deutsche Nationalliteratur avec introduction de Rudolf Steiner.

Traduction en français :

  • Le Traité des couleurs, traduction française d'Henriette Bideau, accompagnée de trois essais théoriques de Goethe ; introduction et notes de Rudolf Steiner, Éditions Triades, Paris, 1973, 1975 ; 2e édition augmentée : 1980 ; 3e édition revue : 1983, 1986, 1990; 4e édition 2000.

Notes et références

Notes

    Références

    1. Romano 2010, p. 39-40.
    2. Romano 2010, p. 54-55.
    3. Rudolf Steiner (trad. de l'allemand par Alain Barbezat), « Goethe le Galilée de la science du vivant », dans Introductions aux œuvres scientifiques de Goethe, Montesson, Éditions Novalis (France), , 325 p. (ISBN 2-91011234-9).
    4. Werner Heisenberg, The doctrine of Goethe and Newton in light of modern physics.,1952.
    5. (en) Gerald E. Finley, « Turner: An Early Experiment with Colour Theory », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, vol. 30, , p. 357-366 (lire en ligne).
    6. Josef Albers (trad. Claude Gilbert), L'interaction des couleurs, Hazan, (1re éd. 1963), p. 148.
    7. Jacques Le Rider, « La non-réception française de la « Théorie des couleurs » de Goethe », Revue germanique internationale [En ligne], no 13, (lire en ligne).

    Annexes

    Bibliographie

    • Claude Romano, De la couleur : cours, Paris, Éditions de la Transparence, coll. « Philosophie »,
    • Maurice Élie (préf. François Dagognet), Lumière, couleurs et nature : l'optique et la physique de Goethe et de la « Naturphilosophie », Paris, J. Vrin, .
    • Jacques Le Rider, « La non-réception française de la Théorie des couleurs de Goethe », Revue germanique internationale, no 13, (DOI 10.4000/rgi.781, lire en ligne)

    Articles connexes

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