Trêve olympique
La trêve olympique est une période de paix qui invite à l'arrêt des conflits (cessez-le-feu) des nations du monde durant les Jeux olympiques.
Antiquité
En Grèce antique, la trêve sacrée (ἐκεχειρία / ekekheiría) est instituée pour l'ensemble des agônes (fêtes sportives grecques) et pas seulement pour les Jeux olympiques. Elle est annoncée par des σπονδοφόροι / spondophóroi (porteurs de trêve) ou des θεωροί / theôroí (théores) en même temps que la date des jeux[1],[2]. Il revient aux autorités de chaque cité ou territoire de l'accepter ou non.
Cette trêve est sans doute de durée variable selon la localisation des jeux. Elle pouvait probablement varier d'un à quatre mois, mais nous sommes très mal documentés sur ce point[3] ; pour les Jeux olympiques, elle est instituée pendant le mois qui précède les Jeux[4]. Pendant cette trêve, la cité accueillant les jeux ne peut pas être attaquée. De même, spectateurs, sportifs et officiels en déplacement ou de retour de jeux, ne peuvent être inquiétés lorsqu'ils traversent des zones en guerre. En effet, contrairement à une légende tenace, la trêve antique n'implique absolument pas l'arrêt de toutes les guerres ; ce n'est qu'un « cessez-le-feu partiel[5] ». Cette trêve était purement utilitaire. Sans elle, les jeux n'auraient pas pu se tenir en raison des incessants déplacements des sportifs, d'agônes en agônes[6].
La trêve connait quelques violations, mais ces dernières restent rares[7]. Durant la guerre du Péloponnèse, en 420 av. J.-C., Sparte est condamnée à une très lourde amende de 2000 mines pour avoir violé la trêve en attaquant le fort de Phyrkos[8] et en envoyant des hoplites à Lépréon, une petite cité d'Élide ; comme les Spartiates refusent de payer, les Éléens les excluent des Jeux[9] de 420 au moins, et possiblement jusqu'en 400 av. J.-C.[10]. Lors des Jeux de 420 av. J.-C., le Spartiate Lichas, fils d'Arcésilas, fait courir un char qui remporte la course. Comme il n'a pas reçu l'autorisation de concourir, le commissaire de l'épreuve attribue l'attelage, et donc la victoire, au peuple béotien. Furieux, Lichas descend dans l'arène et revendique l'épreuve en couronnant le cocher de son attelage et, en punition, est fouetté par les arbitres[9]. En 348-347 av. J.-C., l'Athénien Phrynon est capturé par des Macédoniens alors qu'il se rend aux Jeux et doit payer une rançon pour se libérer. Alerté, Philippe II de Macédoine le rembourse et lui demande d'excuser ses troupes qui, selon lui, ignoraient qu'il s'agissait du mois sacré[11]. La trêve est parfois instrumentalisée : selon Xénophon, les Argiens s'en servent contre les Spartiates, arguant de la trêve même quand celle-ci n'a pas lieu[12].
Selon Pausanias, la trêve aurait été établie par Iphitos, roi d'Élide :
« Iphitos, descendant d'Oxylos, et contemporain de Lycurgue, qui donna des lois à Lacédémone, fit célébrer des jeux à Olympie, renouvela les fêtes olympiques, et la trêve (…). Iphitos voyant donc que la Grèce était désolée par des divisions intestines et par une maladie contagieuse, crut devoir aller demander à l'oracle de Delphes un remède à tous ces maux ; et la Pythie lui ordonna, dit-on, de rétablir les jeux Olympiques de concert avec les Éléens[13]. »
Les dates d'Iphitos et de Lycurgue ne sont pas assurées, mais Pausanias semble partir du principe que les jeux d'Iphitos sont ceux de la première olympiade, c'est-à-dire 776 av. J.-C.[14] Plutarque rapporte une tradition légèrement différente, selon laquelle Lycurgue cofonde la trêve avec Iphitos[15] : « les uns voient en [Lycurgue] le contemporain d'Iphitos avec lequel il aurait institué la trêve olympique : c'est l'avis, entre autres, du philosophe Aristote, qui en veut pour preuve le disque olympique sur lequel est resté gravé le nom de Lycurgue[16]. » En réalité, il est peu probable que la trêve ait été instituée en même temps que les Jeux olympiques : elle présuppose un long processus d'internationalisation. Le lien entre fondation des Jeux et mise en place de la trêve sacrée remonte vraisemblablement à la fin du Ve et au début du IVe siècle av. J.-C., période où les orateurs s'efforcent de présenter la trêve comme la meilleure illustration du mouvement panhellénique[17].
Époque contemporaine
La trêve olympique fait aujourd'hui l'objet d'une résolution des Nations unies à chaque olympiade[réf. nécessaire]. Elle est par ailleurs promue par la Fondation internationale pour la trêve olympique créée en juillet 2000.
Notes et références
- Eschine, II = Sur la fausse ambassade, 133-134 ; Pindare, Odes [détail des éditions] (lire en ligne), Isthmiques, II, 22 ; ; Inscriptiones Graecae II², 1235-1236.
- Miller, p. 81-82.
- Decker et Thuillier, p. 87.
- Miller, p. 81.
- Decker et Thuillier, p. 86.
- Decker et Thuillier, p. 123-126.
- Decker et Thuillier, p. 88.
- Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, p. Livre V. vers 49.
- Thucydide, La Guerre du Péloponnèse [détail des éditions] [lire en ligne], V, 49-50.
- Paul Cartledge, Agesilaos and the Crisis of Sparta, Londres, 1987, p. 249. Contesté par Simon Hornblower, « Thucydides, Xenophon, and Lichas: Were the Spartans Excluded from the Olympic Games from 420 to 400 BC? » dans Phoenxi vol. 54, no3/4 (automne-hiver 2000), p. 212-225.
- Démosthène, XIX = Sur la fausse ambassade, hypoth. 2, para. 3 ; Eschine, II = Sur l'ambassade, 12.
- Xénophon, Helléniques [lire en ligne], IV, 7, 2-3.
- Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne], V, 4, 5-6.
- Pausanias, V, 8, 5-6.
- Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne], Plutarque, I, 2.
- Le disque est également cité par Pausanias, V, 4, 20.
- J. Bollansee, « Aristotle and Hermippos of Smyrna on the Foundation of the Olympic Games and the Institution of the Sacred Truce », Mnemosyne, 4e série, vol. 52, fasc. 5 (octobre 1999), p. 563-564 [562-567].
Bibliographie
- Wolfgang Decker et Jean-Paul Thuillier, Le Sport dans l'Antiquité, Paris, Picard, 2004.
- Stephen G. Miller (trad. Lydie Échasseriaud), « Organisation et fonctionnement des jeux Olympiques », dans Alain Pasquier (dir.) Olympie, actes du cycle de conférences organisées au musée du Louvre du 18 janvier au 15 mars 1999, la Documentation française et le musée du Louvre, Paris, 2001 (ISBN 2-11-004780-1), p. 75-125.
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