Tirage au sort
Le tirage au sort est une méthode pour sélectionner un échantillon ou prendre une décision, dans laquelle le résultat est laissé au hasard. La représentativité de ce résultat dépend en réalité statistiquement de la taille de l'échantillon tiré au sort.
En politique, l'utilisation du tirage au sort afin de constituer une assemblée (échantillon large), confère à cette dernière une représentativité plus importante que si elle découlait d'un vote[1]. Son utilisation en fait un moyen de prise de décision démocratique défendu notamment par les partisans de la démocratie directe.
À l'inverse lorsque l'échantillon est réduit, le résultat du tirage au sort n'est pas statistiquement représentatif. Il reste malgré tout largement utilisé dans la vie courante afin de prendre des décisions de la manière la plus impartiale possible en ne faisant intervenir que le hasard et ce dans le cas où les arguments rationnels ou le consensus ont atteint leurs limites. Ainsi, quand il n'y a que deux résultat possibles, le pile ou face est souvent la méthode utilisée. Quand il y a plus de deux choix, la courte paille ou le tirage d'étiquettes ou de numéro au hasard peuvent être utilisés.
Usage politique (démocratie)
Le tirage au sort était utilisé par les sociétés de l'Antiquité telles que la Grèce antique pour choisir leurs dirigeants[2]. Ce mode de nomination fait partie des fondements de la Démocratie athénienne. Dans la mythologie grecque, après que le roi de Troie Laomédon ait consulté un oracle lui dictant d'offrir de jeunes filles au monstre marin Céto, c'est par tirage au sort qu'Hésione, sa propre fille, est choisie et sacrifiée[3].
En 1999 François Amanrich crée en France le Mouvement clérocrate qui prône pour la mise en place d'un nouveau système politique où les élus locaux, après désignation par leurs pairs, peuvent être désignés par tirage au sort pour accéder au département, puis à la région et enfin à l'Assemblée nationale[réf. nécessaire].
En 2011, en France, Étienne Chouard défend le retour du tirage au sort en politique par la création d'une assemblée constituante dont les participants seraient tirés au sort[4].
En 2015, à la Réunion, le projet "DEMORUN 2.0" constitue une liste de citoyens tirés au sort sur les listes électorales et des volontaires pour l'élection au Conseil régional de La Réunion des 6 et 13 décembre 2015[5].
À Nancy, la constitution d'une assemblée citoyenne composée d'au moins 200 habitants tirés au sort et représentatifs de la population, sur le modèle de la Convention citoyenne pour le climat, a été annoncée par l'équipe municipale PS-PC-Nancy Ecolo élue en juin 2020.
Usage militaire
Instance nationale de concertation des personnels militaires
En France et en Espagne, les militaires ne pouvant pas être syndiqués, l'armée fait appel au tirage au sort pour désigner des représentants professionnels dans les instances nationales de concertation des personnels militaires[6].
Conscription
Le tirage au sort a été la méthode utilisée pour la conscription dans différents pays, dont la Belgique[7], la France ou les Pays-Bas.
Les jeunes hommes en âge de service devaient tirer au hasard un numéro qui décidait, ou non, de leur incorporation. Certains, issus de familles riches, pouvaient échapper au service militaire en payant un remplaçant.
En France, la loi du rendit le service militaire obligatoire pour tous les Français âgés de 19 ans. Les effectifs étant limités à 400 000 hommes, c'est par tirage au sort que l'on décidait de la durée du service actif : si on tirait un « mauvais numéro », le service était de cinq ans, celui qui tirait « un bon numéro » effectuait un service court, un an. Le remplacement n'existait pas mais les dispenses et les sursis étaient nombreux. La loi du supprima le tirage au sort[8].
En Belgique, ce système, contraire à la fois à l'intérêt militaire et à la justice sociale, fut supprimé le et remplacé par le principe du service personnel pour un fils par famille[9].
Aux Pays-Bas, le tirage au sort fut instauré en 1810 sous le régime français. Le système fut maintenu lorsque Guillaume Ier revint aux Pays-Bas en 1813. Jusqu'en 1898, il était possible, contre paiement, d'échanger son numéro avec quelqu'un qui avait participé au même tirage ou de se faire remplacer. En cas de remplacement, le frère du conscrit était également exempté de service, ce qui explique que le remplacement coûtait plus cher que l'échange de numéros. Le tirage au sort survécut jusqu'en 1938.
Tirage au sort des jurés d'assises
Dans le système judiciaire français, les jurés désignent les membres tirés au sort des cours d’assises chargés de se prononcer sur la culpabilité des accusés, et le cas échéant sur la peine applicable[10].
La procédure de désignation des jurés est complexe : elle se fonde sur une succession de tirages au sort parmi les citoyens de plus de 23 ans, à partir des listes électorales. Plusieurs filtres permettent ensuite de s’assurer que les futurs jurés remplissent les conditions d’aptitude[11].
Une liste définitive de 40 titulaires est alors tirée au sort pour la durée de la session d’assises.
Au début de chaque affaire, un nouveau tirage au sort permet la désignation des 6 jurés (9 en appel) appelés à composer le jury d’assises.
Si historiquement, les jurés se prononçaient seulement sur la culpabilité des accusés, ils sont désormais des juges à part entière, au même titre que les magistrats professionnels qui siègent à leur côté dans la cour d’assises : la cour et le jury délibèrent ensemble sur la culpabilité et sur la peine, sans que les magistrats ne disposent de voix prépondérante. Le système de vote est d’ailleurs structuré de telle sorte que les décisions se prennent toujours à la majorité des voix exprimées par les jurés.
Les jurés populaires ont traditionnellement un rôle important en France pour le jugement des crimes, mais la loi du a innové en instituant des « citoyens assesseurs » pour le jugement des délits les plus graves : deux citoyens assesseurs complètent ainsi certaines formations correctionnelles de jugement composées de trois juges professionnels.
Les citoyens assesseurs, qui sont tirés au sort chaque année à partir des listes électorales, peuvent être désignés pour siéger jusqu’à 10 jours par an. Ils bénéficient d’une formation d’une journée sur le fonctionnement de la justice pénale et sont indemnisés pour l’exercice de leur fonction.
Notes et références
- Sciences Po - Recherche - 5 octobre 2019 - Le tirage au sort assure une représentativité plus importante que le vote : « Lorsqu’il est effectué sur la base du suffrage universel, le tirage au sort assure une représentativité plus importante que le vote. Il favorise le décloisonnement, puisque les personnes tirées au sort – qui viennent souvent d’univers très différents – peuvent se rencontrer, interagir et prendre des décisions ensemble. »
- Paul Demont, « Tirage au sort et démocratie en Grèce ancienne »
- Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], IV, 42.
- Le tirage au sort comme bombe politique contre l'oligarchie, conférence d'Étienne Chouard
- PB, « Régionales: L’équipe "Demorun" propose une liste de candidats tirés au sort » (consulté le )
- « LES DROITS POLITIQUES ET SYNDICAUX DES PERSONNELS MILITAIRES », sur www.senat.fr (consulté le )
- « 175 ans de Belgique: naissance d'une armée »
- Musée de l'armée. Fiche objet: le service militaire
- Hervé Hasquin (dir.), Dictionnaire d'histoire de Belgique, Didier Hatier, 1988, p. 432
- L’essentiel du texte qui suit est tiré de la page Qu'est-ce qu'un juré ? du site Vie publique. Découverte des institutions
- Le site Service-Public.fr fournit une page qui donne les conditions pour être Juré d'assises
Liens externes
- Le tirage au sort, Article d'Étienne Chouard
- Jurés d’assises : manipulés par le président de la Cour ou guidés ? par Émilie Brouze sur Rue89 : Condamnation du juré qui avait violé le secret du délibéré par Pascale Robert-Diard sur Chroniques judiciaires Le Monde.
- Le tirage au sort au niveau législatif : critères et propositions. Documents additionnels. « Paul Nollen - Academia.edu », sur independent.academia.edu (consulté le ).
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