Spagyrie

La spagyrie est l'« art de séparer et de réunir-rassembler les principaux constituants des corps[2] ». Elle découle des travaux de Paracelse (1493-1541) qui, à l'époque, met en place tout un système de médecine qui, selon ses dires, lui aurait notamment permis d'enrayer des épidémies de peste dans des villages[H 1],[3]. Dans Opus paramirum, Paracelse introduit le terme d'art Spagyrique ou art de Vulcain pour désigner la technique alchimique de décomposition des substances « en rétrogradant à la première de toute chose[4] ». La spagyrie se fonde sur cinq piliers quintessentiels : l'alchimie, la philosophie, l'astronomie, l'astrologie et la vertu.

Symbolisme afférent à la transmutation des végétaux en médications ciblées[1].

Origine

Deuxième clef, gravure sur bois, 1618.
Conrad Johann Glückselig (de) 1864–1934

Le mot spagyrie paraît pour la première fois dans un livre de Paracelse. Le terme est probablement issu de la combinaison des deux verbes grecs σπάω et ἀγείρω et signifierait « séparer, extraire → σπάω, [spáô] → réunir → ἀγείρω, [ageírô][5],[6] ».

Historique

Basile Valentin, alchimiste de son état et religieux de l'ordre de Saint-Benoît, aurait vécu au couvent d'Erfurt en Allemagne, dans la seconde moitié du XVe siècle[note 1],[7]. Il aurait travaillé entre autres sur l'antimoine pour en tirer des médicaments. Il pourrait être le prédécesseur de Paracelse, bien qu'il n'ait pas conféré de nom à sa pratique. Les (le) livre(s) de Basile Valentin sont qualifiés d'« apocryphes ». Ils ont été trouvés en de curieuses circonstances. Par exemple, la foudre aurait ouvert une colonne du temple d'Erfurt dans laquelle était caché un ouvrage intitulé Les Douze Clefs de philosophie[7],[8].

Principes

La spagyrie se base sur les principes inhérents à l'alchimie selon laquelle toute matière est composée de 3 principes. Le corps également est composé de ces trois principes : mercure, soufre et sel[9].

La spagyrie opérative va développer une médecine en laboratoire par un travail prolongé et assidu pour arriver à des extractions de teintures, d'élixirs pharmacologiques, de magistères et de quintessences cosmologiques. La composition galénique tripartite  mercure, soufre et sel  exercerait une action conjointe à la fois sur le corps physique et sur ce que les ésotéristes appellent « corps énergétiques » de l'être humain[9].

La firme Spagyros  établie conjointement à Gümligen en Suisse et à Rottweil en Allemagne  décrit un processus de fabrication selon lequel « [les] plantes, purifiées, triées à la main, sont broyées et fermentées dans de l’eau de source distillée et de la levure. Une distillation douce permet de diviser la trempe alcoolisée en plusieurs fractions. Les résidus restant sont réduits en cendres, le sel séparé des cendres ». Une fois la séparation accomplie, « la fusion consiste à réunir sels et distillats[10] ».

La totalité des composés intimement liés à la plante se retrouvent intégralement dans la préparation finale[11].

La spagyrie est une méthode de soin qui se base sur une vision « énergétique » de l'Homme et qui vise à rééquilibrer ce dernier dans son harmonie intrinsèque et extrinsèque[11].

Dans les pharmacies, des substances sont parfois vendues sous l'étiquette de spagyrie. Même s'il n'existe pas de véritables médicaments spagyriques sur le marché[12], la pratique de cette médecine, qui commence véritablement par l'expérience en laboratoire, a été mise au point par l'Allemand Carl-Friedrich Zimpel, dit Dr Zimpel[H 2].

Le poète et auteur dramatique allemand Alexander von Bernus (de) (1880-1965) est l'un des derniers spagyristes européens[H 3]. Il travaille pendant sept années avec Conrad Johann Glückselig (de) (1864-1934) sur la mise au point de médicaments spagyriques avant de fonder son propre laboratoire[H 4].

Septénaire

Les sept plantes de Paracelse, basées sur l'astrologie médicale, se déclinent en vertu des jours de la semaine selon un « calendrier » phytothérapeutique associatif ainsi conçu :

Triptyque inhérent aux corps de la nature
Sulfur
(Soufre)
Mercurius
(Mercure)
Salis
(Sel)

Bibliographie

  • (fro) Pierre-Jean Fabre, Traicté de la peste, selon la doctrine des médecins spagyriques, Tolose, R. Colomiez, , 162 p. (notice BnF no FRBNF30414091, lire en ligne), chap. III (« Les différences de la peste »), pp. 11-18
  • (de) Alexander von Bernus (de), Wachsen am Wunder : Heidelberger Kindheit und Jugend, HVA, , 272 p. (ISBN 3-920431-30-8, EAN 9783920431307, lire en ligne), pp. 265, 267, 269
  • (en) Clare Goodrick-Clarke, Alchemical Medicine for the 21st Century : Spagyrics for Detox, Healing, and Longevity Couverture, Simon and Schuster, , 192 p. (ISBN 1594779139, EAN 9781594779138, lire en ligne), pp. 75, 79
  • Références thérapeutiques de 210 élixirs spagyriques, Toni Ceron, éditions Col du Feu.
  • B.A-BA de la médecine spagyrique, Patrick Rivière, éditions Pardès.
  • Paracelse ou la lumière de la Nature, Patrick Rivière, éditions Philos/Nature.

Notes et références

Notes

  1. Les Douze Clefs de philosophie[7] auraient été rédigées par Basile Valentin et se voient, dans un premier temps, publiées au moins trois fois, initialement à Eisleben en 1599, puis à Francfort en 1602 ; elles sont ensuite reprises par Michael Maier en 1618 qui en propose une version latine — Duodecim Clavibus — avec des illustrations supposément attribuées à Anna Maria Sibylla Merian. La publication de 1599 n'est pas mentionnée dans Ferguson [sur les mss Ferguson, cf. Aurora consurgens]. On en trouve la mention au catalogue de la British Library ainsi que dans J. Read [Von dem grossen Stein der Uhralten, Eisleben, 1599]. Les Duodecim Clavibus sont publiées par Maier dans le Tripus Aureus en 1618 : Tripus Aureus, hoc est, Tres Tractatus Chymici Selectissimi... [réed. Francfort, 1677 ; apparaît dans Ferguson II 65 et Duveen, 382 ainsi que dans Macphail, I, 77]. Le Tripus Aureus contient, outre Les Douze Clefs de philosophie, le Testament de Abbot Cremer et le Crois-moi de Thomas Norton.

Références bibliographiques

  1. Fabre 1629, p. 15[lire en ligne]
  2. Goodrick-Clarke 2010, p. 75, cf. Carl Friedrich Zimple (1801-1891):
    Theosophy and Electrohomeopathy
    [lire en ligne]
  3. Bernus 1984, p. 265, 267, 269[lire en ligne]
  4. Goodrick-Clarke 2010, p. 79, cf. Contemporary Spagyric Pharmaceutical Companies
    [lire en ligne]

Autres références

  1. (it) Roberto Renzetti, Storia dell'alchimia, Introduzione, avec, en préambule, une citation d'André Pichot tirée de l'ouvrage La nascita della scienza publié chez Dedalo en 1993 (lire en ligne), Prima parte, chap. III (« Cos'è l'alchimia »)
  2. Spagyrie, Trésor de la langue française informatisé (lire en ligne)
  3. Centre méridional de rencontres sur le XVIIe siècle, Le XVIIe siècle aujourd'hui : acte du 4e colloque de Marseille, vol. 7, Centre régional de recherche et de documentation pédagogiques, (réimpr. 1975) (1re éd. 1974) (OCLC 370886515, lire en ligne), p. 91
    « [...] la thèse de Michelet et même s'il ne l'a pas parfaitement démontrée, il est difficile de démontrer le contraire) ont tenu dans les villages le rôle que ne tenait pas le médecin, pour la bonne raison qu'il n'y avait pas de médecins à la campagne. [...] Paracelse disait : « Contre tous les partisans d'Hippocrate et de Gallien, qui n'ont jamais été bons qu'à faire des saignées et à distribuer des lavements, ce que je sais, moi, de médecine nouvelle et de médecine chimique, je l'ai appris chez les sorcières. » Lisez Paracelse et vous vous apercevrez que, de cette façon, lui et quelques autres ont introduit une nouvelle médecine, appelée « iatrochimie » au XVIIe siècle, et qui faisait hurler les gens comme Guy Patin ... La deuxième victoire apparaît au milieu du XVIIe siècle, lorsque, pour la première fois en Europe, dans le royaume de Naples et à Venise, on arrive à vaincre la peste. Cette victoire modifie à nouveau l'opinion, dans un sens favorable, et aide, au XVIIIe siècle, à la lutte contre les épidémies et à l'inoculation assez précoce de populations. »
  4. Paracelse le Grand, Theophraste Aureolus Bombast de Hohenheim, Opus paramirum, Chacornac, (lire en ligne)
  5. Pierre de Menten de Horne, Brigitte Van Tiggelen, Dictionnaire de chimie : Une approche étymologique et historique, De Boeck Supérieur, , 395 p. (ISBN 978-2-8041-8175-8 et 2-8041-8175-8, EAN 9782804181758, lire en ligne), Chimie, p. 86
  6. Sabine Lourde, Dr James Gopalsamy Naidu, « Dr James Gopalsamy Naidu : «L’astrologie médicale permet de prendre en compte sa destinée» », C'est Tabou, Port-Louis (Maurice), Défi Média, Radioplus, 20-21 septembre 2017 (lire en ligne [audio])
    « [...] essences spagyriques. Un terme qui découle du mot grec spao (séparer) et ageiro (réunir). »
  7. Les Douze Clefs de philosophie, Paris, ouvrage édité par Jérémie et Christophe Périer pour l'édition de 1624 & Pierre Moët pour l'édition de 1660, (réimpr. 1660), la rédaction de l'ouvrage est supposément attribuée à Basile Valentin[note 1] (lire en ligne)
  8. Eugène Canseliet, Introduction aux Douze clefs de la Philosophie, Les Éditions de Minuit, 1956
  9. Pierre Pelle Le Croisa, Les langages symboliques de l'ésotérisme maçonnique, Éditions Dervy, coll. « Bibliothèque de la franc-maçonnerie », , 560 p. (EAN 9791024203836, notice BnF no FRBNF45604459, lire en ligne), p. 240
  10. La spagyrie : une médecine complémentaire, Gümligen, Rottweil, Spagyros, booklet (lire en ligne [PDF]), « La spagyrie – une médecine alternative complémentaire », p. 2
  11. (ru) ЭСБЕ/Галеновы препараты [« Préparations galéniques »] (Vygovsky, Galban, T. VIIa, 1892), Saint-Pétersbourg, Encyclopédie Brockhaus et Efron, ouvrage réparti en 86 volumes, dont 82 tomes et 4 addenda complémentaires, 1890—1907 (présentation en ligne, lire en ligne), pp. 892-893
  12. Jean Paul Tessier et Pierre Jousset, L'Art médical : journal de médecine générale et de médecine pratique, Au bureau du Journal, (lire en ligne), p. 224
    « Quand la substance ainsi élevée en perfection appartient à la médecine, elle constitue le médicament spagyrique, forma pollens, non materia, qui, en raison du départ de ses impuretés, s'est affranchi de tout ce qui pouvait exister en lui de vénéneux ou acre, et ne se compose que des parties essentielles, balsamiques, au dire de l'école ; qui, en outre, sous le rapport de sa forme médicatrice, laisse bien loin derrière lui les produits pharmaceutiques. »

Voir aussi

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