Souveraineté populaire
La doctrine de la souveraineté populaire identifie comme souverain le peuple, au sens de l'ensemble de la population, la somme de tous les individus, par opposition à la nation, corps abstrait[1],[2].
« Volonté populaire » redirige ici. Pour le parti vénézuélien, voir Volonté populaire (parti).
Sources
Rousseau développa les questions de souveraineté après une réflexion sur l'état de nature et les droits naturels dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755). Dans le contrat social (1762), il affirme que la souveraineté est l'exercice de la volonté générale[3] (la souveraineté populaire et la volonté générale étant également des émanations du pouvoir législatif selon Rousseau), et il s'appuie sur les notions de liberté et d'égalité[4]. Chaque citoyen détient une part de souveraineté. Aussi, c'est une souveraineté dont le titulaire est le peuple ; considéré comme la totalité concrète des citoyens détenant chacun une fraction de cette souveraineté.
Dans la théorie classique, la souveraineté populaire se traduit par un idéal de démocratie directe (le principe de souveraineté populaire n'était donc pas, au départ, démocratique, mais aristocratique : l'exercice de la démocratie directe était donc plus important que la participation de l'ensemble des citoyens à la chose publique pour promouvoir le bien commun). Cela est confirmé par la théorie de l'État-puissance à la fin du XIXe siècle, développée par Maurice Hauriou, qui voit l'exercice de la démocratie directe dans l'élection du président de la République au suffrage universel[réf. souhaitée].
Théorie
La souveraineté populaire repose sur le Peuple, c'est-à-dire l'ensemble des citoyens actuels d'un pays. La souveraineté populaire implique le suffrage universel (bien que J-J Rousseau ne soit pas contre l'usage du tirage au sort en démocratie[5]), puisque chaque individu détient une part de souveraineté. La faculté d'élire est donc un droit[1]. De même le droit au référendum découle de la doctrine de la souveraineté populaire[6].C'est donc un ensemble réel. Le peuple, puisqu'il est souverain, peut s'exprimer directement. Si sa taille l'oblige à recourir à des mandataires, il pourra leur donner soit un mandat impératif où le peuple dicte les actions à poser, soit un mandat représentatif où l'élu est toujours censé représenter son électeur mais avec une plus grande marge de manœuvre lors de son travail législatif.
Pour un mandat impératif, en théorie, nul besoin d'une séparation des pouvoirs [réf. nécessaire], à condition que la description du mandat soit précise à la perfection, puisque le mandataire élu peut, directement, en connaissance parfaite de cause et en l'absence de tout aléa moral provoqué par une asymétrie d'information, être révoqué lors de l'exercice de sa fonction.
Pour un mandat représentatif (voir : démocratie représentative), à condition spécifique que le mandat soit révocable par référendum ou pétition, en théorie, nul besoin d'une séparation des pouvoirs, à condition encore que toute activité d'un représentant dans le cadre d'un mandat de représentation se fasse en complète transparence, puisque le Peuple peut directement, en connaissance parfaite de cause et en l'absence de tout aléa moral provoqué par une asymétrie d'information, révoquer la légitimité du mandat[réf. nécessaire].
Dans une analyse qui provient du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, le mandat représentatif est incompatible dans le domaine législatif, car la volonté générale et la souveraineté populaire ne se représentent pas, elles s'expriment :
«La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu'elle peut être aliénée; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point: elle est la même, ou elle est autre; il n'y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en personne n'a pas ratifiée est nulle; ce n'est point une loi. Le peuple Anglais pense être libre, il se trompe fort; il ne l'est que durant l'élection des membres du parlement: sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l'usage qu'il en fait mérite bien qu'il la perde. L'idée des représentants est moderne: elle nous vient du gouvernement féodal, de cet inique et absurde gouvernement dans lequel l'espèce humaine est dégradée, et où le nom d'homme est en déshonneur. » (Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social)
«Quoi qu'il en soit, à l'instant qu'un peuple se donne des représentants, il n'est plus libre ; il n'est plus.» (Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social)
Néanmoins, Jean-Jacques Rousseau semble accepter l'usage du mandat représentatif dans un seul cas : le pouvoir exécutif, le gouvernement jouant le rôle du pouvoir exécutif dans la théorie rousseauiste :
«La loi n'étant que la déclaration de la volonté générale, il est clair que, dans la puissance législative, le peuple ne peut être représenté; mais il peut et doit l'être dans la puissance exécutive, qui n'est que la force appliquée à la loi.» (Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social)
Le mandat représentatif serait théoriquement plus compatible avec la doctrine de la Souveraineté nationale.
Néanmoins, rien n'interdit dans la réalité l'usage du mandat représentatif dans le pouvoir législatif dans le cadre d'un gouvernement se proclamant de la Souveraineté populaire, par exemple le cas de la République portugaise où la constitution du pays précise que :
«La République portugaise est un État de droit démocratique fondé sur la souveraineté populaire» (Article 2 des Principes fondamentaux de la constitution portugaise)
En ces conditions, ce que voteront, jugeront ou exécuteront ces mandataires, représentant obligatoirement la volonté du Peuple, sera forcément juste : en découlent les principes de primauté de la loi et de primauté de l'Assemblée constituée des mandataires du Peuple.
L'idée que ce qui est décidé par souveraineté populaire est forcément juste fut condamnée par Pie IX dans son encyclique Quanta Cura[précision nécessaire].
La relation entre un citoyen et l'État constitue un problème principal-agent : la souveraineté populaire parfaite nécessiterait qu'une transmission d'information parfaite soit possible entre l'ensemble des mandataires et les citoyens et également entre les citoyens.
Entités étatiques se réclamant d'une souveraineté populaire
Certaines entités étatiques dans le monde se réclament d'une souveraineté populaire (qui peut être éloignée de la conception rousseauiste originelle), c'est par exemple le cas de la République portugaise où la constitution du pays précise que :
« La République portugaise est un État de droit démocratique fondé sur la souveraineté populaire » (Article 2 des Principes fondamentaux de la constitution portugaise)
Il y a également des cas plus implicites comme la constitution de la République italienne qui précise dans sa constitution que :
« L'Italie est une République démocratique, fondée sur le travail. La souveraineté appartient au peuple, qui l'exerce dans les formes et dans les limites de la Constitution. » (Article 1er des Principes fondamentaux de la Constitution italienne)
Et enfin, il existe notamment l'exemple de la constitution de la République et Canton de Genève : « La souveraineté réside dans le peuple, qui l’exerce directement ou par voie d’élection. » (Article 2 de la Constitution de Genève)
Références
- Droit constitutionnel, Fondements et pratiques, Frédéric Rouvillois, Flammarion, 2003, p. 224-228
- Droit constitutionnel, Hamon, Troper, LGDJ, 28e, 2003, p. 179
- Livre II, chapitre 2.1
- Par la suite, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ajoutera à la liberté trois autres droits naturels : propriété, sûreté et résistance à l'oppression
- Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, édition Beaulavon, , p. 295.
- Lexique, droit constitutionnel, Pierre Avril, Jean Gicquel, puf, 6e, 1995
Bibliographie
- Fabrizio Frigerio, "Souverain (chez Rousseau)", in : Dictionnaire international du Fédéralisme, sous la direction de Denis de Rougemont, édité par François Saint-Ouen, Bruylant éditeur, Bruxelles, 1994, p. 272-274.