Shangchen
Shangchen (chinois : 上陈) est un site archéologique du Paléolithique inférieur dans le plateau de Lœss en Chine centrale. Les outils en pierre trouvés sur le site, datés de 2,12 millions d'années pour les plus anciens, permettent de penser que les homininés ont quitté l'Afrique plus tôt que ne l'indiquaient les fossiles humains de Dmanissi en Géorgie, datés de 1,8 Ma, et qui constituaient les plus anciennes preuves de présence d'hominines hors d'Afrique jusqu'à la découverte des traces de boucherie de Masol (Inde, au moins 2,6 Ma) et des artéfacts de Longgupo (ou Homme de Whushan, 2,5 Ma). Les artefacts de Shangchen confirment donc le très ancien peuplement de l'Asie et de la Chine en particulier.
Ne doit pas être confondu avec Shangcheng.
Shangchen | ||
Localisation | ||
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Pays | Chine | |
Province | Shaanxi | |
District | Xian de Lantian | |
Village | Shangchen | |
Coordonnées | 34° 13′ 07″ nord, 109° 29′ 08″ est | |
Géolocalisation sur la carte : Chine
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Histoire | ||
Époque | Paléolithique inférieur | |
Le site, connu depuis 1964, a été fouillé entre 2004 et 2017 ; lors de la dernière campagne de fouilles, le sol a été creusé à 73 mètres de profondeur afin de dégager les 17 strates où étaient enfouis les artefacts[1]. Les résultats ont été publiés en 2018 dans la revue Nature[2]. Le lieu faisant l'objet d'une exploitation industrielle, il est impossible actuellement de creuser à de plus grandes profondeurs à la recherche d'éventuels vestiges plus anciens[3].
Localisation
Le site préhistorique se trouve aux abords du village de Shangchen (上陈村), dans le Xian de Lantian, dans la province du Shaanxi[4], à 25 km au sud de Weinan et à 50 km au sud-est de la capitale du district, Xi'an. A 4 km de Shangchen avaient été découverts des fossiles d'un Homo erectus appelé Homme de Lantian, datés de 1,6 Ma (en 1964)[5].
Les artefacts ont été mis au jour dans le flanc d'un ravin du plateau de Lœss[6]. Le lœss étant un sol constitué de particules éoliennes (transportées par le vent) extrêmement fines, toutes les roches plus grosses trouvées dans les dépôts de loess ont dû y être apportées par des humains ou par des animaux[7].
Datation
Le site de Shangchen manquant de minéraux volcaniques, l'étude a daté les sédiments en utilisant la méthode du paléomagnétisme. La plus ancienne couche contenant des artefacts sur le site est datée de 2,12 millions d'années (loess L28), tandis que la plus récente est datée de 1,26 million d'années (paléosol S15), indiquant que le site a été occupé pendant 850 000 ans, mais pas nécessairement de manière continue. Certains des outils ont été trouvés avec des fragments d'os d'animaux, notamment de cerfs et des bovidés[4] ; les auteurs de l'étude n'évoquent pas d'éventuelles traces de percussion laissées par sur les os par des hominines[8] . Des scientifiques n'ayant pas participé à l'étude jugent les dates convaincantes[9]. Des vestiges encore plus anciens peuvent ne pas avoir été découverts : les couches les plus profondes de Shangchen sont inaccessibles depuis 2018 car la zone est « activement exploitée »[9].
La date de 2,12 Ma est antérieure de 300 000 ans à celle attribuée aux plus anciens fossiles connus d'humains archaïques en Eurasie (Homo georgicus, 1,8 Ma)[2]. Elle est également antérieure à celle attribuée au plus ancien fossile d'hominine trouvé en Asie de l'Est, l'Homme de Yuanmou, daté de 1,7 million d'années.
Description des artefacts
Une séquence d'une épaisseur de 39 mètres[10]. a livré 96 outils en pierre[2]. L'analyse de ces artefacts montre qu'il ne s'agit pas de pierres façonnées par des processus naturels, mais bien de galets taillés portant des traces de percussion et de retouches. Les pierres de quartzite qui ont servi à la fabrication des outils ont été transportées probablement depuis les monts Qinling, situés à 5 kilomètres[10].
Les auteurs de l'étude soulignent le fait que l'origine naturelle des artefacts revendiqués est exclue car Shangchen et ses environs immédiats n'ont pas de rivières anciennes connues, qui pourraient avoir sculpté des formes semblables à des outils. « L’objectif principal de ces pierres écaillées était de produire des éclats tranchants utilisables pour couper ou trancher. C’est une technologie simple mais efficace qui a été développée il y a 2,6 millions d’années en Afrique de l’Est » explique un coauteur de l'étude, Robin Dennell[11].
Hypothèses
Les fabricants d'outils
Aucun fossile d'hominine associé aux outils n'ayant été découvert sur le site, il est difficile de savoir qui a taillé ces pierres[1]. Les scientifiques supposent que les fabricants des outils étaient des Homo erectus, ou des ancêtres d'Homo erectus. Cependant, selon María Martinón-Torres, directrice du Centre national d'étude de l'évolution humaine en Espagne (CENIEH), « nous n'avons pas encore la réponse à la question relative à l'identité des premiers hominidés asiatiques »[1] de Shangchen. William Jungers (en), paléoanthropologue (Université de Stony Brook, New York), n'exclut pas que les artisans du site de Shangchen soient des australopithèques, un genre connu jusqu'à présent uniquement en Afrique[12],[9]. Les plus anciens outils lithiques jamais découverts, situés à Lomekwi, au Kenya, et datés de 3,3 millions d’années, sont l'oeuvre d'australopihèques[13],[10]. Le plus ancien outil lithique d'Asie en stratigraphie et également associé à des traces de boucherie découverts à Masol (Inde sous-himalayenne) est daté de plus 2,6 Ma par le géomagnétisme de la couche en place[14]. Son attribution à un homininé n'exclut pas Homo habilis[15]. Si l'hypothèse Homo erectus paraît également plausible, celle de pré-humains n'est pas écartée[10].
Les routes
«Pendant longtemps on a pensé qu'Homo erectus était passé par la Géorgie avant de se rendre en Asie, les choses ne se sont sûrement pas faites de manière aussi linéaire. Il y a sans doute eu plusieurs sorties et peut-être par plusieurs espèces qui ont pu emprunter des chemins différents.», déclare Hermine Xhauflair chercheuse à l'institut d'Archéologie de l'Université de Cambridge[16]. Les outils de Schangchen ont pu être rapprochés de découvertes antérieures en Asie, comme celle de dents d’un hominine mal identifié associées à des outils lithiques dans la grotte de Longgupo en Chine, datés de 2,5 millions d'années par le géomagnétisme des couches en place (voir Homme de Wushan) ; la datation et l'attribution de ce fossile à une espèce précise ont été cependant controversées[13],[10].
Les artisans de Shangchen descendent de populations qui ont dû effectuer un trajet entre l’Afrique de l’Est de l’Asie de l'Est d’environ 14 000 kilomètres[17]. Cette distance a pu être parcourue en 1000 à 3000 ans «avec une vitesse migratoire de 5 à 15 kilomètres par an» selon John Kappelman (Université du Texas) [17]. La découverte de Shangchen fait reculer de 10 000 générations environ la sortie d'Afrique des hominines telle qu'estimée antérieurement[11].
Références
- @NatGeoFrance, « Chine : la découverte d'outils en pierre repousse l'arrivée de nos ancêtres sur le continent », sur National Geographic, (consulté le )
- Zhu Zhaoyu (朱照宇), Dennell, Huang Weiwen (黄慰文) et Wu Yi (吴翼), « Hominin occupation of the Chinese Loess Plateau since about 2.1 million years ago », Nature, vol. 559, no 7715, , p. 608–612 (ISSN 0028-0836, PMID 29995848, DOI 10.1038/s41586-018-0299-4)
- « Des outils datés de 2,1 millions d'années en Chine - Hominidés », sur www.hominides.com (consulté le )
- Zhang Chen (张宸), « Paleolithic site discovered in Lantian County; evidence of hominins on the Loess Plateau from 2.12 million years ago », Institute of Archaeology, Chinese Academy of Social Sciences, (consulté le )
- Zhu, « New dating of the Homo erectus cranium from Lantian (Gongwangling), China », Journal of Human Evolution, vol. 78, , p. 144–157 (ISSN 0047-2484, PMID 25456822, DOI 10.1016/j.jhevol.2014.10.001)
- Carl Zimmer, « Archaeologists in China Discover the Oldest Stone Tools Outside Africa », The New York Times, (lire en ligne, consulté le )
- Robinson Meyer, « Ancient Humans Lived in China 2.1 Million Years Ago », The Atlantic, (lire en ligne, consulté le )
- (en) « Were Hominins In China 2.1 Million Years Ago? », sur Discover Magazine (consulté le )
- Barras, « Tools from China are oldest hint of human lineage outside Africa », Nature, (ISSN 0028-0836, DOI 10.1038/d41586-018-05696-8, lire en ligne)
- François Savatier, « Des hominiens en Chine il y a plus de deux millions d’années ? », sur Pourlascience.fr (consulté le )
- « La découverte d’outils repousse les dates de la présence de l’Homme en Asie », sur Sciencepost, (consulté le )
- « Des outils datés de 2,1 millions d'années en Chine - Hominidés », sur www.hominides.com (consulté le )
- « INFOGRAPHIE. Des outils vieux de 2,1 millions d’années montrent comment les humains ont conquis la Chine », sur Sciences et Avenir (consulté le )
- « UISPP, XVIIIe Colloque (Paris) - Sciencesconf.org », sur uispp2018.sciencesconf.org (consulté le )
- (en) Dambricourt Malassé A., « Hominin activities in the sub-Himalayan floodplain during the late Pliocene », sur Académie pontifcale des sciences,
- « Des Hominines pourraient avoir peuplé la Chine bien plus tôt que ce que l’on pensait », Le Temps, (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le )
Bibliographie
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- @NatGeoFrance, « Chine : la découverte d'outils en pierre repousse l'arrivée de nos ancêtres sur le continent », sur National Geographic, (consulté le )
- « INFOGRAPHIE. Des outils vieux de 2,1 millions d’années montrent comment les humains ont conquis la Chine », sur Sciences et Avenir (consulté le )
- Ann Gibbons, « Our ancestors may have left Africa hundreds of thousands of years earlier than thought », Science, (lire en ligne, consulté le )
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