Sekhukhune Ier

Sekhukhune Ier[note 1], né à Matsebe en 1814 et mort le , est le chef suprême (« roi ») des Pedi, un peuple proche des Sotho, installé depuis le début du XVIIIe siècle au Transvaal, dans une région située dans les actuelles provinces du Limpopo et du nord du Mpumalanga, entre la rivière Vaal et le fleuve Limpopo.

Il règne du jusqu'à son assassinat, le , perpétré par son rival et demi-frère, Mampuru II. En tant que dirigeant, il doit faire face à l'avancée du peuplement boer, à la république sud-africaine, à l'Empire britannique et aux changements sociaux considérables amenés par les missionnaires chrétiens.

Sekhukhune mène deux guerres importantes. La première, qu'il gagne, se déroule en 1876, et l'oppose à la République du Transvaal et ses alliés Swazi. La seconde, contre les Britanniques et les Swazi, en 1879, est perdue. Ces deux guerres sont appelées « guerres de Sekhukhune »[1],[2]. Sekhukhune, vaincu, est emprisonné à Pretoria jusqu'en 1881. Après son retour en son royaume, il est mortellement poignardé en 1882, à Manoge[3] par son son demi-frère et adversaire, Mampuru II[4],[5].

Biographie

Sekhukhune est le fils de Sekwati Ier, auquel il succède à la mort de ce dernier, le , supplantant son demi-frère Mampuru, pourtant premier dans l'ordre de succession, qui est soutenu par la fraction christianisée des Pedi[6]. Les autres membres de la fratrie, frères et demi-frères, sont Legolwana[2], Johannes Dinkwanyane et Kgoloko[3]. Sekhukhune épouse Legoadi IV en 1862 et s'installe à Thaba Mosego, dans les montagnes de Leolo[7],[1],[8], qu'il fortifie. Afin de renforcer son royaume et tenter de se préserver de la colonisation européenne, il envoie ses jeunes sujets travailler dans les mines et dans les fermes pour le compte des Blancs et il utilise leurs salaires pour se fournir en armes à feu et en bétail auprès des Portugais de la baie de Delagoa[1].

Durant son règne, le royaume est divisé ; son accession au trône est contestée par les partisans de Mampuru qui le considèrent comme un usurpateur et, quoique les Pedi ne connaissent pas une christianisation massive, il se crée une faction christianisée par les missions luthériennes autorisées à s'installer par Sekwati. Les missionnaires sont peu favorables au maintien du royaume et à Sekhukhune, considérant qu'il est un obstacle à la christianisation et qu'ils sont victimes de persécution[9].

Guerres de Sekhukhune

Précédents

Le père de Sekhukhhune, Sekwati Ier, s'oppose aux Trekboers lorsque ces derniers arrivent dans la région. En 1838, il les vainc à la bataille de Phiring. En 1846, ces mêmes Boers prétendent s'installer sur des terres à l'est de la rivière Steelpoort (en), dont ils disent qu'elles leur ont été vendues par les Swazi ; ils sont de nouveau repoussés[1]. Les tensions entre les deux groupes sont telles qu'en 1853 Sekwati décide d'abandonner sa capitale sise à Phiring pour s'installer dans une position montagneuse plus aisée à défendre militairement, Thaba Mosego[10].

Première guerre de Sekhukhune

Le , Thomas François Burgers, président de la république sud-africaine du Transvaal, à la recherche de terres pour le développement de son État, prétextant un vol de chariot et l'incendie d'une mission allemande, deux fausses nouvelles, déclare la guerre à Sekhukhune et aux Pedi pour « mettre fin à la menace Sekhukhune ». Ses troupes marchent sur Thaba Mosego où se trouve Johannes Dinkwanyane (en), demi-frère de Sekhukhune, qui administre là une partie du royaume. Le roi vient au secours de son demi-frère, et il parvient à repousser l'armée du Transvaal au début d'. En , Sekhukhune attaque à son tour une position boer, Fort Burgers, près de l'actuel Burgersfort (en) ; il n'arrive pas à la prendre, mais il tue plusieurs adversaires et s'empare du bétail qu'il considère qu'on lui a volé, ce qui était le but recherché. T.F. Burgers utilise ensuite les services du Lydenburg Volunteer Corps, des mercenaires commandés par l'Allemand Conrad von Schlickmann, qui sera tué à la fin de cette même année dans une embuscade, lesquels perpètrent des exactions dans la vallée de la rivière Steelpoort (en) (ou rivière Tubatse). Les harcèlements réciproques se poursuivent et les Pedi sont dans l'incapacité de semer leurs récoltes ; Sekhukhune est amené à faire des offres de paix. Le , les deux parties belligérantes, avec la médiation d'Alexander Merensky, un missionnaire allemand qui avait converti Johannes Dinkwanyane, signent un traité de paix à Botshabelo. L'incapacité des Boers à soumettre Sekhukhune et les Pedi coûte son poste à Thomas Burgers, remplacé par Paul Kruger, qui ne peut cependant s'opposer à l'annexion par les Britanniques, dirigés par Theophilus Shepstone, de la république sud-africaine du Transvaal, le [2],[1].

Seconde guerre de Sekhukhune

Les Britanniques, hostiles aux Boers, soutiennent politiquement les Pedi lors de la première guerre de Sekhukhune. Néanmoins, ils justifient l'annexion de la république et la création de la colonie britannique du Transvaal par, entre autres, l'incapacité des Boers à pacifier la région, ce qui menace les colonies du Cap et du Natal[1]. À l'origine, Sekhukhune ne refuse pas totalement la tutelle britannique, à l'inverse de celle des Boers, et il envisage éventuellement que son territoire puisse devenir un dominion ou un protectorat, à l'instar du Basutoland de Moshoeshoe. Mais, après l'annexion, les Britanniques entendent incorporer le territoire des Pedi dans la nouvelle colonie. En , le capitaine Clarke, est envoyé pour soumettre le roi ; il est mis en déroute. Après cela, une force de 1 800 hommes, dirigés par le colonel Rowlands, fait une autre tentative entre août et , une nouvelle fois sans succès. Une troisième tentative, en juin-, sous le commandement du colonel Lanyon, échoue elle aussi[1].

Les Britanniques qui sont, à ce moment, engagés dans des guerres coloniales dans la colonie du Cap, dans la colonie du Natal, au Lesotho (prémices de la guerre des armes à feu), contre les Ashanti du Ghana, et, hors du continent africain, en Afghanistan et à Chypre, attendent avant de défier à nouveau Sekhukhune. Après la bataille d'Ulundi, le , dernier affrontement de la guerre anglo-zouloue, l'effort militaire britannique redevient possible. En , Garnet Joseph Wolseley, à la tête de 2 000 soldats britanniques et 10 000 Swazi, défait son adversaire[11] à l'occasion d'une bataille à Thaba Mosego, qui fait rage du au [1]. Sekhukhune est capturé et, le , il est emprisonné à Pretoria[2],[12].

Suites et conséquences

Le roi Sekhukhune et sa famille, vers 1878-1879.

Le , le traité de Pretoria, mettant fin à la première guerre des Boers, est signé. Il prévoit, par son article 23, que Sekhukhune doit être relâché. Sa capitale ayant été rasée par le feu, ce dernier s'installe à Manoge. Le , il est assassiné par son demi-frère, Mampuru II, qui affirme être le roi légitime. Mampuru s'enfuit, mais il est capturé par les Boers, jugé sous l'accusation de meurtre, et pendu à Pretoria le [3],[1].

Postérité

The Times, journal londonien, qui à l'époque n'a guère l'habitude de rapporter la mort des dirigeants africains, publie, le , un article à son sujet, rappelant sa résistance contre les Boers et les Britanniques :

… We hear this morning … of the death of one of the bravest of our former enemies, the Chief Sekhukhune… The news carries us some years back to the time when the name of Sekhukhune was a name of dread, first to the Dutch and then to the English Colonists of the Transvaal and Natal…

 The Times[1]

« Nous apprenons ce matin […] la mort de l'un des plus courageux de nos anciens ennemis, le chef Sekhukhune […] La nouvelle nous ramène quelques années en arrière, à l'époque où le nom de Sekhukhune était un nom redoutable, d'abord pour les colons néerlandais, puis pour les colons anglais du Transvaal et du Natal. »

Après la mort de Sekhukhune le royaume Pedi est divisé en petites entités dirigées par des commissaires autochtones. Son petit-fils, Sekhukhune II, dans une volonté de restaurer le royaume et de venger son grand-père, s'affronte aux factions pedi qui ne le reconnaissent pas, notamment les Pedi christianisés, lesquels, depuis 1865, sont officiellement autorisés par la république boer d'Afrique du Sud à porter les armes. Profitant des débuts de la seconde guerre des Boers, Sekhukhune II lance le une attaque contre Kgolane, un dirigeant mis en place par les Boers de la république du Transvaal. Il attaque ensuite Mamone, le , mais il est repoussé par les Boers et ses opposants pedi qui sont Malekutu, Tisane et Kgolane. Des combats sporadiques se poursuivent jusqu'à l'occupation de Lydenburg par les Britanniques en . La défaite de Sekhukhune II marque la fin de la résistance pedi[13]. Les Pedi christianisés aideront notamment les Britanniques dans leurs efforts contre la guérilla boer[14].

Le district de Sekhukhune, dans l'actuelle province du Limpopo, porte son nom depuis 2000 ; la région est aussi appelée Sekhukhuneland. Cela fait du roi le seul monarque africain à avoir une région et un district portant son nom[réf. souhaitée]. La mémoire de Sekhukhune Ier continue à être commémorée[15].

Articles connexes

Notes et références

Notes

  1. Parfois Sekukuni ou Secocoeni.

Références

Bibliographie

  • (en) « Pedi & Anglo-Pedi Wars 1876-1879 », South Africa History Online, .
  • (en) « King Sekhukhune », South African History Online, .
  • (en) Thapelo Motseo, « King Sekhukhune I colourfully remembered », sur sekhukhunetimes.co.za, (consulté le ).
  • (en) Dolphin Mabale, Contested Cultural Heritage in the Limpopo Province of South Africa: the case study of the Statue of King Nghunghunyani (thèse), University of Venda, .
  • (en) Peter Delius et Kirsten Rüther, « The King, the Missionary and the Missionary's Daughter », Journal of Southern African Studies, vol. 39, , p. 597-614 (DOI 10.1080/03057070.2013.824769).
  • (en) South Africa, North Gauteng High Court, Pretoria, « Bapedi Marote Mamone v Commission on Traditional Leadership Disputes and Claims and Others (40404/2008) [2012] », sur saflii.org, Southern African Legal Information Institute, (consulté le ).
  • (en) Felix Malunga, « The Anglo-Boer South African War: Sekhukhune II goes on the offensive in the Eastern Transvaal, 1899-1902 », Southern Journal for Contemporary History, vol. 25, no 2, , p. 57–78 (ISSN 2415-0509, lire en ligne).
  • (en) Peter Delius, The land belongs to us: the Pedi polity, the Boers and the British in the nineteenth-century Transvaal, Heinemann, (ISBN 978-0-435-94050-8, lire en ligne).
  • (en) David Gemmell, Sekhukhune: Greatest of the Pedi Kings, Heritage Publishers, (ISBN 978-0-992-22883-5).
  • (af) E. J. Du Plessis, 'n Ondersoek na die oorsprong en betekenis van Suid-Afrikaanse berg- en riviername: 'n histories-taalkundige studie [« Une enquête sur l'origine et la signification des noms des montagnes et des rivières sud-africaines : étude historico-linguistique »], Le Cap, Tafelberg, (ISBN 978-0-624-00273-4, lire en ligne)
  • (en) H.W. Kinsey, « The Sekukuni wars, part II », South African Military History Journal, vol. 2, no 6, (lire en ligne, consulté le ).
  • (en) « General Foreign News; the Kafir War in South Africa. The Attack on the Transvaal Province by Secocoeni, the Government Unprepared. Apprehensions of Attack from the Zulu King Cetewayo. Fighting the Gaikas Under Sandill, the Frontier Very Restless », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
  • (en) « Sekukuni [sic] & Family », sur collection.nam.ac.uk, National Army Museum, Londres, s. d. (consulté le ).

Liens externes

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