Sébastien Harrisson

Sébastien Harrisson, né en 1975 à Matane au Québec, est un auteur de théâtre contemporain, directeur artistique, enseignant[1] et metteur en scène québécois[2].

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Biographie

Sébastien Harrisson écrit sa première pièce à l'âge de 15 ans[3]. Au départ, il joue en tant qu'acteur/comédien amateur et pense que cet art va faire de lui une meilleure personne, lui donner accès à des sphères inédites de l'expérience humaine et, grâce au travail d'équipe, lui permettre d'approcher une dimension sacrée. Mais, il décide finalement de se tourner vers l'écriture, au détriment du jeu, qui lui donnera toutes les possibilités d'élévation qu'il cherchait. Il a été guidé par Claudel, Shakespeare, Koltès, Py, Marchessault, Audureau et Cocteau[4].

Après des études en littérature à l'UQAM, il est admis, à 18 ans, au programme d'écriture dramatique de l’École nationale de théâtre du Canada[1]. Il y acquiert sa formation auprès de certaines des figures les plus importantes du théâtre québécois, dont André Brassard, René-Daniel Dubois, Suzanne Lebeau et Normand Chaurette. Il est diplômé en 1998 et l'année suivante, en 1999, il obtient la prime à la création du Fonds Gratien-Gélinas et la bourse Louise-LaHaye, grâce à sa pièce intitulée Floes[1]. Puis en 2001, il fait ses débuts sur la scène professionnelle en entrant par la grande porte : deux de ses pièces, Floes, avec laquelle le public va le découvrir[5] et Titanica, sont créées la même année au Théâtre d'Aujourd'hui et il est invité comme auteur en résidence au sein de ce théâtre.

Dès lors, son écriture, qui allie lyrisme et propos actuel, s’impose comme l’une des plus singulières de la dramaturgie québécoise contemporaine et suscite un intérêt par-delà les frontières. En France, il est joué sur plusieurs scènes, dont le Théâtre national de Strasbourg, le Théâtre de la Commune d'Aubervilliers et le Théâtre du Peuple de Bussang, en plus d’être invité comme auteur en résidence au sein de diverses structures, notamment le Lire à Limoges et la Cité internationale des arts de Paris. Du côté anglophone, il sera auteur en résidence à la Banff Playwrights Colony et à la compagnie Paines Plough de Londres.

Rapidement, il s’intéresse aussi à l’écriture jeune public qui lui permet d’élargir le spectre de sa démarche et d’approfondir la veine « fantastique » propre à son travail. Il signera notamment pour les enfants Tara au théâtre de l’océan et Stanislas Walter LeGrand, de même que D’Alaska et Musique pour Rainer Maria Rilke en direction du public adolescent[2].

Puis de 2008 à 2013, il dirige le Théâtre Bluff, une compagnie de création pour adolescents fondée dans les années 1990 et à laquelle il donne un nouveau souffle. En plus de ses propres textes, il y programme le travail de différents auteurs contemporains, dont Un monde qui s’efface de la poétesse et dramaturge américaine Naomi Wallace dont il signe lui-même la mise en scène.

En , il participe pour la première fois au Jamais Lu, ce dernier qui couvre sa 12e édition[6].

En , il est nommé à la direction artistique de la compagnie Les Deux Mondes, compagnie qui lui permet de concilier ses deux passions : le jeune public et le grand public.

Traduit en anglais, en allemand, en flamand et en espagnol, son théâtre est publié par Leméac, Dramaturges Éditeur, Verlag der autoren et Playwrights Canada Press[7].

Le Théâtre Bluff

Missions

Fondé en 1990, il développe et produit de la dramaturgie contemporaine, d'ici et d'ailleurs, auprès des adolescents. C'est un lieu de rencontres avec des créateurs sensibles aux dialogues intergénérationnels. Ce théâtre propose des œuvres qui ont un regard ouvert et engagé sur les préoccupations du monde d'aujourd'hui[8] et prône un théâtre de création qui mise sur la parole provocante des auteurs contemporains[9].

Sous la direction de Sébastien Harrisson

Sébastien Harrisson reprend la direction de ce théâtre, avec un mandat de seulement cinq ans, alors que la compagnie avait énormément de difficultés, surtout sur le plan artistique. C'est un risque pour lui, car cela aurait pu compromettre la poursuite de ses activités. Il prend les commandes avec le désir de vouloir un théâtre où la production établit un dialogue avec son public adolescent, de 14 ans et plus, et suscite chez lui le goût de l'art théâtral, dont les jeunes gens semblent se désintéresser[9].

Ce qui l'a porté c'était d'avoir un bon texte, "S'embrasent", de l'auteur français Luc Tartar, et qui a conquis le public malgré une dizaine de pages seulement. Il ne voyait pas ce qu'il pourrait être sur scène mais voyait en ce texte une œuvre complète, une parole forte. Il dit ne jamais avoir douté du texte. Mais sa préférence pour un artiste francophone a été déterminée car la plupart des auteurs montés au Québec sont anglophones ou, particulièrement pour le jeune public, 100% québécois. Mais ce qui l'a poussé aussi à prendre cette décision était qu'il ne voulait pas être "l'auteur maison", ni se cantonner à une seule compagnie ou à un seul style que ce soit jeune public, adolescent ou adulte. Et pour éviter d'être pris dans un engrenage d'où l'on arrive pas à sortir, où l'on tourne en rond et que l'on écrit un texte car il faut le faire.

Il fit le choix de prendre Éric Jean, en tant que metteur en scène, car il voulait amener des personnes qui ne sont pas du milieu du théâtre jeunes publics, avec des démarches nouvelles, qui puissent aller à leur rencontre.

Selon les souhaits du conseil d'administration qui l'engageait, il a accepté de produire un de ses textes, en collaboration avec le Théâtre Denise-Pelletier, Musique pour Rainer Maria Rilke, qui sera joué l'année d'après.

En prenant les rênes du Théâtre Bluff, Sébastien Harrisson a réfléchi à l'identité qu'il voulait donner à la compagnie. Il veut faire découvrir aux adolescents la dramaturgie contemporaine et pour cela la compagnie créa l'activité "Aficionado", en collaboration avec la Commission scolaire des écoles de Laval. Ce projet consiste en ce qu'un comité de jeunes lecteurs délégués par l'école, se réunisse six fois par an pour discuter de cinq textes qui leur sont donnés par le Théâtre Bluff. Leurs rencontres sont supervisées par Geneviève Bilette, et donnera suite à une lecture publique, par des artistes professionnels, de leur coup de cœur pour lequel ils vont devoir expliquer et justifier leur choix devant un public. Ce fut un grand succès, malgré un texte éloigné de la réalité des adolescents, mais qui réussit tout de même à poursuivre le projet l'année suivante[10].

Après cinq ans en tant que directeur artistique, Sébastien Harrisson ne renouvelle pas son mandat car il pense avoir réussi sa mission et ne voulait pas se limiter à la création pour adolescents[11].

Théâtre Les Deux Mondes

Missions

Fondé en 1973, sous le nom de La Marmaille[12], par Daniel Meilleur, Monique Rioux et France Mercille, la compagnie se dédie à la recherche et à la création contemporaine[11]. Dans les années 90, le théâtre change de nom pour Les Deux Mondes car il veut intégrer deux types de public, réunir le théâtre pour enfants et adultes[12]. Le processus de création est axé sur la recherche et l'expérimentation, les créateurs se rencontrent pour créer des univers poétiques et humanistes[2].

Sous la direction de Sébastien Harrisson

Sébastien Harrisson va mettre en place des cycles de création de spectacles en alternance, une œuvre grand public une année et une jeune public l'année suivante. En automne 2014, il créait la pièce, de l'auteur Philippe Dorin, Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu, pour les enfants à partir de 7 ans, et joué au Festival Les Coups de Théâtre. Puis, en , il présente une de ses propres pièces, La Cantate intérieure, pour un public adulte et joué au Théâtre des Quat'Sous[12].

Il veut que la place du texte reste importante dans le processus de création de sa compagnie.

Comparé au Théâtre Bluff, il ne se donne pas de temps limité à l'exploration pour les différents types de public. Il souhaite que les spectacles pour enfants soient aussi des bons spectacles pour adultes et inversement, comme la pièce Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu, joué devant un public mixte. C'est pour cela qu'il favorise la rencontre des créateurs appartenant à l'un ou l'autre des milieux, comme à diverses disciplines.

Le Théâtre Les Deux Mondes va multiplier ses explorations vidéographiques et sonores dans leurs spectacles et ainsi acquérir beaucoup de matériel et d'équipement technique. Ils vont aussi concevoir un studio d'enregistrement et un atelier de construction de décors. Cela servira pour les productions maisons, les artistes en résidence ou même en location pour des groupes qui souhaitent réaliser des projets de création[11]. Cela sera utile car Sébastien Harrisson invitera deux artistes associés dont une artiste en arts visuels et performeuse, exploratrice de projections numériques et de robotique, Manon de Pauw et un danseur, Pierre-Marc Ouellette sur le projet Les Cocons somatiques. En parallèle, avec eux, il veut réaliser un spectacle pour enfant presque sans paroles.

Sébastien Harrisson, en tant que auteur-directeur, se rend compte qu'il doit évoluer et entame une démarche d'écriture de plateau, où tout ce fait au bord du plateau en "dialogue avec les comédiens", c'est-à-dire, en collectif grâce à de l'improvisation qui se fait sur la scène par les comédiens et les suggestions du metteur en scène, dont l'auteur retient les idées, qu'il note, pour éventuellement les garder ou s'en inspirer[12].

Regards sur l’œuvre (influence/postérité)

On peut affirmer que Sébastien Harrisson est apprécié à l'international par le fait qu'il soit traduit dans plusieurs langues mais aussi car ses pièces sont montées ailleurs dans le monde. En effet, c'est le cas en France où sa renommée devient de plus en plus importante.

Rayonnement en France

En 2002, il commence par une résidence d'écriture au festival international des théâtres francophones en Limousin (Limoges). Peu de temps après, il y a une réaction importante sur sa pièce Titanica, mise en scène par Olivier Py, au Centre dramatique national d'Orléans, qui lui vaut d'être recommandé au Théâtre National de Strasbourg.

En 2003, il est auteur en résidence au Bassin d'Arcachon (Gironde) et au Théâtre Artistic Athévains (Paris). Dans la même année, sa pièce Floes est mis en lecture au Festival d'Eysine.

En 2004, Floes est mise en scène par Christian Rousseau et produit par les Enfants du Paradis, une compagnie de Gironde. Cette année-là, la saison du TNS est ouverte avec Titanica, par Claude Duparfait, et organisera une lecture de la Traite des peaux. La production va ensuite se rendre à Toulouse, Orléans et Paris. S'ensuit la mise en espace, par Olivier Py, d'Un petit renard affolé sur l'épaule du génie au CDN d'Orléans[1].

Regards de l'auteur sur ses œuvres

Les textes de Sébastien Harrisson sont montés au Québec mais aussi en France. Celui-ci voit une différence, entre ces deux cultures, au niveau du point de vue qu'elles ont sur ses écrits.

En effet, pour lui, au Québec :

"La tradition québécoise, la tradition théâtrale et la tradition de jeu est extrêmement réaliste et naturaliste. Donc pour les acteurs québécois entrer dans mon univers c'est toujours une sorte de défis. La plupart, d’emblée, vont essayer de le jouer d'une façon naturaliste, réaliste et ça fonctionne pas du tout, ça tient pas la route. Mais généralement, ils s'adaptent et trouve une formule pour le rendre."[3]

Tandis qu'en France :

"La particularité c'est qu'en France, quand les gens abordent mon univers ils le font, d'emblée, d'une façon naturelle. Il y a quelque chose, ou se ton un peu fantaisiste assez littéraire, semble plus facile pour eux. C'est une observation pas totalement impartiale parce que je suis l'auteur donc c'est un peu difficile de juger de ça mais j'ai l'impression que c'est plus naturel pour des acteurs français de porter mes textes."[3]

Style d'écriture

Son écriture est un mélange de genres avec une langue littéraire, ciselée mais qui n'occulte jamais la fable et appelle la scène. Il ne veut pas se cantonner à un seul style et écrit tout autant des comédies que des drames et ceux-ci sont souvent entremêlés dans ses œuvres. Il parvient à combiner les sphères de l'intimes et du collectif, le comique et le tragique, la jeunesse et la vieille, l'histoire et l'actualité[1]. Harrisson évite le naturalisme et le symbolisme mais met sur scène des personnes exclus (sans domiciles fixes, homosexuels...). Son théâtre se joue du trouble, il veut déconstruire l'identité. Dans son écriture on remarque qu'il offre une vision du monde multiple et diversifiée. De plus, il réussit à mettre sur scènes diverses époques et réalités, tout comme il arrive à amener l'opposition de la mort et de la vie[12]. Plus tard, Sébastien Harrisson va exploiter l'écriture de plateau, qui lui permet de trouver de nouvelles choses, non possible dans la solitude, et renouveler son écriture. Son style est défini aussi, par le fait qu'il pense que l'auteur n'a pas à se préoccuper du public à qui il s'adresse. Il ne doit pas "écrire pour..." car cela fait perdre l'universalité du propos. Il veut donc présenter des pièces pour un public mixte, comme Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu qui en est un très bon exemple[10].

Distinctions

Liste des œuvres

En tant qu'auteur dramatique

  • Titanica, la robe des grands combats (1997)
  • Dialogue au fond d’un ruisseau (1998)
  • Le Récit des roches (1998)
  • Floes (1999)
  • Tara au théâtre de l’océan (2001)
  • Un petit renard affolé sur l’épaule du génie (2003)
  • Magistrat (2004)
  • La traite des peaux (2004)
  • Stanislas Walter LeGrand (2005)
  • D’Alaska (2006)
  • L’Espérance de vie des éoliennes (2009)
  • La Chevauchée aveugle (2010)
  • Musique pour Rainer Maria Rilke (2011)
  • La Cantate intérieure (2013)
  • Les inventions à deux voix (2019)

En tant que directeur artistique

  • Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu (2014)
  • Warda, coproduction avec le Rideau de Bruxelles (2016)

Mises en scène (au Québec)

  • Floes (2001)
  • Titanica, la robe des grands combats (2001)
  • Tara au théâtre de l'océan (2003)
  • Alaska (2007)
  • Cantate intérieure (2015)
  • Warda (2018)

Pièces radiophoniques

Bibliographie

  • Bertin, R. (2011). Sébastien Harrisson et le Théâtre Bluff : place au renouveau. Lurelu, 33(3), 9-1.
  • Harrisson, S. (2008). Retrouver l’adolescence du théâtre. Jeu, (128), 74-75.
  • Saint-Pierre, C. (2006). Sébastien Harrisson : absurdité et splendeur de notre monde. Jeu, (120), 133-136.
  • Bertin, R. (2016). Les Deux Mondes de Sébastien Harrisson. Jeu, (159), 80-83
  • Bertin, R. (2011). Sébastien Harrisson à la barre des deux mondes. Lurelu, 39(1), 19-20.

Références

  1. Christian Saint-Pierre, « Sébastien Harrisson : absurdité et splendeur de notre monde », Jeu : Revue de théâtre, no 120, , p. 133–136 (ISSN 1923-2578 et 0382-0335, lire en ligne, consulté le )
  2. « Compagnie - Les Deux Mondes », sur lesdeuxmondes.com (consulté le )
  3. « Entretien avec Sébastien HARRISSON - theatre-contemporain.net », theatre-contemporain.net (consulté le )
  4. Sébastien Harrisson, « Le jeune homme évanoui saura-t-il me libérer de l’ennui ? », Jeu : Revue de théâtre, no 141, , p. 82–87 (ISSN 1923-2578 et 0382-0335, lire en ligne, consulté le )
  5. « Sébastien Harrisson Archives », sur Théâtre Jean Duceppe (consulté le )
  6. « 12e Jamais Lu : rencontre avec Sébastien Harrisson », sur JEU Revue de théâtre, (consulté le )
  7. « Compagnie - Les Deux Mondes », sur lesdeuxmondes.com (consulté le )
  8. « Accueil - BLUFF - Théâtre de création », sur bluff.qc.ca (consulté le )
  9. Sébastien Harrisson, « Retrouver l’adolescence du théâtre », Jeu : Revue de théâtre, no 128, , p. 74–75 (ISSN 1923-2578 et 0382-0335, lire en ligne, consulté le )
  10. Raymond Bertin, « Sébastien Harrisson et le Théâtre Bluff : place au renouveau », Lurelu : La seule revue québécoise exclusivement consacrée à la littérature pour la jeunesse, vol. 33, no 3, , p. 9–10 (ISSN 1923-2330 et 0705-6567, lire en ligne, consulté le )
  11. Raymond Bertin, « Les Deux Mondes de Sébastien Harrisson », Jeu : Revue de théâtre, no 159, , p. 80–83 (ISSN 1923-2578 et 0382-0335, lire en ligne, consulté le )
  12. Raymond Bertin, « Sébastien Harrisson à la barre des Deux Mondes », Lurelu, vol. 39, no 1, , p. 19–20 (ISSN 1923-2330 et 0705-6567, lire en ligne, consulté le )

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