Quimbois

Le quimbois, kenbwa en créole guadeloupéen (tchimboi ou tjenbwa en créole martiniquais et tienbois ou tchenbwa en créole guyanais) est l'équivalent, pour les Antilles françaises et la Guyane, du vaudou haïtien, de la santeria cubaine et du candomblé brésilien. Ce serait davantage le nom générique des pratiques magico-religieuses issues du syncrétisme religieux.

Le désir d'étymologie veut que le mot « quimbois » viendrait d'un mot de la langue Kikongo kimbw qui signifie « connaissance ». C'est d'ailleurs le même mot qui est à l'origine du mot Kimbisa (de Palo Kimbisa, religion afro-cubaine d'origine Kongo et ressemblant fortement au « Quimbois ») et du mot « Kimbanda », qui désigne une branche de l'Umbanda, religion afro-brésilienne. Toutes ces religions fonctionnent selon les mêmes principes animistes, propres aux civilisations bantoues, dont les origines remonteraient à l'Égypte antique.

Face à l'intolérance religieuse des catholiques, le kimbwa est devenu simple magie noire, ou superstition et croyances, et les quimboiseurs ou gadè-zafè[1] sont souvent désignés comme des sorciers : c'est très réducteur. Loin de tout cela, ce dernier est avant tout un « maître de la connaissance », c'est-à-dire qu'il est celui qui déchiffre ce qui n'est pas immédiatement compréhensible : il ne lit pas l'avenir, il transforme ce qui est indéchiffrable à l'esprit humain en connaissance. C'est une personnalité importante dans le processus de création du sens, par la parole, le chiffre, ou l'écriture. Il est, à l'instar du dieu Thot / Djehouty antique, interprète des dieux, il est détenteur de la connaissance et il a le devoir de la diffuser. On le consulte par exemple, parce qu'il sait comment s'adresser aux dieux, surtout lorsqu'il faut prendre une décision importante, lorsque l'avenir semble bouché, ou lorsqu'on se trouve à la « croisée des chemins ».

En tant qu'interprète des dieux (des « L'lwa » ou des Saints), il est très respecté, car il peut être redoutable. Il ne faut pas confondre le Quimboiseur - le « maître de la connaissance » - et le « Docteur Feuilles ». Le fameux « tiens-bois » de la légende concerne certainement le "Docteur Feuilles", dit le Guérisseur. C'est un praticien de la médecine par les plantes.

Pratiques

  • Rites lors des étapes de la vie et des fêtes traditionnelles ;
  • Protègements (protections contre les pouvoirs maléfiques) :
    • Bains démarrés (bendémaré)(pour ôter la malchance), bain de chance ;
    • Talismans : médailles et images de saints ;
    • Protection contre l'envoûtement ;
    • Protection et désenvoûtement des véhicules : citrons, gros thym, feuilles de fromager, médaille et invocation à saint Raphaël le soir du .
  • Charmes :
  • Guérison à l'aide de plantes. Récupération de sang malade à l'aide d'un œuf de poule maléficié avec une grande clef ;
  • Prédictions
  • Confection d'un "bois montée" pour opérer des rites de vengeance avec l'aide d'esprit de serpent mis à macérer en ligueur d'eau croisée (cette potion est actuellement très rare compte tenu de la complexité de l'opération qui nécessite trois têtes de serpents femelles gravides sur lesquels sont pratiqués des rites funéraires et sont pris des engagements mystiques très importants)
  • Relations avec le monde invisible par l'intermédiaire des "saints" - "sen" en créole, en fait les lwa, les Orixas ou Orisha des religions afro-caribéennes

Envoûtements

On appelle aussi quimbois les paquets utilisés pour envoûter une personne. Ils sont l'équivalent des "ouangas" du vaudou haïtien. Ces paquets sont composés de divers éléments (inscriptions, petits cercueils, crapauds morts) ou d'ingrédients (poivre, sel...). Le quimboiseur les place là où la personne passera (par exemple devant sa porte). Si la personne l'enjambe, elle tombe sous l'emprise de l'envoûtement.

Une cuillère retournée contre le sol peut aussi servir, mais pour porter chance ou résoudre une affaire.

Créatures surnaturelles

  • Le soucougnan ou souklian ou volant, sorte de vampire qui peut prendre l'apparence d'une boule de feu ou d'un oiseau noir. Son arbre de prédilection est le fromager, appelé "arbre aux esclaves" aux Antilles. Le fromager servait a punir les esclaves récalcitrants : ils étaient attachés par des liens en cuir que l’on mouillait, les rayons du soleil se chargeant de les rétrécir provoquant ainsi l’entrée des épines dans les chairs du supplicié, lacérant la peau. La légende prétend que les soucougnans enlèvent leur enveloppe humaine (leur peau) à la nuit tombée, l’accrochent aux branches[2]. Il est appelé aussi "jan gajé", signifie qu'une personne a passé un pacte avec le diable. On attribue souvent la transformation en soucougnan à des femmes qui partent boire le sang de leurs victimes[3].
  • Le dorlis est un homme doté du pouvoir d'invisibilité qui abuse des femmes dans leur sommeil, comme l'incube, appelé mari de nuit
  • La diablès ou diablesse prend la forme d'une belle femme élégante au bord des rivières, qui entraîne les hommes dans les bois. Ils ne reviennent jamais vivants. Elles sont parfois décrites comme ayant des sabots de cheval à la place des pieds (rappelant la légende marocaine d'Aïcha Kandicha).
  • Manman dlo, la mère des eaux, équivalent de Simbi, Yémanja, yemaya, Mamy wata est bien plus qu'une sirène des mythologie qui fait chavirer les barques, et qu'on apaise en lui lançant un peigne. Une sculpture la représentant se trouve dans la mer, face à Saint-Pierre. Voir aussi Mami Wata.
  • Les zombis ou zèspri, vient de Nzambé, Dieu en kikongo.
  • Les mofwazé ou morphroisés (de "métamorphosés") sont des entités en forme de chien.
  • Le terme bokor appartient plus au vocabulaire du vodoun haïtien. En Guadeloupe, c'est le nom d'un gros crabe. On peut les chasser avec de l'eau bénite, ou en les frappant avec des branches de bois-pini, épineux et non de cerisier-pays, néanmoins d'acacia.

Exemples de rituel magico-religieux

Rituel du gran débarrassé

Le rituel du "gran débarrassé" dans les pratiques magico-religieuses antillaises est souvent destiné à reprendre possession d'un lieu d'habitation après qu'il a été souillé par des ondes ou des personnes négatives qui viennent de se disperser. Il débute en général le vendredi, se poursuit le samedi et s'achèvent le dimanche. Ces trois phases successives comportent pour chaque jour une période de démolition (cassage), une de nettoyage (ablution) et une d'ornement (offrande d'encens). L'opérant est généralement prêt ou initié aux pratiques magico-religieuses caribéennes. Il doit agir en présence des occupants durant les trois phases afin qu'ils s'imprègnent des rites et des énergies purificatives qui vont se libérer au cours du rituel. Ce rituel fait appel aux forces élémentaires et aux génies des terres esclaves (gran mèt douvan deyè, ti frè bwa difé,...). On ne peut pas le pratiquer en présence d'une femme pendant la période de flux menstruel. Il ne doit pas non plus être pratiqué par une femme vierge ou ayant renoncé à des rapports sexuels. Selon les écrits du docteur Pation Donkoupi, médecin missionnaire à la Martinique en 1912 [Un regard mystérieux sur une île magique], ce rituel était régulièrement opéré par les gens du nord de l'île après chaque départ provoqué ou naturel. On prétend qu'il permettrait de capturer de très nombreuses énergies négatives voire des entités dépêchées pour nuire à une population, une famille, une personne... Quelques rares ouvrages livrent encore ces secrets avec les mots de pouvoir qui correspondent.

Ouverture du samedi

Le vendredi vers 20 heures, l'opérant et les participants se lavent la main et les pieds avec du lait, de l'eau et des feuilles séchées d'acacia. Les énergies négatives sont capturées au moyen d'une poudre d'aimant sur laquelle une charge a été déposée par l'opérant. Ce dernier travaille avec des bougies, des parfums, des lotions, des potions et un mélange particulier d'épices antillaise. Il fait appel à des forces pour l'aider à capturer et à casser les sortilèges et les malédictions qui ont été proférées sur le lieu ou la personne qui y réside. Plusieurs prières sont dites pour casser et neutraliser les ombres qui se dévoilent en donnant leur nom. Durant cette phase, des manifestations peuvent se produire et des énergies peuvent se disperser et faire courir aux occupants un danger qu'il faut neutraliser.

Poursuite du samedi

Le samedi matin, jour du baron selon la tradition vaudou, l'opérant prononce la mort des énergies et poursuit une phase de transmutation si nécessaire. Il fait des ablutions d'eau et de lotions arrangées.

Clôture du dimanche

Le dimanche soir, l'opérant offre des parfums et prononce la grande bénédiction de Sainte Catherine.

Il semblerait que ce rituel soit encore utilisé par quelques initiés à la Martinique mais qui disparaissent sans livrer leurs secrets (préciser les sources).

Notes et références

  1. Le gadè-zafè Le Progrès social n° 2546, 21 janvier 2006
  2. LE FROMAGER « Ceiba pentandra » Habitation La chéry Le Diamant Martinique
  3. http://nysida.over-blog.fr/article-32827643.html

Annexes

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Gerson Alexis, Vodou et quimbois : essai sur les avatars du vodou à la Martinique, Port-au-Prince, Editions Fardin, 1976.
  • Ary Ebroïn, Quimbois, magie noire et sorcellerie aux Antilles, Paris, Jacques Grancher, 1977.
  • Simonne Henry Valmore, Dieux en exil : Voyage dans la magie antillaise, Paris, Gallimard, 1988.
  • Hermann Perronnette, Neuf histoires de quimbois : faits vécus de sorcellerie aux Antilles, Fort-de-France, Desormeaux, 1982.
  • Eugène Revert, La magie antillaise, Paris, Bellenand, 1951 ; Annuaire international des Français d'Outre-mer, 1977.

Articles connexes

Lien externe

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