Propriété éminente

La propriété éminente, appelée aussi domaine éminent, est une forme de droits de propriété en droit seigneurial.

Présentation

Une personne ou une institution possède la propriété éminente d'une terre lorsqu'elle en possède les droits de propriété, mais qu'elle ne l'exploite pas elle-même.

C'est le cas de la seigneurie foncière des campagnes et des villes au Moyen Âge classique, ou encore de la Couronne espagnole sur les terres américaines à l'époque moderne.

La propriété (ou le domaine) éminente s'oppose au domaine (ou à la propriété) utile qui est l'ensemble des droits de celui qui exploite le fond et qui en recueille les fruits.

La propriété éminente d'un domaine correspond plus à celle, actuellement, d'une commune par rapport à un propriétaire, qu'à celle d'un propriétaire par rapport à un locataire ou à un fermier. En effet, le propriétaire éminent n'a ni la possibilité de reprendre le domaine utile, ni celle d'en augmenter le cens, ni celle de l'améliorer (c'est le censitaire qui construit). De son côté, le titulaire du domaine utile a la possibilité de le louer ou de le vendre.

Le statut de la noblesse interdisait de retenir le domaine utile, c'est-à-dire de l'exploiter directement pour soi-même, excepté la partie du domaine principal appelée "réserve seigneuriale". Déroger à ce statut faisait perdre la qualité de noble. C'est à cause de cette règle, qui interdisait aux nobles de concurrencer les non nobles dans leur domaine, que le système latifundiaire a très tôt disparu en France.

La distinction domaine éminent/domaine utile a disparu en France dans la période révolutionnaire, qui met fin à nombre d'institutions féodales, d'abord par l'abolition des privilèges. Ensuite par la redéfinition du droit de propriété, dans la déclaration des droits de l'homme (... inviolable et sacré, si ce n'est l'utilité publique, légalement constatée...), définition à rapprocher de l'affirmation "l'homme est libre, car il s'appartient à lui-même", la propriété sur l'homme étant à la base de sa liberté, cette propriété était nécessairement "inviolable et sacrée". Puis dans le code civil qui fait de la propriété un droit absolu avec usus, fructus, abusus indissociables, probablement par réintroduction des institutions du droit romain. Les démembrements de la propriété ont été réintroduits, par nécessité, progressivement, d'abord en nue-propriété/usufruit, plus tard en copropriété des parties communes, sans retourner à la définition féodale de la propriété. La distinction féodale domaine éminent/domaine utile demeure en droit anglo-saxon, essentiellement en Angleterre pour définir les relations entre le propriétaire du sol, celui des bâtiments et des parties communes et celui de l'appartement particulier, et dans une moindre mesure en droit américain pour, par exemple, définir la possibilité pour un état d'user de son autorité pour exproprier une propriété privée, éventuellement au bénéfice d'une autre personne privée. Ceci pose la question délicate de réconcilier une constitution républicaine avec une institution de droit féodal.

Cas du Québec

Au Québec, la propriété éminente issue du régime seigneurial a connu une exceptionnelle longévité. En 1854, sous l'impulsion de Sir Louis-Hippolyte Lafontaine et Sir George-Étienne Cartier, l’Acte abolissant les droits et devoirs féodaux dans le Bas-Canada vient réformer à l'échelle de la province les divers droits seigneuriaux comme les lods et ventes, en remplaçant ceux-ci par le paiement d’une rente seigneuriale fixe. Les tenures en censive deviennent des francs-alleux roturiers.

Le gouvernement de Louis-Alexandre Taschereau crée en 1935 le Syndicat national du rachat des rentes seigneuriales (SNRRS), ayant pour but d’homologuer les livres terriers afin de convertir en capital rachetable les rentes constituées. Temporairement, ce sont les municipalités qui collecteront ces rentes, converties en taxes municipales.

C’est le que les propriétaires de biens seigneuriaux ont perçu pour une dernière fois leurs rentes seigneuriales. À partir de cette date, quelque 60 000 cultivateurs de 245 seigneuries disposent d'un maximum de 41 ans pour racheter le capital des rentes constituées. Les derniers restes des rentes seigneuriales ont ainsi progressivement disparu au Québec avant 1981.

Notes et références

    Annexes

    Bibliographie

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