Pont du détroit de Tacoma (1940)

Le pont du détroit de Tacoma ou pont de Tacoma, en anglais Tacoma Narrows Bridge, est un pont suspendu qui franchissait le détroit de Tacoma, un rétrécissement du Puget Sound, aux États-Unis. Il reliait les villes de Tacoma et de Gig Harbor dans l'État de Washington. Inauguré le , il s'effondre le , lors d'un des plus célèbres accidents de génie civil. Le pont de substitution, ouvert en 1950, est toujours en service ; il a été doublé en 2007.

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Pont du détroit de Tacoma

Mise en service du pont du détroit de Tacoma, le .
Géographie
Pays États-Unis
État État de Washington
Commune Tacoma
Coordonnées géographiques 47° 16′ 05″ N, 122° 33′ 02″ O
Fonction
Franchit Détroit de Tacoma (Puget Sound)
Fonction Pont autoroutier (SR16)
Caractéristiques techniques
Type Pont suspendu
Longueur 1 810,2 m
Portée principale 853,4 m
Hauteur libre 59,4 m
Matériau(x) Acier
Construction
Inauguration
Mise en service
Démolition
Géolocalisation sur la carte : Washington
Géolocalisation sur la carte : États-Unis

Le pont, conjointement avec celui construit en 1950, a été désigné en 2012 comme faisant partie de la liste des Historic Civil Engineering Landmarks par l'American Society of Civil Engineers.

Effondrement

Le pont de 1940 après l'effondrement.

Lors de la rupture de l'ouvrage, la vitesse du vent était d'environ 65 km/h. Des oscillations de grande amplitude en torsion sont apparues à 10 h, menant à l'effondrement du pont à 11 h 10. Le pont avait été dimensionné pour résister au vent, mais en ne tenant compte que des effets statiques[1].

Une explication erronée de l’accident, néanmoins très répandue[2], consiste à incriminer un phénomène de résonance entre le pont et des tourbillons d’air formés dans le sillage du tablier. Ce type de tourbillon se forme à la surface des obstacles, puis s'en détache à l’arrière, à une fréquence déterminée, qui dépend de la vitesse moyenne du vent et de la forme de l’obstacle. Ils produisent en aval des variations alternatives locales de la pression de l’air, ce qui se traduit par des forces aérodynamiques périodiques. Si la fréquence de ces forces correspond à l’une des fréquences de vibration naturelles du pont, un phénomène de résonance pourrait se déclencher, au cours duquel les mouvements de la structure s'amplifient, mais dans le cas du pont de Tacoma, cette explication n'est pas valable : la fréquence de torsion du pont était de 0,2 Hz, tandis que celle des tourbillons (en aval de l'écoulement) était d’environ Hz[1]

En raison du couplage aéroélastique, un échange d’énergie mécanique se produit entre le vent et le pont qui oscille. On dit que le pont est stable lorsque l’énergie mécanique est transférée du pont vers le vent qui la dissipe. Lorsqu’un événement extérieur engendre une petite oscillation initiale, par exemple le passage d’un camion ou une rafale de vent, alors cette oscillation va s’amortir. De plus, le vent n’est jamais parfaitement constant : les petites variations de vitesse autour de la vitesse moyenne suffisent à produire de petites oscillations. Mais si la vitesse moyenne du vent est suffisamment élevée, au-dessus de ce que l’on appelle la « vitesse critique », le pont est instable, et l’oscillation initiale s’amplifie. L'énergie se transfère alors du vent vers le pont, et les oscillations s’amplifient en raison du couplage aéroélastique, jusqu'à la ruine. Ce mécanisme n'était connu en 1940 que pour les structures d'avions (ailes, fuselage, empennage…), personne n'avait alors envisagé ce scénario pour des ponts suspendus[3].[style à revoir]

Les ponts de 2007 (à gauche) et de 1950 (à droite).

Dans le cas du pont de Tacoma, la déformation en torsion du tablier s’observe facilement sur les extraits du film et engendre une variation de l’angle d’incidence du vent. Ce changement d’incidence modifie l’écoulement du vent autour du tablier, lequel, en retour, modifie le couple de torsion, et ainsi de suite, de sorte que le pont capte de l’énergie au vent à chaque oscillation. Ce mécanisme s'appelle « flottement ». De façon plus générale, il s'agit d'une instabilité aéroélastique, en torsion dans le cas de ce pont, dans laquelle apparait un effet d'amplification plutôt qu'un simple amortissement[4] : l’amplitude des vibrations risque alors d'augmenter progressivement, jusqu’à ce que les grandes déformations conduisent à des ruptures mécaniques, et d'autres effets sur les câbles et certains composants du pont, ce qui conduit finalement à sa ruine. Cette explication a été confirmée par plusieurs études réalisées en soufflerie depuis les années 1940. Ce phénomène étant aujourd’hui bien compris, et connu des concepteurs, il est systématiquement étudié[5].

Les forces de couplage aérodynamique avec l'air ou un fluide léger sont en général négligeables devant les forces d'inertie et les efforts élastiques, sauf que ces forces augmentent comme le carré de la vitesse d'écoulement du fluide sur la structure. Si des fréquences apparaissent dans l'écoulement fluide au voisinage de celles de résonances de la structure, des instabilités aéroélastiques se produisent typiquement sur les premiers modes de résonance (les plus basses fréquences), au voisinage de leurs fréquences propres, ce qui a pu induire l'explication erronée d'une excitation forcée.

Notes et références

  1. (en) Daniel Green et William G. Unruh, « The Failure of the Tacoma Bridge: A physical model », American Journal of Physics, vol. 74, no 8, , p. 706–716 (DOI 10.1119/1.2201854).
  2. (en) K. Yusuf Billah et Robert H. Scanlan, « Resonance, Tacoma Narrows Bridge Failure, and Undergraduate Physics Textbooks », American Journal of Physics, vol. 59, no 2, , p. 118–124 (DOI 10.1119/1.16590).
  3. Jean-Michel Courty et Édouard Kierlik, « Pont de Tacoma : la contre-enquête », Pour la science, (consulté le ).
  4. Pascal Hémon, Vibrations des structures couplées avec le vent, Palaiseau, Éditions de l'École polytechnique, , 136 p. (ISBN 2-7302-1332-5, lire en ligne).
  5. Christian Crémona (dir.) et Jean-Claude Foucriat (dir.), Comportement au vent des ponts, Paris, Presses de l'École nationale des ponts et chaussées, , 491 p. (ISBN 2-85978-360-1).

Annexes

Bibliographie

  • Chapitre « Galloping Gertie » dans Mario Salvadori (en) et Matthys Levy, Pourquoi ça tombe ?, Parenthèses, coll. « eupalinos », p. 87-95.
  • (en) David B. Steinman, Suspension bridges: the aerodynamic problem and its solution, p. 209-251, IABSE/AIPC/IVBH publications, 1954 (lire en ligne)
  • (en) C. Scruton, An experimental investigation of the aerodynamic stability of Suspension bridges, p. 463-473, IABSE/AIPC/IVBH publications, 1948 (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

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