Pont des Trous

Le pont des Trous de Tournai est une porte d'eau de style gothique, érigé au XIIIe siècle, encadré de deux tours et enjambant le fleuve Escaut à Tournai, en Belgique. L'arche centrale a été dynamitée au début de la Seconde Guerre mondiale. Lors de la reconstruction après la guerre, les deux arches intactes ont été démontées puis l’ensemble a été reconstruit selon de nouvelles proportions - en partie avec les matériaux des arches historiques - pour élargir l’arche centrale, et l'ensemble du pont a été rehaussé de 2,40 m pour faciliter la navigation fluviale[1],[2], tout en préservant ce qui définissait l'ouvrage en tant que porte d'eau médiévale.

Pour les articles homonymes, voir Trou.

Pont des Trous

Le pont des Trous de nuit en 2018.
Géographie
Pays Belgique
Région  Région wallonne
Province  Province de Hainaut
Commune Tournai
Coordonnées géographiques 50° 36′ 47″ N, 3° 23′ 02″ E
Fonction
Franchit Escaut
Construction
Construction 1281-1329
restauration et transformation en 1948
Démolition Vendredi 2 août 2019
Historique
Protection  Patrimoine classé (1991, no 57081-CLT-0220-01)
Géolocalisation sur la carte : Hainaut
Géolocalisation sur la carte : Belgique

En 2019, les trois arches sont à nouveau « déconstruites » pour augmenter le gabarit navigable afin de favoriser le trafic fluvial et devraient être à nouveau reconstruites[3], en réutilisant les pierres des arches précédentes, en agrandissant à nouveau l'arche centrale (donc en réduisant les deux autres arches)[4],[5].

Historique

Représentation ancienne du Pont des Trous.

Du XIIIe siècle au XXe siècle

C'est l'un des principaux vestiges de l'architecture militaire médiévale de Belgique et l'un des monuments emblématiques de Tournai. Cet ouvrage faisait partie de la troisième enceinte de Tournai, appelée aussi seconde enceinte communale, et défendait le cours de l'Escaut dans sa traversée de la ville. Des grilles coulissantes permettaient de barrer le cours du fleuve[6].

Le Pont des Trous est un des rares vestiges de la deuxième enceinte communale (XIIIe siècle). Au cours des siècles, il remplira sa fonction de porte d’eau, contrôlant l’accès à la ville par l’Escaut mais aussi tout en la protégeant. Sa vocation première était donc de défendre le cours de l’Escaut dans sa traversée de la ville. Sur le plan du bâti, la tour de la rive gauche - « tour du Bourdiel » - date de 1281. La tour située sur la rive droite, dite « tour de la Thieulerie », a été construite entre 1302 et 1304.

En 1340, lors du siège de la ville, un assaut y sera mené par des milices flamandes et des troupes anglaises. La légende veut que cette attaque ait été repoussée en raison de l’apparition - dans les fumées des combats - de la Vierge Marie à la tête d’une armée d’anges… En ex-voto, la tour de la Thieulerie abrita pendant des siècles une statue représentant la Sainte Vierge. Cette dernière disparaîtra lors de la restauration de 1847. Aujourd'hui, la niche située au-dessus de la porte de la tour de Thieulerie témoigne de cette histoire.

Le Pont des Trous en 1892.

En 1515, la tour de la Thieulerie est intégrée aux fortifications construites dans le quartier du château par Henri VIII. La tour du Bourdiel est englobée dans un boulevard d'artillerie dont des vestiges subsistent dans le Jardin de la Reine.

Lors de la canalisation de l’Escaut voulue par Louis XIV, le Pont des Trous sera enterré de 2,5 à 2,8 m à la suite de la construction des quais. Il demeurera en l'état jusqu’au XIXe siècle. En 1847, il fit l’objet d’une restauration : le toit de la courtine ainsi que les murs intérieurs sont enlevés. Ils ne seront jamais rétablis.

Le Pont des Trous est classé une première fois en 1936. Lors de la Seconde Guerre mondiale, le , les troupes anglaises, battant en retraite, décidèrent de faire sauter tous les ponts de la ville, y compris le Pont des Trous. Seules les arches furent réellement impactées. Les tours furent miraculeusement épargnées malgré un dynamitage programmé. Au préalable des travaux de restauration qui s’imposaient, le Pont des Trous fit l'objet d'une procédure de déclassement. Il fallut attendre le pour que l'édifice (monument et site) soit à nouveau classé par Arrêté de la Région wallonne[7], et ce, en raison de « sa valeur scientifique et esthétique ».

Dans les années 1970, un premier projet de mise à gabarit (1.350 tonnes) de l’Escaut menaça l’édifice. Finalement, l’opposition des Tournaisiens imposa l’utilisation d’un alternat pour la navigation afin de préserver les quais et le monument.

Démolition des arches en 2019

Le début de la démolition

Depuis 2013, la Région wallonne fait de la mise à gabarit de l'Escaut une priorité, et ce, afin de profiter de l'aménagement du canal Seine Nord-Europe. C'est ainsi qu'au début du XXIe siècle l'architecture du pont est à nouveau remise en cause[8]. Les revendications des défenseurs du patrimoine sont claires : à défaut du "petit contournement", il est indispensable de préserver les éléments qui définissaient le Pont des Trous en tant que porte d'eau médiévale : aspect fortifié, courtine et 3 arches en arc brisé.[réf. nécessaire] Divers projets d'aménagement visent à élargir l'arche centrale, voire la supprimer complètement. Ces projets ont été choisis[9] bien qu'un projet de contournement du pont, plus coûteux, ait été proposé. Un débat commence entre les autorités communales et les défenseurs du patrimoine tournaisien[10]. L'administration affirme le caractère impératif de l'élargissement fluvial qui pourrait augmenter l'activité économique de la ville. Un collectif se met en place dès 2013 à la suite de l'officialisation d'un premier projet : l'option "Résille". Ce dernier sera emmené par Pierre-Emmanuel LENFANT (Réseau Archeologia.be) et Philippe PIERQUIN (Association "Les Amis de la Citadelle").

Face à une contestation grandissante, la Ville de Tournai décida d'organiser une consultation populaire[11] sur le sujet. Le , les Tournaisiens exprimèrent par leur vote leur attachement à la pierre et à l'histoire. Par la suite, une série de réunions et d'ateliers citoyens furent organisés qui aboutirent à un projet - celui de l'architecte Olivier BASTIN - en totale contradiction avec le choix démocratiquement exprimé lors de la consultation populaire. D'aucuns dénoncèrent une nouvelle manipulation[12].

C'est à cette époque qu'une Alerte Patrimoine[13] fut adressée à l'ICOMOS International. Cette dernière se traduisit par toute une série de recommandations[14] qui furent adressées à la fois aux Autorités communales et au Gouvernement wallon. Mise en garde, puis mise en demeure[15], l'ICOMOS International dût saisir l'UNESCO étant donné que les travaux en cours et envisagés n'avaient fait l'objet d'aucune déclaration préalables auprès de l'UNESCO.

Face au risque d'un déclassement du Beffroi, le collectif parvint à fédérer l'ensemble des associations de défense du patrimoine tournaisien : "Les Amis de la Citadelle", "Pasquier-Grenier", "Les Amis de la Cathédrale de Tournai" ainsi que la "Société royale d'histoire et d'archéologie de Tournai". Début , une pétition fut lancée en front commun associatif. Près de 22.000 signatures furent recueillies.

Les deux tours du Pont des Trous fin décembre 2019.

Le collectif et des ASBL avancent, de leur côté, des arguments contre l'altération irréversible d'un monument médiéval et l'aspect inesthétique des projets choisis par le collège communal. À aucun moment toutefois, la question de la mise à gabarit de l'Escaut ne fut remise en cause. Il semble également que beaucoup d'autres structures, notamment plusieurs écluses, doivent être modifiées le long de l'Escaut, plaçant dès lors l'altération du pont des trous hors de l'ordre du jour pendant une période de durée indéterminée. Toutefois la commune de Tournai, en votant le , entérine la destruction du pont pour la fin de l'année 2019, en dépit du risque de déclassement du patrimoine de la ville par l'Unesco[16].

Les travaux débutent le [17],[18], en présence de la ministre Marie-Christine Marghem[19].

Projet de reconstruction

Le ministre wallon des Travaux publics, Carlo Di Antonio, a annoncé en que les arches du pont allaient être démolies, sans être reconstruites tout de suite ; en il a évoqué un nouveau projet de reconstruction conservant le style médiéval de l’édifice[20],[21].

Notes et références

  1. Caractérisation patrimoniale du Pont des Trous, évaluation des impacts des différents tracés proposés pour sa traversée et recommandations
  2. Les Beautés du Tournaisis : Le Pont des Trous
  3. Le permis a été délivré pour la phase 4 : la déconstruction du pont est prévue fin juillet
  4. Time-lapse : la déconstruction du pont des Trous en 30 secondes
  5. La « déconstruction » polémique du pont médiéval de Tournai va commencer
  6. « Pont des Trous (porte d’eau du 13e siècle) », Découvrir Tournai, sur Tournai.be (consulté le ).
  7. Arrêté de la Région wallonne
  8. Le problème, ce sont les écluses ! , lavenir.net, 27 juin 2013
  9. Pont des Trous de Tournai : Quatre options présentées, lavenir.net, 24 juin 2013
  10. Pont des Trous : Rudy Demotte est persuadé que le dossier va se débloquer, rtbf.be 26 juin 2013
  11. consultation populaire
  12. manipulation
  13. Alerte Patrimoine
  14. recommandations
  15. mise en demeure
  16. « La municipalité de Tournai choisit de détruire un pont médiéval pour améliorer la navigation », sur FIGARO, (consulté le )
  17. Denis Vanderbrugge, « Tournai: le Pont des Trous vit ses dernières heures », Régions, sur RTBF, (consulté le ).
  18. « Tournai s’apprête à dire adieu à son pont médiéval trop étroit pour la navigation », sur www.lefigaro.fr, (consulté le )
  19. Destruction du pont des Trous : Marghem déplore le manque d’empathie envers la population
  20. Pont des Trous de Tournai : le projet contemporain est abandonné
  21. Voici à quoi ressemblera le nouveau pont des Trous à Tournai

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean Housen, « Tournai - pont des Trous », Bulletin de la Commission royale des monuments, sites et fouilles, Commission royale des Monuments, des sites et fouilles, 2004-2005, p. 62-64 (ISBN 2-87401-130-4, lire en ligne [PDF])
  • Christine Renardy, Le patrimoine insolite de Wallonie, Namur, Agence wallonne du Patrimoine, coll. « Carnet du Patrimoine » (no 157), , 72 p. (ISBN 978-2-39038-013-9), p. 44.

Articles connexes

Liens externes

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