Pierre Rivière (parricide)

Pierre Rivière est un jeune paysan dont la folie meurtrière donna lieu à une des premières tentatives d'explication clinique scientifique d'un crime. Né le à Courvaudon, il est mort par suicide dans sa cellule de la prison de Beaulieu à Caen le .

Pour les articles homonymes, voir Pierre Rivière et Rivière (homonymie).

Pierre Rivière
Meurtrier
Information
Nom de naissance Pierre Rivière
Naissance
Courvaudon (Calvados)
Décès
prison de Beaulieu à Caen (Calvados)
Cause du décès Suicide par pendaison
Nationalité français
Actions criminelles Meurtres
Victimes 4
Période
Pays France
Régions Calvados
Ville Caen
Arrestation

Biographie

« Si les paysans avaient un Plutarque, Pierre Rivière figurerait parmi les morts illustres[1]. »

 Michel Foucault

Pierre Rivière est né le à Courvaudon dans le Calvados[2], en Normandie, il est l’aîné de la fratrie[3]. Sa mère, après la naissance d’un deuxième enfant, Victoire, se désintéresse de lui. Le couple vit au lieu-dit de la Faucterie, dans la commune d'Aunay-sur-Odon, située près de Caen. Le couple se déchire. La mère quitte son mari et Pierre pour revenir chez ses parents, à Courvaudon, avec sa fille Victoire. Cette première séparation va fortement perturber Pierre Rivière qui n’a que quatre ans[4]. De façon incompréhensible, après avoir délaissé son fils, un an plus tard sa mère va saisir la justice pour en reprendre la garde[5]. Très attaché à son père, Pierre est perturbé par la lutte que mènent ses parents, son comportement devient bizarre[6]. Bien que séparé, le couple continue de se voir et de nouveaux enfants naissent : Aimée, Prosper et Jean[3].

En 1825, alors que Pierre a dix ans, sa mère le chasse de chez elle, ainsi que sa jeune sœur Aimée. Ils vivront désormais chez leur père[7]. Deux ans plus tard, la mère, décrite comme hystérique par l’auteur, se débarrasse de Prosper, un handicapé mental, en le confiant lui aussi à son père[8]. Après la naissance du dernier fils, Jules, c’est Jean qui devra aussi quitter sa mère pour aller vivre chez son père[9].

Pierre est décrit comme un adolescent maladroit de ses mains, mais possédant une mémoire étonnante. Il souffre de voir son père malheureux à cause de sa mère. Si le couple vit séparé, devant la loi ils sont toujours mariés. Le père se ruine à payer les dettes que fait sa femme, des injonctions du juge de Paix l’y obligent[10].

En 1834, Jean meurt de la méningite chez son père. Devant Pierre, sa mère menace son mari de mort[11]. Décidée à se venger, elle se lâche alors complètement, fait dette sur dette et envoie les créanciers vers son mari qui n’a plus un sou. Le mari désespéré tente de se pendre[12]. La justice ordonne alors à sa femme de rejoindre le domicile conjugal, à la Faucterie[13]. L’ambiance devient toxique, Pierre prend le parti de son père et veut le protéger. Le , en l'absence de son père, il entre dans la pièce principale de la ferme, y égorge sa mère (enceinte de six mois et demi), sa sœur Victoire et son plus jeune frère, Jules, à coups de serpe. Son quadruple meurtre accompli, il s'enfuit et erre pendant un mois dans la campagne, parcourant près de 600 kilomètres à pied[14], avant d'être arrêté et incarcéré dans la prison de Falaise.

Interrogé par le juge d'instruction Exupère Legrain, il explique avoir voulu défendre son père, maltraité par sa femme, qui était soutenue par sa sœur Victoire ; il ajoute avoir résolu de tuer aussi son frère Jules, que son père aimait, en partie pour que celui-ci ne regrettât pas son fils parricide (qui avait d'abord prévu de se tuer immédiatement après) et aussi parce que Jules soutenait sa mère[15]. En attendant son jugement, il écrit en un mémoire de quarante pages, d'une extraordinaire qualité littéraire[16], dans lequel il explique son geste.

Après un délibéré de trois heures, le jury des Assises du Calvados condamne Pierre Rivière à mort pour parricide, le . Le pourvoi en cassation est rejeté le . Certains membres du jury demandent au roi Louis-Philippe de lui accorder sa grâce. Son avocat réunit un collège de grands médecins qui considèrent que Pierre Rivière, depuis l'âge de quatre ans, n'a pas cessé de donner des signes d'aliénation mentale et que ces homicides sont uniquement dus au délire. En conséquence, le jeune homme voit sa peine commuée en réclusion à perpétuité, le , par le roi. Le , il entre à la prison de Beaulieu à Caen pour y purger sa peine. Il se pend dans sa cellule le [17],[18],[19].

Le mémoire écrit par Pierre Rivière reprend la première phrase du texte impressionnant du jeune homme (Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère…[20]). Il a fait en 1973 l'objet d'un séminaire dirigé par Michel Foucault au Collège de France, séminaire qui donna lieu à un ouvrage collectif retentissant, où le texte de Rivière fut republié. Le récit fut adapté au cinéma en 1976 par René Allio sous le titre Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère....

L'original du document est conservé aux archives départementales du Calvados.

Notes et références

  1. Michel Foucault, Blandine Kriegel, Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère : un cas de parricide au XIXe siècle, Gallimard, , p. 293.
  2. « Acte de naissance sur le site des Archives du Calvados »
  3. Janouin-Benanti 2017.
  4. Janouin-Benanti 2017, p. 62.
  5. Janouin-Benanti 2017, p. 69.
  6. Janouin-Benanti 2017, p. 96.
  7. Janouin-Benanti 2017, p. 138.
  8. Janouin-Benanti 2017, p. 182.
  9. Janouin-Benanti 2017, p. 217.
  10. Janouin-Benanti 2017, p. 278.
  11. Janouin-Benanti 2017, p. 293.
  12. Janouin-Benanti 2017, p. 316.
  13. Janouin-Benanti 2017, p. 329.
  14. Janouin-Benanti 2017, p. 359.
  15. Histoire de la Normandie et questions diverses, C.T.H.S., , p. 83.
  16. « Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma soeur et mon frère », sur telerama.fr, .
  17. « Acte de décès sur le site des Archives du Calvados »
  18. « Pierre Rivière, par Marc Nadaux » (version du 3 mars 2016 sur l'Internet Archive)
  19. « Chronologie de l'Affaire Rivière », Sociétés & Représentations, vol. 3, no 2, , p. 346 (ISSN 1262-2966 et 2104-404X, DOI 10.3917/sr.003.0346, lire en ligne, consulté le )
  20. Pierre Rivière, Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère : un cas de parricide au XIXe siècle, Chicoutimi, Université du Québec à Chicoutimi, (ISBN 978-1-4123-6126-2, lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

  • Viviane Janouin-Benanti, La serpe du Maudit : Le roman de Pierre Rivière, La Baule, 3E éditions, , 368 p. (ISBN 979-10-95826-71-2, lire en ligne)
  • M. Bée, « La religion de Pierre Rivière, une névrose chrétienne au XIXe siècle ? », dans Histoire de la Normandie et questions diverses, t. II des Actes du 105e Congrès national des sociétés savantes. Section d'histoire moderne et contemporaine (Caen, ), Paris, CTHS, coll. « Actes du Congrès national des sociétés savantes. Section d'histoire moderne et contemporaine » (no 105/2), , 1re éd., 1 vol., 486 p., ill., 24 cm (ISBN 2-7355-0005-5 et 2-7355-0030-6, EAN 9782735500307, OCLC 461689054, notice BnF no FRBNF34758758, SUDOC 000785342), 1re part. (« Église normande et vie spirituelle »), chap. 6, p. 81-97.

Articles connexes

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