Phineas Taylor Barnum

Phineas Taylor Barnum (né le à Bethel dans le Connecticut et mort le à Bridgeport également dans le Connecticut) était un entrepreneur de spectacles américain. Grâce à son sens des affaires, les freak shows et le cirque Barnum fondé en 1871, furent rapidement une entreprise prospère et célèbre.

Pour les articles homonymes, voir P.T. Barnum.

Il fut également auteur, éditeur, philanthrope, et pendant un certain temps politicien, mais se définit principalement comme le « prince des charlatans » (ou « prince des mystificateurs »)[1] profitant de la crédulité et du voyeurisme des gens, d'où la phrase célèbre qui lui est attribuée There's a sucker born every minute (en) Il y a un naïf qui vient au monde à chaque minute »), mais qui est apparemment apocryphe.

Biographie

Sa jeunesse

Phineas Taylor Barnum est né le à Bethel dans le Connecticut[2] dans une modeste famille d'agriculteurs, son père Philo Barnum (1778–1826), fermier[3] qui enchaîne différents métiers (épicier, cabaretier, tailleur) est marié à sa seconde épouse Irene Taylor qui donne à Phineas cinq frères et sœurs[4]. Il raconte dans ses mémoires devoir son prénom à son grand-père maternel Phineas Taylor, propriétaire, juge de paix, mais aussi charlatan de loterie. Il raconte également qu'en tant qu'aîné, il doit fréquemment quitter l'école pour s'occuper des bêtes et des terres que possède son père.

À la mort de son père au mois de , il trouve à New York un emploi d'épicier chez un de ses parents Oliver Taylor, puis devient brasseur et commis dans une grande taverne de la ville où il découvre les spectacles de montreurs d'animaux et le théâtre[5]. En , son grand-père lui propose de revenir à Bethel afin d'y ouvrir une épicerie ; en partenariat avec son oncle Alanson Taylor, Phineas la transforme en loterie particulièrement lucrative : appelée Temple of fortune (« Temple de la fortune »), Phineas a en effet le don de faire croire aux clients qu'ils vont gagner le gros lot[6].

Confronté à un entourage dont le rigorisme calviniste frôle le fanatisme, il fonde en 1829 son propre journal, the Herald of Freedom (« le messager de la liberté »), dans lequel il dénonce des tentatives sectaires d’union entre l’État et l’Église par des réflexions caustiques. Après trois poursuites pour diffamation, dont une qui le condamnera à 60 jours de prison (pour avoir accusé un pasteur d'avoir pratiqué l'usure sur un orphelin)[7], il épouse Charity Hallet[8], tailleuse de son état[Quoi ?], le et s’installe à New York en 1834 où il commence sa carrière de forain[9].

Ses débuts dans l'industrie du cirque

Sa première entrée fracassante dans l’industrie du spectacle se fait par sa première supercherie : l’exhibition de Joice Heth[10], une esclave noire aveugle et presque entièrement paralysée, achetée 1 000 dollars à un planteur du Kentucky qu'il présenta au public comme étant l'ancienne nourrice de George Washington soi-disant âgée de 161 ans[11],[12].

À la mort de Joice Heth, il entreprend de faire le tour des provinces avec le Aaron Turner Traveling Circus, théâtre ambulant dont le protagoniste principal est un chanteur afro-américain. Mais l’homme, qui est en réalité un esclave, s’enfuit dès qu’ils atteignent la Caroline du Nord (État précurseur dans la lutte pour l’abolition de l’esclavage). Barnum, refusant de rembourser les tickets déjà vendus, se couvre le visage de noir et remplace le chanteur sur scène.

Barnum se relève de cet échec en achetant en 1841 le Scudder's American Museum en le rebaptisant le Barnum's American Museum[13] dont les freak shows font sa renommée. Toujours conscient de l’impact de la publicité sur la foule, Barnum utilise tous les moyens de communication pour faire valoir des curiosités et exhibe des géants d’Islande, des femmes de Patagonie, des nains, des serpents de mer, etc. Parmi les vedettes de ce musée vivant, on trouve les célèbres Général Tom Thumb (Tom Pouce), ou encore la fameuse Sirène des Fidji. En 1850, il fait également de la chanteuse Jenny Lind une véritable vedette en lui programmant une tournée gigantesque à travers les États-Unis.

La période Bailey

Affiche pour The Greatest Show on Earth (Le spectacle le plus grandiose sur Terre) par Barnum et Bailey, en 1897.

En 1871, Barnum rencontre William Cameron Coup (en) avec qui il met en place le P.T. Barnum’s Great Circus Museum and Menagerie sous une tente de 5 000 places, prévue pour deux pistes mât central (le king pole, invention de Coup). Il double la capacité d’accueil de la tente et circule à travers tout le pays, puis à travers toute l’Europe, par voies ferrées avec environ 80 wagons à plateformes plates pour embarquer les remorques. The Greatest Show on Earth est né, ainsi que le gigantisme américain. Cependant, des mésententes concernant la manière de gérer le cirque apparaissent entre les deux hommes qui se séparent.

Une nouvelle association naît entre Barnum et son rival de l’époque, James Anthony Bailey et son Great London Circus and Ganger’s Royal British Menagerie. Ce dernier installe sur la scène de Barnum les trois pistes et l’équipe en matériel électrique. Ce cirque connaît un succès immense aux États-Unis et en Europe et met en scène, entre autres, le fameux éléphanteau Jumbo.

À la mort de Barnum le , Bailey continue à assurer la direction de The Greatest Show on Earth jusqu’à sa propre mort en 1906. Le cirque passe alors entre les mains des frères Ringling sous le nom Ringling Bros. and Barnum & Bailey Circus et était, jusqu'au , date de sa dernière représentation le plus grand cirque du monde.

La révolution Barnum

P. T. Barnum a eu un impact non négligeable sur le cirque américain à différents niveaux.

Les trois pistes

Barnum instaure le dispositif des trois pistes qui vient bouleverser le concept traditionnel de la scène circassienne. Jusqu’alors, il s’agissait d’une piste unique (issue du dressage de chevaux) qui offrait une certaine intimité au spectateur. Barnum, associé à Bailey, ajoute deux autres pistes à celle déjà existante afin de présenter un spectacle jamais vu. Avec cette révolution, le cirque devient un spectacle d’envergure et propose un programme hors du commun. Ce changement scénique radical entraîne des modifications sur les numéros proposés. Ainsi, le clown par exemple, personnage comique qui avait pour habitude d’interagir avec le public, fait place au clown muet en raison du grand bruit et de l’absence d’intimité des trois scènes.

Des spectacles extraordinaires

La démesure de Barnum se trouve d’abord dans ses spectacles. C’est en premier lieu sur la scène qu’il souhaite surprendre le public en proposant des ménageries immenses d’une part et des animaux rares d’autre part. En effet, ses spectacles trouvent leur essence dans l’étrangeté et la rareté des phénomènes exhibés ainsi que dans l’accumulation des curiosités. Il présente, par exemple, un spectacle avec une cinquantaine d’éléphants, animaux encore rares en Europe ou aux USA à l’époque, ou organise une tournée de Lilliputiens. L’agrandissement des pistes accroît ces possibilités et l’on parle de gigantisme américain.

Le train et l'arrivée en ville

Cette multitude d’animaux et autres curiosités à déplacer de ville en ville implique des moyens de transport à la hauteur de l'évènement. Le déplacement du cirque de Barnum devient un phénomène à lui tout seul avec ses 80 wagons et ses trois locomotives. L’arrivée de The Barnum & Bailey’s Greatest Show on Earth fait toujours une entrée fracassante dans les villes.

Le réalisateur John Landis, qui garde l'idée d'un jour adapter la vie du forain, raconte que cette utilisation inédite du train conduira l'Armée de l'Union à lui demander conseil pour leurs propres acheminements de troupes durant la Guerre de Sécession[14].

Génie de la publicité

Barnum, souvent traité de charlatan, présente avant tout un certain talent publicitaire. Certains historiens lui attribuent même l’invention de la publicité en Amérique[15]. Conscient que le public se laisse facilement manipuler, il n’hésite pas à exhiber des canulars et des impostures, comme la fameuse Sirène des Fidji ou Joice Heth. C’est son don pour la formule, The Greatest Show On Earth par exemple, et pour créer l’événement, qui le place au rang d'homme d'affaires. Il emploie également des méthodes relativement novatrices pour promouvoir ses spectacles. Michèle Barbier le décrit en ces termes : « roi du bluff, promoteur de la publicité, créateur du star system, symbole du self made man et du businessman »[16].

Les légendes du cirque Barnum

Daguerréotype montrant P. T. Barnum et Charles Sherwood Stratton, de son nom de scène "Tom Pouce". Vers 1850.

Avec le cirque de Barnum, le public américain fait la découverte de nombreuses vedettes qui assurent la célébrité de l’institution Barnum.

Joice Heth (1835)

Joice Heth est le premier phénomène de Barnum. La vieille femme supposée âgée de 160 ans, se présente comme étant l’ancienne nourrice de George Washington. Les américains sont avides de ces souvenirs d’un passé qu’ils n’ont pas connu. Sa mort en 1836 annonce la fin d’un succès et d’une affaire prospère. À sa mort, Barnum la dissèque en public pour en faire un spectacle.

Tom Pouce (1842)

Tom Pouce (General Tom Thumb), Charles Sherwood Stratton de son vrai nom, rencontre Barnum à l’âge de 4 ans. Barnum, intrigué par la taille de l’enfant, affirme qu’il s’agit d’un nain et l’emmène, accompagné de sa mère à New York où le jeune garçon apparaît sous le nom de Général Tom Pouce, nain de 11 ans récemment venu d’Angleterre. Il mesure un peu plus de 60 cm et pèse près de 7 kilos. Il fait partie d’une exhibition de lilliputiens. Face à son immense succès, l’entrepreneur décide de présenter le phénomène en Europe, notamment à la cour d’Angleterre à la Reine Victoria, puis à Paris.

La sirène des îles Fidji (1842)

Il s’agit d’une sirène embaumée achetée près de Calcutta. L’étrange créature est en réalité une chimère fabriquée à partir d’une queue de poisson, d’un buste et d’une tête d’orang-outan.

Jenny Lind (1850)

Jenny Lind[17] est une cantatrice surnommée le « rossignol suédois ». Sa réputation traverse l’Atlantique et arrive jusqu’aux oreilles de Barnum qui la fait venir en Amérique et la présente comme un ange, faisant d’elle l’objet d’un véritable culte. Sa voix céleste bouleverse les foules. Avec Barnum, elle assurera 93 représentations au succès retentissant.

Jumbo (1882)

Jumbo est l’une des grandes vedettes du cirque Barnum. L’éléphant géant mesurait près de 4 mètres de haut. En 1882, Barnum achète l’animal au zoo de Londres pour 10 000 dollars. Il le présente à New York devant des spectateurs qui, impressionnés par sa taille gigantesque, l’accueillent comme un héros national. Il sera exhibé lors d’expositions itinérantes à travers les États-Unis et le Canada. Jumbo meurt en 1885 percuté par une locomotive. Sa dépouille empaillée sera exposée au musée de Barnum.

Postérité et évocations dans les arts

L'effet Barnum

Dans les années 1850, Barnum connaît une période difficile, liée entre autres à des investissements hasardeux. Durant cette décennie, il se recentre sur des spectacles plus modestes au cours desquels il se focalise sur la personnalité des spectateurs, et sur leur répondant.

Il développe alors, tout comme d'autres personnalités à la même époque, une « lecture à froid », qui consiste à débiter des généralités sur les personnes, mais qui ont l'apparence de ne s'appliquer qu'à un spectateur cible. On donnera le nom d' « effet Barnum » à cette technique.

Langage courant

  • Dans le milieu de la vente itinérante, le « Barnum » est la structure métallique sous laquelle les commerçants s'installent.
  • Dans le langage courant, voire argotique, un « barnum » signifie un désordre, un trouble, une absence d’organisation.

Films

  • 2019 : Dumbo, film fantastique de Tim Burton avec Colin Farrell, Michael Keaton et Danny DeVito.

La vie de Barnum a également fait l'objet d'un projet abandonné au début des années 1980, avec John Landis à la réalisation, Bill Lancaster au scénario[N 1] et John Belushi dans le rôle principal. Les studios y mettent fin à la suite de l'échec du film Les Voisins, de John G. Avildsen. Landis confiera en 2015 vouloir reprendre le projet en l'adaptant pour la télévision[14].

Annexes

Notes

  1. Bill Lancaster a notamment signé le scénario de The Thing, de John Carpenter.

Références

  1. (en) Phineas Taylor Barnum, Barnum, the Yankee showman, and prince of humbugs, Piper, Stephenson & Spence, , 180 p. (lire en ligne)
  2. (en) « P.T. Barnum | Biography, Facts, & Quotes », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  3. (en-US) « P. T. Barnum: An Entertaining Life | Connecticut History | a CTHumanities Project » (consulté le )
  4. (en) Ann Tompert, The greatest showman on earth : a biography of P.T. Barnum, Dillon Press, , p. 8
  5. (en-US) « P T Barnum | Encyclopedia.com », sur www.encyclopedia.com (consulté le )
  6. (en) Tom Streissguth, P. T. Barnum. Every Crowd Has a Silver Li, Enslow Publishers, , p. 13-14
  7. (en) Phineas Taylor Barnum, The Colossal P.T. Barnum Reader, University of Illinois Press, , p. 113
  8. (en-US) History B. A. et Facebook Facebook, « Who Was the Real P.T. Barnum? », sur ThoughtCo (consulté le )
  9. (en) William David Sloan, James D. Startt, The Media in America, Vision Press, , p. 329
  10. (en-US) Jackie Mansky, « P.T. Barnum Isn't the Hero the "Greatest Showman" Wants You to Think », sur Smithsonian Magazine (consulté le )
  11. (en) Andy Andrews, Traveler's Gift; Mastering the Seven Decisions, Thomas Nelson Inc, , p. 221
  12. (en) Evan Andrews, « 10 Things You May Not Know About P.T. Barnum », sur HISTORY (consulté le )
  13. (en-US) « P.T. Barnum », sur Biography (consulté le )
  14. Jamais sur vos écrans - John Landis Arte. Consulté le .
  15. (en) Stephen Brown, Marketing : The Retro Revolution, SAGE Publications, , 262 p. (ISBN 978-0-7619-6850-4, lire en ligne), p. 235
  16. Michèle Barbier, Alan Sutton, Ces merveilleux fous du cirque, 2005.
  17. Éditions Larousse, « Encyclopédie Larousse en ligne - Phineas Taylor Barnum », sur www.larousse.fr (consulté le )

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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