Philippe Froguel

Philippe Froguel, né le [1], est un médecin et enseignant-chercheur français en endocrinologie, biologie moléculaire et génétique. Il est actuellement professeur à l'Université de Lille (elle même associée notamment au CHU de Lille à l'Institut Pasteur de Lille, au CNRS et à l'INSERM) et à l'Imperial College de Londres dans le domaine de la médecine de précision, du métabolisme et de la génomique. C'est un chercheur reconnu mondialement « pour ses découvertes de gènes responsables de certaines formes de diabète ou de l'obésité »[2],[3].

Biographie

Philippe Froguel est « fils d'instituteurs devenus tailleurs » dans le quartier parisien du Sentier[2],[4]. Il fait ses études de médecine au CHU de l'hôpital Saint-Antoine à Paris et passe sa thèse de médecine en 1984. Il obtient également une thèse de sciences en 1991 de l'université Paris 7[5]. Il passe le concours de l'Internat de Paris en 1983 et devient chef de clinique en endocrinologie à l'hôpital Saint-Louis à Paris en 1989. Puis il est maître de conférences en génétique, praticien hospitalier en endocrinologie en 1993 à l'hôpital Saint-Louis et enfin au CHU de Lille (Université de Lille). Il est aussi professeur à l'université de Londres, tout d'abord à Queen Mary College, puis depuis 2003 à l'Imperial College de Londres, la plus grande faculté de médecine du Royaume-Uni.

Philippe Froguel consacre sa carrière à l'élucidation des bases génétiques du diabète et de l'obésité. Il est ainsi chargé en 1990 de créer au Centre d'étude du polymorphisme humain (CEPH), présidé par Jean Dausset, et dirigé à l'époque par Daniel Cohen, un laboratoire d'étude génétique des diabètes[4]. Son équipe recrute des familles de personnes diabétiques par voie de presse[4],[6]. Leurs prises de sang permettent de constituer « une des plus grandes banques d'ADN du monde »[4]. Ainsi, il découvre, en 1992 « le premier gène de prédisposition au diabète »[2].

En 1994, Philippe Froguel s'oppose bruyamment à son patron, Daniel Cohen, qui voulait vendre cette base de données à Millennium Pharmaceuticals, une entreprise de génomique américaine dont il est fondateur et actionnaire[4],[2],[7],[8],[9]. Il alerte le gouvernement qui arrête les transactions, mais il est « placardisé » au sein du CEPH[4].

La découverte en 1992-1995 des premiers gènes impliqués dans les formes monogéniques du diabète de type 2[10], ainsi que ses relations politiques[2], lui permettent de diriger le département de génétique humaine du nouvel Institut de biologie de Lille du CNRS situé au sein de l'Institut Pasteur de Lille. Il y emmène « sa collection d’ADN et de généalogies de familles de diabétiques »[11] et crée, en 1995[4], une nouvelle unité de recherche centrée sur la « génétique des maladies multifactorielles » (Unité mixte de recherche CNRS/Université de Lille/Institut Pasteur de Lille 8199[12], qu'il dirige depuis cette date). En 1999, Philippe Froguel conduit, en partenariat avec Eli Lilly, selon lui : « un des plus gros contrats de recherche français dans les sciences de la vie »[11],[13],[14].

En 2000, devant le refus du gouvernement français de créer la chaire de biochimie de la nutrition qui avait été demandée par l'université Paris 6 pour lui, Philippe Froguel accepte une offre londonienne de créer un Centre Génomique, puis un département de médecine génomique dans la capitale britannique, en tant que professeur de l'université de Londres[2]. Il est nommé, en 2003, directeur du Centre de génomique et de protéomique de l'hôpital Hammersmith (Imperial College)[2]. À la demande conjointe de la direction du CNRS, de l'Institut Pasteur de Lille et de l'université de Londres, Philippe Froguel anime depuis 2000 un Laboratoire européen franco-britannique, situé à la fois à Lille et à Londres. Il est, depuis 2002, directeur de recherche au CNRS.

En 2007, ses équipes participent à la découverte de la détermination de « 70 % du génome des diabétiques »[15],[16],[17]. Et, en 2009, trois gènes liés au risque d'obésité sévère sont découverts[18],[19]. Philippe Froguel est nommé, le , professeur à l'Université de Lille et Praticien Hospitalier en endocrinologie[réf. souhaitée].

Philippe Froguel obtient en 2011 des financements Labex (EGID: European Genomic Institute for Diabetes) et Equipex (LIGAN-Precision Medicine dédié au séquençage du génome humain, dans une perspective de médecine de précision) dans le cadre des investissements d'avenir[20],[21]. Il reçoit également en 2011, un financement ERC "advanced grant"[22]. Par ailleurs, il a reçu plusieurs prix scientifiques dont le prestigieux prix Minkowski de l'European Association for the Study of Diabetes remis en 1997 à Helsinki[2]. En 2017, il obtient le prix Roger Assan de la Société Francophone du Diabète[23].

En 2017, Philippe Froguel est élu membre correspondant à l'Académie nationale de Médecine[24].

Il rend publique sa candidature (finalement infructueuse) à la présidence de l’INSERM en 2018[25].

Apports scientifiques

La carrière scientifique de Philippe Froguel s'est particulièrement focalisée sur la génétique et la génomique du diabète de type 2 et de l'obésité.

En 1992, il a découvert le premier gène du diabète (GCK codant la glucokinase)[26] ; en 1998, il a identifié le gène le plus muté dans les formes sévères d'obésité en Europe (MC4R codant le récepteur 4 à la mélanocortine)[27]. En 2007, Philippe Froguel et son équipe ont publié les premiers gènes de susceptibilité au diabète de type 2 via une étude d'association pangénomique utilisant la technologie des puces à ADN[28], et ont identifié le premier gène impliqué dans les formes communes d'obésité (FTO)[29]. En 2010-2011, il a démontré que des variants du nombre de copies de gènes (CNV) situés sur le petit bras du chromosome 16 (chr16p11.2) peuvent causer une obésité sévère (en cas de délétion)[30] ou une maigreur extrême (en cas de duplication)[31]. En 2012, il a montré que des variants génétiques rares (situés dans le gène MTNR1B codant le récepteur 2 de la mélatonine ayant un rôle clef dans les rythmes circadiens) augmentent fortement le risque de diabète de type 2[32]. Via la plateforme LIGAM-PM, il a développé des protocoles de séquençage de nouvelle génération dédiés au diagnostic moléculaire des maladies rares[réf. nécessaire]

Philippe Froguel « est un des chercheurs français les plus prolifiques en matière de publications scientifiques »[33] : à la date du 11 septembre 2020, il a publié plus de 700 articles scientifiques, avec un h-index de 169[33] et plus de 115 000 citations. Il publie des articles dans de grandes revues scientifiques (Nature, Nature Genetics, Science, PNAS, NEJM, The Lancet…) ainsi que dans d'autres qu'il considère lui-même comme étant des revues « prédatrices » (Frontiers...)[réf. nécessaire].

Prises de position

Philippe Froguel prend la défense des anciens ministres incriminés dans l'affaire du sang contaminé[34] en rédigeant, de lui-même, un rapport avec un argumentaire scientifique pour la commission parlementaire[4] qui contribue « à blanchir l'ex-Premier ministre »[2].

En 2004-2007, Philippe Froguel a dirigé le programme national de recherche sur le diabète de l'Inserm au côté du Président de l'Inserm Christian Bréchot.

Au début des années 2010, il regrette que, comme dans d'autres secteurs d'activités, la recherche française ne puisse pas sélectionner les personnes les plus compétentes et mieux les récompenser financièrement[20],[2].

Décrit comme un « sympathisant de gauche », il a écrit une lettre ouverte en à Martine Aubry pour s'inquiéter de la « détérioration rapide de la sécurité publique » à Lille - Wazemmes. Il s’inquiétait alors notamment de la « régression communautaire » qui contraint les femmes à devoir endurer « les manifestations méprisantes des islamistes […] et le harcèlement sexuel incessant des mâles »[35],[36].

Il est plus présent dans les médias grand public durant l’épidémie de Covid-19[33]. Au printemps 2020, il contribue, avec d'autres laboratoires, à faire changer d'avis le ministre de la Santé, Olivier Véran, afin que son équipe ait le droit de procéder à des tests PCR[37],[33],[38]. En septembre 2020, il est auditionné par la commission d'enquête sénatoriale sur la gestion des tests Covid-19[39]. Le 23 février 2021, il souligne la faiblesse du nombre de séquençages du virus (0,15 % des tests positifs) en France[40]. Il souhaite que son équipe puisse participer à l'augmentation du nombre de séquençages (jusqu'à un échantillon représentatif suffisant de 5 %), car c'est la « seule manière de savoir s'il a muté »[40],[41],[42].

Bibliographie

Philippe Froguel, Patrick Sérog et Fabrice Papillon, La planète obèse, Nil, , 288 p. (ISBN 9782841111442)[43],[44]

Notes et références

  1. Froguel, Philippe (1958-....), « BnF Catalogue général », sur catalogue.bnf.fr, 00421-frfre (consulté le )
  2. Stéphane Barge, « Portrait d’un endocrinologue. Philippe Froguel : « La recherche française reste trop recroquevillée sur ses vieilles gloires » », La Recherche, , p. 62-64 :
    « [...] sa carrière aurait pu s'embourber, s'il n'avait été « pistonné » en haut lieu. [...] Alain Pompidou, [...], à l'époque conseiller scientifique d'Édouard Balladur à Matignon, le propulse à la tête du tout nouvel institut de biologie du CNRS, basé à Lille, au sein de l'institut Pasteur. Car, oui, le professeur Froguel a des relations, par exemple au parti socialiste, duquel il ne se cache pas d'être proche. [...] »
  3. Antoine Pollez, « Philippe Froguel, généticien de classe mondiale et grande gueule de la science lilloise », sur Mediacités, (consulté le )
  4. Anne TAVERNE, « Philippe Froguel, il a tiré son gène du jeu », sur Libération (consulté le )
  5. Philippe Froguel, « Prevention et traitement du diabete sucre. Utilisation de techniques de biologie moleculaire et de genie biomedical en diabetologie clinique et experimentale », These.fr, Paris 7, (lire en ligne, consulté le )
  6. Fabien Gruhier, « Trois millions de victimes - On recherche diabétiques », Le Nouvel Obs, no 1323, du 15 au 21 mars 1990, p. 111
  7. « Société : les enjeux du génome », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ) :
    « Ce livre est aussi la chronique de cet événement »
  8. Paul Rabinow, Le déchiffrage du génome: l'aventure française, Odile Jacob, (ISBN 978-2-7381-0898-2, lire en ligne)
  9. Pierre Rossion, « Peut-on breveter l'homme ? », Science & Vie, , p. 76-80
  10. (en) « Rare and Common Genetic Events in Type 2 Diabetes: What Should Biologists Know? », Cell Metabolism, vol. 21, no 3, , p. 357–368 (DOI 10.1016/j.cmet.2014.12.020, lire en ligne, consulté le )
  11. Jean-Philippe, ... Leresche, Philippe Larédo, Karl, ... Weber et Universität Bern, Recherche et enseignement supérieur face à l'internationalisation : France, Suisse et Union Européenne, Presses polytechniques et universitaires romandes, (ISBN 978-2-88074-818-0 et 2-88074-818-6, OCLC 470881871, lire en ligne [PDF])
  12. UMR8199 Génomique et maladies métaboliques
  13. « Liaisons dangereuses », sur LExpress.fr, (consulté le )
  14. « Philippe Froguel », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  15. « L'identification des gènes favorisant le diabète permettra un meilleur dépistage », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  16. « Découverte d'un gène impliqué dans l'obésité », sur LEFIGARO (consulté le )
  17. « De nouveaux gènes du diabète 2 identifiés. », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  18. « Trois nouveaux gènes de l'obésité ont été identifiés. », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  19. « Des chercheurs français découvrent trois nouveaux gènes associés à l'obésité », Le Figaro, , p. 13
  20. Laurence Debril, « "Seuls un tiers des chercheurs sont vraiment novateurs" », L'Express, , p. 124 :
    « Mon Labex (laboratoire d'excellence) a reçu quelque 50 millions d'euros d'aides du ministère de l'Enseignement supérieur, de l'Europe et de la région. »
  21. « La plateforme génomique LIGAN-PM officiellement lancée / Actualités », sur www.nord-ouest.inserm.fr (consulté le )
  22. « L'Institut Pasteur, ce vivier de talents et de distinctions », La Voix du Nord,  :
    « [...] Et cette année, l'European Research Council (agence de recherche de l'Union Européenne) a attribué un ERC Advanced Grant (prix senior) au professeur Philippe Froguel pour ses axes de recherche sur le diabète. [...] »
  23. « Lauréats 2017 des Prix Auguste Loubatières et Roger Assan | Société Francophone du Diabète », sur www.sfdiabete.org (consulté le )
  24. « PMA : "Les arguments de l'Académie de médecine sont idéologiquement biaisés" », sur Franceinfo, (consulté le )
  25. « Inserm : Yves Lévy, époux d’Agnès Buzyn, retire sa candidature », Le Monde, (lire en ligne)
  26. P. Froguel, M. Vaxillaire, F. Sun et G. Velho, « Close linkage of glucokinase locus on chromosome 7p to early-onset non-insulin-dependent diabetes mellitus », Nature, vol. 356, no 6365, , p. 162–164 (ISSN 0028-0836, PMID 1545870, DOI 10.1038/356162a0, lire en ligne, consulté le )
  27. C. Vaisse, K. Clement, B. Guy-Grand et P. Froguel, « A frameshift mutation in human MC4R is associated with a dominant form of obesity », Nature Genetics, vol. 20, no 2, , p. 113–114 (ISSN 1061-4036, PMID 9771699, DOI 10.1038/2407, lire en ligne, consulté le )
  28. Robert Sladek, Ghislain Rocheleau, Johan Rung et Christian Dina, « A genome-wide association study identifies novel risk loci for type 2 diabetes », Nature, vol. 445, no 7130, , p. 881–885 (ISSN 1476-4687, PMID 17293876, DOI 10.1038/nature05616, lire en ligne, consulté le )
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  30. R. G. Walters, S. Jacquemont, A. Valsesia et A. J. de Smith, « A new highly penetrant form of obesity due to deletions on chromosome 16p11.2 », Nature, vol. 463, no 7281, , p. 671–675 (ISSN 1476-4687, PMID 20130649, PMCID PMC2880448, DOI 10.1038/nature08727, lire en ligne, consulté le )
  31. Sébastien Jacquemont, Alexandre Reymond, Flore Zufferey et Louise Harewood, « Mirror extreme BMI phenotypes associated with gene dosage at the chromosome 16p11.2 locus », Nature, vol. 478, no 7367, , p. 97–102 (ISSN 1476-4687, PMID 21881559, PMCID PMC3637175, DOI 10.1038/nature10406, lire en ligne, consulté le )
  32. Amélie Bonnefond, Nathalie Clément, Katherine Fawcett et Loïc Yengo, « Rare MTNR1B variants impairing melatonin receptor 1B function contribute to type 2 diabetes », Nature Genetics, vol. 44, no 3, , p. 297–301 (ISSN 1546-1718, PMID 22286214, PMCID PMC3773908, DOI 10.1038/ng.1053, lire en ligne, consulté le )
  33. Antoine Pollez, « Philippe Froguel, généticien de classe mondiale et grande gueule de la science lilloise », sur Mediacités, (consulté le )
  34. Philippe Froguel & Catherine Smadja, « Les dessous de l'affaire du sang contaminé », sur Le Monde diplomatique,
  35. Sécurité: Lettre au vitriol d'un sympathisant de gauche à Aubry, 20minutes.fr, 14 septembre 2016
  36. « Insécurité: l'appel d'un Lillois à Aubry », sur LEFIGARO (consulté le )
  37. « Coronavirus: un parcours d’obstacles administratifs pour faire des tests », sur LEFIGARO (consulté le )
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  39. « Tests Covid-19: auditionné, le Lillois Philippe Froguel secoue les sénateurs », sur La Voix du Nord, (consulté le )
  40. « Covid : pourquoi le séquençage du virus est primordial dans la lutte contre l'épidémie », sur Les Echos, (consulté le )
  41. « Covid-19 : tout comprendre sur le séquençage, qui permet de détecter les variants », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  42. « Covid-19 : le séquençage des variants du SARS-CoV-2 à la peine », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  43. « La Liberté 19 avril 2001 — e-newspaperarchives.ch », sur www.e-newspaperarchives.ch (consulté le )
  44. « Obésité : L'épidémie du siècle », Science et vie,

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