Phare de Saint-Mathieu

Le phare de Saint-Mathieu est situé sur la pointe Saint-Mathieu, à Plougonvelin, dans les environs de Brest, dans le Finistère. Cette tour, construite en 1835 dans les ruines d'une ancienne abbaye, est un phare majeur de la côte française dont la portée théorique est de 29 milles marins (environ 55 km).

Avec celui de Kermorvan, il donne la direction du chenal du Four, que suivaient les navires transitant sur un axe nord-sud avant la création du rail d'Ouessant, tandis que son alignement avec le phare du Portzic donne la route à suivre pour entrer dans le goulet de Brest.

Le phare fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le [2],[3].

Le sémaphore, les ruines de l'abbaye et le phare.

Historique

Sur le promontoire de Saint-Mathieu ne se dressent pas seulement les ruines d'une abbaye, mais aussi un phare et un sémaphore moderne. Si cet ensemble peut sembler baroque (au point que certains avaient avancé l'idée, dans le cadre d'une restauration de l'abbaye, de démonter le phare pour le reconstruire plus loin), le site n'en garde pas moins sa cohérence, tant ces éléments sont liés par leur histoire.

Premiers feux

La présence d'un feu destiné aux navires croisant dans ces parages est plus ancienne : dès 1157, le duc de Bretagne accorde aux moines bénédictins des droits en compensation de l'entretien d'un feu. En 1250, alors que la construction de l'abbaye est achevée, les moines placent un fanal au sommet d'une tour à feu carrée haute de 40 mètres[4].

Il faut attendre la fin du XVIIe siècle et les besoins d'accès à la nouvelle base navale de Brest, pour qu'on se préoccupe un peu plus sérieusement des conditions de navigation en Bretagne occidentale. En 1689 la Marine royale décide d'expérimenter un nouveau type de lanterne vitrée close installée au sommet de la tour de l’abbaye de Saint-Mathieu, ce dispositif étant plus efficace contre les intempéries (vent, pluie). Cette expérience est si concluante que les ingénieurs du royaume décident de remplacent systématiquement les foyers ouverts des phares existants par ces foyers fermés dont la lanterne permet aux gardiens de surveiller par tous les temps leur feu. Ce projet est achevé à Saint-Matthieu en , en 1744 à Fréhel, en 1778 à Chassiron, en 1784 au Stiff, à Ouessant[5].

Mais l'entretien d'un feu coûte cher. Pour des raisons d'économie, le feu de Saint-Mathieu n'est allumé que par les nuits très noires d'automne et d'hiver. De plus, le feu de charbon ainsi allumé, peu efficace, risque d'embraser l'abbaye. En , on décide de le remplacer par une lanterne renfermant quinze lampions de cuivre placés sur trois rangées superposées et alimentés par de l'huile. Mais là aussi il y avait des inconvénients : dès que le niveau d'huile baisse, la lumière est renvoyée vers le ciel par le cuivre des lampions ; on brûle de l'huile de poisson non épurée, dont les vapeurs fuligineuses encrassent les vitres et réduisaient la portée du phare.

Par ailleurs, Tourville se plaint que le phare ne soit pas régulièrement allumé. Les religieux proposent leurs services en échange du droit de bris et sont chargés d'allumer le fanal à partir du . En 1701, la Marine récupère le phare et loue une maison pour installer un gardien. La marine a entretenu, la nuit, depuis 1720, un fanal au haut du clocher de l'église abbatiale, pour diriger les navires.

En , un fort coup de vent démolit la lanterne et l'intendant de la Marine fait renforcer l'édifice par une armature métallique. À cette époque, le feu aurait pu être vu à deux lieues si sa clarté n'attirait les oiseaux de mer qui venaient s'y écraser et briser les carreaux. Pour les protéger, on doit poser un grillage qui absorbe une grande partie de la lumière.

En 1771, le lieutenant général des armées navales comte d'Estaing fait réaliser une série de modifications. On remplace les petits carreaux par de grandes glaces en verre de Bohême et les lampions par des lampes à double mèche alimentées par un mélange d'huile de poisson et d'huile de colza. La puissance de réflexion de ces réverbères à huile est renforcée par des réflecteurs en métal poli. Le feu de ce nouveau phare peut être vu jusqu'à 30 km[6].

L'abbaye en ruine est vendue le comme bien national, à Budoc Provost, notable du Conquet, qui l'achète 1800 livres en assignats et la livre aux démolisseurs[7]. Ce bourgeois s'est cependant engagé auprès des autorités à ne pas détruire l'église et la tour carrée servant de phare. Épargnée lors la vente des biens nationaux, la tour n'a donc pas été démolie malgré la réserve importante de pierres qu'elle représentait[8].

En 1820, le feu de Saint-Mathieu est équipé d'une installation pour feu tournant avec 8 réflecteurs Lenoir et des lampes d'Argand, qui en accroissaient la portée. Mais reste le problème de la hauteur insuffisante de l'ensemble. « C'est un phare à feu tournant, dont les éclipses se succèdent de demi-minute en demi-minute, et dont la portée s'étend jusqu'à 24 kilomètres », écrivait Pol Potier de Courcy en 1867[9].

Phare actuel

Exposition de 1834 — Appareil d'éclairage du phare Saint-Mathieu. Gravure du Magasin pittoresque, Paris, t. 2, p. 285.

L'état de la tour de l'ancienne abbaye étant pitoyable, la Marine décide de financer et construire une nouvelle tour ronde en granite. La construction se fait en partie avec les pierres de l'abbaye Saint-Mathieu de Fine-Terre et donne naissance à une tour tronconique sur large soubassement circulaire. Elle est couronnée d'une terrasse circulaire ornée d'une corniche à denticule. Une enfilade de huit pièces (magasins, chambres des gardiens) sont disposées en anneau autour de la cage de l'escalier en vis qui en occupe le centre du fût de 3,2 mètres de diamètre intérieur et de 36 mètres de hauteur, dont la base est entourée d'une construction circulaire. L'escalier de 163 marches mène au feu tournant à 16 demi-lentilles placé à 55 m au-dessus du niveau de la mer qui est protégé par des glaces de 81 cm de côté et de mm d'épaisseur. La mise en service a lieu le . Le feu à éclipses de 30 secondes en 30 secondes, dont la portée était de 35 km vers 1860, fonctionne d'abord à l'huile de colza, puis au pétrole avant d'être électrifié en 1932. Il s'agit désormais d'un feu à 1 éclat toutes les 15 s, à secteur blanc[10].

En 1900, le phare est équipé d’un brûleur consommant un mélange de pétrole vaporisé et d’air comprimé grâce à un injecteur, ce qui donne une meilleure intensité au feu. Le , le feu est posé sur un bain de mercure et ses caractéristiques changent : c'est depuis un feu à éclat d'une période de 15 secondes. Ces améliorations techniques permettent de supprimer le troisième poste de gardien[11].

Le phare est entièrement électrifié en . En , il prend son aspect actuel : tour peinte en blanc, marquée « SAINT-MATHIEU » en rouge, et bande rouge au sommet. Il est automatisé depuis 1996 et télécontrôlé depuis [12]. Le phare n’est plus gardienné depuis [6].

Audiovisuel

Le site du phare de Saint-Mathieu sert de toile de fond à la présentation des reportages de la saison 2012-2013 de l'émission Thalassa, sur France 3[13].

Le phare dans les arts

En 2019, La Poste a émis un carnet de douze timbres à validité permanente intitulé « Repères de nos côtes » dans lequel figure le phare de Saint Mathieu[14].

Notes et références

  1. Fiche sur le site de la DDE 29
  2. Notice no PA29000050, base Mérimée, ministère français de la Culture
  3. « Classement au titre des monuments historiques de plusieurs phares ou anciens phares du littoral », sur www.bretagne.pref.gouv.fr (consulté le )
  4. (de) Patrick Dittrich, Leuchtturm-Reiseführer, Patrick Dittrich Verlag, , p. 46.
  5. Jean Christophe Fichou, Gardiens de phares : 1798-1939, Presses universitaires de Rennes, , p. 201.
  6. Phare de Saint-Mathieu, site Direction interrégionale de la mer Manche Atlantique - Manche Ouest
  7. Une pratique courante de l’époque pour les particuliers est d’acquérir des biens nationaux pour en récupérer les matériaux.
  8. Michel de Mauny, Le Pays de Léon : Bro Léon, son histoire, ses monuments, Armor, , p. 212.
  9. Félix Benoist et divers auteurs, "La Bretagne contemporaine", tome "Finistère", 1867.
  10. Bretagne Nord, Place des éditeurs, , p. 47.
  11. Jean Christophe Fichou, Gardiens de phares : 1798-1939, Presses universitaires de Rennes, , p. 93.
  12. http://www.wiki-brest.net/index.php/Phare_de_Saint-Mathieu
  13. « Thalassa sur le site de Saint-Mathieu (Finistère) », sur DIRM NAMO, (consulté le )
  14. Carnet 12 timbres - Repères de nos côtes 2019 - Lettre Prioritaire, La Poste, consulté le .

Annexes

Bibliographie

Philip Plisson, Guillaume Plisson et Daniel Charles, Phares majeurs de l'arc Atlantique, Éditions du Chêne, [détail de l’édition] (ISBN 2842774035), p. 196-197

Articles connexes

Liens externes

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