Palais des comtes de Poitiers

Le Palais des comtes de Poitiers est l'ancien palais comtal de Poitiers et l'ancien palais ducal d'Aquitaine. Il est un témoignage médiéval du style architectural du gothique angevin.

La bâtiment a eu la fonction de palais de justice jusqu’en 2019.

Le palais des comtes de Poitou-ducs d'Aquitaine

La salle des pas perdus et la belle cheminée.

Le royaume d'Aquitaine avait été reconstitué par Charlemagne pour son fils Louis le Pieux. Un palais fut construit pour lui au IXe siècle à cheval sur la muraille romaine datant de la fin du IIIe siècle, sur le point le plus élevé de la ville. Le roi Louis y fit plusieurs séjours, et y revint une fois devenu empereur, en 839 et en 840. Il fut ensuite le siège des comtes de Poitiers. Ce premier état du palais a totalement disparu dans un incendie en 1018.

Il fut reconstruit par les comtes-ducs d'Aquitaine, alors au faîte de leur puissance. Le comte Guillaume IX y ajouta un donjon vers 1104, du côté de la ville, appelé tour Maubergeon en hommage à sa maîtresse. Celle-ci, Amauberge (la Dangereuse) de l’Île Bouchard, était la femme du vicomte Aimery de Châtellerault, et la grand-mère par son fils, Guillaume X, d'Aliénor d'Aquitaine. Le nom de Maubergeon viendrait d'après certains historiens de malberg, le nom mérovingien donné au tribunal. Ce donjon rectangulaire était renforcé d'une tour à chaque angle, et fut très endommagé avec la partie sud du palais lors de l'incendie allumé par le comte de Derby en 1346.

De 1192 à 1204, Aliénor d'Aquitaine fait bâtir la Grande Salle (parfois désignée par son nom latin, aula), qui remplace une autre plus ancienne. Sans nom particulier à l'époque, cette salle était probablement la plus vaste de l'époque (50 × 17 mètres) en Europe[réf. nécessaire]. L’ancien pont de la salle du XIIe siècle existe encore dans les constructions modernes de l'actuelle rue du marché. La salle n'a pas de plafond, et on peut voir la charpente en châtaignier, construite en 1862 par les charpentiers de marine de La Rochelle. Les murs de la salle sont ornés d'arcatures aveugles supportées par de fines colonnettes, avec une organisation différente selon le mur. Des têtes grimaçantes et des personnages ornent les culots des colonnes. Ce type d'ornement est fréquent dans l'art gothique dit Plantagenêt, angevin ou encore gothique de l’Ouest. On le retrouve à la cathédrale de Poitiers, édifice contemporain. Les murs ont été enduits et peints au XIXe siècle de motifs imitant la pierre en grand appareil. Une banquette de pierre fait le tour de la salle. C'est l’actuelle salle des pas perdus du palais de justice.

La reconstruction par le duc de Berry

La Tour Maubergeon d'après Viollet-le-Duc

Le duc Jean Ier de Berry, qui était aussi comte apanagiste de Poitiers, reconstruit la partie du palais détruite par l'incendie de 1346. D'une part, le château et les remparts sont relevés ; d'autre part, les appartements privés sont reconstruits dans le style gothique flamboyant par l'architecte et sculpteur Guy de Dammartin ; enfin, la grande salle est ornée d'une magnifique triple cheminée, en arrière de laquelle trois verrières furent placées. Ces travaux furent effectués de 1388 à 1416, pendant les trêves dans la guerre de Cent Ans.

La tour Maubergeon fut reconstruite sur trois étages voûtés d’ogives, éclairés de fenêtres à vitraux, et ornée au sommet de dix-neuf statues, dont seize subsistent. Celles du duc et de son épouse Jeanne de Boulogne ont disparu, restent celles de leurs vassaux, en habits de clercs. Inachevée, la tour ne possède pas l'étage de mâchicoulis ni les dais couvrant les statues.

Guy de Dammartin dota la salle de trois cheminées monumentales, ornée de sculptures de style gothique flamboyant. Une balustrade y fut ajoutée au XIXe siècle. Le mur sud de la salle fut remanié : il fut percé de grandes baies, devant lesquelles passent les conduits des cheminées, les masquant de l'extérieur, mais donnant l'illusion d'un grand fenestrage à l'intérieur. À l'extérieur, ce mur est orné de gâbles et de choux frisés. Le mur, surnommé à l'époque la belle cheminée de Poitiers[1], est un des premiers exemples du style flamboyant dont Dammartin est un des initiateurs. C'est également à lui que l'on attribue les quatre statues qui ornent le mur de la belle cheminée (elles furent longtemps attribuées à André Beauneveu). On y voit le roi Charles VI dit le Fol, la reine Isabeau de Bavière, Jean de Berry dont la statue a été fortement remaniée au XIXe siècle, et sa deuxième épouse Jeanne de Boulogne. Ces œuvres, témoignages exceptionnels de la sculpture française de la fin du XIVe siècle, ont été moulées et des copies sont désormais visibles depuis le printemps 2007 dans la grande salle.

Palais de Justice

C'est déjà dans cette salle que les comtes-ducs rendaient parfois la justice.

Après le rattachement du Poitou au domaine royal, la salle des pas perdus devint la salle du Roi, où s'exerçait la justice du roi. C'est ici aussi qu'Hugues X de Lusignan, comte de la Marche, vint défier publiquement le frère du roi Louis IX (saint Louis) le jour de Noël 1241.

De 1418 à 1436, le parlement y siégea. Le , Jacques Cœur y fit amende honorable devant le roi, corde au cou, y entendit la sentence le condamnant à la prison jusqu'à paiement complet d'une amende. Les Grands Jours de Poitou s'y tinrent sept fois de 1454 à 1688 : il s'agit d'une juridiction exceptionnelle déléguée par le roi, pouvant juger toute affaire civile ou criminelle. Elle était mandatée de temps à autre pour remettre de l'ordre dans l'administration judiciaire d'une province et juger certains abus.

Laissée longtemps sans entretien, la grande salle se délabre fortement aux XVIIe et XVIIIe siècles. La gravure de Claude Chastillon la représente même ruinée. Le dessin de la collection Gaignières, de 1699, la représente occupée par des étals de marchands. À l'époque, on la visite pour y voir un crocodile empaillé accroché sur un des murs, ainsi que le relatent un grand nombre de voyageurs[2].

Le palais des ducs et des comtes devint le siège de la cour d'appel de Poitiers à partir de la Révolution, qui perpétuait ainsi sa fonction d'Ancien Régime. L'ancienne entrée, par "l'échelle du palais" étant devenue insuffisante, on commanda des transformations à l'architecte poitevin Vétault. Celui-ci fit une nouvelle façade sur l'ancienne place Saint-Didier. Un escalier monumental sommé d'un portique dorique, image majestueuse que l'on voulait donner de la Justice à l'époque, lui fut ajouté en 1821 de même qu'une aile en retour d'équerre dont le style, courant à l'époque, s'inspire librement des palais romains du Cinquecento.

Les armoiries royales du fronton furent remplacées par la Charte de 1830 depuis la Monarchie de Juillet. En 1852, le tribunal de première instance fut abrité dans cette aile. C'est également au XIXe siècle que les appartements privés construits au XIVe siècle furent démolis pour laisser la place à la cour d'appel et au greffe.

Le palais de justice est classé au titre des monuments historiques par la liste de 1862 ; le jardin entourant le palais est classé en 1930 et certaines parties du sous-sol sont inscrits en 1957[3].

En 1870, il abrita la chambre criminelle de la cour de cassation.

En 2019, le tribunal et la cour d’appel déménagent vers une nouvelle cité judiciaire[4]. Le 1er janvier 2020 il devient officiellement propriété de la ville de Poitiers et accueille un événement artistique et culturel mêlant patrimoine et art contemporain : Traversées. Depuis juillet 2020 il est ouvert à la visite gratuite toute la semaine et divers événements (conférences, spectacles, etc.) y ont régulièrement lieu. Son avenir est lié à celui du quartier du Palais, une équipe d'architectes va être choisie courant 2021 afin de décider du futur rôle du palais et des restaurations et réarmements à mener. [5]

Anecdotes

Une scène du film Jeanne d'Arc y fut tournée par Luc Besson.

La rue de l'Échelle-du-Palais qui donne sur l'arrière du Palais, est l'ancien accès côté ville de la forteresse médiévale. Le fossé était franchi par une échelle, d'où le nom. Elle servit longtemps de raccourci aux habitants du quartier, qui coupaient à travers la salle des pas perdus. Ce passage a été fermé à cause de vols dans les bureaux des greffiers.

Références

  1. Paris 1400, catalogue de l'exposition du musée du Louvre, 2004
  2. Alain Quella-Villéger (dir), Via Poitiers, une ville, des écrivains, des voyageurs, 1998
  3. « Notice n°PA00105653 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  4. Jean-Michel Gouin, « Poitiers : le palais des ducs d'Aquitaine tourne les pages de son histoire (1/8) », La nouvelle République, (lire en ligne)
  5. « Culture > Palais des ducs d'Aquitaine - Ville de Poitiers », sur www.poitiers.fr (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Paris 1400, les arts sous Charles VI, catalogue de l'exposition du Musée du Louvre, 2004
  • Aliénor d'Aquitaine, 303, revue des pays de Loire, n°81
  • A. de Champeaux, P. Gauchery, Les travaux d'architecture et de sculpture exécutés par Jean de France, duc de Berry, p. 64-71, Gazette archéologique : recueil de monuments pour servir à la connaissance et à l'histoire de l'art antique, année 1887 (lire en ligne)

Articles connexes

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