Nuit des paras

La « Nuit des Paras » est un événement s'étant déroulé dans la nuit du au à Montigny-lès-Metz puis à Metz.

Contexte

En , tandis que les partis politiques algériens (FLN, MNA) luttent pour l'indépendance de l'Algérie, la ville de Metz, siège de la région militaire du Nord-Est et ville militaire depuis plusieurs siècles, abrite depuis quelques semaines 1 500 parachutistes du 1er régiment de chasseurs parachutistes (1er RCP). Les militaires ont été retirés d'Algérie à la suite du putsch avorté du .

Environ deux mille Algériens habitent le quartier de Pontiffroy en 1961. Celui-ci, très pauvre, est surtout composé de vieilles bâtisses sans eau ni électricité. Arrivés après la Seconde Guerre mondiale pour servir comme manœuvre dans les usines de la région, les travailleurs algériens, sous-payés, sont logés dans de petites chambres au confort spartiate[1].

Nuit du au

La boîte de nuit Le Trianon (en 2018 : Le Rouge) est, à Montigny-lès-Metz, ouverte aux clients le dimanche . Une bagarre éclate. On évoque une jeune fille qui aurait dansé avec un Algérien provoquant des commentaires jugés racistes de la part des parachutistes. Un militant du FLN aurait alors ouvert le feu tuant sur le coup le barman Jean-Marie Defrannoux (33 ans) et un parachutiste appelé du contingent de 22 ans, Francis Soro. Un cuisinier appelé du contingent (Henri Bernaz) décédera dans la nuit des suites de ses blessures.

L'explication de la rixe par une rivalité galante liée à une jeune femme n'est qu'une hypothèse qui n'est pas démontrée, mais qui circule largement dans l'opinion publique d'alors. L'historien franco-allemand, Lucas Hardt, a mis à mal cette supposition. Il cite comme argument le rapport établi par la 16e Brigade de police judiciaire qui relate une bagarre qui a eu lieu la veille, le 22 juillet, entre quatre soldats du 1er groupe de livraison par air (1er GLA), régiment également stationné à Metz, à un groupe d’Algériens au dancing Le Trianon. Le lendemain soir, un groupe encore plus important de militaires, et notamment de parachutistes, se rend au dancing Le Trianon avec, selon le rapport, l’intention d’« identifier, voire corriger les Nord-Africains responsables de l’incident de la veille". Un des soldats blessé lors de la bagarre de la veille croit reconnaître un de ses agresseurs algériens [2]. Il s'en suit le déroulé des événements rapportés précédemment.

Pour venger la mort de leur collègue, la soixantaine de parachutistes présents dans la boîte de nuit vont chercher des renforts dans les casernes Serret et Raffenel. Plus tard, trois cents « bérets rouges » déferlent sur la ville. Tout homme suspecté d'être d'origine maghrébine est violemment frappé. Des hommes sont ainsi agressés au jardin botanique, dans la rue Pasteur, au buffet de la gare de Metz, dans la rue des Jardins, au Pontiffroy.

Un Nord-Africain (Aougeb M'Marek), marchand ambulant, est abattu par balle rue Gambetta près du kiosque à journaux. Plusieurs personnes d'origine maghrébine auraient été jetées dans la Moselle depuis les ponts du Pontiffroy mais aucun noyé n'a été recensé le lendemain.

Le mardi , Le Républicain lorrain titrera en une : « La nuit sanglante de Metz ».

Conséquences humaines

  • Trois morts à la boîte de nuit Le Trianon (un barman, un appelé du contingent parachutiste, un appelé du contingent) ;
  • Un mort Nord-Africain à Metz ;
  • 27 blessés graves (dont 6 militaires touchés par balles, et 17 Nord-Africains blessés par armes blanches) dans le centre-ville de Metz.

Un travail de mémoire

Les événements de la nuit du 23 au 24 juillet 1961 à Metz ont peu retenu l'attention des historiens jusqu'à la thèse de Lucas Hardt soutenue en 2016 ("Entre fronts et espaces. Des migrants algériens en zone frontalière lorraine (1945-1962)" [Universités de Paris I et de Trèves]) sous la direction de Raphaëlle Branche et de Raphael Lutz.

Jusqu'alors, seuls des journalistes, et notamment ceux du Républicain Lorrain, se sont penchés sur cette nuit messine de 1961.

En 2011, le journaliste Jean-Baptiste Allemand, alors étudiant en licence de webjournalisme à l'université Paul Verlaine de Metz, a publié un reportage vidéo sur le sujet. Il a été conseillé pour ce travail par Laura Tared, historienne, qui avait rédigé une thèse de doctorat d'histoire en 1987 intitulée "Interprétations et répercussions de la guerre d'Algérie en Lorraine" sans pour autant aborder la nuit du 23 juillet.

Un collectif a été créé en pour que cet événement dramatique ne tombe pas dans l'oubli des Messins et des Lorrains. Le , soit 55 ans après la « Nuit des paras », ses membres ont déposé une gerbe du souvenir aux portes de l'ancien dancing du Trianon à Montigny-lès-Metz, là où tout a commencé, et sur le pont Saint-Georges, lieu symbolique choisi pour se souvenir des différents endroits de Metz où des agressions contre des Algériens ou d'autres Maghrébins ont été commis. Cette commémoration a été suivie d'une conférence-débat dans le salon De Guise de la Mairie de Metz. Devant plus d'une centaine de participants, l'historien Franco-allemand, Lucas Hardt, a présenté les travaux qu'il a menés sur « la ratonnade de Metz », autre appellation usuelle pour désigner ce qui s'est passé dans la nuit du au .

Ce collectif, d'abord informel, s'est constitué en association le . Ses objectifs dépassent le seul travail de mémoire de l'épisode tragique messin pour valoriser le rapprochement entre les peuples des deux côtés de la Méditerranée : « L'association (Collectif ) a pour objet de promouvoir sous toutes ses formes les liens passés, présents et à venir entre les Algériens, leurs connexions maghrébines, africaines et mondiales et les Messins, leurs connexions lorraines, françaises et européennes ». Les statuts ont été enregistrés par le registre des associations du tribunal de Metz le , sous le volume 181, folio no 34, comme le veut le droit local en Alsace et en Moselle.

L'association milite également pour que le jumelage établi entre Metz et Blida en 1956 soit non seulement rétabli mais aussi revu dans ses fondements et ses options. Elle a organisé un colloque sur ce sujet. Elle publie régulièrement ses activités que le site internet qu'elle a créé.

En 2020, Pierre Hanot a publié le roman Aux vagabonds l'immensité[3] inspiré de l'événement[4].

En 2021, une classe de terminale au lycée Jeanne d'Arc à Nancy effectue un travail de recherche afin de produire des notices sur la période, et notamment sur cet événement[5].

Références

  1. Bordenave 2021.
  2. Lucas Hardt, « Violences et espaces. Perspectives sur la Lorraine, 1870-1962. », Histoire@Politique. Revue électronique du centre d'histoire de Sciences Po., (lire en ligne)
  3. Pierre Hanot, Aux vagabonds l'immensité, La Manufacture de livres, (ISBN 978-2-35887-618-6).
  4. Lucas Valdenaire, « "Ne jamais fermer les yeux" : Un roman et un collectif pour ne pas oublier la Nuit des Paras en 1961 à Metz », France Bleu Lorraine Nord, .
  5. « Metz et la « Nuit des paras »,  », sur Nancy Colonies, .

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

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