Naveta d'Es Tudons

La Naveta d'Es Tudons (du catalan minorquin naveta ou naueta, pluriel navetes ou nauetes, diminutif de nau, « nef », et de Es Tudons, nom de lieu, litt. « les ramiers »)[1],[2] est le monument funéraire le plus remarquable de l'ïle baléarique de Minorque en Espagne.

La Naveta d'Es Tudons

Il se situe dans la partie occidentale de l'ïle, sur la route Ciutadelle-Mahon, à environ 5 km de Ciutadelle et à 200 m au sud de la route, dans un terrain légèrement surélevé[3].

Historique

De toutes les navetes funéraires minorquines, la Naveta d'Es Tudons est la plus grande et la mieux conservée[4]. Bien que décrite au début du XIXe siècle, elle ne fut fouillée qu'en 1960.

Employée pour la première fois par le Dr Juan Ramis en 1818, l'appellation de naveta navette ») s'inspire de la ressemblance de ces édifices à un navire la quille en l'air[5]. Cette forme aurait été celle des maisons de l'époque de ces monuments.

Chronologie

Majorque et Minorque comptent plusieurs dizaines de navetes, dont certaines à deux niveaux[5],[6]. La datation par le radiocarbone des ossements trouvés dans celles de Minorque donne une période d'utilisation allant de 1130 à 820 av. J.-C.[7]. La Naveta d'Es Tudons est un ossuaire qui a été en usage entre 1000 et 800 av. J.-C. (Talayotique II).

Architecture

Morphologie externe

La Naveta d'Es Tudons a la forme d'un bateau renversé dont l'étrave serait l'abside du bâtiment, la poupe la façade, et les flancs les murs gouttereaux. Le plan au sol est celui d'un demi-cercle démesurément allongé ou encore d'un fer à cheval étiré[8].

Les dimensions extérieures sont 14,5 m pour la longueur, 6,5 m pour la largeur et 4,55 m pour la hauteur conservée (6 m pour la hauteur originelle restituée)[9].

L'orientation de l'édifice est le sud sud-ouest / nord nord-est. L'entrée, qui est ménagée dans l'axe médian de la façade, regarde le sud sud-ouest.

La façade, qui est très légèrement convexe, ainsi que les côtés et l'abside sont fortement talutés[8].

Maçonnerie

L'avant, les murs latéraux et l'arrière de l'édifice consistent en une succession d'assises d'énormes dalles calcaires ébauchées au marteau[10], assemblées à sec (sans mortier), le tout monté sur une assise de fondation formée de blocs encore plus volumineux posés de chant sur le socle rocheux[11]. Le parement des blocs de la paroi extérieure est biseauté de façon que celle-ci soit talutée. Les pierres de la paroi intérieure sont disposées en encorbellement et ont leur parement biseauté.

Structure interne

L'entrée, basse et étroite (hauteur : 0,75 m, largeur : 0,57 m), était à l'origine obturée par une dalle rectangulaire comme l'indique la présence d'une feuillure dans l'encadrement[8].

L'entrée donne dans une antichambre de 1,30 m de long, au fond de laquelle une entrée formée de trois grands blocs débouche dans une chambre de 7,45 m de long sur 2 m de large, couverte, à 2,25 m du sol, d'un plafond de gigantesques dalles encastrées dans les parois intérieures (largeur moyenne : 1,50 m). Au fond se trouve une sorte de banc de pierre[8].

Ce plafond sert de sol à une deuxième chambre, longue de 7,10 m et haute de 0,85 m, à laquelle on accède par le haut de l'antichambre. Elle est également couverte d'un plafond de très grandes dalles percées de trous, destinés peut-être à la ventilation, à moins qu'il ne s'agisse d'une usure naturelle du calcaire[5].

Usage

La chambre haute servait vraisemblablement au dessèchement des cadavres[12] tandis que la chambre basse servait à entreposer les ossements des morts après la disparition des chairs[13].

Les fouilles menées par l'archéologue Lluís Pericot i Garcia en 1959 ont livré les restes d'au moins cent squelettes (dont un crâne trépané) et divers objets (bracelets en bronze, boutons en os)[5],[14]. Ces derniers sont aujourd'hui exposés au Musée de Minorque (Museu de Menorca) à Mahon.

Le souvenir de la fonction primitive des navetes a perduré jusqu'aux temps modernes puisqu'à la fin du XIXe siècle les Minorquins se tenaient encore à l'écart de ces édifices isolés et rébarbatifs.

Conservation

La Naveta d'Es Tudons est inscrite depuis le 3 juin 1931 sur la liste des biens d'intérêt culturel de l'Espagne (référence : RI-51-0003442).

En 1960, les restaurateurs ont remis en place, en haut de la naveta, de deux à trois assises de gros blocs qui manquaient[5].

En dehors de l'emploi de la technique de l'encorbellement pour les parois et de l'absence de mortier pour la maçonnerie, l'édifice n'a rien à voir historiquement, socialement et fonctionnellement avec les cabanes agricoles en pierre sèche des Temps modernes[15].

Le mur de clôture moderne qui le ceint a été récemment doté d'une arase de couronnement[16].

Le monument, à l'exception de l'intérieur, est ouvert au public. C'est le plus visité de l'île.

Galerie

Notes et références

  1. On trouve parfois simplement Nau d'Es Tudons nef d'Es Tudons »).
  2. (en) Leslie V. Grinsell, Barrow, pyramid, and tomb : ancient burial customs in Egypt, the Mediterranean, and the British Isles, Westview Press, Boulder, Colorado, 1975, (ISBN 0-89158-504-4), p. 194.
  3. (en) Edwin Oliver James, Prehistoric religion: a study in prehistoric archaeology, Barnes & Noble, New York, 1957, (ISBN 9781111767211), p. 67.
  4. Sens technologiques de « navette » selon le Trésor de la langue française informatisé :
    1. TISS. Dans un métier à tisser, pièce mobile formée généralement d'une pièce de bois allongée et pointue aux extrémités, contenant une bobine et servant à faire passer le fil de la trame entre les fils de chaîne. Navette d'os; navette droite, volante, à main; faire aller, faire courir la navette. La navette, généralement en bois de cornouiller, a une forme allongée (...) creusée d'une cavité garnie d'une broche où s'enfile la canette (Blanquet, Technol. mét. habill., 1948, p.97).
    2. P.anal., vx. Petit récipient allongé, en forme de nef. Navette à encre, à épices, à sel; navette en nacre, en or. Il portait à deux mains une navette remplie d'huile (Chateaubr., Mém., t.4, 1848, p.387).
    − LITURG. Petit récipient allongé, en forme de nef où l'on conserve l'encens. Navette d'argent, de cuivre. Le cérémoniaire (...) conduisait les thuriféraires au célébrant, qui bénissait l'encens des navettes (Zola, Rêve, 1888, p.205).
  5. Leslie V. Grinsell, op. cit., p. 194.
  6. (en) Georg Gerster, Charlotte Trümpler (ss la dir.de), The Past from Above: Aerial Photographs of Archaeological Sites, Getty Publications, Los Angeles, California, 2007, pp. 416, (ISBN 0892368179).
  7. (es) C. Veny, Las navetas de Menorca, in Proceedings of the conference "Un millennio di relazioni fra la Sardegna e i Paesi del Mediterraneo", 1987, Edizioni Della Torre, Cagliari, p 443-472, p.429
  8. Edwin Oliver James, op. cit., p. 67.
  9. Leslie V. Grinsell, op. cit., p. 194.
  10. (en) F.H.H. Guillemard, The Balearic Islands and their Antiquities, in Proceedings of the Cambridge Antiquarian Society (George Bells & Sons), 1907, 11 (3), pp. 465–467.
  11. (es) Naveta dels Tudons (Ciutadella, Menorca), site artehistoria : « Toda la construcción se ejecutó mediante sillares de buen tamaño dispuestos en hiladas regulares, excepto el zócalo hecho a base de bloques de mayor tamaño que sirven de cimentación. »
  12. (en) Emma Blake, Arthur Bernard Knapp (ss la dir. de), The archaeology of Mediterranean prehistory, John Wiley & Sons - Blackwell, Oxford, 2005, (ISBN 978-0-631-23267-4), p. 170.
  13. (en) Phil Lee, The Rough Guide to Menorca, Rough Guides, 2001, 288 p. 187.
  14. (en) Naveta des Tudons, sur le site menorcaweb.com.
  15. La Naveta d'Es Tudons à Minorque (Baléares, Espagne), site pierreseche.com.
  16. « Inutile de vous extasier sur le mur de pierre sèche qui entoure la Naveta, il est de construction récente », font remarquer Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette, les auteurs de Baléares, Ibiza — Minorque — Majorque (Le Petit Futé, 2012, 336 p., p. 281).

Voir aussi

Bibliographie complémentaire

  • Émile Cartailhac, Monuments primitifs des îles Baléares, É. Privat, Toulouse, 1892.
  • T. Eric Peet, Rough Stone Monuments and Their Builders, Harper & Brothers, London, 1912 (chap. France, Spain and Portugal)
  • Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette, Baléares, Ibiza — Minorque — Majorque, Le Petit Fûté, 2012, 336 p., p. 281.
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