Nationalisme méthodologique

Le nationalisme méthodologique désigne l'adéquation du concept de société à l'espace de l'État-nation dans les sciences sociales.

La critique du paradigme de société nationale

Cette conception implicite de la société est critiquée par la théorie sociale depuis les années 1970[1], notamment par les spécialistes de la mondialisation, comme l'anthropologue Arjun Appadurai.

La sociologie est née comme discipline au XIXe siècle, à l'époque de l'affirmation de l'État-nation. C'est pourquoi la société nationale apparaissait alors comme la référence conceptuelle la plus pertinente pour penser les liens sociaux. Cependant, le processus de mondialisation augmente et multiplie les liens sociaux hors du territoire national. Étant donné que c'est le lien social qui fait la société, l'adéquation du concept de société à l'échelle de l'État-nation est de moins en moins pertinente.

France

En France, cette problématique a été explorée par le sociologue François Dubet dans Le Travail des sociétés[2], ainsi que par le géographe Jacques Lévy[3],[4].

Québec (Canada)

Selon les juristes québécois Frédéric Bérard et Jean Leclair, le nationalisme méthodologique au Québec correspondrait à une vision de la nation excessivement attachée aux frontières du Québec, à telle enseigne que les intérêts des minorités francophones hors Québec sont vus comme étant diamétralement opposés à ceux du Québec. Cette idéologie nationaliste aurait tendance à construire des mythes autour de la Charte canadienne des droits et libertés et à pourfendre le contrôle de la constitutionnalité des lois provinciales par les juges québécois nommés par le gouvernement canadien. [5],[6]

Les alternatives au paradigme de société

Les principales réflexions pour tenter de dépasser le nationalisme méthodologique sont issues des travaux d'Ulrich Beck sur le cosmopolitisme[7]. Beck affirme que la nation n'est qu'une des dimensions de l'identité collective, qui n'est pas plus pertinente que d'autres pour aborder la question des différences et des groupes sociaux au sein de l'humanité.

John Urry a également dédié l'ouvrage Sociology beyond Societies à la recherche d'alternatives au paradigme de la société nationale en sociologie. Il propose que la sociologie mette en avant les concepts de mobilités, réseaux et flux comme paradigmes du lien social dans le monde globalisé.

Les travaux de Saskia Sassen sur les villes globales échappent au nationalisme méthodologique en adoptant la perspective du transnationalisme.

La théorie des réseaux offre également des outils méthodologiques et conceptuels permettant de dépasser le nationalisme méthodologique.

Références

  1. Chernillo, D. (2006), "Social Theory’s Methodological Nationalism", in European Journal of Social Theory 9(1): 5-22
  2. Dubet, F. (2010), Le Travail de sociétés, Paris: Seuil
  3. Lévy, J. (2007) "Mondialiser les sciences sociales?" in Sciences Humaines n°180
  4. Lévy, J. (2007), "Mondialisation et sciences sociales, un enjeu épistémologique", in Wieviorka, M. Les Sciences sociales en mutation, Editions Sciences Humaines
  5. Chouinard, S. (2016). Compte rendu de [Frédéric Bérard, Charte canadienne et droits linguistiques : pour en finir avec les mythes, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2017, 375 p.] Francophonies d'Amérique,(42-43), 171–174. https://doi.org/10.7202/1054043ar
  6. Jean Leclair « Penser le Canada dans un monde désenchanté : réflexions sur le fédéralisme, le nationalisme et la différence autochtone » Revue du Centre d'études constitutionnelles. Volume 25, Numéro 1, 2016. En ligne. Consulté le 2021-05-07
  7. Beck, U. (2007), "La condition cosmopolite et le piège du nationalisme méthodologique", in Wieviorka, M. Les Sciences sociales en mutation, Editions Sciences Humaines
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