Nanny (Jamaïque)

La reine Nanny ou Nanny (environ 1685 - autour de 1755), héroïne nationale jamaïcaine, est une des plus grandes figures emblématiques de la résistance des marrons jamaïcains au XVIIIe siècle, au même titre que Zumbi dos Palmares au Brésil ou Toussaint Louverture en Haïti. La plupart des témoignages sur son existence proviennent d'histoire orales car peu de preuves écrites existent. Pourtant, des documents historiques font allusion à une vieille dame rebelle nommée Obeah, et garantissent légalement que Nanny et les personnes résidaient avec elles et ses héritiers sur une parcelle particulière de Terre de 500 acres dans la commune de Portland. La ville de Nanny Town a été fondée sur cette terre.

Les marrons

Les marrons sont les descendants des Afro-Caribéens, qui ont traversé l'expérience oppressive de l'esclavage dans les plantations et ont formé leur propre communauté dans l'espace intérieur accidenté et montagneux de l'île. Ils étaient considérés comme des combattants meurtriers et durs à la défaite. Sous la gouvernance espagnole, jusqu'en 1650, les esclaves se sont échappés et se sont mariés avec les habitants natifs de l'île, les Arawaks, dans leurs communautés. Plus tard, quand les Anglais ont pris le contrôle de la colonie, la plupart des esclaves étaient capables de fuir les plantations pour rejoindre les deux principaux groupes de marrons en Jamaïque : les Windward et les Leeward, menés respectivement par les chefs Nanny et Capitaine Cudjoe.

Les marrons venaient essentiellement des personnes de la région Akan de l'Afrique de l'Ouest. La tribu Ashanti, d'où vient aussi Nanny, vivait dans la région. Pourtant, les esclaves provenant d'autres régions de l'ouest africain ont rejoint les marrons dans leurs fuites. Pendant plus de 150 ans, les marrons ont aidé à libérer les esclaves des plantations en endommageant les terres et les propriétés appartenant aux propriétaires des plantations.

Vie quotidienne de Nanny et travail

Nanny est née dans l'Afrique de l'ouest, au Ghana autour de l'année 1686, dans la tribu Ashanti et a été amenée en Jamaïque en tant qu'esclave. Il semble que certains des membres de sa famille étaient impliqués dans des conflits inter-tribus et son village a été capturé. Nanny et plusieurs de ses compatriotes ont été vendus en tant qu'esclaves et envoyés en Jamaïque. À peine arrivée en Jamaïque, Nanny a été probablement vendue à une plantation de la commune Saint Thomas, à proximité de Port Royal. Le sucre de canne était la culture principale de ces plantations et les esclaves travaillaient dans des conditions extrêmement dures.

Pendant son enfance, Nanny a été influencée par des leaders esclaves et des marrons. Elle et ses frères Accompong, Cudjoe, Johnny et Quao ont fui leurs plantations et se sont cachés dans les Blue Mountains au nord de la commune de Saint Thomas. Pendant leur période de clandestinité, ils se sont divisés pour organiser plus de communautés marrons à travers la Jamaïque : Cudjoe est allé dans la commune de Saint James et a organisé un village qui plus tard a été nommé la ville Cudjoe Town, Accompong s'est rendu dans la commune de Saint Elisabeth dans une commune appelée Accompong Town, Nanny et Quao ont fondé les communautés dans la commune de Portland. Nanny a été mariée à un marron nommé Adou.

Nanny est devenue une héroïne populaire. La ville de Nanny Town a dû affronter les attaques anglaises. En raison de son emplacement stratégique et de la stratégie de Nanny de permettre une seule entrée et sortie de la ville, les marrons ont été capables de lutter contre les soldats anglais alors qu'ils avaient un effectif numérique inférieur. Cudjoe a continué à mener la rébellion des esclaves en Jamaïque.

Autour de l'année 1720, Nanny et Quao ont mis en place et ont contrôlé une aire dans les Blue Mountains. Cet espace, nommé Nanny Town, s'étendait sur 500 acres (2,4 km²) de terre accordée aux esclaves en fuite. Nanny Town avait un emplacement stratégique car il surplombait la rivière Stony. Sa situation permettait de repérer les ennemis à une haute altitude, ce qui rendait toute embuscade britannique impossible. En effet, la ville était située sur une crête où à 900 pieds se trouvait un précipice, et le long du précipice, il y avait une voie étroite qui menait à la ville, c'est là que Nanny avaient installé ses gardes en des points stratégiques. Afin d'avertir ses guerriers guetteurs de tout danger imminent, Nanny faisait sonner sa fameuse corne appelée abeng. Les marrons de Nanny Town ont aussi organisé des tours de surveillance pour faire face à des attaques éventuelles.

Elle avait organisé un commerce basé sur du troc de nourriture, d'armes et de vêtements, qui permettait de faire vivre sa communauté. Les marrons de Nanny Town vivaient aussi d'élevage de bétail, d'agriculture et de chasse car Nanny avait textuellement imité le mode de vie des villages africains d'Ashanti, le climat de l'île de la Jamaïque le permettait d'ailleurs très bien.

Elle était organisée à l'identique d'une tribu Ashanti typique en Afrique. Les marrons étaient aussi connus pour pratiquer des raids dans les plantations pour récupérer les biens des maitres esclavagistes et pour rechercher des armes et de la nourriture, incendiant les plantations et ramenant les esclaves à leurs communautés.

Nanny aimait organiser des plans pour libérer les esclaves. Pendant plus de 30 ans, Nanny a libéré plus de 800 esclaves et les a aidés à installer une communauté marron.

Attaques sur la ville de Nanny Town

Entre 1728 et 1734, la ville de Nanny Town et d'autres installations de marrons ont été fréquemment attaquées par les forces anglaises. Les marrons étaient mieux équipés et connaissaient mieux le terrain montagneux que les Anglais.

Après la mort de Nanny en 1733, la plupart des marrons de la Nanny Town ont voyagé à travers l'île pour rejoindre les marrons du gang Leeward. 300 hommes, femmes et enfants se sont lancés dans l'une des plus longues marches de l'histoire de la Jamaïque. Cette marche, connue comme le grand trek de Portland à St James.

En 1734, le capitaine Stoddart a attaqué les restes de Nanny Town, situé sur l'une des montagnes les plus élevées de l'île, via la seule voie disponible : « Il a trouvé que c'était abrupt, difficile, raide, rocailleux et pas assez large pour laisser le passage de deux personnes. »

Nanny ordonnait à ses guerriers de s'habiller de façon à ressembler aux arbres et aux buissons et envoyait quelques hommes pour se montrer volontairement aux soldats britanniques. Ces hommes servaient d'appât, et une fois repérés, couraient en direction des Marrons camouflés. Les soldats britanniques qui les avaient suivis étaient ainsi pris d'assaut par les marrons qui les tuaient.

Les marrons ont aussi utilisé des pièges pour duper les Anglais dans des attaques surprises. Cette réussite vient du fait que des marrons non déguisés se présentaient devant les Anglais et couraient dans la direction de marrons déguisés. Après être tombés dans ces embuscades à plusieurs reprises, les Anglais ont eu recours à leurs propres stratagèmes : le capitaine Stoddart qui commandait un détachement employé contre les Nègres de l'intérieur gagna une hauteur qui dominait Nanny près de la haute montagne nommée Carrion Crow Ridge où il établit des pierriers qui détruisirent leurs cabanes : plusieurs y furent tués, d'autres se jetèrent dans les précipices et quelques-uns furent pris.

Meneuse d'hommes et Obeah

Beaucoup dans sa communauté attribuaient les talents pour le leadership de Nanny à ses pouvoirs Obeah qui sont la résultante d'une dérivation de la religion africaine pratiquée dans le Surinam, en Jamaïque, à Trinité et Tobago, en Guyane, à Barbade, au Belize et d'autres pays caribéens. L'Obeah est un mélange de mysticisme et de magie blanche et noire. On sait par exemple qu'elle s'était moquée de certains soldats britanniques en leur demandant d'utiliser leur armes à feu sur elle. À leur grand étonnement, les balles avaient simplement glissé sur les vêtements de Nanny, rendant encore plus mystérieuse cette femme qui leur menait la vie dure depuis des années et qu'ils ne parvenaient pas à capturer. Il est fort probable que le talent de leadership de Nanny résulte de sa tribu d'origine, Ashanti, connue pour sa résistance forte aux Européens dans l'Afrique de l'ouest et le Nouveau Monde. Elle a aussi été fortement influencée par ses frères et d'autres marrons en Jamaïque.

Nanny était connue pour détenir un large savoir sur les herbes curatives et d'autres méthodes traditionnelles thérapeutiques, pratiquées par les habitants natifs de l'île et les Africains. Cela lui aurait permis de servir auprès des membres de sa communauté pour les soulager physiquement et spirituellement, ce qui en retour lui aurait permis d'élever son statut et sa renommée.

Décès

Dans le Journal of the Assembly of Jamaica des 29 et , un esclave noir qui aurait combattu dans la première guerre contre les marrons, le Capitaine Sambo, aussi connu sous le nom de William Cuffee, était cité dans la rubrique de "l'esclave loyal" en ces termes : car ce très bon Nègre a tué Nanny, la femme rebelle Obeah. En effet, entre 1728 et 1734, Nanny Town et d'autres communautés des marrons furent sévèrement attaquées par les forces britanniques, c'est à ce moment-là, en 1733, qu'elle sera tuée. Ces soldats engagés étaient connus comme les « Black Shots », « Tirs noirs ». Cuffe était probablement motivé par la récompense, une pratique courante dans les plantations pour décourager les esclaves en fuite.

Pourtant, en 1739, une parcelle de terre a été accordée à Nanny et à ses descendants appelée la ville Nanny Town. Certains affirment qu'elle a vécu comme une vieille dame, morte de causes naturelles autour de l'année 1760. La date exacte de son décès reste un mystère et la confusion vient du fait que Nanny était un terme employé comme un titre honorifique attribué aux personnes et pour désigner les personnalités d'envergure. Pourtant, les marrons étaient résolus à ne reconnaître qu'une seule Reine Nanny.

Les restes de Nanny ont été enterrés dans la tombe nommée « Bump Grave » dans la ville de Moore Town (en) par les marrons de Moore Town, une des communautés établies par les marrons Windward dans la commune de Portland.

Liens externes

Notes et références

Annexes

Bibliographie

  • (en) Karla Lewis Gottlieb, The mother of us all : a history of Queen Nanny, leader of the Windward Jamaican Maroons, Trenton, Africa World Press, , 119 p. (ISBN 978-0-86543-564-3, OCLC 38061550)
  • Portail de l’esclavage
  • Portail de la Jamaïque
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.