Traités Salt sur la limitation des armements stratégiques

Les négociations sur la limitation des armes stratégiques, mieux connues par l'acronyme Salt (abréviation de l'anglais Strategic Arms Limitation Talks), sont les noms donnés aux processus de négociations entamés en 1969 entre les États-Unis et l'URSS, qui aboutissent à la conclusion des traités Salt I en 1972 et Salt II en 1979.

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Traité Salt I

Accord intérimaire relatif à certaines mesures concernant la limitation des armes offensives stratégiques.
Type de traité Traité de contrôle et de limitation des armements
Signature
Lieu de signature Signé à Moscou en (URSS) par R. Nixon et L. Brejnev
Entrée en vigueur
Parties États-Unis et Union soviétique
Terminaison 5 ans
Dépositaire Gouvernements des États-Unis et de l'URSS.
Langues Anglais, russe

Le traité Salt I concerne les armes stratégiques offensives. Il est signé en même temps que le traité concernant la limitation des systèmes antimissiles balistiques (dit traité ABM) qui porte lui sur les armes stratégiques défensives. Le traité Salt I s'inscrit dans le cadre des obligations des États-Unis et de l'URSS en vertu de l'article VI du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

Le traité Salt II n'est finalement pas ratifié et n'entrera donc jamais en vigueur.

Contexte

La crise de Cuba de 1962 provoque une prise de conscience du danger nucléaire tant aux États-Unis qu'en Union soviétique et ouvre une période de relative stabilité dans la guerre froide. Kennedy et Khrouchtchev initient dès 1963 cette recherche d'un monde plus sûr qui repose davantage sur une parité militaro-stratégique entre les deux superpuissances que sur la tentative de prendre l'ascendant sur l'autre. Le discours de Kennedy du l'illustre spectaculairement dans lequel il affirme que « les deux pays partagent une humanité commune et un intérêt commun à éviter une catastrophe nucléaire et à construire une paix sincère ». Concrètement, les deux États établissent à partir du mois d’ une ligne de communication directe entre la Maison-Blanche et le Kremlin pour le cas où une autre crise surviendrait, et concluent le traité interdisant les essais d'armes nucléaires dans l'atmosphère, dans l'espace extra-atmosphérique et sous l'eau[1].

Leurs successeurs, Johnson et Brejnev, vont poursuivre cette politique malgré la persistance de l'antagonisme des deux puissances, particulièrement au Moyen-Orient où le conflit israélo-arabe s'exacerbe et en Asie en raison de la guerre du Viêt Nam. Dans son discours sur l’état de l’Union de , Johnson déclare « notre but n’est pas de continuer la guerre froide mais d’y mettre un terme ». En URSS, la destitution de Khrouchtchev et la mise en place d'une nouvelle direction collégiale où Brejnev va progressivement s'imposer comme l'homme fort notamment sur les sujets de relations internationales se traduit par une période de transition, peu propice aux grandes initiatives sauf dans le domaine du rattrapage du retard pris sur les Américains dans la compétition nucléaire.

En 1961, Kennedy avait lancé le programme Minuteman, consistant à placer en silos protégés environ 1 000 ICBMs et le programme Polaris, consistant à déployer environ 650 SLBM lancés depuis 41 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). À la charnière des années 1950-1960, les Soviétiques avaient donné la priorité au déploiement de fusées à moyenne portée SS-4 et SS-5 pouvant frapper le continent européen et son pourtour mais incapables d’atteindre les États-Unis. Changeant de priorité, les Soviétiques déploient dans la seconde moitié des années soixante des ICBM lourds SS-9 (destinés à contrer le Titan américain) et des ICBM SS-11 en silos souterrains bétonnés au rythme de 200 à 300 par an. À la fin de la décennie soixante, les Soviétiques disposent de plus d'ICBM que les Américains[1].

Traités de réduction des armes nucléaires signés par
les États-Unis et l'URSS / Russie
Sigle Année
signature
Année
ratification
Salt I 1972 1972
Salt II 1979
INF 1987 1988
Start I 1991 1994
Start II 1993 1996 États-Unis
2000 Russie
Sort 2002 2003
New Start 2010 2011

Dans les années 1968-1969, les arsenaux stratégiques des deux superpuissances se trouvent en situation de parité. Les deux protagonistes reconnaissent que, sans accord sur des limites concertées, la course aux armements nucléaires risque à la fois d’imposer aux économies des coûts insupportables et de menacer la stabilité internationale peu à peu établie depuis 1962. La stabilité de leur relation stratégique devient pour les deux superpuissances un acquis plus important que les idéologies et les ambitions qui les opposent. La rencontre de Glassboro entre le président Johnson et le Premier ministre Kossyguine en marque le premier pas vers le processus de contrôle des armements[2]. Il est de l'intérêt de chaque partie de planifier en commun l'évolution future des arsenaux pour éviter les risques de voir l'autre prendre un avantage unilatéral décisif[1].

À partir de 1969, Nixon et son conseiller Kissinger, engagent une politique extérieure réaliste et volontariste, largement compatible avec les vues de Brejnev, qui est convaincu de l'impossibilité de gagner une guerre nucléaire et recherche, maintenant que la parité militaire est atteinte, la reconnaissance de l'URSS comme une superpuissance politique sur un pied d'égalité avec les États-Unis. Des négociations sont engagées qui aboutissent le à un premier Accord relatif à certaines mesures destinées à réduire le risque de déclenchement d'une guerre nucléaire « afin d'éviter que des armes nucléaires soient utilisées accidentellement ou sans autorisation »[1],[3].

Accords Salt I

Le , jour d'investiture de Nixon, l'Union soviétique exprime sa volonté de discuter de limitation des armements stratégiques. Les pourparlers s'engagent le sur les armements stratégiques offensifs et sur les systèmes défensifs. Les deux parties se retrouvent rapidement dans une impasse en raison d'un désaccord sur les types d'armes à inclure dans le traité : l'URSS insiste pour que les systèmes nucléaires américains en Europe soient inclus dans l'équation stratégique, tandis que les États-Unis veulent qu'ils soient traités dans un forum différent, en même temps que les systèmes soviétiques à courte et moyenne portée. Le , les États-Unis et l'URSS annoncent être parvenus à un accord préliminaire sur deux documents séparés, un accord intérimaire de limitation de certains systèmes offensifs stratégiques et un traité visant à limiter les systèmes ABM[4].

Le traité Salt I est signé le à Moscou entre les Américains et les Soviétiques par Richard Nixon et Léonid Brejnev. Son nom officiel est Accord intérimaire entre les États-Unis d'Amérique et l'Union des républiques socialistes soviétiques relatif à certaines mesures concernant la limitation des armes offensives stratégiques. Le traité Salt I est ratifié le par les États-Unis et l'Union soviétique[4].

Cet accord provisoire est valable pour une durée de cinq ans. Il expire donc le , toutefois, les États-Unis annoncent le qu'ils continueront de l'observer tant que se poursuivront en parallèle les négociations relatives au traité Salt II. L'Union soviétique fait une annonce similaire le [4].

Cet accord n’entraîne pas de réduction des armements stratégiques offensifs ni aucune forme de désarmement, mais, pour la première fois, fixe un plafond au niveau atteint au moment de sa conclusion pour deux catégories d'armements : les missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) et les missiles balistiques lancés depuis des sous-marins[5]. Les bombardiers stratégiques et les autres armes nucléaires américaines et soviétiques déployées en Europe ne sont pas couvertes par cet accord[6].

Accords Salt II

Jimmy Carter et Léonid Brejnev signent l'accord Salt II à Vienne (Autriche) le .

Les négociations continuent entre les deux grandes puissances. Le à Vienne, Jimmy Carter pour les Américains et Léonid Brejnev pour les Soviétiques signent le traité Salt II. Celui-ci apporte des limitations supplémentaires par rapport à Salt I et définit un plafond précis de bombardiers et de lance-missiles tolérés, ce qui implique la destruction du surnombre. Il interdit également l'envoi d'armes nucléaires dans l'espace et le Fractional Orbital Bombardment System.

Du fait de la dégradation des relations Est-Ouest, due au constat en 1978-1979 que l'URSS profitait davantage que les États-Unis de la détente, le Sénat des États-Unis refusa pendant six mois les sollicitations du Président Carter de ratifier le traité et le président renonça finalement à cette requête après l'invasion soviétique en Afghanistan. On a fait remarquer toutefois que l'intervention du intervenant six mois après la signature du traité alors qu'il avait fallu seulement quatre mois (-) pour obtenir la ratification du traité SALT entre Nixon et Brejnev, ce refus persistant a peut-être levé les hésitations du Kremlin à répondre positivement aux demandes insistantes d'intervention, formulées par le gouvernement afghan depuis le printemps 1979 à l'Union Soviétique[7]. Toutefois, même sans avoir été ratifié, les termes du traité furent respectés dans la pratique.

Limites prévues par les traités Salt

Plafonds autorisés par les traités Salt
Élément caractéristique du traité Salt I Salt II
Date signature
Date entrée en vigueur Non-ratifié
Plafonds sur les lanceurs


États-Unis URSS États-Unis /
URSS
dont Mirvés

[N 1]

ICBM 1054 1618 2250 820 1200 1320
SLBM 656 950
Bombardiers / ASBM[N 2] Libre Libre
Bombardiers / ALCM[N 3]
Bombardiers / Bombes[N 4]

Notes relatives au tableau

  1. Lanceurs équipés de têtes multiples (en anglais MIRV pour Multiple Independant Reentry Vehicle)
  2. ICBM : missile balistique Air-Sol - En pratique, ce type d'arme n'a jamais atteint le stade opérationnel - L'exemple le plus avancé en est le Skybolt, abandonné fin 1962.
  3. ALCM : missile croisière Air-Sol d'une portée supérieure à 600 km.
  4. Bombardier équipé de bombes et non-équipé d'ASBM ou de ALCM.

Notes

    Sources

    Références

    1. Il y a quarante ans, les accords Salt 2013
    2. « Nous nous sommes mis d'accord avec M. Kossyguine pour construire " un monde de paix pour nos petits-enfants " », Le Monde, (lire en ligne)
    3. « Accord entre les États-Unis et l'Union soviétique sur les mesures pour réduire le risque de début de guerre nucléaire (Washington, 30 septembre 1971) », sur Cvce.eu, (consulté le )
    4. NTI SALT I 2011
    5. Georges Ayache et Alain Demant, Armements et désarmements depuis 1945, Paris, Editions Complexe,
    6. Il y a quarante ans, les accords Salt
    7. La Politique extérieure des Etats-Unis de 1945 à nos jours

    Textes officiels

    Autres ouvrages

    • Claude Cartigny, « Il y a quarante ans, les accords Salt », Recherches internationales, no 94, , p. 155-170 (lire en ligne).
    • Georges Fischer, « Les accords Salt II », Annuaire français de droit international, vol. 25, , p. 129-202 (lire en ligne).
    • Pierre Mélandri, La Politique extérieure des Etats-Unis de 1945 à nos jours, PUF, , 2e éd., 328 p. (ISBN 978-2-13-046680-2).
    • (en) Nuclear Threat Initiative (NTI), Strategic Arms Limitation Talks (SALT I), (lire en ligne).
    • (en) Nuclear Threat Initiative (NTI), Strategic Arms Limitation Talks (SALT II), (lire en ligne).
    • (en) U.S. Department of State, Strategic Arms Limitation Talks (SALT I) (narrative) (lire en ligne).
    • (en) U.S. Department of State, Treaty Between The United States of America and The Union of Soviet Socialist Republics on the Limitation of Strategic Offensive Arms (SALT II), (lire en ligne).
    • (en) Notburga K. Calvo-Goller & Michael A. Calvo, The Salt Agreements : Content, Application, Verification, Martinus Nijhoff Publishers, , 428 p. (ISBN 978-90-247-3547-1, lire en ligne).

    Compléments

    Articles connexes

    Liens externes

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