Muhammad Nasir-ud-Din al-Albani

Muhammad Nasir-ud-Din al-Albani (en arabe : محمد ناصر الدين الألباني), né en 1914 à Shkodër (Albanie) et mort apatride le à Amman (Jordanie), est un théologien, juriste et savant de l'islam, spécialisé dans la jurisprudence islamique et dans l'authentification des hadiths.

Biographie

Cheikh Al-Albani grandit dans une famille musulmane pauvre de la ville de Shkodër, dans le nord de l'Albanie[1]. Sa famille quitte le pays pendant le règne de Zog Ier pour s'installer à Damas, en Syrie.

C'est là qu'il commence à étudier l'arabe, le Coran, les hadiths et la jurisprudence islamique, en grande partie de façon autodidacte[2] mais aussi auprès de son père et de théologiens et juristes locaux, tout en travaillant comme charpentier puis horloger. Il passe beaucoup de son temps libre à al-maktaba al-zahriyya et lit de nombreuses publications, notamment Al-Manar[3]. Il acquiert une notoriété croissante, commence à enseigner et à rédiger des ouvrages d'exégèse et de jurisprudence. Il écrit plusieurs articles publiés dans la revue Al-Manar (magazine).

Il devient au cours de la deuxième moitié du XXe siècle l'une des principales figures de référence au sein des courants salafistes, au sein desquels il promeut une option quiétiste, impliquant l'obéissance aux autorités politiques en place.

Au cours des années 1960, il est invité à enseigner à l'université islamique de Médine, en Arabie saoudite, où ses positions vont à l'encontre de celles défendues par la majorité des théologiens et juristes. En effet, il s'oppose aux théologiens locaux qu'il considère comme étant trop proches du hanbalisme, qu'il considère comme étant éloigné de la voie des salaf[3]. Il fait le même constat au sujet de Mohammed Ben Abdelwahhab, qu'il estime par ailleurs comme n'étant pas compétent dans le domaine de la sunna (sources? ) . Il n'y reste que peu de temps avant de retourner en Syrie après avoir remis en cause l'obligation pour la femme de se couvrir le visage. Il reviendra brièvement à La Mecque au cours des années 1970 en tant que responsable de l'enseignement supérieur du droit islamique, mais il rencontre beaucoup d'opposition et rentre, de nouveau, en Syrie. Après avoir été placé en résidence surveillée par les autorités syriennes à plusieurs reprises au cours des années 1970, il s'installe en Jordanie en 1979, où il passe les vingt dernières années de sa vie[3].

Positions

Al-Albani est considéré comme l'une des principales figures savantes d’Arabie Saoudite au XXe siècle. Il rejette l'opinion dans le sunnisme suivant laquelle les musulmans doivent se tourner vers un madhab (école juridique) pour y trouver une jurisprudence (fiqh) mais que l’on peut s’y référencer tout en suivant des savants contemporains. Durant une grande partie de sa vie il s’est consacré à l’étude des hadiths et de leur chaîne de transmission, ses avis juridiques étant pour certains controversés[4]. Il a fait l'objet de nombreuses critiques détaillées de la part d'autres auteurs, notamment Abdullah al-Harari (fondateur de l'organisation al-Ahbash), Habib al-Rahman al-'Azmi, Abdullah al-Ghumari, Mohamed Saïd Ramadân al Boutî ou encore Abd al-Fattah Abu Ghudda.

Il rejette généralement les interprétations trop littérales, ainsi que celles qui conduisent à la violence ou au rejet de l'autorité politique. Pour lui, les musulmans doivent, avant tout, purifier leurs croyances et leurs pratiques ; la victoire sur l'erreur et l'incroyance ne dépend que de Dieu[5].

Parmi ses positions les plus controversées, on trouve : le rejet du mihrab dans les mosquées (considérant qu'il s'agit d'une bidʻa)[6], la possibilité de prier en portant ses chaussures, sa recommandation aux Palestiniens de quitter les Territoires occupés s'ils sont opprimés, dans lesquels il estime que les conditions dans certaines régions ne sont pas réunies pour qu'ils puissent pratiquer leur foi[7], l'interdiction pour les femmes de porter l’or « circulaire »[8], son opinion suivant laquelle les femmes n'ont pas nécessairement à couvrir leur visage dans l'espace public, son point de vue selon lequel le commandeur des croyants doit descendre de la tribu des Quraych[9] etc.

Rejetant également l'exégèse de Ben Abdelwahhab, qu'il estime suivant l'école hanbalite plutôt que les salaf, il estime que le croyant doit pouvoir interpréter les textes religieux[10].

Il remet aussi en cause l'authenticité de plusieurs hadiths reconnus comme authentiques par les hanbalites et il a authentifié d'autres hadiths généralement considérés comme non authentiques. Il estime que la science du hadith est la base de la théologie[3].

Sa position sur le conflit en Palestine

Al-Albâni a émis une fatwâ dans laquelle il juge obligatoire que les Palestiniens laissent leurs terres aux Israéliens.

« Question : Est-il permis aux gens d'ad-Difa al-Gharbiyya de quitter leurs terres et d'émigrer dans un autre pays ?

Réponse (d'Al-Albâni) : C'est un devoir pour eux de partir ! Ô mon frère, c'est un devoir de quitter une terre dans laquelle on est dans l'incapacité de repousser le mécréant, pour aller dans une terre dans laquelle ils puissent pratiquer l'islam »[11].

Al-Albâni justifie cette fatwâ – qualifiée de « sioniste » – en établissant un parallèle entre la situation en Palestine et le fait que Mahomet, victime de violences et de pressions de la part des marchands de La Mecque, a lui-même effectué l'émigration à Médine. Les critiques d'al-Albâni lui opposent que Mahomet a reçu une révélation de Dieu qui lui enjoint de quitter La Mecque, et que, de plus, les musulmans étaient minoritaires dans cette ville, ce qui n'est pas le cas dans la Cisjordanie du XXe siècle.

Œuvres

Il est l'auteur de 217 livres dans les domaines des hadith mais aussi en fiqh et aqidah,[12] parmi lesquels on compte:

  • At-Targhib wa't-Tarhib
  • At-Tasfiyah wa't-Tarbiya
  • At-Tawassulu: Anwa'uhu wa Ahkamuhu
  • Irwa al-Ghalil
  • Talkhis Ahkam al-Jana'iz
  • Sahih wa Da'if Sunan Abu Dawood
  • Sahih wa Da'if Sunan at-Tirmidhi
  • Sahih wa Da'if Sunan ibn Majah
  • Al-Aqidah at-Tahawiyyah Sharh wa Ta'liq
  • Sifatu Salati An-Nabiyy
  • Silsalat al-Hadith ad-Da'ifa
  • Silsalat al-Hadith as-Sahiha
  • Salat ut-Tarawih
  • Fatâwî al-Albânî fî al-Madînah wa al-Imârât

Notes et références

  1. (en) Joas Wagemakers, Salafism in Jordan: Political Islam in a Quietist Community, Cambridge, Cambridge University Press, 2016, p. 100, (ISBN 978-1-10716-366-9).
  2. (en) Stéphane Lacroix et George Holoch, Awakening Islam, Harvard University Press, 2011, p. 119, (ISBN 9780674061071).
  3. « Les islamistes saoudiens », sur Google Books (consulté le ).
  4. (en) Anabel Inge, The Making of a Salafi Muslim Woman: Paths to Conversion, Oxford University Press, 2016, p. 25, (ISBN 9780190611675).
  5. (en) Jonathan A.C. Brown, Misquoting Muhammad: The Challenge and Choices of Interpreting the Prophet's Legacy, Oneworld Publications, 2014, p. 129 (ISBN 978-1780744209).
  6. Stephane Lacroix, Al-Albani's Revolutionary Approach to Hadith. Leiden University's ISIM Review, Spring 2008, No. 21. Page 6
  7. Stephane Lacroix et George Holoch, Awakening Islam, Harvard University Press, , 373 p. (ISBN 978-0-674-04964-2, lire en ligne), p. 87
  8. (en) Jonathan Brown, The Canonization of Al-Bukhari and Muslim : The Formation and Function of the Sunni Hadith Canon, Leiden, BRILL, , 431 p. (ISBN 978-90-04-15839-9, lire en ligne), p. 325
  9. Jonathan Kahn et Vincent Lloyd, Race and Secularism in America, Columbia University Press, , 304 p. (ISBN 978-0-231-54127-5, lire en ligne), p. 130
  10. « Salafisme (1) : Origines et évolutions doctrinales - Les clés du Moyen-Orient », sur www.lesclesdumoyenorient.com (consulté le ).
  11. Par Sunnite, « Al-Albâni (wahhabite) : sa fatwâ sioniste demandant aux Palestiniens de quitter leur pays », sur Islam Sunnite, (consulté le )
  12. Hamdeh, Emad (2021). Salafism and Traditionalism: Scholarly Authority in Modern Islam. Cambridge University Press. p. 41.

Liens externes

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